Lors de l’examen de la question du rôle de l’Institut de l’ASEAN pour la paix et la réconciliation et son rôle dans la prévention des crises, nous devons voir plus loin que les limites de son mandat et examiner sa portée en termes concrets, bien qu’indirects. Mais il faut aussi veiller à ne pas séparer son rôle dans ce domaine de la position unique que lui  offre sa structure de gouvernance traditionnelle.

Cet Institut, fondé par l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est, mène des activités de recherche sur la paix ainsi que la gestion et le règlement des conflits. Comme il est souligné dans son statut adopté par les Ministres des affaires étrangères en 2012, il est chargé d’entreprendre un certain nombre d’activités y compris la recherche, le renforcement des capacités, la mise en place d’un réservoir de spécialistes, la création de réseaux et la diffusion d’informations.

Dans le cadre de ses activités de recherche, il compile les expériences  et les meilleures pratiques de l’ASEAN en matière de paix, de gestion et de règlement des conflits ainsi que de consolidation de la paix après les conflits. Ces activités ont pour but de fournir, à leur demande, aux États Membres ainsi qu’aux organismes de l’ASEAN les recommandations appropriées. L’Institut est également chargé de mener des études pour promouvoir la prise en compte de la problématique hommes-femmes dans la consolidation de la paix, les processus de paix et le règlement des conflits et pour étudier et analyser les mécanismes de règlement des différends existants de l’ASEAN afin d’améliorer les mécanismes régionaux de règlement pacifique des différends.

Dans le cadre du renforcement des capacités, il organise des ateliers sur la paix, la gestion et le règlement des conflits, mène des activités pour faire progresser le dialogue interconfessionnel et renforcer les connaissances des responsables gouvernementaux concernés, des spécialistes ou des groupes de réflexion sur la gestion et le règlement des conflits.

En ce qui concerne la mise en place d’un réservoir de spécialistes, il est prévu que les États membres de l’ASEAN y fassent appel pour agir comme personnes ressources dans les activités de gestion et de règlement des conflits, y compris pour fournir des recommandations de politique générale sur la promotion de la paix et de la réconciliation.

En ce qui concerne la mise en place de réseaux, il prévoit de servir de pôle de connaissances en établissant des liens avec les institutions et les organisations appropriées dans les États membres de l’ASEAN ainsi qu’avec des organisations similaires aux niveaux régional et international.

Et en ce qui concerne la diffusion des informations, il est censé promouvoir la prise de conscience et la compréhension des questions qui relèvent de son mandat.

En attendant la création d’un secrétariat permanent, qui devrait avoir lieu en 2017, l’Institut, par le biais de son Conseil d’administration et de son Conseil consultatif a, ces cinq dernières années, entrepris un certain nombre d’initiatives, comme des ateliers et des colloques, couvrant un vaste éventail de sujets liés à la paix, comme les processus de paix et de réconciliation, le renforcement de la participation des femmes dans le processus de paix et de règlement des conflits, la situation difficile des femmes et des enfants dans les situations de conflit et les principes, les mécanismes et les processus de paix et de réconciliation qui ont eu lieu aux Philippines et au Myanmar. Les résultats et les recommandations de ces initiatives ont été publiés et diffusés aux parties prenantes concernées et permettent d’enrichir les connaissances qui appuient les efforts des praticiens de la paix internationale sur le terrain.

Comme le précisent les termes de son mandat, l’Institut est composé   d’un Conseil d’administration, d’un Directeur exécutif et d’un Conseil  consultatif. Ce dernier donne des avis au Conseil d’administration sur  des  domaines de recherches prioritaires sur lesquels l’Institut peut concentrer son attention. Le Conseil d’administration a, entre autres,  pour mission d’exercer la responsabilité globale de mener à bien son  mandat tel que décrit plus haut. Actuellement, 8 des 10 Représentants permanents à l’ASEAN siègent au Conseil d’administration. Ceci confère à ce dernier une position unique, car le Comité des représentants permanents auprès de l’ASEAN (CPR), un organisme basé  à  Jakarta, est au premier rang du renforcement des relations  de l’ASEAN avec ses partenaires de dialogue et ses partenaires extérieurs. Afin de s’assurer que les meilleurs intérêts de l’ASEAN  sont protégés dans le contexte des relations extérieures, le CPR établit des feuilles de route de coopération qui servent de guide dans les relations entre l’ASEAN et le partenaire de dialogue ou le partenaire extérieur respectif. Ces feuilles de route sont présentées sous la forme d’un plan d’action qui explorent les domaines stratégiques de coopération  échelonnés sur plusieurs années. Actuellement, l’ASEAN a 10 partenaires de dialogue : l’Australie, le Canada, la Chine, les États-Unis d’Amérique, la Fédération de Russie, l’Inde, le Japon, la Nouvelle-Zélande, la République de Corée et l’Union européenne. Les autres partenaires extérieurs de l’ASEAN sont l’Allemagne, la Norvège, le Pakistan et la Suisse.

D’où la position unique du Conseil d’administration de l’Institut. Par le passé, et dans l’exercice de ses propres fonctions, le CPR (chapeautant en même temps le Conseil d’administration de l’Institut) veillait à ce que les domaines spécifiques de la paix, de la réconciliation et de la prévention des conflits soient intégrés aux différents programmes d’action ou autres documents similaires.

De même, lorsque l’on aborde le contexte plus large de la prévention des conflits, on ne peut pas séparer cette question du cadre de la Communauté politique et de sécurité de l’ASEAN au service duquel elle œuvre. Il faut se rappeler que l’Institut a été fondé en vertu de la dis- position B.2.2.i du Plan de la communauté politique et de sécurité  de  l’ASEAN suite à la Déclaration commune des dirigeants de l’ASEAN visant à créer un Institut de l’ASEAN pour la paix et la réconciliation, qui a été adopté le 8 mai 2001. Il est important de noter que le mandat de l ’Institut comprend aussi la promotion d’activités dans le cadre de ce Plan.

Le Plan de la communauté politique et de sécurité de l’ASEAN pour 2025, ainsi que les Plans similaires des piliers économiques et socio-culturels, fournit de grandes orientations qui visent à mettre en œuvre, suivant un calendrier précis, des mesures essentielles afin de réaliser la vision d’une communauté de l’ASEAN fondée sur la cohésion politique. L’un des éléments clés est de créer une région pacifique, sûre et stable. C’est ce à quoi l’Institut contribue principalement.

Il n’en est qu’à ses débuts. Dans les années à venir, il pourra jouer un rôle important dans la promotion du partage des connaissances et de recommandations de politique afin de contribuer à renforcer la paix, la réconciliation et la prévention des crises dans l’ASEAN.   ❖