Des aliments enrichis pour combattre la « faim invisible »

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Des aliments enrichis pour combattre la « faim invisible »

Le manque de certains nutriments essentiels entrave la croissance
Afrique Renouveau: 
A farmer in Mount Kenya region in Kenya. Photo: CIAT/Neil Palmer
Photo: CIAT/Neil Palmer
Fermier kenyan. Photo: CIAT/Neil Palmer

Pendant des années, l’agriculture intensive a été considérée comme la solution à la faim et à la malnutrition dans le monde. Mais les engrais chimiques et les pesticides empployés ne lui ont pas permis de réduire de manière significative l’insécurité alimentaire, les indicateurs de santé ou l’espérance de vie.

Les experts ont récemment identifié un nouveau type de faim, causé non pas par le manque de nourriture, mais par la consommation excessive d’aliments dépourvus en micronutriments essentiels. Les conséquences de leurs carences en vitamines et minéraux comme l’iode, la vitamine A, le fer, le zinc ou encore le calcium peuvent s’avérer irréversibles.

« Les effets les plus dévastateurs se produisent pendant le développement du fœtus et au cours des premières années de l’enfant », précise l’UNICEF.

« Une faible quantité de micronutriments est nécessaire à l’organisme. En revanche, une carence peut avoir des conséquences dommageables irréversibles, condamnant un enfant à ne jamais atteindre son potentiel intellectuel, économique et de croissance », affirme Anna Lartey, directrice de la nutrition à l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture.

La carence en vitamine A représente la principale cause de cécité infantile, de retard de croissance, de déficience immunitaire et de mortalité infantile.

La faim invisible entraîne également une dénutrition aiguë ou une cachexie infantile, qui peut être diagnostiquée chez les enfants de moins de cinq ans, une période cruciale pour le bon développement de l’enfant.   

En 2018, d’après l’Indice mondial de la faim, qui mesure les efforts déployés pour lutter contre la faim, jusqu’à 2 milliards de personnes dans le monde, pour la plupart dans les pays en développement, ne consommeraient pas suffisamment de vitamines et minéraux essentiels.

Par ailleurs, selon un rapport du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), les denrées alimentaires de base de près de 48 % de la population africaine sont dépourvus de nutriments essentiels. *

Possibles solutions

Pour subvenir aux besoins en micronutriments des enfants, l’UNICEF recommande une gamme diversifiée d’aliments et l’allaitement des nourrissons.

La biofortification constitue une autre solution efficace, décrite par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme « un processus par lequel la qualité nutritionnelle des cultures vivrières est améliorée par des pratiques agronomiques, la sélection végétale conventionnelle ou la biotechnologie moderne ».

Le processus cible habituellement les trois nutriments essentiels - le fer, le zinc et la vitamine A - qui font le plus défaut à l’alimentation des populations africaines.

Les scientifiques et les nutritionnistes sont optimistes quant à l’impact et à la rentabilité de la biofortification.

« Il s’agit d’une intervention complémentaire qui peut atteindre plus facilement de nombreuses personnes dans les zones rurales et qui a l’avantage d’être plus durable », explique le Dr Natalia Palacios, spécialiste de la qualité nutritionnelle du maïs au Centre international d’amélioration du maïs et du blé au Kenya.  « Les agriculteurs et leurs familles peuvent bénéficier directement d’un régime enrichi en micronutriments ».

L’OMS n’a pas encore officiellement approuvé la biofortification, déclarant sur son site Web la nécessité d’effectuer des recherches supplémentaires. Néanmoins, à la fin de 2017, environ 6,7 millions de ménages dans le monde avaient bénéficié de cultures biofortifiées, dont 5 millions en Afrique.

HarvestPlus, une organisation basée à Washington D.C. dont l’ambition est de réduire la faim invisible, travaille avec le secteur privé comme public pour développer la biofortification en Afrique.

La biofortification est également un objectif du Programme détaillé pour le développement de l’agriculture en Afrique (PDDAA), adopté en 2003 par les dirigeants africains, qui exige que les pays investissent au moins 10% de leur budget dans l’agriculture.

Les agriculteurs de 13 pays africains, dont la République démocratique du Congo, le Nigéria, le Rwanda, l’Ouganda, la Zambie et le Zimbabwe, utilisent déjà des cultures biofortifiées dans leurs politiques nationales de nutrition. Trente-huit autres pays, dont l’Angola, l’Éthiopie, l’Égypte, le Ghana, le Kenya, le Mali et la Zambie, effectuent actuellement des essais.

« La recherche a démontré les effets bénéfiques pour la santé de la teneur en vitamine A du maïs et de la patate douce dans les systèmes locaux de production, ainsi que la capacité à l’augmenter », confie le Dr John McDermott, directeur du Programme de recherche sur l’agriculture pour la nutrition et la santé au GCRAI, un réseau mondial d’organisations engagées dans la recherche sur la sécurité alimentaire.

M. McDermott ajoute que « des effets similaires ont été constatés pour le fer dans les haricots et le millet perlé, et les recherches sont en cours pour le zinc ».

La biofortification a des limites

Selon l’OMS, la biofortification a ses limites, notamment le fait que même des membres avertis d’une population cible, peut ne pas consommer d’aliments enrichis.

De plus, même s’ils en consomment, les nourrissons et les jeunes enfants n’obtiennent pas suffisamment de micronutriments car ils consomment des quantités relativement faibles d’aliments, tandis que les familles pauvres souffrent souvent de carences multiples difficiles à combler.

« Bien que plus rentable que d’autres stratégies, le processus d’enrichissement des aliments entraîne néanmoins des coûts importants qui pourraient limiter sa mise en œuvre et son efficacité dans des pays en développement comme l’Inde »,

précise l’OMS.

Le financement actuel de la biofortification en Afrique se limite à l’ajout de l’élément nutritif dans les cultures en croissance, plutôt qu’à son inclusion dès le début de la sélection végétale. L’approche actuelle n’est donc peut-être pas viable à long terme, préviennent les experts.

En outre, la faiblesse des systèmes de semences en Afrique continue d’entraver la livraison aux agriculteurs de ces cultures biofortifiées. Un engagement fort des institutions de recherche et de développement permettra probablement de remédier à cette faiblesse.

En résumé, la biofortification peut ne pas éradiquer complètement la faim invisible, mais elle pourrait bien constituer un bouclier efficace contre la faim en Afrique.     

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