13 mai 2020 — Protéger, aider, expliquer. À ces trois mots d’ordre, les opérations de maintien de la paix des Nations Unies pourraient ajouter un quatrième : communiquer. Face à la menace que fait peser la COVID-19 sur leurs personnels et sur les populations locales, elles exploitent tous les canaux à leur disposition pour atteindre les communautés et partager des informations précises sur le virus et ses effets. Mais elles font bien davantage.

« Nos missions travaillent également en étroite collaboration avec les autorités nationales pour soutenir leurs efforts contre la pandémie », a fait observer Jean-Pierre Lacroix, Secrétaire général adjoint de l’ONU aux opérations de paix, dans une récente tribune consacrée au rôle des Casques bleus dans la lutte contre le coronavirus.

« Nous leur fournissons un soutien multiforme », a-t-il précisé.  « Nous facilitons les communications à distance grâce à nos moyens de communication, nous contribuons à assurer le maintien des chaînes d’approvisionnement essentielles, et notre personnel sensibilise les communautés au coronavirus, par le biais des radios locales et des réseaux sociaux, ou encore lors des patrouilles ».

De fait, la plupart des 13 missions de paix sont aussi présentes sur les ondes et les plateformes numériques que sur les théâtres d’opération pour diffuser des messages de prévention et d’atténuation des risques, en concertation avec les autorités. Dans un souci d’efficacité, plusieurs d’entre elles, à l’image des Missions de stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) et au Mali (MINUSMA), ont encouragé les gouvernements à adopter une stratégie de communication nationale unifiée sur la COVID-19.

Pour que l’information passe, il importe que « les mesures barrières qui ont été mises en place par le ministère de la santé et par les experts de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) puissent être comprises et acceptées par la population », expliquait Charles Bambara, Directeur de la Division de la communication stratégique de la MINUSCA, le 30 avril, lors d’une séance de formation de professionnels des médias publics centrafricains à la communication de crise.   

À cette fin, les missions s’appuient sur des relais d’opinion, des voix respectées au sein des communautés, et transmettent leurs messages dans les langues des pays. Elles collaborent intensivement avec les journalistes locaux, quitte à leur fournir des images de réponses appropriées à la menace COVID-19, comme le fait la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL). Elles utilisent aussi leurs propres instruments de communication pour s’attaquer aux impacts directs et indirects de la pandémie, dans le cadre strict de leur mandat.  

Voici quelques exemples de cette communication tous azimuts, menée en coopération avec les États et les équipes pays des Nations Unies.

Le numérique, instrument de communication multidimensionnel   

Pour les opérations de paix, communiquer sur les réseaux sociaux est devenu une évidence. La plupart des missions disposent de comptes Twitter et Facebook qui leur permettent d’atteindre un large public, le plus souvent connecté à Internet par le biais des téléphones mobiles.  Sur ces plateformes, les missions postent toutes sortes d’informations opérationnelles et de messages multimédias de sensibilisation à la COVID-19.

Les images et vidéos appelant au lavage des mains, geste barrière essentiel, ont marqué les esprits. Plusieurs responsables de mission ont montré l’exemple, à l’instar de Mahamat Saleh Annadif, chef de la MINUSMA, qui a invité sur Twitter le ministre malien de l’économie numérique à relayer cette campagne. Son homologue de la Mission de stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), Leila Zerrougui, s’est pliée, elle aussi, à cet exercice de pédagogie, imitée récemment par des Casques bleues de la Force chargée du maintien de la paix à Chypre (UNFICYP).   

En Afrique, la MONUSCO et l’Opération hybride Union Africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD) relaient les messages sanitaires par le biais de la messagerie numérique WhatsApp. Quatre missions africaines disposent en outre d’une station de radio, ce qui accroît encore le champ de leur communication. Les émissions de Radio Okapi en RDC, Mikado FM au Mali, Guira FM en RCA et Radio Miraya au Soudan du Sud sont écoutées dans les communautés les plus isolées. Ces radios ont aussi des comptes sociaux qui sont autant de pourvoyeurs d’informations et de conseils pratiques sur la COVID-19.

