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Croyez les survivantes de violences. Agissez dès maintenant

L’histoire de Layla, au Maroc
Afrique Renouveau: 
24 Novembre 2021
Par: 

Dans le monde, seule une femme sur dix survivant à des violences demande l'aide de la police. Mais même celles qui le font se retirent souvent du processus de justice en raison des mauvaises réponses de la police ou d'autres acteurs judiciaires.

L'accès des femmes à la justice commence par le fait de croire les survivantes et d'agir, chaque jour.

A travers cette série éditoriale spéciale pour les 16 jours d'activisme, ONU Femmes met en avant les voix des survivantes et les programmes qui transforment les vies et les communautés.

« Il m’a dit qu’il était amoureux de moi et qu’il comptait me demander en mariage bientôt. Je lui faisais confiance », confie Layla Bennani* au sujet de sa relation avec le dirigeant d’une entreprise pour laquelle elle travaillait. « Mais il me frappait chaque fois que je n’étais pas d’accord avec lui. J’ai tout enduré, de la violence sexuelle à la maltraitance psychologique. Il est devenu de plus en plus violent au fil des jours. Il exerçait un contrôle total sur moi. Il m’a fait croire que je n’avais aucune chance contre lui. »

Layla Bennani tient sa fille dans ses bras. Photo : Nations Unies Femmes/Mohammed Bakir

Quand elle s’est finalement présentée à la police, accompagnée d’une amie, Layla Bennani ne savait pas à quoi s’attendre. « J’étais à une étape de ma vie où rien ne semblait plus avoir d’importance. J’étais enceinte, célibataire et seule. « J’avais peur que [la police] ne me croie pas », explique-t-elle.

Selon une enquête nationale réalisée en 2019, seules 3 survivantes de violences sexuelles sur 100 signalent des incidents à la police au Maroc. La crainte d’être humiliée ou blâmée par la police et le manque de confiance dans le système de justice dissuadent la plupart des femmes de demander de l’aide.

Au grand soulagement de Layla Bennani, une policière l’a accueillie au Service de police des femmes survivantes de violence. « La première chose qu’elle m’a dite, c’est qu’il y a une solution à tout. Je n’oublierai jamais ce qu’elle m’a dit. C’est devenu ma devise dans la vie. Ses paroles m’ont encouragée à lui raconter toute l’histoire. Elle m’a écoutée très attentivement et avec beaucoup d’égards. »

Saliha Najeh, chef de police à l'Unité de police de Casablanca pour les femmes victimes de violences. Photo : ONU Femmes/Mohammed Bakir.
Saliha Najeh, chef de police à l'Unité de police de Casablanca pour les femmes victimes de violences. Photo : ONU Femmes/Mohammed Bakir.

« À l’époque, je ne me sentais pas en sécurité, je me sentais vulnérable... Sa rencontre m’a fait réaliser que j’avais encore une chance de reprendre ma vie en mains », se souvient Layla Bennani à la suite de son premier contact avec le service de police. Elle a été aiguillée vers un refuge local pour les mères célibataires où elle a eu une deuxième chance.

« Il y a deux ans, ma fille est née. Elle est mon espoir. Son nom en arabe signifie « résistance ». Récemment, j’ai obtenu ma licence en mathématiques. J’étudiais tout en prenant soin de mon bébé au refuge des mères célibataires », dit-elle en tenant la main de sa fille.

Ce qui fonctionne pour mettre fin à la violence basée sur le genre

Le renforcement de la confiance dans la police fait partie intégrante de la prévention de la criminalité et de la sécurité des communautés. Lorsque la police reçoit une formation professionnelle destinée à traiter les cas de violence basée sur le genre, les survivantes sont plus susceptibles de signaler des mauvais traitements et de demander que justice soit faite, ainsi que d’avoir accès aux services de santé et aux services psychosociaux. Ces services essentiels contribuent à mettre un terme au cycle de la violence en aidant les survivantes, leurs familles et les communautés à surmonter l’épreuve, tout en envoyant aux femmes et aux communautés un message clair affirmant qu’une telle violence constitue un crime punissable.

Au cours des dernières années, la Direction générale de la sécurité nationale, appuyée par ONU Femmes et financée par le gouvernement du Canada, a restructuré la police nationale afin de mieux soutenir les survivantes et de prévenir la violence à l’égard des femmes.

En 2018, les services de police destinés aux femmes survivantes de violence dans 132 postes de police ont été entièrement remaniés. En plus des tâches d’enquête, les services se concentrent maintenant sur l’amélioration de l’expérience de contact initial des femmes avec la police par l’écoute, la constitution de dossiers, l’accompagnement et la transmission des affaires. Les 440 commissariats de police de district disposent tous à présent d’un personnel dévoué qui aiguille les survivantes vers le service spécialisé le plus proche.

Ce programme de quatre ans a également permis de former des chefs de police et d’éliminer de nombreux obstacles auxquels les femmes survivantes étaient confrontées au départ. Par exemple, les survivantes peuvent communiquer directement avec le responsable de la police ou du service.

« Les femmes doivent faire preuve de beaucoup de détermination et de courage pour demander l’appui de la police », constate Saliha Najeh, policière responsable du service de police de Casablanca pour les femmes survivantes de violence. « Notre rôle est de donner aux survivantes tout le temps nécessaire pour se sentir en sécurité et à l’aise, et pour qu’elles nous fassent suffisamment confiance pour raconter leur histoire. »

Saliha Najeh a reçu une formation spécialisée dans le cadre du programme d’ONU Femmes, et elle forme maintenant les policiers de son service sur la façon de traiter les cas de violence basée sur le genre, au moyen d’une approche axée sur les survivantes.

Ce que vous pouvez faire

En 2021, 30 officiers supérieurs de police et responsables de services avaient été formés dans le cadre du programme.

Lorsque la pandémie de COVID-19 a frappé, la police marocaine était prête à soutenir les survivantes de violence au milieu de cette crise mondiale sans précédent. Alors que de nombreux autres services essentiels ont été fermés, les services de police dédiés aux femmes survivantes de violence et les tribunaux sont restés ouverts. En outre, le Maroc a élargi les canaux permettant aux survivantes de signaler et d’accéder à la justice à distance au moyen d’une ligne d’assistance téléphonique sans frais 24 heures sur 24, d’un mécanisme électronique de traitement des plaintes et d’audiences de tribunal en ligne.

Des efforts ont également été déployés récemment pour réformer les lois du pays. Le Code pénal marocain pénalise les relations sexuelles en dehors du mariage, ce qui dissuade les femmes célibataires et les survivantes de viol de signaler les mauvais traitements. ONU Femmes a appuyé une coalition de 25 organisations de femmes militant en faveur d’une modification de la loi. Un mémorandum joint à un avant-projet de loi soumis au Parlement en 2019 et 2020 demande une protection égale pour les survivantes de violence, une définition claire du viol, y compris le viol conjugal, et dépénalise les relations sexuelles hors mariage.


*Le nom a été changé pour protéger l’identité de la survivante.