IL EST TEMPS D'AGIR CONTRE LA VIOLENCE LIÉE AUX ARMES À FEU

a. Réduire les stocks existants b. Réduire la fourniture de nouvelles armes c. Mettre fin au trafic entre les marches licites et illicites d. Réduire la motivation incitant à acquérir des armes à feu

Un millier de personnes meurent chaque jour à la suite de blessures causées par des armes à feu et trois fois plus subissent des blessures graves. Si les décès, les blessures et l'incapacité résultant des armes étaient classés dans la catégorie des maladies, on pourrait parler d'épidémie. Pourtant, les médias et l'opinion publique donnent souvent à penser que la violence armée est simplement une conséquence inévitable de la cruauté humaine et de la privation, plutôt qu'un problème de santé publique qui peut être évité ou au moins réduit.
Les circonstances dans lesquelles se manifeste la violence par les armes à feu sont tellement différentes qu'il serait simpliste de suggérer une seule solution pour y remédier. Une approche globale, reflétant les diverses facettes du problème, est nécessaire pour réduire le nombre de victimes et de blessés dans le monde. Toutefois, les massacres perpétrés dans les lycées aux États-Unis, les gangs armés au Brésil ou la violence sexuelle systématique en République démocratique du Congo ont tous un dénominateur commun : la disponibilité des armes à feu (ou armes légères, comme on les désigne à l'ONU).
Les mesures pratiques visant à réduire la disponibilité et le mésusage des armes légères peuvent être classées dans quatre rubriques :
1. Réduire les stocks existants
2. Réduire la fourniture de nouvelles armes
3. Mettre fin au trafic entre les marchés licites et illicites
4. Réduire la motivation incitant à acquérir des armes à feu (la demande)

1. RÉDUIRE LES STOCKS EXISTANTSLes stocks d'armes légères existants sont immenses - selon le Small Arms Survey à Genève, au moins 875 millions d'armes à feu sont répertoriées dans le monde. Moins de 25 % de ces armes sont détenues par les forces militaires, de police ou d'autres institutions gouvernementales, les trois quarts restants étant entre les mains de la population civile. Il y a environ 40 % d'armes à feu de plus que d'automobiles. Comment pouvons-nous réduire ce nombre exorbitant ?
Réduire les arsenaux nationaux existants. Commençons par les arsenaux nationaux qui, par nature, sont plus faciles à identifier et à réduire que les nombreuses armes détenues par les civils. D'importantes quantités d'armes étant stockées dans un nombre limité de lieux, s'attaquer à l'arsenal national est le moyen le plus rapide de réduire les quantités d'armes qui circulent sur la planète. Les gouvernements considèrent qu'ils ont besoin d'un arsenal important pour la défense nationale, mais ils surestiment leurs besoins : selon Small Arms Survey, 38 % des armes légères militaires dans les arsenaux nationaux sont en surplus par rapport aux besoins. Cela représente non seulement une perte importante de ressources (dans l'achat des armes, leur enregistrement, leur entreposage, leur entretien et leur contrôle), mais aussi un danger pour les populations militaires et civiles qui vivent près de cette réserve d'armes excédentaires. En plus des dangers d'explosion, ce surplus d'armes attire les trafiquants, les insurgés et les criminels, ce qui donne souvent lieu à des résultats tragiques.
La menace sérieuse posée par les surplus d'armes et de munitions a été officiellement reconnue par le processus de l'ONU sur les armes légères. Un Groupe d'experts gouvernementaux sur les stocks de munitions en surplus de l'ONU a été créé par l'Assemblée générale à la fin de 2007. La destruction des excédents a figuré parmi les priorités de la Troisième réunion biennale des États sur les armes légères et de petit calibre en 2008. Il a été recommandé que les gouvernements recensent systématiquement leurs excédents et les détruisent.
