La lutte contre la corruption aux niveaux national et international continue d'être un sujet d'une grande importance pour l'ONU et ses États Membres, l'intolérance à l'égard la corruption augmentant dans le monde.
À l'occasion de la première Réunion de haut niveau de l'Assemblée générale sur l'état de droit aux niveaux national et international, qui s'est tenue le 24 septembre 2012, les Chefs d'État et de gouvernement ainsi que les chefs de délégation ont adopté une Déclaration politique importante par consensus qui souligne l'importance fondamentale de l'état de droit pour le dialogue politique et la coopération parmi tous les États et le développement des trois principaux piliers sur lesquels l'ONU est construite : la paix et la sécurité internationales, les droits de l'homme et le développement. Ils ont fait valoir que la réponse collective aux défis et aux opportunités issus des nombreuses transformations politiques, sociales et économiques complexes que nous connaissons doit être guidée par l'état de droit, car celui-ci est le fondement des relations amicales et équitables entre les États et la base sur laquelle les sociétés justes et équitables sont bâties.
Il est remarquable que la Déclaration contienne un paragraphe distinct sur la question de la corruption, qui est traitée de manière assez approfondie :
25. Nous sommes convaincus que la corruption est nuisible, car elle fait obstacle à la croissance et au développement économiques, entame la confiance du citoyen dans la légitimité et la transparence des institutions et entrave l'adoption de lois justes et efficaces, ainsi que l'administration et l'exécution des lois et l'action des tribunaux, et insistons, en conséquence, sur l'importance de l'état de droit en tant que condition essentielle de la prévention et de la répression de la corruption, dans le cadre, notamment, d'une coopération
plus étroite entre les États en matière pénale.
Il semble aller de soi que la corruption a des effets nuisibles importants. Toutefois, le fait que la Déclaration adoptée à l'unanimité traite de la question de la corruption d'une manière aussi approfondie montre clairement que l'ensemble des membres de l'ONU attache, à juste titre, une grande importance à cette question et à l'état de droit.
La corruption est un phénomène qui touche tous les pays. Aucun État n'y échappe, quel que soit son niveau économique ou social. Les affaires de corruption apparaissent régulièrement dans la presse de nos pays. Ses formes et son ampleur peuvent varier d'un pays à un autre. Certaines sociétés sont plus touchées que d'autres, mais il suffit de lire les statistiques de Transparency International pour se rendre compte qu'elle existe partout. D'un côté, les scandales sont une pilule difficile à avaler, mais, d'un autre côté, ils peuvent permettre de faire un grand nettoyage parfois nécessaire, et toujours salutaire, dans la société. En plus des procédures juridiques fondées sur les dispositions anti-corruption efficaces du droit pénal, les commissions d'enquête parlementaires peuvent permettre de mettre en évidence les responsabilités politiques impliquant le gouvernement dans les allégations de corruption.
La corruption est un phénomène qui touche chaque citoyen. Que vous soyez une petite ou une grande entreprise, ou que vous travailliez dans un service public, que vous soyez employeur ou travailleur indépendant, pauvre ou riche, vous êtes touché par la corruption, directement ou indirectement, car ses coûts sont supportés par toute la société. Toutes les parties de la société ont donc un intérêt à contenir ce phénomène et doivent en partager la responsabilité. La corruption ne doit jamais être perçue comme étant un fait inéluctable de la vie. Nous pouvons et devrions tous prendre part à la promotion d'une culture de la transparence, de l'intégrité et de la responsabilité.
La corruption compromet le développement humain et pèse lourdement sur les progrès d'un pays, y compris sur la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). En détournant les ressources publiques vers des profits privés et en réduisant l'accès aux services publics, elle va à l'encontre des intérêts de base de chaque société et représente une menace au développement économique et à la stabilité sociale. Elle est présente dans tous les pays, quel que soit leur développement social et économique, mais porte un préjudice bien plus grand aux pauvres et sape les efforts visant à réaliser les OMD, l'éradication de la pauvreté et le développement humain en réduisant l'accès aux services et en détournant les ressources devant être investies dans l'infrastructure, l'éducation et les services sociaux. Les programmes de développement doivent tenir compte du lien entre le développement et le crime organisé et les mesures anti-corruption devraient être dûment prises en compte dans les activités de développement.
La corruption nuit à la croissance économique. Modifiant les décisions des agents économiques, elle décourage les investisseurs et nuit à la compétitivité. La lutte contre la corruption est maintenant solidement établie comme un des principes du Pacte mondial des Nations Unies, l'initiative la plus importante dans le monde au niveau des entreprises et l'une des principales relations de l'ONU avec le monde du travail. Le secteur privé joue un rôle crucial en tant qu'acteur essentiel dans cette lutte. Sa coopération et ses efforts sont cruciaux. Lors d'un événement organisé conjointement par l'Australie, l'Estonie, le Japon et la Tunisie en marge de la Réunion de haut niveau des Nations Unies sur l'état de droit, un représentant de la société Mitsubishi a déclaré que lorsque certaines entreprises estiment qu'elles peuvent passer outre la loi contre la corruption, cela désavantage celles qui sont prêtes à respecter les règles. Les ressources économiques qui pourraient être utilisées à des fins sociales sont détournées au profit d'une élite fermement enracinée et parfois corrompue. Partout, les gouvernements, les entreprises et les citoyens devraient donc avoir un intérêt à créer une loi contre la corruption qui soit davantage respectée à tous les niveaux de la société et à promouvoir l'état de droit afin d'oeuvrer pour le bien public. Si les pots-de-vin sont un outil commercial, cela donne lieu à un combat inégal lorsque les entreprises qui respectent la loi sont exclues de certains marchés. Face à ces défis, il n'est pas rare que ces entreprises rejettent un projet ou refusent de travailler avec un pays. Ce sont les citoyens respectueux de la loi, ceux qui se tuent à la tâche qui en sont affectés.