La Mission d’administration intérimaire au Kosovo (MINUK) a, elle, lancé sa propre plateforme numérique de renforcement de la confiance afin valoriser les expériences et projets de coopération multiethniques. Dans le contexte actuel, cet outil de communication lui sert de vecteur d’informations sur la pandémie en albanais, serbe et anglais. La Mission organise par ailleurs des débats virtuels hebdomadaires, avec pour objectif de sensibiliser la population kosovare aux impacts du coronavirus, y compris la minorité serbe.

Faire entendre la voix des femmes, une urgence accentuée par la COVID-19

Dans ses dix résolutions sur les femmes, la paix et la sécurité, à commencer par la résolution 1325 adoptée en 2000, le Conseil de sécurité de l’ONU a donné pour mandat aux missions de maintien de la paix de prévenir et combattre la violence sexuelle et fondée sur le genre. Dans ce cadre, les missions s’appuient aujourd’hui sur les relations qu’elles ont tissées avec des organisations de femmes pour faire entendre la voix de ces dernières dans tous les aspects de la préparation et de la réponse à la COVID-19.

Alors que le confinement des populations décidé en réaction à la pandémie entraîne une flambée de violences domestiques, plusieurs opérations de paix se sont engagées auprès de groupes de défense des droits des femmes pour mieux combattre ce fléau. C’est notamment le cas de l’UNFICYP, qui agit et communique sur ces questions par le biais de sa section des affaires civiles et d’un réseau d’organisations non gouvernementales (ONG) avec lequel elle collabore depuis 2017.  

Depuis le début de la crise sanitaire, l’UNFICYP organise régulièrement des réunions virtuelles avec des membres de ces ONG. Lors d’un échange récent, relayé par le site du Département des opérations de paix (DPO), la juriste Mine Atli, représentante de l'Association des femmes pour la vie (KAYAD), et Susana Pavlou, Directrice de l'Institut méditerranéen d'études sur le genre (MIGS), ont souligné l'importance d’accorder la priorité aux services pour prévenir et répondre à la violence sexiste dans les communautés chypriotes touchées par la COVID-19.

Un jeune homme donne une interview a la radio locale au Mali, Mikado FM.

Lauren McAlister, en charge des questions de genre et d’égalité de sexes au sein de la Force de l’ONU à Chypre, a pour sa part souligné l'importance d'intégrer les dimensions de genre dans le plan de réponse national à la pandémie afin que la situation des femmes soit prise en compte.

Dans le même ordre d’idées, l'Unité consultative pour l'égalité des sexes de la MINUAD soutient activement les réseaux de protection des femmes dans les camps de déplacés internes du Darfour.  Pour la Mission, dont le retrait prévu en octobre est reporté en raison des restrictions de mouvement mondiales, il s’agit essentiellement de faciliter l’échange et la circulation des informations sur les recours possibles aux violences sexuelles et sexistes. 

Une radio de mission au service de la continuité scolaire

Radio Okapi, la station de la MONUSCO, a ajouté le 27 avril une nouvelle corde à son arc de communication en se lançant, aux côtés de la Radio nationale congolaise (RTNC), dans la diffusion de contenus éducatifs à destination des quelque 25 millions d’enfants de RDC privés d’école par la pandémie.

Le ministère congolais de l’enseignement primaire, secondaire et technique s’appuyait jusqu’alors sur la chaîne de télévision Educ-TV mise en place à la suite de la fermeture des établissements scolaires. Ce programme ne couvrant que la capitale, Kinshasa, et ses environs, décision a été prise de recourir aux radios FM pour l’apprentissage des élèves à distance.

Avec le soutien du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), Radio Okapi et la RTNC se sont engagées à diffuser quotidiennement deux à trois heures de cours sur les principales matières du cycle primaire, notamment les mathématiques, le français, l’éducation sanitaire et environnementale et l'hygiène. Pour l’enseignement secondaire, un accent particulier est mis sur la technologie, les sciences de la vie et de la terre ainsi que sur l’informatique.

En complément des contenus purement scolaires, « Okapi École » propose des messages et des programmes de prévention à la maladie de COVID-19 afin de permettre aux enfants d’acquérir des connaissances et des pratiques qui sauvent des vies.

