L'ONU et l'UA déplorent l'absence de femmes

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L'ONU et l'UA déplorent l'absence de femmes

Au Nigeria et en RDC, une délégation de haut niveau appelle à l'égalité entre les sexes
Afrique Renouveau: 
Deputy UN secretary-general Amina Mohammed  (right) in Mugunga camp for internally displaced persons in the DRC. Photo: UN Photos/Myriam Asman
Photo: UN Photos/Myriam Asman
La Secrétaire générale adjointe de l'ONU, Amina Mohammed, dans le camp de Mugunga en RDC. Photo: UN Photos/Myriam Asman

De retour d'un voyage au Nigeria et en République démocratique du Congo (RDC), la Secrétaire générale adjointe des Nations Unies, Amina Mohammed, chef de file d'une délégation de responsables de l'ONU et de l'Union africaine (UA), a fait part de sa profonde déception quant à la marginalisation des femmes dans le processus de  consolidation de la paix entre ces deux pays.

Le voyage de la délégation, composée de la Directrice exécutive d'ONU Femmes, Phumzile Mlambo-Nguka, de la Représentante spéciale de l'ONU chargée de la question des violences sexuelles en période de conflit, Pramila Patten, et de l'Envoyée spéciale de la Commission de l’Union Africaine pour les Femmes, la Paix et la Sécurité, Bineta Diop., a été décrit par l'ONU comme « le premier du genre ». La délégation a dit espérer sensibiliser son audience en condamnant les violences sexuelles et en encourageant l'autonomisation des femmes, y compris dans d'autres pays africains.

Tragédies

Mme Mohammed a souligné que « les deux [pays] ont des taux extrêmement faibles de participation des femmes à la vie politique et connaissent des niveaux très élevés de violences sexuelles. Les  enlèvements, les mariages forcés et l'utilisation de femmes comme kamikazes sont monnaie courante, » a rappelé Mme Mohammed.

Le Nigeria, première étape du voyage, a été l'occasion de rencontrer des jeunes filles kidnappées par Boko Haram et libérées deux mois auparavant. Mme Mohammed s'est émue d'avoir « entendu des histoires que des jeunes filles ne devraient pas devoir raconter, et qui sont une tragédie pour nous tous ».

En avril 2014, le groupe islamiste Boko Haram a enlevé 274 écolières de Chibok, dans le nord-est du Nigeria, pour les emmener dans la forêt de Sambisa. Beaucoup ont été sauvées ou ont réussi à s'échapper.

Mme Mohammed n'a pas détaillé chacune des histoires des jeunes filles de Chibok, mais d'après un communiqué d'ONU Femmes publié avant le voyage, « Boko Haram a enlevé plus de 7 000 femmes et jeunes filles au Nigeria et leur a fait subir des actes d'esclavage sexuel, des mariage forcés et des abus physiques et psychologiques ».

Mme Mohammed a rappelé que les jeunes filles de Chibok « refusaient d'être des victimes... Elles nous ont parlé de leurs rêves, pas de leurs cauchemars. L'espoir est là ».

International Crisis Group, une organisation engagée dans la prévention et la résolution des conflits, a rapporté en 2017 que « tandis que les hommes ont été tués de manière disproportionnée [dans le conflit avec Boko Haram], les femmes forment l'écrasante majorité des 1,8 million de personnes déplacées dans le nord-est du Nigeria. »

Visite en RDC

La délégation s'est ensuite rendue en RDC, notamment dans le camp de personnes déplacées de Mugunga dans la banlieue de Goma,  capitale du Nord-Kivu. La délégation a rencontré des femmes qui, si elles sont actives dans le petit commerce, ont aussi le droit, selon Mme Mohammed, de rentrer chez elles dans « la dignité et l'humanité... Ce n'est pas une faveur qui leur est due ».

Depuis son commencement en 1994, près d'un million de personnes ont fui le conflit armé en RDC qualifié de  « première guerre mondiale africaine » entre 1994 et 2003. Le gouvernement a repris le contrôle du territoire, mais les heurts continuent de menacer des milliers de femmes et d'enfants. .

Selon Peace Direct, une organisation non-gouvernementale (ONG) basée au Royaume-Uni qui aide les personnes vulnérables en période de conflit, en particulier les ex-combattantes et leurs femmes, et les femmes victimes des milices, 80% des personnes qui fuient leur foyer durant les conflits sont des femmes. L'ONG affirme que plus de 200 femmes ont été violées en RDC depuis le début de la guerre.

Mme Mohammed et son équipe ont fait part de leur frustration face au niveau de violence. « Sans la paix, il n'y a pas de développement. Quel que soit le niveau des investissements dans ce domaine, ils sont évincés par l'absence de paix ».

Quel rôle les femmes peuvent-elles jouer en faveur de la paix ?

Pour ONU Femmes, « il est prouvé qu'une participation significative des femmes aide à la conclusion et à l'application des accords de paix et pourtant elles sont presque totalement absentes des négociations. »

Femmes et conflits

Dans son livre Women and Power in Postconflict Africa, Aili Mari Tripp, professeure de sciences politiques et d'études sur le genre et les femmes à l'Université du Wisconsin aux États-Unis, note que l'implication des femmes dans la résolution des conflits engendre souvent une augmentation des taux de représentation politique des femmes.

L'auteure souligne que « le Liberia a été le premier pays africain à élire une femme présidente post conflit. Dès 1994, l'Ouganda, qui sortait lui aussi d'un conflit, a eu une une femme vice-présidente pendant 10 ans. Le Rwanda, où 63,8% des députés sont des femmes, a aujourd'hui le taux le plus élevé de représentation féminine au Parlement dans le monde depuis 2003. »

Aili Mari Tripp explique aussi que dans les conflits en Afrique, « les femmes sont les plus impliqués en coulisses dans le rétablissement de la paix, faisant pression sur les milices pour déposer les armes, manifestant pour des élections pacifiques ou négociant la libération des civils kidnappés ».

Les droits des femmes progressent plus rapidement si la fin d'un conflit est négocié pacifiquement, plutôt que si l'un des protagonistes écrase son adversaire.

La question de savoir si les femmes participeront aux efforts de résolution des conflits en RDC et au Nigeria dépendra beaucoup des autorités de ces pays.

La délégation a exhorté les deux gouvernements à promouvoir l'égalité des sexes d'ici 2030 dans le cadre de leurs agendas de développement durable. « Les femmes représentent souvent la moitié de la population... Nous ne pourrons pas atteindre nos objectifs si nous n'investissons que dans l'autre moitié », a déclaré Mme Mohamed.

Au Nigeria, le projet de Loi sur le Genre et l'Egalité des chances, est toujours bloqué. La délégation a exhorté le gouvernement nigérian à accélérer la signature. « Il faut agir et mettre en oeuvre ces mesures, » a déclaré Mme Mohammed devant un parterre de journalistes.