Pour un avenir sans bidonvilles en Afrique

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Pour un avenir sans bidonvilles en Afrique

Les gouvernements comptent améliorer les zones urbaines défavorisées
Afrique Renouveau: 
Rabat
Africa Media Online / Ricardo Gangale
Un quartier pauvre d’Alger, la capitale de l’Algérie. Plusieurs pays d’Afrique du Nord ont réussi à réduire la population des bidonvilles. Photo: Africa Media Online / Ricardo Gangale

Des millions d’Africains vivent dans des bidonvilles et la croissance rapide de la population urbaine exacerbe le problème. Le continent est confronté à un immense défi : « améliorer les conditions de vie des habitants des bidonvilles tout en prévenant la formation de ce type d’habitat », déclare Joan Clos, Directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-Habitat). 

Les ministres africains du logement, dont la dernière rencontre a eu lieu en septembre 2011 à Rabat (Maroc), sont pleinement conscients de ce défi. Réunis sous les auspices de la Conférence ministérielle africaine sur le logement et le développement urbain (AMCHUD), ils ont jeté les bases des nouvelles politiques en matière de logement et de développement urbain pour le continent, conformément à l’initiative « Villes sans taudis » initialement adoptée en 2005.

Certains habitants des bidonvilles craignent que tout cela ne soit que des promesses. « Ce qui m’intéresse moi, c’est que l’on me sorte d’ici, pour vivre dans un environnement plus digne », déclare Rachid Lashab, habitant du bidonville d’Essekouila à Casablanca. « Les nombreuses conférences auxquelles assistent nos dirigeants ne m’intéressent pas ». 

Mais à Rabat, les ministres ont au moins fixé des objectifs généraux. Il s’agit notamment d’améliorer l’aménagement urbain, de faciliter l’accès des services publics au foncier (pour les édifices publics), de développer les villes industrielles, agricoles et artisanales et de freiner l’exode rural des personnes à la recherche d’un emploi.    

Surpeuplement et maladie

Selon les estimations d’ONU-Habitat, 200 millions de personnes en Afrique subsaharienne vivaient dans des bidonvilles en 2010, soit 61,7 % de la population urbaine de la région, le taux le plus élevé au monde. L’Afrique du Nord comptait 12 millions d’habitants de bidonvilles, ce qui représentait seulement 13,3 % de ses citadins, le taux le plus bas dans les pays en développement.

Le manque d’installations sanitaires adéquates, d’eau potable et d’électricité, auquel viennent s’ajouter l’insalubrité des logements et le surpeuplement, aggrave la propagation des maladies et les décès évitables, selon un rapport récent de la Fédération internationale des Associations de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Les bidonvilles contribuent à la faible espérance de vie. Au Mali, par exemple, plus de 80 % de la population est mal logée et l’espérance de vie est de seulement 51 ans, selon le Programme des Nations Unies pour le développement.

La situation du Mali est révélatrice de la situation d’une grande partie de l’Afrique subsaharienne. Gakou Salimata Fofana, ancienne Ministre malienne du logement, des affaires foncières et de l'urbanisme, préconise des mesures urgentes de la part des ministres africains du logement. « Nous devons prendre des mesures cruciales », estime-t-elle. « Faute de quoi, nous courrons le risque d’avoir une population urbaine [au Mali] d’environ 6 millions d’âmes vivant encore dans des établissements informels d’ici à 2020 », soit près du double du nombre actuel.

Jugurtha Ait El Hadj, urbaniste basé en Algérie, considère que les ministres africains sont sur la bonne voie. « Ces réunions sont particulièrement utiles en ce qu’elles permettent le partage d’expériences, mais elles doivent être accompagnées de mesures concrètes ». 

L’obtention de villes sans bidonvilles se heurte à de nombreux obstacles. Le Ministre algérien de l'habitat et de l'urbanisme, Noureddine Moussa, a fait remarquer que l’expansion des villes en Afrique limite la capacité des pouvoirs publics locaux et nationaux d’assurer la sécurité et de fournir des services sociaux de base en matière de santé, d’éducation, d’eau et d’assainissement. 