La corruption a un effet négatif sur le fonctionnement des institutions démocratiques. Elle est une menace à la gouvernance et à la stabilité des jeunes et souvent des démocraties fragiles. Elle nuit à la légitimité du gouvernement et aux valeurs démocratiques et affaiblit l'État car elle mine sa crédibilité et fragilise la confiance des populations dans les institutions publiques. La lutte contre la corruption doit donc aller de pair avec le renforcement de l'état de droit et de la bonne gouvernance ainsi qu'avec l'établissement d'institutions solides qui, à leur tour, sont la base du développement humain.
Selon les estimations de la Banque mondiale, 1 000 à 2 000 milliards de dollars sont perdus à cause de la corruption, soit 10 fois le budget annuel des 34 pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques réunis. La corruption n'est pas seulement un problème national, mais aussi un problème international et transnational qui exige des solutions mondiales.
La Convention des Nations Unies contre la corruption (CNUCC), qui est entrée en vigueur en 2005, sert de base aux efforts menés à l'échelle internationale. C'est le seul instrument contraignant, de portée universelle, de lutte contre la corruption, qui compte un nombre impressionnant d'États parties qui ne cessent d'augmenter. Le 9 novembre 2012, on dénombrait 164 États signataires. L'adhérence universelle à la Convention et sa mise en oeuvre dans son intégralité doivent être notre objectif commun. Nous devons surtout nous concentrer sur la prévention. Un chapitre entier de la Convention consacré à la prévention préconise des mesures visant les secteurs public et privé. En ce qui concerne la criminalisation, elle met l'accent sur les actes de corruption comme les pots-devin et le détournement des fonds publics; le trafic d'influence; la dissimulation et le blanchiment du produit de la corruption; et les délits commis pour soutenir la corruption, comme le blanchiment d'argent et l'obstruction à la justice. Comme je l'ai dit plus haut, la corruption est un problème transnational. C'est pourquoi la Convention traite de la coopération entre les États parties dans chaque aspect de la lutte contre la corruption. Ceux-ci sont tenus de se prêter une assistance mutuelle en recherchant des preuves et en les communiquant au tribunal afin d'extrader les coupables et de prendre des mesures pour faciliter la recherche, le gel, la saisie et la confiscation du produit de la corruption. Ils se sont également accordés pour ériger le recouvrement d'avoirs en principe fondamental de la Convention - un point particulièrement important pour de nombreux pays en voie de développement où la corruption de hauts fonctionnaires a pillé les richesses nationales et où des ressources sont indispensables pour permettre aux sociétés de se reconstituer et de se développer.
Le rôle de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) est crucial en tant que garant de la Convention. Les diverses activités de lutte contre la corruption menées par l'ONUDC, y compris la facilitation du Mécanisme d'examen de la mise en oeuvre de la Convention, les activités d'assistance technique pour faire avancer la mise en oeuvre de la Convention, la coopération avec la Banque mondiale sous la forme de l'Initiative pour le recouvrement des avoirs volés, ainsi que la sensibilisation mondiale et les efforts de prévention, sont tout à fait louables. Tous les États membres devraient apporter leur appui continu au travail important mené par l'ONUDC à cet égard.
Avec l'ONUDC, l'Autriche a avancé pendant des années l'idée d'une académie internationale de lutte contre la corruption. Cette institution a été établie en Autriche sur la base de l'Accord portant sur la création de l'Académie internationale de lutte contre la corruption (IACA) en septembre 2010. Depuis, le nombre d'États et d'organisations internationales constituant la partie principale des membres de cette Académie est passé de 36 à 61. En peu de temps, l'IACA est devenue opérationnelle et a offert des programmes de formation, des séminaires et des ateliers. À la fin de 2012, elle a créé un programme de master de deux ans en études anti-corruption consistant en des modules de douze jours ayant lieu sur le campus de l'IACA en Autriche et un module, en coopération avec la Commission de lutte contre la corruption en Malaisie et d'autres partenaires dans ce pays. L'IACA est une institution novatrice qui vise à remédier aux carences en connaissances et en pratiques actuelles en matière de lutte contre la corruption. Elle est un centre d'excellence indépendant pour l'éducation, la formation, les réseaux et la coopération ainsi que la recherche universitaire dans ce domaine. Elle poursuit une approche internationale, interdisciplinaire, intersectorielle, intégratrice et durable.
Le maintien d'un état de droit fort ne se fait pas automatiquement. C'est un défi quotidien. Chaque jour, nous sommes tous appelés à promouvoir l'état de droit dans nos activités. Cela n'est pas toujours aisé, en particulier dans les périodes économiques difficiles. ❖