De la Conception à la Production

Le Protocole V est l’un des seuls instruments abordant aussi bien la conception que la production des munitions. Il s’agit d’un domaine sensible qui relève généralement des gouvernements nationaux et des entreprises privées. Cependant, les améliorations dans la conception des munitions et l’application de contrôles stricts et de normes de qualité internationalement reconnues tout au long du processus de production peuvent contribuer à réduire le taux de munitions non explosés. C’est pourquoi les Hautes Parties contractantes sont appelées à prendre des mesures dans ces domaines.

Pour une discussion sur l’harmonisation des domaines de production jusqu’au combat, se référer au document suivant : “A discussion on international harmonisation of the safety and suitability for service assessment“, Dr. Michael W. Sharp, MSIAC.

Centré spécifiquement sur la gestion de la fabrication de munitions, la troisième partie de l’annexe technique du Protocole V encourage les Hautes Parties contractantes à prendre les mesures suivantes :

(i) Les processus de production devraient être conçus pour atteindre le plus haut degré
de fiabilité des munitions.
(ii) Les processus de production devraient faire l’objet de mesures agréées de contrôle de
la qualité.
(iii) Lors de la production de munitions explosives, il faudrait appliquer des normes
agréées d’assurance qualité internationalement reconnues.
(iv) Les essais de réception devraient être réalisés en conditions réelles de tir dans toute
une gamme de situations ou au moyen d’autres procédures validées.
(v) Des normes élevées de fiabilité devraient être spécifiées dans les contrats entre
l’acheteur et le vendeur de munitions explosives.
(b) Gestion des munitions
Afin d’assurer la meilleure fiabilité possible à long terme des munitions explosives, les
États sont encouragés à appliquer les normes et modes opératoires correspondant aux pratiques
optimales en ce qui concerne l’entreposage.

Article 36 du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève

En vertu de l’article 36 du Protocole additionnel I, lors de la mise au point, de l’acquisition ou de l’adoption de nouvelles armes les États ont l’obligation d’en évaluer les risques et la conformité avec le droit humanitaire international. Cette obligation est similaire à l’instruction donnée aux États dans le cadre du Protocole V pour s’assurer que les processus de production de munitions atteignent un niveau élevé de fiabilité.

L’article 36 dispose que : « Dans l’étude, la mise au point, l’acquisition ou l’adoption d’une nouvelle arme, de nouveaux moyens ou d’une nouvelle méthode de guerre, une Haute Partie contractante à l’obligation de déterminer si l’emploi en serait interdit, dans certaines circonstances ou en toutes circonstances, par les dispositions du présent Protocole ou par toute autre règle du droit international applicable à cette Haute Partie contractante »

Le CICR a publié un « Guide de l’examen de la licéité des nouvelles armes et des nouveaux moyens et méthodes de guerre : mise en œuvre des dispositions de l’article 36 du Protocole additionnel I de 1977 » (Revue internationale de la Croix-Rouge, volume 88 numéro 864, décembre 2006).

Le Protocole V ne traite pas expressément du problème de l’acquisition des munitions. Pour une discussion sur ce sujet, voir le « Report of Expert Group 8 Environmental Engineering » (Rapport du huitième groupe d’experts génie de l’environnement), dixième atelier du CEN, Standardisation for Defence Procurement Expert Group 8 Environmental Engineering, avril 2011.

Liste de contrôle relative au développement de munitions

La liste de contrôle des mesures préventives générales du Protocole V aborde la question du développement des munitions. Ci-dessous sont listées les questions de la liste de contrôle relatives à la spécification, à la conception, au développement, aux tâches de qualification et à la production.

Spécification
(a) Est-ce que chaque phase (stockage, transport, manutention, entraînement, utilisation, …) du cycle de vie des munitions est complètement défini, en terme de
(i) Conditions d’utilisation normales, anormales et accidentelles,
(ii) Type de conditions d’environnement et les niveaux associés auxquels les munitions peuvent être exposées (directement ou indirectement par exemple lorsqu’elles sont intégrées aux systèmes d’armes),
(iii) Durée et fréquence d’exposition à ces différentes conditions d’environnement,
(iv) Configuration/état des munitions pendant les périodes d’exposition aux conditions d’environnement,
(v) Dégradation maximum autorisée pendant le cycle de vie opérationnel, par exemple le stockage, le transport, la manutention, l’utilisation sur certains systèmes d’armes…?
(b) Est-ce que les munitions ont une exigence de durée de vie ?
(c) Est-ce qu’il y a des exigences quantitatives de fiabilité et sécurité inclues dans la spécification pour l’ensemble du cycle de vie ?
(d) Existe-t-il un taux UXO maximum autorisé ?
(e) Est-ce que le type de cibles à engager et les scénarios d’emploi des munitions sont définis et caractérisés ?
(f) Les conditions d’impact des munitions ont-elles été considérées, par exemple l’angle d’impact de la munition/ type de surface d’impact ?
(g) Les limites de sensibilité de la fusée sont-elles définies dans la spécification ?
(h) Des matériaux interdits, par des normes internationales ou des réglementations, sont-ils utilisés ?
(i) Quelles sont les normes de conception appliquées pendant le développement de la production ? Sont-elles internationalement reconnues ? Si ce n’est pas le cas, y a-t-il des matrices de comparaison entre les normes ?

