Les Soudanaises aux devants des revendications pour la bonne gouvernance

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Les Soudanaises aux devants des revendications pour la bonne gouvernance

Entre manifestations publiques et mobilisations générales, elles réclamaient un changement durable dans leur pays.
Jaxson Cooper
Afrique Renouveau: 
11 Septembre 2020
Alaa Salah, militante de la société civile et leader communautaire du Soudan.
ONU Femmes/Ryan Brown
Alaa Salah, militante de la société civile et leader communautaire au Soudan, à la réunion du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité.

Les manifestations au Soudan de 2018 à 2019 ont été l’occasion d’un retour, plutôt que l’apparition soudaine, du leadership et des capacités d'organisation et de la mobilisation des femmes. 

Au moyen de la musique, de la poésie et des discours publics, les femmes étaient en première ligne des manifestations.

Elles ont organisé et coordonné les horaires et les lieux de rassemblements ;fourni de la nourriture, un abri et des ressources nécessaires aux autres manifestants. Elles ont également été victimes de brutalité physique, de gaz lacrymogènes. Certaines en sont mortes.

Les médias ont estimé que plus de 70 % des manifestants étaient des femmes.

L'exemple le plus frappant est celui d'Alaa Salah, vêtue d'une robe blanche et de grandes boucles d'oreilles dorées, un clip vidéo la montrant debout sur le toit d'une voiture et chantant devant une foule de manifestants est devenu viral et a été couvert dans plusieurs médias internationaux.

Depuis que la célèbre photo a été prise et diffusée dans les médias sociaux, Mme Salah s'est exprimée devant le Conseil de sécurité des Nations unies. Elle a accordé de nombreuses interviews et a mis en veilleuse ses études scolaires pour plaider en faveur d'un meilleur Soudan.

La constitution de transition garantit aux femmes une représentation de 40 % au sein de l'organe parlementaire de 300 sièges, le Conseil législatif de transition, qui compte 120 sièges, soit une augmentation par rapport au quota de représentation de l'ancien régime de 25 %.

Mme Salah a rappelé que tout changement politique doit inclure une représentation égale. "Il n'y a aucune excuse pour que (les femmes) n'aient pas un siège égal à chaque table," a-t-elle déclaré aux Nations Unies.

L’histoire

L'Union des femmes soudanaises (SWU), créée en 1952, représente un important exemple de femmes luttant pour le changement politique. La SWU s'est efforcée de créer des changements positifs dans la vie des femmes en réduisant l'analphabétisme féminin, en mettant fin à la discrimination en matière de salaire et d'emploi et en obtenant le droit de vote des femmes. Le suffrage universel et le droit au congé de maternité ont été parmi les plus grandes réalisations du groupe.

Cependant, les dictateurs ont ensuite freiné l'élan en limitant et en cooptant la représentation des femmes par le biais de quotas politiques, en interdisant les organisations non gouvernementales de femmes et en emprisonnant l'opposition. Tout cela s'est produit malgré le fait que la présidente de la SWU, Fatima Ahmed Ibrahim, soit devenue la première femme à être élue au Parlement du Soudan dans les années 1960.

Changements

Après plusieurs mois passés dans les rues, les manifestants soudanais ont atteint l'un de leurs plus grands objectifs en août 2019 : l'accord pour la création d'un gouvernement de transition à majorité civile. 

La constitution de transition garantit aux femmes une représentation de 40 % au sein de l'organe parlementaire de 300 sièges, le Conseil législatif de transition, qui compte 120 sièges, soit une augmentation par rapport au quota de représentation de l'ancien régime de 25 %.

Women in El Fasher, North Darfur, march for “16 Days of Activism against Gender-Based Violence”, an annual campaign beginning on the International Day to End Violence Against Women
Les femmes d'El Fasher, au Nord-Darfour pendant les "16 jours d'activisme contre la violence sexiste", une campagne annuelle qui commence lors de la Journée internationale pour mettre fin à la violence contre les femmes. Photo ONU/Albert González Farran

Le Premier ministre du Soudan, Abdalla Hamdok, qui a prêté serment en août dernier, a nommé quatre femmes au gouvernement : Asma Mohamed Abdalla, ministre des affaires étrangères, Lena el-Sheikh Mahjoub, ministre du travail et du développement social, Wala'a Essam al-Boushi, ministre de la jeunesse et des sports et Intisar el-Zein Seghayroun, ministre de l'enseignement supérieur.

Il y a également eu des changements dans la législation qui affectent la vie des femmes à travers le Soudan. Le gouvernement a abrogé une loi répressive sur l'ordre public qui régissait la façon dont les femmes agissaient et ce qu'elles portaient et qui était l'un des innombrables outils destinés à discriminer et à réprimer les femmes.

La peine de mort pour apostasie a été abrogée. Les mutilations génitales féminines (MGF) ont été interdites et l'exécution d'enfants a été prohibée. Les femmes n'ont plus besoin du consentement de leur mari ou de leur tuteur masculin pour voyager avec leurs enfants. 

Cependant, Mariam Yahya, victime des lois soudanaises sur l'apostasie et de la discrimination envers les femmes, souligne qu'"il reste encore beaucoup de chemin à parcourir".

Des progrès mais… 

Malgré certains progrès au Soudan dans le domaine des droits de l'homme et des valeurs démocratiques, des difficultés subsistent. 

L'économie, qui était déjà en difficulté sous l'ancien président Omar al-Bashir, ne s'est pas redressée sous la nouvelle administration, et les restrictions et les conséquences de la pandémie COVID-19 n'ont fait qu'aggraver la situation. 

Les manifestants sont retournés dans les rues pour exprimer leur mécontentement face à la situation actuelle et au rythme des réformes économiques, tandis que les vestiges de l'ancien régime s'opposent également aux réformes.

Pour les femmes soudanaises, la marche pour l'égalité de représentation se poursuit, à la fois pour occuper les 120 sièges du conseil de transition et pour préparer les élections de 2022. 

Un exercice de cartographie financé par les Nations unies au début de l'année pour promouvoir la participation politique et identifier puis former les candidats potentiels a permis de découvrir que plus de 1 000 femmes étaient prêtes à représenter leur communauté, malgré des obstacles allant des systèmes patriarcaux et du manque de formation aux frais de déplacement et aux besoins de garde d'enfants.