La fin des violences contre les femmes et les filles au Sahel est indispensable au développement durable

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La fin des violences contre les femmes et les filles au Sahel est indispensable au développement durable

United Nations Deputy Secretary-General Amina J. Mohammed
Afrique Renouveau: 
In Bol, Chad, the Deputy Secretary-General, Amina Mohammed meets Halima Yakoy Adam who survived a Boko Haram suicide bombing mission. Photo: Daniel Dickinson, UN News
Photo: ONU Photo/Daniel Dickinson
La Secrétaire générale adjointe Amina Mohammed à la rencontre de Halima Yakoy Adam, rescapé d’un attentat suicide de Boko Haram. Photo: Daniel Dickinson, ONU Nouvelles

Ayant survolé le vert et lacustre paysage de la région, nous avons été chaleureusement accueillis par les chefs traditionnels et les femmes de la ville de Bol au Tchad. La pauvreté et l’insécurité ambiantes ne leur laissait que peu d’espoir et de dignité. Mais chez ces femmes, qui nous avaient accueillis avec le sourire aux lèvres, j’ai reconnu une résilience que j’avais déjà observé chez d’autres femmes ailleurs : la capacité à survivre, en dépit des multiples formes de violence et d’insécurité à la maison, en public ou en situation de conflit politique.

L’été dernier, j’étais en mission au Tchad, au Sud-Soudan et au Niger à la tête d’une délégation de femmes haut placées de l’ONU et de l’Union africaine.

Au Niger et au Tchad, Margot Wallström la vice-première ministre et ministre des Affaires étrangères de la Suède, nous a rejointes. La Suède a accordé une grande importance aux dynamiques entre le statut des femmes dans la société et la paix et la sécurité internationales au cours de ces deux dernières années au Conseil de sécurité.

Lors de la mission, je n’ai pu m’empêcher de penser que les femmes sont les premières victimes en temps de crise et que cela vient s’ajouter à des situations de violence et d’inégalité extrême

J’ai rencontré Halima, une jeune fille qui n’avait pas la maîtrise de sa propre vie. Mariée de force, son mari, membre de Boko Haram, l’endoctrinera par la suite avec la promesse d’une vie meilleure après la mort. Halima devait se faire exploser dans un attentat suicide, mais n’y parvint pas quand les ceintures de ses deux autres compagnes explosèrent alors qu’elles s’étaient arrêtées pour la prière.

Halima perdit ses deux jambes et semblait n’avoir plus d’avenir, mais elle garde espoir et aujourd’hui elle est devenue une assistante juridique qui s’emploie dans sa communauté à autonomiser d’autres femmes.

Au Niger, dans un centre de survivantes de fistule, nous avons rencontré des filles d’à peine 12 et 13 ans. De simples enfants forcées à se marier, puis violées par leur mari, sans le moindre contrôle sur leur avenir, leur corps, leur vie.

Au Tchad et au Niger, plus de 75 % des filles se marient avant 18 ans. Elles abandonnent l’école et beaucoup tombent enceintes peu de temps après. En raison de leur jeune âge, ces pays enregistrent certains des taux de mortalité maternelle les plus élevés du monde. Confrontées à une pauvreté extrême et souvent à des conflits, les familles pensent qu’elles n’ont pas d’autre choix. Elles sont incapables de nourrir leurs enfants, et espèrent qu’un mari le pourra peut-être.

Alors que nous célébrons 16 jours d’activisme pour mettre fin à la violence et aux pratiques néfastes contre les femmes et les filles, il est important que nous reconnaissions les multiples formes de violence auxquelles les femmes et les filles sont confrontées et les conséquences qu’elles ont pour les individus, les familles, les communautés, et nos programmes communs pour le développement : l’Agenda 2030 et l’Agenda 2063 de l’Union africaine.

Du mariage forcé précoce au féminicide, de la traite au harcèlement sexuel, de la violence sexuelle aux pratiques traditionnelles préjudiciables : la violence sous toutes ses formes est un obstacle mondial au développement durable, à la paix et à la prospérité. Elle entrave la pleine participation des femmes à la société, balafre les générations suivantes et coûte aux pays des millions de dollars en dépenses de santé, en journées de travail et en répercussions à long terme.

L’ONU, ses partenaires, les gouvernements nationaux et la société civile, dirigent les efforts visant à mettre fin à toutes les formes de violence contre les femmes et les filles d’ici 2030.

Au cours de notre voyage, nous avons rencontré des chefs de communauté, en particulier des hommes, qui prennent des mesures pour mettre fin au mariage précoce. Nous avons parlé à des pêcheuses du lac Tchad qui ont repris un emploi traditionnellement masculin afin de subvenir aux besoins de leur famille et qui sont engagées dans la gestion durable des ressources, la génération de revenus et l’autonomisation.

Dans un certain nombre de pays d’Afrique, nous mettons en œuvre un nouvel effort avec l’Union européenne : l’Initiative Spotlight, pour éliminer la violence à l’égard des femmes et des filles. L’investissement d’environ 300 millions de dollars en Afrique ciblera toutes les formes de violence sexiste, en particulier les mariages d’enfants, les mutilations génitales féminines et les besoins des femmes et des filles en matière de santé sexuelle et reproductive.

J’ai terminé mes voyages avec un grand sentiment d’urgence et d’espoir.

Cette visite m’a conforté dans ma conviction que nous devons mettre en œuvre d’urgence notre programme mondial pour le développement durable, l’Agenda 2030, et que l’égalité entre les sexes est au cœur même de cette démarche.

Je suis inspirée et pleine d’espoir grâce à des femmes comme Halima, aux survivantes de mariages qu’elles n’ont jamais choisis et qui ont été contraintes à des relations sexuelles et à une grossesse bien avant que leur corps ne soit prêt. Elles racontent leur histoire et sont déterminées à avoir un meilleur avenir, non seulement pour elles-mêmes, mais aussi pour leurs sœurs.

Comme l’a dit Kofi Annan, « L’égalité des genres est plus qu’un objectif en soi. C’est une condition préalable pour relever le défi de la réduction de la pauvreté, promouvoir le développement durable et établir la bonne gouvernance. »     


Amina Mohammed est Vice-Secrétaire générale de l’ONU