Réduire les stocks d'armes existants détenus par les civils. Il est plus difficile de désarmer la population civile que les gouvernements. C'est pourtant absolument nécessaire, étant donné que les civils constituent la grande majorité non seulement des propriétaires d'armes à feu, mais aussi des victimes et des auteurs de violence.
De nombreux pays ont mis en œuvre des programmes volontaires encourageant les citoyens à remettre leurs armes en échange d'espèces, d'articles ménagers ou d'autres avantages. Dans les programmes « Remise des armes contre aide au développement », la récompense consiste à fournir une aide au développement pour améliorer l'éducation, l'économie et la sécurité de l'ensemble de la communauté. L'initiative a eu un succès varié dans le monde: les initiatives locales ad hoc dans les villes américaines ont permis de récupérer un nombre réduit d'armes. Il semble qu'il soit plus facile de récupérer d'importantes quantités d'armes quand l'initiative fait partie d'une politique nationale cohérente et que la population constate une amélioration de la sécurité locale.
Les programmes de collecte obligatoire d'armes ont aussi eu des résultats mitigés. L'Australie et le Brésil ont retiré un nombre très important d'armes en circulation (respectivement 650 000 et 450 000) à l'aide de programmes prévoyant deux mesures d'incitation (a) une contribution en espèces et (b) une réforme législative plus stricte en matière de possession légale d'armes. Avec cette réforme, de nombreux propriétaires, ayant acheté leurs armes légalement avant le programme mais les ayant gardées, ont pu se trouver dans une situation illégale. Ce qui est important, c'est que dans ces deux pays le rachat d'armes a fait partie d'initiatives nationales globales incluant des programmes de sensibilisation du public, des réformes des pratiques policières, etc. En revanche, en Ouganda où les soldats ont fouillé les maisons et attaqué les civils pour les forcer à remettre leurs armes, le programme de désarmement a eu peu d'impact et a exacerbé le sentiment d'insécurité parmi la population.
Destruction des armes existantes. Qu'il s'agisse d'arsenaux nationaux, d'ennemis vaincus, de criminels arrêtés ou de civils détenant des armes, les armes légères qui sont en surplus, obsolètes, saisies, remises ou confisquées devraient être détruites. Cela peut sembler évident, mais pas pour tous les gouvernements. Certains ont réduit leurs arsenaux pour réduire les coûts ou pour se conformer aux accords internationaux, puis ont essayé d'en tirer profit en les vendant dans leur pays ou à l'étranger. Le problème s'est donc transposé d'une communauté à une autre. Ce fut le cas de l'ex-Union soviétique qui, à la fin de la guerre froide, a procédé à la vente de dizaines de milliers d'armes à feu à des prix très intéressants, avec des résultats dramatiques pour l'Afrique. Cette pratique continue dans les Balkans. Par exemple, il y avait en Bosnie en 2004, après la guerre qui a éclaté dans les années 1990, plus de 850 000 armes légères. Depuis, quelque 100 000 (au maximum) ont été détruites, mais des quantités encore plus importantes ont été exportées - probablement en Afghanistan et en Irak, et les responsables sont incapables de savoir où elles sont passées.
2. RÉDUIRE LA FOURNITURE D'ARMESLe marché des armes légères est mondial. La moitié des pays dans le monde fabriquent des armes légères ou des munitions et tous les pays en achètent. Bien qu'au moins 875 millions d'armes à feu soient déjà en circulation, le marché ne semble pas être saturé, puisqu'on estime que 8 millions de nouvelles armes légères sont fabriquées chaque année.