Conception
(a) Est-ce que le processus de conception inclut un programme de sécurité système proactif ?
(b) Les risques potentiels et les aspects sécurité liés aux munitions qui deviennent des UXO ont-ils été considérés ?
(c) Est-ce que le système de fusée comporte, de conception, des dispositifs qui permettent l’évaluation de l’état d’armement pour faciliter les procédures de mise en sécurité ?
(d) Est-ce que la conception des systèmes de fusée (ou des munitions) permet le remplacement ou l’incorporation d’une solution plus avancée pour diminuer le taux de défaillance (par exemple : mécanisme d’autodestruction, mécanisme d’auto neutralisation, mécanismes d’initiation multiple, améliorations des matériels ou logiciels…) ?
(e) Des moyens d’enregistrement automatique (tel que les systèmes de surveillance HUMS) des conditions d’environnement (mécanique, température, humidité relative…) sont-ils intégrés dans les munitions ? Dans les emballages ? Dans les moyens de stockage et de transport ? Dans les systèmes d’armes ?

Développement
(a) Est-ce que le travail de conception inclut des dispositions et paramètres permettant aux munitions produites de satisfaire les exigences spécifiées de fiabilité, de sécurité, de stockage, de transport et de manutention tout au long du cycle de vie des munitions (en incluant par exemple l’utilisation et la destruction) ?
(b) Est-ce que les munitions ont été conçues pour conserver le niveau exigé de fiabilité dans toutes les conditions environnementales spécifiées et prévisibles de l’ensemble des phases du cycle de vie ?
(c) La qualité des composants choisis (matériaux, éléments mécaniques, éléments explosifs, compatibilité et vieillissement des composants pyrotechniques, composants électroniques, batteries, …) est-elle optimale au regard des performances et du taux d’UXO spécifié ?
(d) Quand cela est approprié et techniquement faisable, est-ce que la conception permet, avant utilisation, de contrôler les fonctions critiques qui peuvent entraîner des UXO (par l’utilisateur ou autotests) ?
(e) Est-ce que le système de fusée comporte, par conception, un élément qui met fin définitivement à la période d’activité des munitions par exemple mécanisme d’autodestruction, mécanisme de désactivation (dissipation de l’énergie de mise à feu, …), mécanisme d’auto neutralisation (désarmement, stérilisation, …), et d’auto démantèlement ?
(f) Est-ce que tous les composants ou fonctions en rapport avec la sécurité sont testés ?
(g) Est-ce que la conception du système de fusée comporte des éléments, si cela est faisable, qui facilitent efficacement les méthodes d’assurance qualité automatiques et/ou manuelles, les tests et inspections ?
(h) Les munitions ont-elles été conçues pour atteindre la durée de vie spécifiée sans dégradation inacceptable de la fiabilité et de la sécurité ?
(i) Est-ce que la conception du système de fusée comporte des éléments, si cela est faisable, qui facilitent la surveillance de leur état, par des capacités de prédiction et de diagnostique, assurant ainsi l’efficacité et la fiabilité des munitions tout au long de leur cycle de vie ?
(j) Est-ce que le lotissement est inscrit sur les munitions ?
(k) Des analyses de fiabilité et de sécurité ont-elles été réalisées par exemple les disfonctionnements de la munition ont-ils été analysés, la conception améliorée et vérifiée par analyse et essais spécifiques de fiabilité et sécurité ?
(l) Est-ce que les fonctions et caractéristiques critiques, en ce qui concerne les UXO, ont été définies ? (m) Est-ce que les exigences quantitatives de fiabilité et de sécurité ont été évaluées par analyses et essais ?
(n) Si les munitions contiennent du logiciel ou des composants programmables, est-ce que l’on se réfère à des normes internationales ? Des activités spécifiques ont-elles été planifiées, définies et réalisées pour assurer la fiabilité et la sécurité ?
(o) Est-ce que des analyses du procédé ont été

Tâches de qualification
(a) Est-ce que le programme de qualification (essais et simulations) couvre toutes les exigences opérationnelles et techniques, et les données ont-elles été enregistrées et utilisées pour évaluer le taux d’UXO et permettre de le gérer pendant le conflit ?
(b) Le programme de qualification (essais et simulations) est-il statistiquement suffisamment valide pour permettre une évaluation fiable de la fiabilité et de la sécurité des munitions dans toutes les conditions d’environnement ?
(c) Est-ce qu’il existe un rapport de sécurité couvrant tous les aspects relatifs à la sécurité (les UXO inclus) pour tout le cycle de vie ?
(d) Existe-t-il un bureau indépendant ou une organisation pour contrôler et approuver la sécurité des munitions (par exemple un bureau de revue des fusées, une autorité nationale de sécurité, …) ?
(e) Est-ce que les procédures qualité des essais des différents composants sont spécifiées et suivies ?
(f) Pendant la production, les emballages des munitions sont-ils surveillés par du personnel formé ?

Production
(a) Le procédé de production a-t-il été qualifié ?
(b) Est-ce que les caractéristiques critiques pour la sécurité et le taux d’UXO, définies dans les études de sécurité, ont été vérifiées pendant la production ?
(c) Est-ce que les méthodes d’assurance qualité utilisées en production ont été validées ?
(d) Est-ce que la gestion de production en place pendant la production enregistre les lots de munitions et de composants (pour permettre par exemple les analyses de défauts trouvés pendant les essais, l’entraînement et l’utilisation) ?
(e) Lorsque les composants de munitions sont stockés pendant le procédé de production, est-ce que les conditions et les limites de durées de stockage sont connues et appliquées ? Est-ce que les composants sont contrôlés avant utilisation ?
(f) Est-ce que la procédure d’essais de réception a été définie conformément aux normes nationales ou internationales ?