L’eau est distribuée par un contingent rwandais de l’opération hybride de l’Union africaine et des Nations Unies au Darfour (MINUAD) à Tora, au nord du Darfour. La source d’eau la plus proche est à 1,5 heure et des ânes sont régulièrement utilisés pour transporter l’eau jusqu’au village. 29 juillet 2009.    ©UN PHOTO/ OLIVER CHASSOT​

 

 

Introduction

L’eau douce est une ressource essentielle à la santé humaine, à la prospérité et à la sécurité. Elle est aussi essentielle à l'éradication de la pauvreté, à l’égalité des sexes, à la sécurité alimentaire et à la préservation des écosystèmes. Pourtant, les ressources hydriques sont soumises à des pressions de plus en plus fortes dues à des facteurs comme la croissance démographique, la variabilité du climat et le changement climatique. Alors qu’elle est limitée, l’eau est de plus en plus sollicitée par une population croissante et des usages de plus en plus nombreux.

L’Organisation internationale pour les migrations reconnaît que le changement climatique et la migration sont les questions politiques les plus urgentes de notre époque. En effet, la communauté internationale reconnaît la relation entre la variabilité du climat et la disponibilité des ressources en eau qui a des incidences négatives sur la sécurité alimentaire et la stabilité sociale et donne lieu à des mouvements migratoires dans le monde qui ne cessent d’augmenter. Dans ce contexte, il est crucial que la communauté internationale réunisse des connaissances scientifiques solides afin d’aider les pays à mieux gérer leurs ressources en eau et à mieux répondre aux défis liés à l’eau afin d’assurer la sécurité de l’approvisionnement en eau en mettant en œuvre l’objectif de développement durable (ODD) 6.

L’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) œuvre à cette fin depuis 40 ans par le biais de sa Division des sciences de l’eau et, plus précisément, des États Membres du Programme hydrologique international (PHI), le seul programme intergouvernemental du système des Nations Unies consacré à la recherche dans le domaine de l’eau ainsi qu’à la gestion des ressources en eau, à l’éducation et au renforcement des capacités. Initialement un programme sur la recherche hydrologique coordonné à l’échelle internationale, il constitue aujourd’hui une approche globale visant à faciliter l’éducation et à améliorer la gestion et la gouvernance des ressources en eau. La Division des sciences de l’eau de l’UNESCO offre un cadre qui réunit les chercheurs scientifiques et les décideurs, bénéficiant du réseau étendu de la famille de l’eau qui comprend le PHI, le Programme mondial pour l’évaluation des ressources en eau (WWAP) ainsi que les centres et les chaires de l’Unesco relatifs à l'eau.

La création des sociétés du savoir par l’UNESCO est basée sur le principe que l’accès de tous à l’information et au savoir est essentiel pour construire la paix, promouvoir le développement économique durable et offrir des approches adaptées aux différentes cultures et tenant compte des disparités entre les sexes afin de répondre aux défis liés à l’eau.

PARTIE I : répondre aux besoins des états membres

À tous les niveaux, l’éducation relative à l’eau doit être améliorée si nous voulons répondre aux défis mondiaux. Elle débute dès le plus jeune âge, à l’école, afin de faire évoluer les mentalités vers la reconnaissance de l’importance de cette ressource vitale. Au niveau local, les stratégies d’éducation peuvent promouvoir la conservation de l’eau à l’échelle de la communauté et améliorer les compétences dans le domaine de la cogestion des ressources en eau. La participation des jeunes peut jouer un rôle important en sensibilisant les autres membres de la communauté. Les objectifs visés comprennent aussi le renforcement des capacités dans l’éducation relative à l’eau au niveau tertiaire, en particulier dans les pays en développement. Toutefois, cette éducation va au-delà de l’enseignement des sciences hydrologiques. L’UNESCO sollicite aussi la participation des professionnels des médias pour communiquer des informations précises et détaillées sur les questions liées à l’eau. La collaboration entre les différents domaines de l’éducation est essentielle pour développer des outils, des directives, des documents d’information, des programmes de développement professionnel et des études de cas.