Une mesure pratique vers le désarmement est de réduire la quantité de nouvelles armes qui circulent. Jusqu'ici, aucun gouvernement n'était prêt à suggérer une réduction de la production mondiale, même en imposant des quotas maximaux. Or, aujourd'hui, la plupart des pays reconnaissent la nécessité de limiter - ou au moins de réglementer - la vente internationale de ces armes. Réduire la fourniture de nouvelles armes à l'échelle internationale : le Traité sur le commerce des armes (TCA). Il est clair que certains transferts d'armes sont irresponsables : par exemple, si les armes sont destinées à armer une faction qui se soulève contre un gouvernement légitime ou si elles tombent entre les mains de groupes criminels organisés. Le Traité sur le commerce des armes est une initiative qui vise à mettre fin aux transferts les plus irresponsables, en demandant aux responsables des pays exportateurs et des pays de transit de prendre des mesures pour identifier l'acheteur et le motif de l'achat. Il établirait une norme internationale que les gouvernements appliqueraient quand ils décideraient d'autoriser le transfert d'armes légères et d'autres armes conventionnelles.
Le TCA est débattu à l'ONU depuis 2006 et, en 2007, l'Assemblée générale a voté à une large majorité pour commencer des délibérations officielles sur la question. Les États Membres sont actuellement engagés dans ce processus de délibération, appelé le Groupe de travail à composition non limitée. Ce Groupe s'est réuni en mars et en juillet 2009, et se réunira quatre fois au cours des deux prochaines années. Le document final devrait être un traité juridiquement contraignant proposant des critères que les gouvernements devront prendre en compte pour refuser une demande internationale d'exportations d'armes ou leur transfert.
Les aspects controversés du Traité concernent la norme et la rédaction du texte le concernant. Certains critères sont facilement acceptés par tous. Par exemple, si le pays de l'acheteur est sous embargo de l'ONU, le transfert d'armes devrait être refusé. Mais que se passe-t-il si l'acheteur se trouve de l'autre côté de la frontière, dans un pays situé près d'une zone sous embargo ? La proximité crée des risques de détournement, mais faut-il pour autant refuser la demande de l'acheteur ? Ou bien si l'embargo n'est pas imposé par l'ONU, mais par un État spécifique ou un groupe d'États (par ex., l'UE), le Traité devrait-il exigé que les autres pays refusent la demande d'exportation, cet accord bilatéral ou régional ayant alors une portée internationale ? Tous les États conviennent que les armes ne devraient pas tomber entre les mains de terroristes, mais sur quelle définition du terrorisme doivent-ils se fonder ?
Une autre question est la définition des types d'armes qui seront couvertes par le Traité. Certains États veulent revenir à une formule pratique fournie par le Registre de l'ONU sur les armes classiques, mais elle est incomplète.
Dans le cadre de la campagne Controlez les armes, des milliers d'organisations de la société civile dans le monde se sont mobilisées pour que la protection des droits de l'homme et la sécurité soient incluses dans le Traité. Nous voulons un traité où chaque décision de transfert d'armes serait liée aux obligations existantes des États conformément au droit international. Ce qui signifie qu'un transfert serait bloqué s'il existe un risque important que ces armes soient utilisées en violation des droits de l'homme internationaux et du droit humanitaire. En principe, cette proposition ne devrait pas faire l'objet d'une controverse puisque tous les États Membres ont déjà accepté de respecter les clauses de la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l'homme ainsi que les Conventions de Genève. Toutefois, jusqu'ici, la plupart des États n'ont pas estimé que ces obligations étaient liées aux décisions concernant les transferts d'armes.
Certains pays se sont opposés à ce que l'expression « droits de l'homme » soit incluse dans le traité, craignant qu'elle ne soit appliquée de manière arbitraire pour les empêcher d'acquérir des armes à des fins militaires ou policières légitimes. (Ce qui n'est pas fondé, car la Charte des Nations Unies protège ce type d'acquisitions légitimes.) De leur côté, des pays occidentaux se sont prononcés contre l'inclusion de cette phrase, considérant qu'« il sera difficile de trouver un consensus sur cette question ». Il serait, bien sûr, plus facile de se mettre d'accord sur un traité faible que sur un traité fort, parce qu'un traité faible n'exigerait pas des réformes profondes de politiques existantes. Et un traité faible aurait quand même une valeur symbolique.