« L’éducation est un droit et la place d’un enfant est à l’école. L’apprentissage à distance nous permettra d’offrir aux élèves l’opportunité de jouir de ce droit », a souligné Edouard Beigbeder, représentant de l’UNICEF en RDC, assurant que l’agence onusienne continuera d’appuyer le gouvernement congolais dans cette initiative tant que les écoles resteront fermées.

Communiquer pour faire barrage à la désinformation

Si l’Afrique est pour l’heure le continent le moins touché par le coronavirus, elle est en revanche frappée par une fièvre de désinformation et de rumeurs sur la COVID-19. Pour riposter à cette autre épidémie, véhiculée en grande partie par les réseaux sociaux, les missions de paix de l’ONU en terres africaines se mobilisent, chacune développant ses propres réponses de communication.

La Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) - qui opère dans un pays extrêmement vulnérable, ravagé par six ans de guerre civile - s’attaque au problème par différents biais. En complément de ses actions de sensibilisation, elle a conclu un accord local avec Facebook, en partenariat avec l’équipe pays de l’ONU et les autorités nationales. L’objectif est de privilégier la diffusion d’informations officielles et de filtrer les publications mensongères et autres discours de haine.

La MINUSS vient, d’autre part, de faire alliance avec la « Citizens Taskforce on COVID-19 », un nouveau groupe citoyen sud-soudanais, afin de lutter contre les idées fausses, en appui des efforts gouvernementaux déployés contre la COVID-19. L’opération vise à circuler dans Djouba, la capitale, et d’autres points densément peuplés du pays, notamment les sites de protection des civils de la MINUSS, pour y propager en langues locales les messages clés de l’OMS sur les moyens de se protéger et de protéger les autres, tout en dénonçant certains mythes.

« Je suis moi-même Sud-Soudanaise et je peux vous dire que de nombreuses personnes croient encore que ce virus affecte les gens de manière sélective », a expliqué Laura Merekaje, coordinatrice du dispositif. « Ce n’est tout simplement pas vrai et nous travaillons dur pour leur faire comprendre que tout le monde est à risque face à la COVID-19 ». 

Elle aussi en pointe contre ce fléau, la MINUSCA travaille avec les autorités du pays à la formation des journalistes aux méthodes de couverture responsable de la crise. Plus d’une cinquantaine de professionnels et de médias ont signé une charte de bonne conduite, qui invite à éviter tout traitement sensationnaliste de l’information. Un groupe de travail réunissant des fonctionnaires et des journalistes locaux ainsi que des membres de la mission onusienne a également été créé pour examiner les reportages et répondre aux éventuels mensonges ou malveillances.

Afin de faciliter l’accès aux informations fiables, la MINUSCA a entamé une campagne de distribution de 50 000 postes de radio à énergie solaire à Bangui et dans tout l’arrière-pays. Les structures locales, les chefs communautaires et religieux, les associations de jeunes et de femmes et les membres des organes de suivi de l’Accord de paix sont les premières cibles. En parallèle, des Volontaires des Nations Unies travaillant pour Guira FM, la radio de la mission, sillonnent les communes reculées pour vérifier que les messages de prévention atteignent les populations.

Dans le même esprit, Mikado FM, la station de la MINUSMA, propose tous les lundis l’émission « Le vrai du faux », qui s’emploie à débusquer les fausses informations et à décrypter les rumeurs virales et les manipulations.  Ces dernières semaines, l’accent est mis sur les nombreuses « infox » en relation avec la COVID-19 - en particulier les faux traitements préventifs - et sur les pièges à éviter.

La MONUSCO n’est pas en reste. En appui de ses opérations de sensibilisation, elle diffuse des messages de vigilance sur les ondes de Radio Okapi. Des émissions expliquent aux jeunes les dangers que représentent les informations non vérifiées sur Internet, singulièrement en cette période pandémique. La Mission publie aussi un rapport hebdomadaire de surveillance des médias sociaux et réagit aux cas de désinformation sur la COVID-19 en RDC. Avec plus de 1 100 cas confirmés, le pays est l’un des plus atteints par le virus en Afrique.