L’éducation relative à l’eau comprend aussi la nécessité de développer des connaissances scientifiques par le biais de la formation de spécialistes. La formation professionnelle continue des parties prenantes, par exemple, dans le cadre de l’Institut pour l’éducation relative à l’eau de catégorie 2 (IHE Delft) de l’UNESCO, hébergé aux Pays-Bas, permet d’accroître les connaissances sur les ressources en eau et les questions liées à l’eau et d’assurer la mise en œuvre de projets et de politiques qui appliquent les concepts scientifiques d'une gestion durable.

Dans le cadre de cette initiative, la coopération entre les organisations internationales, les professionnels et les chercheurs joue un rôle crucial dans le développement durable et le renforcement des connaissances scientifiques dans le domaine de l’eau. En effet, ces réseaux permettent de remédier à l’insuffisance des connaissances en facilitant le transfert, l’échange et le partage de l’expertise entre les institutions, les universités, la société civile, les communautés locales, les chercheurs et les décideurs. Ces processus de coopération encouragent aussi la coopération Nord-Sud et Sud-Sud. Les réseaux, comme la famille de l’eau de l’UNESCO, composée de 48 chaires et de 36 centres et instituts relatifs à l’eau, se penchent sur la sécurité de l’approvisionnement en eau ainsi que sur d’autres défis liés à l’eau en développant de nouvelles connaissances, des technologies innovantes, des programmes de recherche scientifique collaborative interdisciplinaire, des réseaux, la formation et des capacités. Dans les domaines où l’expertise fait défaut, les chaires et les centres sont devenus des pôles d’excellence et d’innovation contribuant à développer des atouts régionaux. 

PARTIE II : importance de l’accès de tous à l’information

L’accès à l’eau potable saine, salubre, à un prix abordable, et à l’assainissement est reconnu comme un droit de l’homme, mais les moyens et la gouvernance varient selon les pays et les continents. Les connaissances et l’information ont une incidence importante sur la gestion des ressources en eau et donc sur la vie des populations. L’accès de tous à l’information est une condition fondamentale pour construire des sociétés pacifiques, démocratiques et inclusives, ce qui est au cœur du mandat de l’UNESCO. Pour réaliser l’objectif 6 au niveau mondial, il est absolument nécessaire d’améliorer l’accès aux données et d'encourager la diffusion des connaissances. Le partage des contenus, des technologies et des processus par le biais de la sensibilisation, la formulation de politiques et le renforcement des capacités permet d’élargir l’accès à l’information. Cela permet aux parties prenantes, aux chercheurs, aux étudiants et aux éducateurs du monde entier d’avoir un accès sans précédent aux connaissances, à l’information et aux technologies.

Le manque d’informations détaillées, d’indicateurs appropriés et de capacités représente un défi important pour les pays. En effet, sans la possibilité de traiter les données brutes, de les analyser et de les transformer en informations et en connaissances sous une forme qui peut être comprise et utilisée par les décideurs, l’accès aux données ne servira pas à grand-chose, même si celles-ci sont très nombreuses. Fournir des outils en libre accès, comme le Système de réseau d’information sur l’eau PHI-WINS ou le portail de données océanographiques1, qui offrent tous les deux des données géospatiales, permet le partage d’informations claires et directes et crée une base solide à la prise de décision. Par exemple, en 2008, le BGR et UNESCO-PHI ont publié la première carte mondiale des 273 aquifères transfrontières partagés. Lorsqu’elle a été mise à jour en 2015, il n’en restait que 592. Cette information est disponible grâce au PHI-WINS.