Cet argument est simplement irrecevable. Les massacres, les intimidations et la torture sont réelles, pas symboliques. Seul un traité fort, complet, fondé sur les obligations légales internationales pourra prévenir de tels abus et contrôler la fourniture de nouvelles armes à ceux qui commettent des actes de violence.
Contrôler la fourniture de nouvelles armes à l'échelon national. Si la plupart des pays autorisent la possession d'armes légères par les civils, ils cherchent en même temps à la contenir à des niveaux acceptables. Alors que les gouvernements reconnaissent la nécessité de renforcer les lois régissant la possession d'armes à feu, des débats ont été engagés sur la définition du niveau moyen ou acceptable. Liés par des accords régionaux et internationaux et sous la pression populaire et des conseils d'experts, les gouvernements adoptent des lois sur les armes qui sont de plus en plus strictes et uniformes. Les nouvelles normes comprennent l'obtention d'un permis renouvelable et l'enregistrement des armes à feu, fondées sur la justification d'une raison légitime pour chaque arme, des restrictions sur les types et le nombre d'armes qu'un particulier peut posséder, une limite d'âge minimum, la vérification des casiers judiciaires et d'autres informations personnelles, les conditions d'entreposage sécurisées, etc. Quand de nouvelles lois permettront de réduire le nombre de personnes autorisées à acheter ou à détenir des armes, ainsi que le nombre d'armes auquel chaque permis donne droit, le nombre de nouvelles armes en circulation dans le pays diminuera.

3.METTRE FIN AU TRAFIC ENTRE LES MARCHES LICITES
ET ILLICITES
Dans les efforts menés vers le désarmement, il est crucial de reconnaítre le lien qui existe entre les domaines licites et illicites. Le stock d'armes illicites est, en fait, constitué d'armes qui étaient légales, pour la simple raison que toutes les armes légères dans le monde ont été produites légalement, fabriquées dans des usines et autorisées (et souvent détenues) par un gouvernement national.
C'est seulement lorsque le produit quitte l'usine et entre dans la chaíne commerciale qu'il peut devenir illégal. La même arme peut être légale ou illégale à divers points de cette chaíne commerciale, en fonction de la personne qui la détient.
Par exemple, une usine vend des armes légères en toute légalité à des organismes gouvernementaux ou à des marchands d'armes. Mais à cause du manque de sécurité des locaux où sont entreposées ces armes, certaines sont volées et deviennent illégales. Il arrive aussi souvent que les armes détenues par le gouvernement deviennent illégales quand leurs propriétaires (c-à-d. les soldats ou les policiers) les vendent aux criminels pour arrondir leur fin de mois.
Le chemin entre le légal et l'illégal peut traverser des zones « grises » où le statut légal d'une arme est ambigu. Les soldats à la retraite ou démobilisés gardent souvent les armes qu'ils utilisaient, une pratique qui est légale dans certains pays. Parfois, un soldat qui ne trouve pas un autre emploi, perpètre un vol à main armée dans un magasin (illégal); ou vend son arme à un ami (illégal). Dans un pays qui n'est pas en conflit, comme les États-Unis, un citoyen sans casier judiciaire peut acheter une arme à un ancien soldat (légal) ou dans un magasin de vente d'armes (légal) et peut, plus tard, la vendre à une autre personne dans une brocante (légal ou illégal, selon la loi en vigueur dans l'État ou la ville). Cette personne peut la transférer à un groupe criminel (illégal) ou bien la garder simplement chez elle (peut-être légal) et se la faire dérober par un cambrioleur (illégal) ou son fils adolescent peut s'en emparer et l'apporter au lycée pour impressionner ses camarades. Les dangers mortels que pose une arme à feu sont les mêmes, quel que soit son statut légal.
