De jeunes entreprises engagées dans le secteur de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement

Comment introduire l’innovation et la viabilité dans le secteur de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement au Moyen-Orient ? Que peut-on faire pour donner une voix aux jeunes dans ces secteurs ?

En 2013, le cewas au Moyen-Orient a été créé afin d’examiner ces questions. Filiale du cewas, le Centre international des services de gestion de l’eau, il soutient les jeunes innovateurs dans les domaines de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement depuis 2011. C’est la première pépinière de jeunes entreprises et le premier programme de formation innovant dans ces domaines. Depuis sa création, il a créé plus de 40 entreprises internationales consacrées à l’eau et à l’assainissement et mis en œuvre plus de 20 programmes de formation à l’entreprenariat sur quatre continents.

Au Moyen-Orient, la viabilité et l’innovation sont des questions importantes et pertinentes pour de nombreuses raisons. La région est caractérisée par une consommation non durable ainsi que par des taux de chômage des jeunes les plus élevés au monde. Le changement climatique et la pénurie d’eau, qui sont directement liés au chômage et aux mouvements migratoires, augmentent les tensions régionales. Les secteurs de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement ont connu peu de changements importants au cours du siècle passé. On continue d’installer des toilettes à chasse d’eau, une invention de la fin des années 1500, même dans les régions désertiques qui ont un accès limité à l’eau. Le financement des donateurs domine le secteur des eaux usées où des usines de traitement coûtant plusieurs millions de dollars sont inutilisées après leur construction faute d’un financement durable. La réutilisation des eaux usées est limitée, difficile à financer et souvent considérée comme un tabou du point de vue culturel. Les déchets industriels et ménagers, une ressource diversifiée présentant un potentiel financier élevé, sont brûlées ou déversées dans les fleuves et les océans. Les questions environnementales ne sont pas suffisamment enseignées à l'école et les normes ou les lois environnementales ont peu d’effets, faute de moyens de contrainte. Ce ne sont que quelques-unes des questions qui se posent dans la région. Du point de vue d’un entrepreneur dans le domaine de l’environnement, ces défis peuvent, cependant, offrir des opportunités commerciales.

Le premier programme de formation phare du cewas en matière de gestion durable de l’eau, des ressources et de l’assainissement a vu le jour en Palestine en 2015, a été repris en Jordanie en 2017, puis au Liban en 2018. Il a fourni aux personnes et aux communautés une plate-forme modeste, mais importante, leur permettant de se mobiliser autour de ces questions. À ce jour, le cewas au Moyen-Orient a formé dans la région plus de 100 personnes aux concepts de viabilité et d’innovation, a introduit plus de 25 jeunes entreprises sur le marché régional et a aidé 10 entreprises existantes à élargir leur gamme de produits et de services dans le secteur de l’économie « verte ». Ces jeunes entreprises abordent plusieurs questions, comme l’intégrité dans le secteur de l’approvisionnement en eau, la consommation de l’eau, les innovations dans le secteur de l'agriculture, les outils de sensibilisation pour un changement de comportement, la pollution de l’eau, la réduction des déchets solides et du matériel électronique, la gestion des eaux usées et le recyclage.

Création d’un marché vert au moyen-orient

Les jeunes entreprises qui se lancent dans des activités liées à l’approvisionnement en eau et à l’assainissement ont probablement des idées commerciales très intéressantes, une équipe formidable et une motivation à toute épreuve, mais la force du dispositif de soutien qui leur est apporté ainsi que les capacités du marché au sein duquel elles fonctionnent sont les éléments essentiels de leur réussite. Étant donné qu’au Moyen-Orient, l’approvisionnement en eau, l’assainissement et les déchets solides sont étroitement liés au contexte politique de chaque pays, les jeunes entreprises qui ont suivi les programmes de formation du cewas au Moyen-Orient se sont principalement concentrées sur les marchés locaux et nationaux. Quelques-unes ont accédé à un marché régional, principalement celles qui ont développé des solutions techniques, mais elles font cependant face aux contraintes du marché dans la région et à un écosystème peu propice au développement des jeunes entreprises.

En Jordanie, au moins la moitié des jeunes entrepreneurs menant des projets d’entreprenariat social ont fait leurs études à l’étranger. Leur défi consiste à intégrer leur apprentissage et leur vision dans le contexte jordanien. L’écosystème de l’entreprenariat social se développe de manière organique, mais relativement lentement, comme dans la plupart des pays voisins, en raison de problèmes structurels et du manque d’audace des gouvernements, des investisseurs et d’autres soutiens potentiels. Au niveau local, un nombre limité de fonds, d’incubateurs, d’universités et de banques manifestent un nouvel intérêt, mais n’ont pas encore coordonné ni aligné leurs efforts pour établir ensemble un système et un réseau au niveau mondial pour les entrepreneurs sociaux. Les organisations non gouvernementales internationales (ONGI) et les donateurs centrent leur attention sur l’innovation et le développement durable dans leurs initiatives, ce qui peut contribuer à une croissance rapide du marché et à élargir leur domaine de l’entreprenariat social, bien que ces efforts ne soient pas gérés ni coordonnés de manière stratégique. Les marchés accessibles aux jeunes entreprises « vertes » sont encore beaucoup limités au soutien des efforts des donateurs, en particulier dans la réponse à la crise des réfugiés syriens, ou au secteur du luxe, leur portée étant limitée au consommateur conscient de l’environnement. 

