La dette extérieure complique le redressement post-COVID-19 de l'Afrique

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La dette extérieure complique le redressement post-COVID-19 de l'Afrique

Appel à un gel temporaire pour tous
Afrique Renouveau: 
30 Juillet 2020
PNUD

 


 

 The COVID-19 pandemic threatens to devastate many economies, including in Africa
Le chemin de fer Addis-Abeba-Djibouti financé par les Chinois.

Le Mozambique avait déjà du mal à rembourser sa dette extérieure de 14 milliards de dollars lorsque la COVID-19 survint en début d'année.

Le ratio dette/PIB du pays, qui était de 100 % en 2018, a explosé pour atteindre 130 % en 2020. Avec une dette qui dépasse la production économique totale, le Mozambique a peu de marge de manœuvre budgétaire pour répondre à la pandémie et s’en remettre.

La COVID-19 n'est que le dernier des malheurs du Mozambique. Le pays continue à se remettre du cyclone Idai qui a frappé en mars 2019 et au cours duquel 607 personnes ont perdu la vie et des milliers ont été déplacées.

Comme le Mozambique, de nombreux pays africains pauvres et lourdement endettés, tels que l'Angola, le Cap-Vert, le Congo, Djibouti et l'Égypte - tous avec un ratio dette extérieure/PIB supérieur à 100 % - doivent maintenant, dans un contexte de pandémie, décider comment naviguer à travers d'importantes difficultés financières.

Une étude de l'Union africaine (UA) sur l'impact économique de COVID-19, publiée en avril 2020, a montré que le continent pourrait perdre jusqu'à 500 milliards de dollars et que les pays pourraient être contraints d'emprunter massivement pour survivre à la pandémie. 

En juin 2020, le Secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a averti que "50 millions de personnes supplémentaires risquent de tomber dans l'extrême pauvreté en 2020 en raison de la pandémie". António Guterres a lancé un appel en faveur d'un "ensemble de mesures mondiales représentant au moins 10 % du produit intérieur brut mondial". Pour l'Afrique, cela signifie plus de 200 milliards de dollars de soutien supplémentaire de la part de la communauté internationale".

Selon la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA), l'Afrique a besoin d'au moins 100 milliards de dollars pour financer immédiatement une réponse en matière de santé et de sécurité sociale, et de 100 milliards de dollars supplémentaires pour la relance économique, y compris un moratoire sur la dette, le financement d'un instrument spécial pour les obligations de la dette commerciale et la fourniture de liquidités supplémentaires au secteur privé.

L’abscence de marge de manœuvre budgétaire des pays africains pour faire face à la pandémie et à ses conséquences serait, selon le Fonds monétaire international (FMI), attribuable à quatre défis.

Le premier défi est le niveau élevé, qui n'est pas viable, de la dette par rapport au PIB.

Le deuxième est que les déficits budgétaires élevés (écarts entre les dépenses et les recettes) obligeront les pays à explorer d'autres modes de financement des projets de développement. Par conséquent, ils auront recours aux emprunts, ce qui aggrave encore le poids de leur dette.

Le troisième défi est le coût élevé des emprunts, avec des taux d'intérêt compris entre 5 et 16 % sur les obligations d'État à 10 ans, alors que les taux sont proches de zéro ou négatifs en Europe et en Amérique.

Pour les économies d'Afrique subsaharienne, les remboursements d'intérêts constituent la part la plus importante des dépenses - et celle qui croît le plus rapidement - des budgets.

Enfin, la dépréciation de nombreuses monnaies africaines par rapport aux principales devises internationales a déclenché l'inflation. Par exemple, le pula botswanais et le rand sud-africain ont perdu environ 8 % de leur valeur par rapport au dollar américain et à l'euro depuis le début de la pandémie.

Pour mieux se remettre, M. Guterres a demandé un allègement de la dette, tout en préconisant une transition vers une croissance à faible intensité de carbone et résistante au climat, qui créera des millions d'emplois verts et garantira une production et une consommation durables.

Pour relever ces défis, il faut réduire les inégalités fondées sur le revenu, le sexe et la race, a déclaré M. Guterres. Il continue de plaider en faveur de l'équité dans les liquidités mondiales et a proposé un ensemble de solutions innovantes pour financer la reprise post-pandémique.

Par exemple, le chef des Nations Unies a demandé au FMI d'accroître son soutien financier aux pays africains dans le cadre de sa facilité de droits de tirage spéciaux, une monnaie de réserve monétaire dans laquelle les pays en difficulté financière peuvent puiser.

Appel à l'annulation de la dette

Alors que le G-20 a convenu de suspendre le remboursement de la dette des 75 pays les plus pauvres du monde jusqu'à la fin de cette année, M. Guterres maintient que la suspension de la dette devrait être étendue à tous les pays en développement, ajoutant que le secteur privé doit faire partie de tout dialogue sur la remise de la dette.

La CEA recommande également une "suspension temporaire complète de la dette pendant deux ans pour tous les pays africains, sans exception".

L'Union africaine a lancé plusieurs programmes, tels que le plan d'intervention COVID-19 de l'Agence de développement de l'Union africaine (AUDA-NEPAD), pour aider les pays à lutter contre la pandémie et à mieux s'en remettre.

Le directeur général de l'AUDA-NEPAD, Ibrahim Mayaki, reconnaît que les pays ont désespérément besoin d'alléger le fardeau de la dette. "Des consultations sont en cours avec les principaux partenaires financiers du développement pour un plan à court et moyen terme qui puisse répondre à ces besoins", a-t-il déclaré à Afrique Renouveau, lors d'un entretien.

Les appels à l'annulation de la dette des pays pauvres se poursuivent depuis de nombreuses années. En 2005, la Banque mondiale et le FMI ont annulé 55 milliards de dollars de la dette des États les plus pauvres d'Afrique ; une annulation totale serait tout de même sans précédent.

En outre, l'annulation totale de la dette implique généralement d'intenses négociations politiques. La Banque de développement de Chine et la Banque d'import-export de Chine représentent la majeure partie des prêts accordés aux pays africains. Ces institutions sont étroitement liées au gouvernement chinois et à son initiative "Belt and Road". Elles sont donc susceptibles de se conformer à la position officielle du gouvernement.

En avril 2020, la Chine a exprimé sa volonté d'accorder un allègement, mais pas une remise de sa dette, à l'Afrique.

Lors d'une réunion avec les dirigeants africains à la mi-juin pour discuter de la réponse à la COVID-19, le président chinois Xi Jinping a proposé d'annuler les prêts sans intérêt de l'Afrique, mais a indiqué que les négociations seraient menées de manière bilatérale.

Cependant, l'Université Johns Hopkins aux Etats-Unis analyse que les prêts que la Chine a l'intention d'annuler représentent moins de 5% de la dette de l'Afrique envers la Chine, ce qui représente une forte augmentation de la dette du continent.

En attendant, le secrétaire général de la zone de libre-échange du continent africain (ZLECA), Wamkele Mene, soutient que la mise en œuvre du pacte commercial augmenterait le commerce intra-africain et stimulerait l'industrialisation du continent - précisément le stimulus dont l'Afrique a besoin.

Cependant, la stimulation de la mise en œuvre de la ZLECA devra attendre, car les échanges commerciaux ne pourront pas commencer à la date prévue du 1er juillet. L'UA devrait bientôt annoncer une nouvelle date.