Changement climatique

En outre, ajoute M. El Hadj, le changement climatique et l’urbanisation auront des effets conjugués imprévisibles. En 2007, un rapport d’évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, créé par l’Organisation météorologique mondiale et le Programme des Nations Unies pour l'environnement, a averti que « l’urbanisation et le changement climatique pourraient avoir comme effet synergique d’accroître l’incidence des maladies ».

Les habitants des bidonvilles sont également confrontés à des problèmes environnementaux en raison de la faible qualité des matériaux de construction utilisés dans les bâtiments et du fait que les bidonvilles sont situés pour la plupart sur des terrains marginaux. Bon nombre de ces quartiers sont exposés aux incendies accidentels. En septembre 2011, par exemple, plus de 100 personnes ont trouvé la mort lors de l’explosion d’un oléoduc percé à Mukuru wa Njenga, un bidonville densément peuplé de Nairobi.

La mise en œuvre d’un plan africain de développement urbain à l’échelle continentale dépendra des particularités de chaque pays sur le plan de la géographie, du climat, des compétences ou des ressources financières. À Rabat, les ministres ont évoqué la possibilité de relever ces défis au moyen d’une collaboration efficace et avec le soutien de partenaires internationaux, y compris l’Organisation des Nations Unies. 

Des progrès constants

Certains points sont cependant positifs. D’après un rapport publié par ONU-Habitat en 2010, des pays comme l’Égypte, la Libye et le Maroc ont « presque diminué de moitié le nombre total d’habitants de bidonvilles en zone urbaine et la Tunisie l’a ramené à zéro ». Le Ghana, le Sénégal et l’Ouganda ont également réalisé des progrès constants, en réduisant de 20 % dans certains cas le nombre d’habitant des bidonvilles. Au Nigéria, ce chiffre est passé de 75 % de tous les citadins en 1990 à 61,9 % en 2010. En Afrique du Sud, la proportion a chuté, passant de 46,2 à 28,7 % au cours de la même période.

Le modèle de développement urbain du Maroc continue de susciter beaucoup d’intérêt. En 2004, le gouvernement a lancé son propre programme
« Villes sans taudis », une stratégie de développement urbain visant à permettre aux habitants des bidonvilles d’occuper des logements décents avec l’accès à l’eau, à l’énergie et à des installations sanitaires. En 2011, quelque 100 000 nouveaux logements avaient déjà été créés dans différentes régions du pays. Dans l’ensemble, 37 des 83 villes du Maroc ont été transformées, un changement qui a profité à plus de 1,5 million de personnes. Ces villes disposent désormais de lampadaires, de systèmes de drainage, d’eau potable, de routes, d’installations sanitaires et d’autres infrastructures. L’aménagement de la Vallée du Bouregreg (près de Rabat) et d’autres « espaces verts » est aussi remarquable. 

Fathallah Oualalou, ancien Ministre marocain du logement et actuel maire de Rabat, a associé les efforts d’urbanisation réussis à la mise en œuvre effective de la feuille de route élaborée en 2010 à Bamako (Mali), lors de la troisième conférence des ministres africains du logement — faisant remarquer que ces réunions peuvent en effet s’avérer utiles. La feuille de route met l’accent sur l’efficacité de la gestion des terres, le logement durable, le transport urbain et l’assainissement, entre autres questions.

M. Moussa, Ministre algérien de l’habitat, énumère d’autres facteurs de succès. Il s’agit notamment de la gestion efficace et équitable des terres, de la promulgation de lois foncières adaptées afin que les femmes et autres groupes vulnérables puissent y avoir accès et de l’amélioration des conditions de vie dans les grands ensembles de logement. L’installation d’écoles, de dispensaires, d’électricité et d’assainissement est importante, déclare M. Moussa. « On ne peut concevoir de plan de développement durable sans urbanisation durable », fait-il valoir. L’urbanisation doit être maîtrisée, ajoute-t-il, et des efforts doivent être réalisés « pour réduire les inégalités entre les riches et les pauvres en offrant des services de base à l’ensemble de la population ».