Combattre les inégalités

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Combattre les inégalités

Une nouvelle étude du PNUD révèle le gouffre entre riches et pauvres
Afrique Renouveau: 
A Tanzanian woman walks to the market as a petrol lorry passes by. Photo: Alamy /Wietse Michiels Travel Stock
Photo: Alamy /Wietse Michiels Travel Stock
Une Tanzanienne se rend au marché, doublée par un camion citerne.  Photo: Alamy /Wietse Michiels Travel Stock

En 1996,  peu de temps après avoir été élu démocratiquement en Afrique du Sud,, Nelson Mandela déclara, à l'intention de ses concitoyens et concitoyennes comme de tous les Africains : « nous devons œuvrer ensemble pour garantir une répartition équitable des richesses, des opportunités et des pouvoirs dans notre société »,

L'Afrique du Sud sortait tout juste de l’apartheid, politique de ségrégation raciale qui interdisait aux non-blancs, soit plus des trois quarts de la population, de voter de devenir propriétaire, d'accéder aux emplois qualifiés ainsi qu' aux services de base. . 

Après un bref déclin, le taux de pauvreté dans le pays est en hausse depuis 2015. Si les perspectives de millions de Sud-Africains s'améliorent dans l'éducation et l'emploi, les inégalités de revenus persistent.  

Selon une nouvelle étude du Programmes des Nations Unies pour le développement (PNUD), l’Afrique du Sud est le pays où les inégalités sont les plus importantes. . Pour autant, le pays est loin d'être une exception sur le continent. Sur les 19 pays où les inégalités sont les plus fortes, dix sont africains, d'après le rapport Inégalités de revenus en Afrique de l’Ouest : tendances divergentes, déterminants et conséquences, publié lors de la semaine d’ouverture de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre 2017..   

Si de nombreux pays africains, tels que la Côte d’Ivoire, Maurice et le Rwanda ont réalisé des performances économiques remarquables au cours des dix dernières années, permettant à des millions de personnes de sortir de l'extrême pauvreté  , d'autres continuent d'afficher leur retard.

La persistance des inégalités économiques et sociales sur le continent est un obstacle à l’augmentation générale des revenus. Le contraste entre les richesses ostentatoires des élites et la misère de la grande majorité apparaît comme injuste et alimente la colère populaire..   

Comme l’a déclaré devant l’Assemblée générale de l’ONU,  Hager Geingob, le président de la Namibie – un pays qui a hérité d'un des niveaux les plus élevés d'inégalités en obtenant son indépendance de l'Afrique du Sud en 1990–: « Tant que les richesses du pays seront entre les mains d’un petit nombre de façon disproportionnée, nous ne connaîtrons pas la paix et la stabilité durables. »

Virage à 180°

Jusqu’aux années 90, la stimulation de la croissance économique était l'objectif principal des professionnels du développement et les dirigeants ne s’intéressaient aux inégalités de revenus que de façon sporadique. Mais il est finalement apparu que la croissance des marchés ne profitait pas nécessairement aux pauvres et qu’une libéralisation excessive pouvait au contraire leur nuire.   

Lorsque la communauté internationale adopta les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) en l’an 2000, l’accent fut davantage mis sur les mesures de réduction de la pauvreté et l’amélioration du bien-être social. 

La pauvreté chuta dès lors dans de nombreux pays africains qui connaissaient une croissance économique. Pourtant, en dépit d’une croissance solide, près de la moitié des Africains vivent avec moins de 1,25 $ par jour. Les études ont montré que lorsque les inégalités sont moins importantes, les bénéfices de la croissance profitent au plus grand monde. Dans les pays plus inégalitaires, les plus riches s'accaparent la plus grosse part, tandis que les pauvres se partagent ce qu'il reste.

Cette constatation sous-tend les négociations de 2015 sur les ODD, qui appellent  à la fin de la pauvreté et à la réduction des inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre. Le PNUD considère cette évolution comme un changement radical supposé combler les "derniers kilomètres d'exclusion" qui séparent les populations de l'amélioration de leurs conditions de vie.

L'étude des disparités de revenus en Afrique dans le rapport du PNUD passe par l'analyse des données fiables et disponibles de la consommation des ménages pour 29 pays (80% des Africains)Entre 1991 et 2011, les inégalités de revenus ont été réduites dans 17 de ces pays. Les autres ont connu un accroissement de ces inégalités sur la même période.

Cette divergence s'explique par des facteurs historiques, économiques, sociaux et politiques qui influent sur les inégalités de chaque pays.

Les pays où les inégalités sont les plus fortes ou augmentent, se situent en Afrique australe et centrale ; leur capital se concentre dans les industries pétrolières et minières  , où l’emploi est limité, ou dans des anciennes entreprises coloniales qui disposent encore de nombreux terrains.

Les pays d'Afrique de l'Ouest qui sont parvenus à réduire les inégalités, avaient à l’origine des niveaux d’inégalités inférieurs. Le secteur agricole détenu par des petits propriétaires permet notamment à la population de bénéficier des améliorations de la production.  

Les causes des inégalités

Le degré d'inégalités varie d'un pays à un autre mais ce sont surtout les facteurs à l'origine de ces inégalités qui diffèrent : ..  Accès restreint à la propriété foncière, aux capitaux et aux marchés, systèmes d’imposition injustes, vulnérabilité excessive aux marchés mondiaux, corruption  et mauvaise répartition des ressources publiques en sont l'exemple parfait. .    

Bien que les inégalités entre les sexes, particulièrement importantes en Afrique, existent dans tous les pays,, elles sont  sous-évaluées dans les études standard basées sur les revenus ou la consommation du foyer.. De telles estimations partent du principe que tous les membres de la famille ont le même pouvoir d'achat. Si dans certains pays, des efforts ont été faits pour réduire les disparités économiques, dans d’autres, les « élites en place » s’y sont opposées.

L’exclusion sociale et politique de certaines régions et de groupes ethniques et religieux peut avoir des conséquences dévastatrices, explique le PNUD, alimentant révoltes et conflits armés.  

Pas de solution unique

Les inégalités sont complexes et multidimensionnelles, et « il n’existe aucune solution miracle pour relever le défi », note Abdoulaye Mar Diele, administrateur assistant du PNUD et directeur du Bureau régional pour l’Afrique, « des réponses multiples sont nécessaires ».  

Afrique Renouveau examine différents types d'inégalités, comme les inégalités en matière d'éducation, celles affectant des populations minoritaires ou vulnérables comme les albinos, ou celles liées à la gestion d’entreprises ou au commerce entre l’Afrique et les autres régions du monde.     

Quelle que soit l’histoire d’un pays, certaines mesures se sont avérées particulièrement efficaces : accroître la productivité des petits agriculteurs, ouvrir l'accès à la propriété foncière aux femmes, transformer l'urbanisation en accès aux services et en opportunités économiques promouvoir les industries de main-d’œuvre, établir des salaires minimaux, renforcer la lutte contre l’évasion fiscale, créer des programmes performants de protection sociale et mettre un terme à toutes formes d’exclusion. De tels efforts visent à garantir des vies productives et gratifiantes à tous les Africains suivant ainsi le précepte des ODD :« ne laisser personne de côté ». 

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