Récit d’une vie d’itinérance

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Récit d’une vie d’itinérance

De l’Angola aux Pays-Bas : le choc culturel de Lucia Kula
Pavithra Rao
Afrique Renouveau: 
Lucia Kula.
Lucia Kula.
Lucia Kula.

Lucia Kula n’avait que huit ans lorsque la guerre a frappé à sa porte et a bouleversé sa vie. Une guerre civile faisait rage depuis des années dans son pays natal, l’Angola, où son père avait été fait prisonnier politique. Pour sauver ses deux filles, la mère de Lucia s’est enfuie avec sa famille vers la ville froide et pluvieuse de Lelystad, aux Pays-Bas.

« Passer d’un pays en guerre à un pays dont on ne connaît ni la langue, ni la culture, ni les coutumes a été un véritable choc », explique Lucia. Elle s’est sentie perdue et désorienté dans ce nouvel environnement.

« Imaginez que vous arrivez dans un pays à l’âge de huit ans et que pendant 12 ans, vous vivez sans permis de séjour. Cela signifie que d’un jour à l’autre, vous pouvez être expulsé », confie Mme Kula.

« Cela représente des années d’insécurité et une vie en suspens, un épuisement mental, des batailles juridiques et des années à me demander où était mon chez-moi. L’école était mon échappatoire. J’y rêvais de tout ce que je pourrais faire, de tous les endroits où je pourrais aller et de la liberté que cela me donnerait », écrit-elle dans un article publié par « I am a Migrant »,

la plate-forme de l’OIM pour promouvoir la diversité et l’inclusion des migrants dans la société.

« J’ai toujours été active dans le domaine de la jeunesse, de la migration et du militantisme politique étudiant. J’organisais des débats et des conférences, j’étais vice-présidente du syndicat étudiant et secrétaire d’un fonds international pour la jeunesse, mais pas résidente. »

La famille vivait dans des centres pour demandeurs d’asile en banlieue, et il était difficile pour Lucia de se constituer un cercle d’amis. « Nous avons déménagé neuf fois et la plupart des centres étaient loin de la ville. » Même si les gens n’étaient généralement pas hostiles, cela n’atténuait pas la stigmatisation liée au statut de réfugié.

« La stigmatisation et l’ignorance entourent le réfugié ou le demandeur d’asile. Les communautés locales ne comprenaient pas, et enfant, je trouvais cela très difficile à expliquer », dit Lucia.

« Lorsque le permis de séjour m’a enfin été délivré, suivi de la nationalité néerlandaise quelques années plus tard, j’ai eu le sentiment de pouvoir enfin respirer », écrit-elle.

« J’ai reçu une bourse partielle en 2013 pour faire mon master à Londres, au Royaume-Uni. J’ai continué avec un doctorat en droit. Aujourd’hui, trois ans plus tard, Londres est devenu mon chez-moi : elle me manque quand je n’y suis pas, je m’y sens à l’aise et j’ai envie d’en faire davantage. »

Mme Kula est également enseignante-chercheuse dans le département des migrations et diasporas de l’École des études orientales et africaines de l’Université de Londres.

Elle s’est rendue plusieurs fois en Angola pour y faire des recherches et dit qu’elle pourrait même s’y installer un jour.

Alors que sa mère et ses sœurs ont l’intention de rester aux Pays-Bas, un endroit qu’elles considèrent maintenant comme leur chez-soi, Lucia préfère la ville de Londres pour sa diversité et son multiculturalisme.

Malgré les charmes de la vie occidentale, Mme Kula n’a pas oublié sa patrie et son identité. « Je me qualifie toujours de chercheuse anglo-néerlandaise. Je m’identifie d’abord comme Angolaise, puis comme Hollandaise. La culture et les coutumes avec lesquelles j’ai grandi sont africaines. On peut dire que c’est le meilleur des deux mondes.», s’enthousiasme-t-elle.

Sa mère avait pris sciemment la décision d’immigrer parce qu’elle voulait que ses enfants grandissent dans un environnement sûr et prometteur d’avenir, dit-elle. Quand à son père, il a été libéré par la suite mais il est mort quelques années plus tard.

Une réfugiée devenue chercheuse peut s’exprimer en toute connaissance de cause sur le sujet. Mme Kula aimerait que le débat public s’intéresse davantage à la manière dont les migrants et les réfugiés peuvent enrichir une société, plutôt qu’à la protection des frontières et au recensement des populations.