Face à la nécessité de disposer d’informations fiables pour traiter efficacement la question complexe de la gestion des ressources hydriques, un certain nombre d’outils et de méthodologies ont été développés. Ils combinent différents types de données qui tirent parti des technologies de l’information et de la communication (TIC) et fournissent des modèles pour répondre aux défis posés par la sécurité de l’approvisionnement en eau. La Division des sciences de l’eau de l’UNESCO encourage l’utilisation de ces technologies dans diverses activités comme, par exemple, la mise en place de systèmes de surveillance du climat en Amérique latine et en Afrique, le renforcement des capacités des États Membres à mettre en place des alertes en cas d’inondation en Asie du Sud et à les gérer ainsi que le développement de la gestion des risques climatiques dans les zones urbaines.

Associant le libre accès et les TIC, le modèle de logiciel libre et gratuit (FOOS) fournit des outils et des processus intéressants pour créer, échanger, partager et exploiter efficacement le logiciel et les connaissances pour la gestion des ressources en eau. Outil pratique pour le développement, FOSS peut jouer un rôle important, car ses caractéristiques en font un instrument utile pour réduire l’écart entre les pays industrialisés et ceux des économies émergentes.

Les connaissances liées à la gestion de l’eau ne sont pas limitées aux informations scientifiques. Dans les communautés rurales et autochtones, le savoir local est à la base des décisions et d'une gestion des ressources en eau adaptées aux besoins locaux. Alors qu’elles étaient jusqu’alors considérées comme des utilisatrices des ressources, les populations autochtones sont aujourd’hui reconnues comme des partenaires essentiels dans la gestion de l’eau. Ainsi, le programme des Systèmes de savoirs locaux et autochtones (LINKS)2 offre une initiative interdisciplinaire afin que les communautés locales jouent un rôle actif et équitable dans la gestion des ressources, surmontant les obstacles créés par les différences entre les points de vue scientifiques et autochtones.

La diffusion des connaissances et l’échange des meilleures pratiques sont importants pour faciliter la communication entre les spécialistes, les professionnels locaux et les décideurs. Le Rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau est un bon exemple. Il vise à fournir aux décideurs des outils pour mettre en œuvre une utilisation durable de l’eau et à présenter les meilleures pratiques ainsi que des analyses théoriques approfondies afin d’encourager les idées et les initiatives pour améliorer la gestion du secteur de l’eau. Coordonné par le WWAP de l’UNESCO, le Rapport est un effort commun des institutions des Nations Unies et des entités qui sont membres du Groupe de travail ONU-Eau en partenariat avec des gouvernements, des organisations internationales, des organisations non gouvernementales et d’autres parties prenantes.

PARTIE III : renforcer les connaissances par le biais du programme 2030 et des objectifs de développement durable

Le renforcement des connaissances scientifiques liées aux ressources en eau dépend aussi de la capacité des professionnels de l’eau à établir des liens, à coopérer et à œuvrer à la réalisation d’objectifs communs. C’est d’ailleurs même plus important, puisque l’accès de tous à l’eau ainsi qu'une gestion saine sont essentielles à la réalisation de plusieurs objectifs et cibles des ODD. Ces connaissances peuvent donc contribuer à mettre en œuvre le Programme 2030.

Le Rapport mondial des Nations Unies sur la valorisation de l’eau 2016 a fait valoir que trois emplois sur quatre dans le monde sont dépendants de l’eau et que les pénuries d’eau ainsi que le manque d’accès à l’eau peuvent limiter la croissance économique dans les années à venir3. La gestion durable des ressources en eau et la fourniture de services liés à l’eau peuvent donc avoir une incidence positive sur la croissance de l’emploi et la qualité des emplois. En résumé, réduire le chômage des jeunes, l’inadéquation des compétences et les inégalités entre les sexes dans le secteur de l’eau peut contribuer à assurer la sécurité de l’approvisionnement en eau au niveau mondial. Il est possible de relever ces défis en renforçant l’éducation et les capacités à tous les niveaux. Cet objectif intègre les aspects économiques, sociaux et environnementaux et reconnaît la relation étroite entre l’eau (ODD 6), l’éducation (ODD 4) et l’emploi (ODD 8) dans la réalisation du développement pour tous.

