L’Afghanistan connaît des conflits depuis 38 ans. La République démocratique du Congo depuis 20 ans. La Somalie depuis 17 ans. L’Iraq et le Soudan depuis 13 ans. La Syrie depuis 5 ans. Ces conflits, et de nombreux autres conflits à long terme dans le monde, absorbent 80 % du financement humanitaire, déplacent des familles pendant des décennies, entraînent des appels humanitaires d’année en année et coûtent une fortune. En 2014, le coût économique des conflits était estimé à 13 % de l’économie mondiale. Alors qu’un séisme, un tsunami, un cyclone, une inondation ou une éruption volcanique peuvent survenir à n’importe quel moment, un conflit est un phénomène créé par l’homme qui constitue un obstacle à la réponse aux besoins humanitaires. Nous pouvons agir pour y remédier.

Le besoin urgent de définir de meilleures solutions pour répondre aux besoins de millions de personnes dont la vie est déchirée par un conflit et par la violence a été l’une des raisons pour laquelle le Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon a décidé de convoquer le Sommet mondial sur l’action humanitaire qui aura lieu les 23 et 24 mai 2016 à Istanbul. Ce Sommet réunira des dirigeants, des praticiens, des investisseurs, des universitaires et des innovateurs de toutes les régions et de tous les horizons afin de débattre et de s’engager à améliorer la fourniture de l’aide aux personnes les plus vulnérables dans le monde. Alors que nous allons de l’avant, nous réalisons que ces changements ne seront efficaces que si les dirigeants consacrent leurs efforts à trouver des réponses à quatre défis complexes qui entravent nos progrès : prévenir et régler les conflits, promouvoir le droit humanitaire international, mettre en place de meilleures solutions pour les populations déplacées de force et repenser le financement de l’aide humanitaire.

En premier lieu, lors du Sommet et au-delà, nous demanderons aux dirigeants d’affirmer une volonté politique accrue pour prévenir et faire cesser les conflits – ce qui aurait des effets positifs considérables pour des millions de personnes dans le monde. Comme le dit Abu Mohammed, un père de famille vivant à Sanaa (Yémen), une ville déchirée par les conflits, qui est retourné dans ce qui reste de son ancienne maison : « La sécurité. C’est tout ce dont nous avons besoin. La sécurité et la protection. Le reste n’est pas aussi important. » Au cours des mois et des années à venir, nous devons démontrer la volonté ferme d’améliorer l’efficacité des actions rapides en nous appuyant sur une analyse rigoureuse des risques; mettre davantage l’accent sur la réduction des risques en consolidant, entre autres mesures, le soutien apporté aux États fragiles; et nous attacher à renforcer les effets de la médiation et du règlement des conflits.

Deuxièmement, nous devons faire davantage pour mettre en pratique les règles de droit humanitaire international qui lient tous les États et visent à protéger les populations civiles des conflits et de la violence. Dans les situations de conflit modernes, ces règles sont trop souvent violées avec impunité : les civils vivent assiégés, au bord de la famine et sont tués dans leurs habitations, dans leur lit d’hôpital, dans les marchés et dans les écoles par des bombardements aveugles. Les travailleurs humanitaires et les équipes de services de santé courent souvent le risque d’être détenus, enlevés ou tués lorsqu’ils tentent de venir en aide aux personnes dans le besoin. Lors du Sommet et ensuite, nous chercherons à renforcer la mise en œuvre de ces lois et de ces normes par des actions concrètes. Ces actions traiteront tous les aspects de la mise en œuvre du droit humanitaire international, incluront l’engagement des États, des militaires et de la société civile en vue de recueillir des données concernant les conséquences humanitaires de l’emploi d’armes explosives à large champ d’action dans les zones habitées. Elles comprendront l’application d’une plus grande pression politique sur les parties en conflit lorsqu’elles refusent arbitrairement l’accès humanitaire et l’engagement des militaires de prendre des mesures concrètes pour améliorer le ciblage afin de réduire les attaques contre les hôpitaux et les établissements de santé.

Troisièmement, les conflits, nouveaux et prolongés, ainsi que la mise en œuvre affaiblie des lois internationales ont contribué à la plus grave crise de déplacements forcés depuis la Deuxième Guerre mondiale. Cinq pays enlisés dans la violence ont conduit au déplacement forcé de plus de la moitié de leur population à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de leurs frontières à la fin de 2014. Lors du Sommet et ensuite, nous attendons que les dirigeants prennent des engagements juridiques, politiques et opérationnels afin de mieux répondre aux besoins et aux droits des personnes déplacées dans leur propre pays et à ceux des réfugiés. Nous recherchons des solutions durables qui permettent à ces personnes de choisir la voie de l’autonomie par le travail et l’éducation, de vivre dans la dignité, de non seulement survivre, mais de prospérer, selon les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays. Alors que le partage du fardeau concernant la crise des réfugiés est une source de tensions – sept pays accueillent actuellement plus de la moitié des réfugiés dans le monde – nous œuvrerons aussi à établir un cadre international plus efficace pour le partage équitable des responsabilités concernant le mouvement de réfugiés. Ces solutions comprendront des éléments politiques, économiques, sociaux et humanitaires et s’appliqueront aux populations déplacées ainsi qu’aux pays et aux communautés d’accueil.

Finalement, nous devons surmonter le défi du financement qui entrave l’action humanitaire depuis des années. De 2004 à 2014, le coût de l’aide humanitaire a augmenté de plus de 600 % et malgré la générosité des donateurs, en 2015, nous faisons face au déficit de financement de l’intervention humanitaire le plus important dû à une demande croissante. Nous devons briser ce cycle de besoins et de déficits croissants en changeant la façon dont nous concevons et finançons les besoins humanitaires à leur source même. Les partenaires, y compris les acteurs humanitaires et du développement, le secteur privé et les investisseurs gouvernementaux doivent travailler ensemble, faisant de la réduction des vulnérabilités notre objectif central. Avec cet objectif à l’esprit, nous remplacerons le financement à court terme des projets individuels par un financement et une programmation souples, pluriannuels, en mettant davantage l’accent sur les partenaires de financement nationaux et les gouvernements. L’expansion et la diversification de notre base de ressources doivent faire partie de la solution, comme le recommande le Groupe de haut niveau sur le financement de l’action humanitaire. Cela implique la recherche d’options de financement innovantes, allant de l’assurance contre les risques aux filets de protection sociale et à la diversification de la base du financement humanitaire pour inclure les groupes de la diaspora, le secteur privé ainsi que de nombreuses autres parties prenantes. C’est seulement en changeant la façon dont nous concevons le financement de mesures de réduction de la vulnérabilité que nous pourrons mettre un terme à la pratique qui consiste à demander des ressources supplémentaires chaque année, puis à se plaindre qu’un autre déficit de financement sans précédent a été enregistré à la fin de l’année.

À l’approche du Sommet, j’attends des éclairages, des idées et des engagements audacieux de la part des parties prenantes, tous secteurs confondus, afin de surmonter les obstacles des années à venir. Ce Sommet doit marquer un tournant à partir duquel nous nous engagerons à placer la protection des personnes les plus vulnérables au cœur de notre action collective et de notre responsabilité partagée.