Tanzanie: L’eau qui améliore la vie

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Tanzanie: L’eau qui améliore la vie

L’accès à l’eau salubre est essentiel pour les objectifs de développement du NEPAD
Afrique Renouveau: 
Reuters / Jiro Ose
With water taps nearby, villagers no longer have to walk so far to fetch water Avec des points d’eau à proximité, les villageois n’ont plus à parcourir de longues distances.
Photo: Reuters / Jiro Ose

Désormais, à Lusala, personne n’a plus de 400 mètres à parcourir pour aller chercher de l’eau. L’eau douce jaillit des robinets des 11 points d’eau installés dans ce village tanzanien. Pendant des années, la pénurie d’eau a contraint les femmes et les enfants, à qui la corvée revenait en priorité, à marcher plusieurs kilomètres par jour. Cette besogne était plus pénible encore du fait du terrain rocailleux qu’ils devaient parcourir en rapportant de lourds seaux d’eau dans ce village situé en haut d’une colline, à quelque 700 kilomètres au sud-ouest de la capitale, Dar es-Salaam.

“La vie est bien plus simple maintenant qu’il y a de l’eau salubre près de chez moi”, raconte à Afrique Renouveau Elizabeth Mtweve, une villageoise mère de quatre enfants. “Je n’ai plus à marcher toute la journée par cette chaleur pour aller chercher de l’eau. En moins de cinq minutes, on remplit son seau en ouvrant le robinet. L’installation de ces points d’eau facilite la vie des femmes du village et leur fait gagner du temps."

“Avant, mes enfants et moi, on tombait souvent malades à cause de l’eau sale, précise-t-elle. Désormais, on ne doit plus courir à l’hôpital pour se faire soigner de la diarrhée. Grâce à l’eau salubre, nous sommes en bonne santé."

Les quelque 4 000 habitants de Lusala vivent de la culture de la terre, et leur revenu agricole leur a permis de financer une partie du projet d’installation des points d’eau. Les villageois cultivent le café et la banane qu’ils vendent sur les marchés. Le blé et le haricot y sont également très répandus, à des fins de subsistance et de commercialisation. Les villageois élèvent des poules, des chèvres, des ruminants de petite taille et du bétail. Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), qui a participé au financement du projet de Lusala, estime que la pénurie d’eau rendait difficile l’élevage. En outre, l’eau contaminée était à l’origine de la plupart des problèmes de santé des villageois, aggravant encore leur précarité économique.

Villagers work together to build and maintain their water system Les villageois cons­truisent et entretiennent ensemble leur système d’eau.
Photo: Panos / Sum Ouma

Ni difficile ni onéreux

Le choléra, la typhoïde, la dysenterie et d’autres maladies provoquent la mort de milliers de personnes par an en Afrique. Selon le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), programme de développement du continent formulé par les dirigeants africains, la pénurie d’eau est l’un des facteurs qui freine le développement. Le NEPAD propose comme solution d’adopter des mesures visant à fournir de l’eau en quantité suffisante aux ménages, écoles, exploitations agricoles, hôpitaux, installations industrielles et autres activités importantes. Les pays africains se sont engagés à mettre à la disposition de leurs citoyens des points d’eau salubre à moins de 15 minutes de marche de leur domicile.

Dans le cadre du NEPAD, les dirigeants africains considèrent la pénurie d’eau comme l’un des facteurs qui freine le développement du continent.

Le Gouvernement tanzanien, avec le concours du PNUD, s’est attaqué à la pénurie d’eau qui sévissait dans le village de Lusala. Utilisant le principe de la pesanteur, le système recueille de l’eau en amont, qui est ensuite déversée par deux conduites dans un réservoir de 75 mètres cubes. L’eau est alors acheminée par un réseau de tuyaux souterrains vers 11 points d’eau où les villageois n’ont qu’à ouvrir les robinets pour remplir leurs récipients.

“Ces installations ne sont ni trop complexes, ni trop onéreuses à concevoir, explique à Afrique Renouveau Nehemiah Murusuri, coordinateur de pays du PNUD en Tanzanie. On n’a qu’à appliquer la loi de la gravitation : pas besoin d’un outillage compliqué ou de pomper. L’entretien est lui aussi bon marché et facile. A part le remplacement occasionnel d’un tuyau qui éclate ou d’un robinet, il n’y a pas grand-chose à faire une fois le système installé."