En Palestine, l’écosystème traditionnel des jeunes entreprises est encore nouveau et les possibilités de lancement d’entreprises vertes sont très limitées. En dehors des grandes villes de Jérusalem et de Ramallah, les concepts de l’entreprenariat vert ou social n’ont pas été bien présentés. En ce qui concerne la viabilité environnementale, de nombreux Palestiniens ont une relation étroite à leur savoir traditionnel et culturel, qui est intrinsèquement écologique et durable (exploitations familiales saisonnières, économie locale, baladi, etc.). Cet héritage culturel inclut aussi des concepts comme l'al-ouna, un type de soutien communautaire et de philanthropie. Afin de raviver ces concepts et de soutenir le développement de l’entreprenariat dans les secteurs social et environnemental, le cewas au Moyen-Orient a mené des efforts pour soutenir le marché vert et créer des organisations communautaires axées sur la promotion de projets d’assainissement innovants et de jeunes entreprises spécialisées dans le secteur de l’approvisionnement en eau. Ces efforts ont pour but de s’assurer que les futures jeunes entreprises vertes ont les opportunités et le soutien de la communauté pour réussir. Toutefois, même avec un soutien important de l’écosystème social et vert, le marché palestinien continuera à être la contrainte la plus importante pour les jeunes entreprises qui essaient d’être opérationnelles. Le droit du peuple palestinien à l’autodétermination ainsi que la façon dont les marchés palestiniens sont construits et structurés reposent sur les organisations internationales et des intérêts extérieurs.

Ces situations soulèvent deux questions : comment rationaliser les efforts des différents acteurs au sein de chaque pays afin de soutenir les entrepreneurs qui œuvrent dans les domaines de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement ? À quoi ressembleraient les marchés qui soutiendraient les modèles commerciaux verts qui relèvent les défis environnementaux ?

Une nouvelle génération d’intervenants humanitaires dans la gestion durable de l’approvisonnement en eau et de l’assainissement

La viabilité et la modernisation des secteurs de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement au Moyen-Orient sont souvent liées à un entreprenariat innovant, aux donateurs internationaux et aux organisations non gouvernementales (ONG). Avec les gouvernements locaux, ce secteur joue un rôle primordial pour déterminer la culture et la direction de l’eau et de l’assainissement dans la région. Le plus souvent, les donateurs internationaux financent des interventions fondées sur des projets plutôt que de créer des services viables pour une communauté. Cette question est difficile à aborder dans les interventions humanitaires, car celles-ci sont de courte durée et ont lieu en fonction des besoins. Toutefois, comme c’est le cas actuellement, la réponse à la crise des réfugiés syriens entre dans sa septième année. Pour aider la communauté des donateurs et ses partenaires humanitaires à augmenter le niveau de viabilité environnementale et financière, le cewas au Moyen-Orient a créé une boîte à outils bilingue pour permettre aux acteurs du secteur EAH (eau, assainissement et hygiène) parlant l’arabe de créer des interventions plus viables dans ces domaines. Cette boîte à outils libre est disponible sur la plus grande plate-forme en ligne des services viables d’approvisionnement en eau et d’assainissement1où le cewas au Moyen-Orient offre des cours ciblés sur une gestion durable de l’eau et de l’assainissement dans la région. Il s’emploie aussi à intégrer ces approches et ces outils dans les programmes universitaires afin de créer une nouvelle génération d’intervenants dans ces domaines.

Stimuler l’innovation et la viabilité dans la réponse humanitaire des acteurs du secteur EAH est complexe et représente un immense défi. Un plus grand effort est déployé pour élaborer des mesures basées davantage sur le marché, comme favoriser les produits alimentaires et de d’équipements locaux plutôt que ceux importés de l’étranger. Toutefois, dans les secteurs de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement, les défis de ce type d’approche sont souvent plus complexes, en particulier si le secteur privé ne joue pas un rôle important. Nous avons besoin de marchés qui soutiennent les entrepreneurs de ces secteurs afin qu’en cas d’urgence, les intervenants humanitaires puissent mobiliser les services d’approvisionnement en eau potable et d’assainissement qui sont adaptés à la culture et au contexte des communautés touchées.

Les entrepreneurs de l’avenir

Au cours des années passées, le cewas au Moyen-Orient a étudié ces questions en envisageant différentes approches afin de développer l’innovation et la viabilité dans ces secteurs au Moyen-Orient. Donner à un nombre croissant de jeunes des pays de cette région les moyens de mettre en œuvre leur vision s’est révélé efficace pour créer un groupe central d’agents du changement soucieux de préparer un avenir plus respectueux de l’environnement. En adoptant de nouvelles mesures, en sensibilisant les populations à ces nouveaux outils et à ces nouvelles technologies et en créant de nouvelles alliances avec les entreprises régionales et internationales qui fournissent des services d'approvisionnement en eau et d’assainissement viables, il a suscité un nouvel élan au mouvement naissant, mais croissant, au Moyen-Orient.

Des questions continuent de se poser, mais l’objectif n’a pas changé : aider les entrepreneurs à créer un avenir où tout le monde a accès à l’eau potable et à l’assainissement, où les déchets sont transformés, où les écosystèmes retrouvent leur intégrité et la préserve et où les marchés de la région adoptent des modèles plus verts, plus circulaires et plus viables.

1 Pour plus d’informations sur la plate-forme, consultez le site www.sswm.info.