Le marché des armes illégales étant approvisionné (intentionnellement ou non) par l'industrie des armes, la solution pour réduire ce marché consiste à exercer un contrôle plus strict sur l'industrie afin d'empêcher tout point de rencontre entre marchés licites et illicites. Ce régime de contrôle devrait comprendre des mesures visant à établir un suivi des armes et à identifier les points de diversion, des systèmes permettant d'assurer la sécurité physique ainsi que des mécanismes intégrés de surveillance et de vérification. Les points faibles dans un cadre réglementaire deviennent des failles que les trafiquants et les individus exploitent pour éviter les procédures bureaucratiques.
Identifier les points de diversion : Instrument international de traçage. Les États Membres ont pris en 2005 une mesure pratique importante en matière de désarmement en créant l'Instrument international de traçage des armes légères (IIT).1 Cet accord mondial engage tous les pays à procéder au marquage des armes à feu par des numéros d'identification pour en améliorer le suivi par Interpol, lorsque cela est nécessaire. (Beaucoup seraient étonnés de savoir que cette exigence ne s'applique pas encore aux armes légères, contrairement aux châssis de voitures qui doivent porter les numéros d'identification uniques VIN.)
L'IIT exige le marquage des armes légères existantes déjà stockées dans les arsenaux nationaux et celui des nouvelles armes à feu au moment de la fabrication ou de l'importation. Les États doivent conserver des rapports précis et complets des armes légères dans leur juridiction. La mise en œuvre de ces mesures fera progresser le désarmement en permettant à la police de retracer le parcours d'une arme récupérée sur la scène d'un crime ou d'un conflit, et d'identifier le fabricant, l'usine ou l'armurerie d'où cette arme a été détournée. Cela permet d'améliorer les chances de retrouver le trafiquant et de le traduire en justice et de combler les lacunes des législations ou des procédures qui ont permis le détournement. L'IITT est donc à la fois un outil de répression et de prévention.
Malheureusement, il s'agit d'un accord à titre volontaire qui n'est pas juridiquement contraignant. Toutefois, un grand nombre de pays démontrent un engagement fort dans sa mise en œuvre. Les donateurs internationaux, comme les États-Unis, ont également fourni des fonds et des mécanismes pour aider les pays plus pauvres à établir leurs systèmes de marquage et de traçage - une mesure concrète et pratique vers le désarmement.
Empêcher les États ou les groupes armés de détourner des armes : sécurité des stocks d'armes, DDR et RSS. Les arsenaux nationaux représentent une source importante de l'entrée des armes dans le marché illicite, par le vol, la corruption ou la négligence. Pour prévenir ces risques de détournement, il faut assurer la sécurité des stocks. Il s'agit d'abord de la sécurité matérielle, c'est-à-dire la construction d'entrepôts sécurisés et gardés 24 heures sur 24. Le premier exemple d'échec à cet égard a été le pillage des arsenaux du gouvernement albanais par des civils en 1997, où 650 000 armes à feu ont été volées. La sécurité des stocks exige aussi des protocoles et des méthodes strictes, soutenues par une formation appropriée et un haut niveau de professionnalisme parmi les personnels.
Comme je l'ai mentionné plus haut, la Réunion biennale des États de juillet 2008 a examiné la question de la sécurité des stocks. Les États ont convenu d'appliquer des conditions d'enregistrement rigoureuses sur les stocks d'armes, d'avertir les autorités si des armes disparaissent ou sont détournées, d'aider à identifier les surplus d'armes ainsi que de renforcer les conditions générales d'entreposage. La société civile a également recommandé une formation rigoureuse du personnel et une préparation aux catastrophes, ainsi que l'examen du transport des armes et des munitions vers les arsenaux. Ces mesures sont destinées à prévenir les explosions, mais aussi à mettre fin au transfert d'armes d'un arsenal national à des marchés illicites.