L’alimentation de Lusala en eau salubre a nécessité un investissement non négligeable, sans être toutefois hors de prix. M. Murusuri estime le coût du projet à environ 40 000 dollars des Etats-Unis, montant probablement quatre fois inférieur à ce qu’auraient exigé des entrepreneurs privés pour le même travail. A la place de cela, les membres de la communauté, encadrés par des experts et des ingénieurs des services d’eau publics, ont construit le réservoir, installé les tuyaux et fourni toute la main-d’œuvre nécessaire.

Chaque famille de Lusala s’est vu attribuer un tronçon d’une tranchée de 9,4 kilomètres qu’il a fallu creuser pour poser les tuyaux, explique Dominicus Mganwa, responsable de l’Association de développement de Lusala, organisme de coordination des travaux créé par les villageois. L’association se charge désormais de recueillir les redevances de consommation de l’eau. L’argent ainsi perçu sert à financer les travaux de réparation.

Rassembler les forces

“Le fait de travailler ensemble pose parfois problème”, reconnaît M. Mganwa, surtout lorsqu’il faut “décider que faire et qui fait quoi. Mais, en fin de compte, on a appris à régler nos différends, dans l’intérêt de tous.”

“On n’installe pas simplement un système d’alimentation en eau salubre, on contribue également à la réalisation des buts du NEPAD et des objectifs du Millénaire pour le développement qui préconisent l’amélioration des services d’eau, de la gouvernance et de la santé et la réduction de la pauvreté.”

—Nehemiah Murusuri, coordinateur de pays du PNUD en Tanzanie

L’accès à l’eau salubre a eu parfois des effets imprévus, explique-t-il. “Avec cet accès à l’eau, les villageois ont entrepris de petits projets de maçonnerie, et du coup, on commence à voir, un peu partout à Lusala, des maisons en solide, qui remplacent les huttes en terre et en planche. Ça nous a surpris, mais nous en sommes très contents."

De l’avis de M. Murusuri du PNUD, les ramifications positives de ce projet, achevé il y a deux ans, sont multiples et ont contribué à faire progresser d’autres objectifs fixés par les dirigeants africains. “On n’installe pas simplement un système d’alimentation en eau salubre, on contribue également à la réalisation des buts du NEPAD et des objectifs du Millénaire pour le développement, qui préconisent l’amélioration des services d’eau, de la gouvernance et de la santé et la réduction de la pauvreté. Les gens apprennent à se mettre d’accord par des moyens démocratiques. On constate dans les hôpitaux une baisse sensible du nombre de personnes souffrant de maladies transmises par l’eau. Cela permet aux femmes de consacrer plus de temps aux activités génératrices de revenus."

Bedoumra Kordje, chef du Fonds africain pour l’eau à la Banque africaine de développement, indique que ce type de projet peut être facilement reproduit dans d’autres villages. De nombreuses initiatives d’alimentation en eau salubre des ménages et des industries ont d’ailleurs été menées à bien, explique-t-il à Afrique Renouveau. Mais il n’y en a pas suffisamment pour promouvoir un développement socioéconomique durable.

“Il ne fait aucun doute que l’accès à l’eau salubre est l’un des principaux facteurs de développement, dit-il. Pourtant l’Afrique n’a accès qu’à environ 3 % de ses sources d’eau renouvelables par an, contre plus de 80 % aux Etats-Unis. Il faudra que les pays africains se dotent de meilleurs systèmes de stockage et de distribution de l’eau pour aider les quelque 300 millions d’habitants du continent qui n’ont pas encore accès à l’eau salubre."

“Il nous faut garantir l’accès à l’eau salubre, concourt le Président tanzanien, Jakaya Kikwete. On a beau améliorer les infrastructures, s’il n’y a pas d’eau, ça ne sert à rien.” L’ambition du Gouvernement est de fournir de l’eau potable à tous les habitants du pays à moins de 400 mètres de leur domicile d’ici à 2015. Heureusement, pour le village de Lusala, cet objectif est déjà réalisé.