Le Programme 2030 offre une base au renforcement des connaissances scientifiques dans certains domaines liés à l’eau. Par exemple, avec les connaissances fiables des eaux de surface, la première phase du suivi de l’indicateur 6.5.2 des ODD sur la coopération transfrontière, dont l’UNESCO est coresponsable, mettra probablement l’accent sur les défis que les pays rencontrent dus aux lacunes dans les connaissances relatives aux eaux souterraines. L’absence de coopération officielle, opérationnelle en matière de ressources en eaux souterraines vient en partie des connaissances scientifiques et techniques limitées concernant l’emplacement des aquifères transfrontières, leur étendue et d’autres caractéristiques physiques. En ce sens, le Programme 2030 est une occasion unique pour l’UNESCO-PHI et les organismes des Nations Unies de continuer à développer les connaissances scientifiques concernant la gestion des eaux souterraines aux niveaux national, mondial et transfrontière.

Afin de sensibiliser les pays aux progrès réalisés dans la réalisation de l’ODD 6 et de les aider à élaborer une feuille de route vers un développement plus durable, une équipe spéciale dirigée par le WWAP de l’UNESCO a été nommée pour produire le Rapport de synthèse sur l’ODD 6 relatif à l’eau et à l’assainissement 20184afin de donner un aperçu de la mise en œuvre de l’ODD 6 aux niveaux mondial et régional. Au cours de ce processus, la technologie et l’innovation devraient permettre d’améliorer la base de connaissances générales sur les ressources en eau.

De plus, il est crucial d’élaborer des initiatives communes réunissant la communauté internationale et de fournir un cadre qui permet de communiquer les informations et de répondre aux problèmes et aux besoins. C’est l’objectif de la Décennie internationale d’action « L’eau et le développement durable » 2018-2028, qui réunit les partenaires de l’eau en vue de promouvoir la coopération et de sensibiliser les pays à la gestion durable des ressources en eau.

Conclusion

C’est grâce à la recherche scientifique et à la coopération que nous pourrons remédier à l’insuffisance des connaissances qui nous empêche de trouver des solutions durables pour la sécurité de l’approvisionnement en eau. Dans ce contexte, il est essentiel pour l’UNESCO de continuer à développer des connaissances scientifiques solides afin d’aider les pays à mieux gérer leurs ressources en eau. Dans cette initiative, l’UNESCO s’emploie à créer des sociétés de savoir ouvertes en permettant aux communautés locales d’accéder à l’information ainsi qu’en préservant les données et en les partageant pour assurer une meilleure gestion des ressources en eau. Pour que ces investissements soient entièrement utilisés, l’Organisation encourage une culture de partage des connaissances en créant des cadres principalement réels, mais aussi virtuels, et en soutenant les réseaux et les communautés.

Les réseaux de coopération de l’UNESCO sont un facteur déterminant pour la création et le développement de ces connaissances. Promouvoir le libre accès des contenus, des technologies et des processus peut élargir l’accès au savoir et réaliser l’accès universel à l’information, donc à l’eau.

 

Notes

 

1 Pour plus d’information, voir http://ihp-wins.unesco.org/ and http://www.oceandataportal.org/.

2 Pour plus d’information, voir http://www.unesco.org/new/en/naturalsciences/priority-areas/links/.

3 Programme mondial des Nations Unies pour l’évaluation des ressources en eau, Rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur de l’eau 2016 : eau et emplois (Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture) (UNESCO), Paris, 2016, p. 38.

4 ONU-Eau et Programme mondial des Nations Unies pour l’évaluation des ressources en eau (WWAP –UNESCO), ODD 6—Rapport de synthèse 2018 sur l’eau et l’assainissement dans le Programme 2030  (à paraître).