La sécurité des stocks est étroitement liée à la réforme du secteur de la sécurité (RSS), un autre outil pour éviter le détournement des armes d'un État vers des marchés illicites. La RSS comprend des mesures pour lutter contre la corruption et accroítre la responsabilité pour empêcher les responsables gouvernementaux de vendre ou de louer les armes du gouvernement à des acteurs non étatiques. De nombreux gouvernements doivent aussi réformer leurs pratiques traditionnelles « légitimes », mais insuffisantes, concernant les armes, en particulier aux moments d'une transition. Par exemple, lorsqu'une institution gouvernementale décide de moderniser son artillerie et d'utiliser des armes de calibre supérieur, elle peut envisager de recueillir des fonds en vendant les armes obsolètes sur le marché. De même, quand les agents de police ou les soldats de l'armée partent à la retraite, font double emploi, ou quand les personnels sont démobilisés, ils sont souvent autorisés à garder leurs armes - comme cadeau de départ, badge d'honneur ou récompense pour service rendu. Dans certains pays, des soldats, des policiers, des fonctionnaires et/ou des parlementaires en exercice ou non ne sont pas tenus d'être titulaires d'un permis de port d'armes et sont autorisés à acquérir autant d'armes qu'ils veulent sans garder de trace écrite. Tous ces scénarios ouvrent la porte au transfert des armes licites vers des marchés illicites.
Un aspect de la SRR qui a reçu un soutien important des donateurs est l'initiative Désarmement, Démobilisation et Réintégration (DRR). Lorsqu'une guerre est finie, un grand nombre de personnes, principalement des hommes, se retrouvent sans emploi et armés. Le processus de DDR vise à éviter cette situation dangereuse en aidant les anciens combattants à se réinsérer dans la société en leur offrant une formation, un emploi, des conseils, etc. Toutefois, le premier « D » signifie « désarmement », la prise des armes afin d'éviter qu'elles soient utilisées dans des actes criminels ou qu'elles fassent l'objet d'un trafic. Il s'agit donc d'un processus à court terme visant à prévenir le détournement des armes vers des marchés illicites. La prévention à long terme nécessite la mise en œuvre d'un cadre légal pour réglementer les armes à feu, comme dans les autres sociétés qui ne sortent pas d'un conflit.
Empêcher le détournement d'armes par les civils. On estime que 75 % des armes légères sont détenues par des civils, types et catégories d'armes et de propriétaires confondus : pistolets (gardes), carabines (fermiers), fusils de chasse, armes de collectionneurs, stocks de marchands d'armes, armes de gangsters, ainsi que des millions d'armes individuelles dans les maisons et les voitures qui sont là pour aucune raison particulière ou de sécurité.
Une partie de cet arsenal est constituée d'armes illégales et l'autre d'armes légales ou semi-légales (zones grises). Ne disposant pas de données, nous ne pouvons évaluer de manière précise comment ces armes sont réparties. Nous savons que de nombreuses armes illégales viennent des arsenaux nationaux. D'autres viennent de propriétaires privés qui les ont revendues intentionnellement ou les ont perdues. Le stock d'armes détenues par les civils est plus difficile à répertorier, beaucoup moins gardé et trois fois plus important que celui détenu par l'État - toutes les caractéristiques réunies pour faciliter le détournement d'armes.
Le meilleur moyen d'empêcher le détournement d'armes est de réduire le nombre d'armes détenues par les civils, encourager le désarmement de la population et renforcer les lois en matière de possession d'armes. Réduire le nombre de propriétaires d'armes, c'est réduire le nombre de points de diversion potentiels. Le renforcement des contrôles rend plus difficile le transfert des armes vers le marché illicite. Par exemple, un cadre réglementaire n'incluant pas l'enregistrement d'armes permet à un propriétaire de vendre facilement son arme à un acheteur privé, sans se demander si celui-ci est autorisé à l'acquérir. En revanche, un système qui inclut l'enregistrement d'armes à feu impose nécessairement une responsabilité plus importante. L'arme est enregistrée au nom du vendeur auprès des services étatiques. Le vendeur ne peut donc la transférer à une tierce personne à moins que l'État confirme que l'acheteur est autorisé à acquérir cette arme. L'enregistrement d'armes est peut-être le meilleur moyen d'empêcher le détournement des armes légères par des civils.
Les autres dispositions visent aussi à prévenir le détournement et le trafic d'armes en empêchant les personnes d'acquérir des lots importants d'armes et en s'assurant que l'achat ou l'élimination d'une arme n'est pas une décision prise à la légère. Les lois nationales sur les armes à feu devraient reconnaítre les armes légères comme un produit fabriqué pour tuer et, par conséquent, un produit nécessitant un contrôle strict.

4. RÉDUIRE LA MOTIVATION INCITANT À ACQUÉRIR
DES ARMES (LA DEMANDE)
Comme dans d'autres domaines du désarmement, la réduction du danger posé par les armes légères va de pair avec la réduction de la demande. Comment sommes-nous arrivés à accumuler près de 900 millions d'armes sur la planète et comment pouvons-nous changer cette situation ?
Les gouvernements ont des raisons pratiques d'acquérir des armes, mais n'oublions pas que près de 40 % des armes stockées dans les arsenaux sont en surplus. Ce qui donne à penser que les gouvernements sont motivés par des facteurs idéologiques, politiques ou commerciaux qui ne sont pas liés aux besoins actuels en sécurité.
Un autre avantage du processus de l'ONU sur les armes légères est qu'il a permis de définir un nouveau paradigme de la sécurité. Ce nouveau modèle reconnaít que (a) les menaces à la sécurité ne se trouvent pas tant à l'extérieur des frontières qu'à l'intérieur, (b) les menaces majeures à la sécurité ne sont pas militaires, mais liées aux questions transnationales comme les maladies, les ressources naturelles, le flux de réfugiés, la criminalité internationale organisée et (c) les États paient un tribut trop lourd à la prolifération des armes légères et à leur mésusage, en particulier puisqu'elle est évitable. Ce processus et les projets qui y sont associés peuvent influencer les gouvernements et encourager des progrès réels en matière de désarmement. (La coopération et l'aide internationales sont spécialement importantes à cet égard.)
Qu'en est-il des propriétaires privés qui contrôlent trois quarts de l'arsenal mondial et de leur motivation ? Encore une fois, certains font des armes leur métier. Mais les facteurs les moins rationnels motivant la demande parmi les gouvernements se retrouvent aussi au niveau individuel - peur de l'inconnu, isolement, recours à la force pour garder le contrôle, pression du marché et des médias, identité masculine, etc. Même si ces sentiments sont irrationnels, ils ont un impact réel. Ce sentiment de sécurité que leur fait éprouver la possession d'armes crée l'insécurité pour les ménages, les communautés et les pays. Paradoxalement, les personnes qui achètent des armes à feu pour assurer leur sécurité personnelle contribuent en fait à l'insécurité.
Le seul moyen de réduire la demande en matière d'armes légères est de renforcer la sécurité, à la fois dans la réalité et dans la perception que nous en avons. Le renforcement de la sécurité dépend principalement de l'efficacité des États et de leurs politiques à s'attaquer aux causes fondamentales de l'insécurité liées à la pauvreté, à la santé, aux droits de l'homme, à la justice pénale et sociale. Cela ne pourra pas se faire sans la participation de nombreux acteurs supplémentaires, y compris la société civile et les médias. Les politiques visant à réduire la possession d'armes a des avantages sur les deux fronts, renforçant la sécurité réelle et perçue, puisqu'on désire des armes parce que les autres en ont. La réduction de la prolifération des armes légères est cruciale pour mettre fin à la spirale de l'insécurité.
Les mesures pratiques vers le désarmement comprennent la réglementation, la réforme des procédures, la réassurance, l'information et la persuasion. Les défis sont importants, mais nous savons qu'en ne faisant rien, la situation risque de s'aggraver et d'être encore plus difficile à gérer.
Notes1. Instrument international d'indentification et de traçage rapides et fiables des armes légères et de petit calibre illicites (2005).