Arme de prédilection des terroristes

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Arme de prédilection des terroristes

Les engins explosifs improvisés sont bon marché et faciles à fabriquer
Pavithra Rao
Afrique Renouveau: 
7 Août 2019
In Torit, South Sudan, the UN Mine Action Service (UNMAS) carries out mechanical and manual demining exercises.            UN Photo/Martine Perret
UN Photo/Martine Perret
Opérations de déminage à Torit, Soudan du Sud.

En 1997, la regrettée Diana, princesse de Galles, marqua les esprits lorsqu’elle apparut sur des photos arborant une tenue de protection lors de la visite d’un champ de mines antipersonnel en Angola à l’occasion d’une campagne de sensibilisation.

Après sa rencontre avec Sandra Thijika, âgée de 13 ans, qui avait perdu une jambe en marchant sur une mine, la princesse a déclaré aux médias, « J’ai lu que l’Angola détenait le pourcentage le plus élevé d’amputés au monde... notamment qu’une personne sur 333 avait perdu un de ses membres, le plus souvent, suite à des explosions de mines. » Elle préconisa une action mondiale visant à faire face à la menace.

Deux ans plus tard, le 1er mars 1999, la Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction (également appelée Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel ou simplement Convention d’Ottawa) entrait en vigueur.

En 2018, 164 États, dont 50 États africains, l’avaient signé, s’engageant à s’abstenir  « d’employer, de mettre au point, de produire, d’acquérir, de conserver, de stocker ou de transférer les mines terrestres antipersonnel. »

Néanmoins, 20 ans après l’entrée en vigueur du traité, on compte encore plus de 50 millions de stocks de mines terrestres, dont la plupart en Angola, en Afghanistan, au Cambodge, au Tchad et en Iraq, selon l’Association américaine non partisane pour le contrôle des armes.

La Campagne internationale pour l’interdiction des mines terrestres (ICBL), un réseau d’ONG, reste optimiste quant au progrès accompli dans l’application de la Convention d’Ottawa. Vingt-huit États ont complètement éradiqué et mis fin à leur emploi, dont l’Afrique du Sud, le Mozambique (déclaré débarrassé de la menace en 2015), Madagascar, l’Éthiopie et le Tchad, estime t-elle.

Acteurs non étatiques

Si l’application du traité semble suivie chez les États, la difficulté majeure réside chez les acteurs non étatiques qui se livrent à l’emploi d’engins explosifs improvisés (EEI), dont les mines terrestres.

Le conseiller en EEI auprès du Service de la lutte antimines des Nations Unies (SLAM), Byran Sand, entend par EEI, tout objet « activé par la présence, la proximité ou le contact avec une personne. »

« Les EEI peuvent être classés en trois grandes catégories, », déclare Sand. « Les EEI déclenchés par la victime, lesquels satisfont à la définition d’une mine terrestre ; les engins à temporisation qui sont programmés pour se déclencher à un moment précis ; et les engins télécommandés qui sont déclenchés par la pression délibérée ou non du commutateur. »

Tandis que l’emploi des mines terrestres diminue, M. Sand affirme qu’on enregistre une augmentation du nombre d’EEI employés par les acteurs non étatiques. « Les EEI constituent une menace sérieuse car les personnes qui n’ont pas accès aux munitions de l’État se tournent vers les engins improvisés. »

M. Sand ajoute que les groupes terroristes tels que Boko Haram au Nigeria et Al-Shebab en Somalie emploient les EEI comme des instruments de terreur « pour mettre à mal le succès de l’application de la Convention d’Ottawa. »

Les EEI sont aussi imprévisibles que les mines, mais peu onéreux et plus faciles à fabriquer.

Impact ?

M. Sand, montrant du doigt une veste-suicide posée sur la table affirme que « fabriquer un EEI comme celui-ci est un problème de 20 dollars nécessitant une solution à un million de dollars.»

« Le coût d’un AK-47 rapporté à ses effets est élevé comparé au coût d’un EEI qui peut ruiner beaucoup plus de vies et de biens d’une valeur de centaines de milliers de dollars. Les EEI représentent les armes préférées des groupes terroristes à travers l’Afrique et le monde. »

La Convention d’Ottawa sur l’interdiction des mines ne cible que les mines terrestres, et non la gamme complète des EEI.

Étant donné la dynamique pluridimensionnelle des EEI, la réglementation est complexe, admet M. Sand. « Il est difficile d’appliquer la réglementation aux objets technologiques. Si je déclenche un EEI au moyen d’un téléphone portable, comment savoir si ce téléphone est utilisé à des fins inoffensives ou malveillantes? », s’interroge-t-il ?.

Du point de vue de l’ONU, M. Sand déclare que les EEI constituent une entrave à la capacité d’apporter de l’aide humanitaire. « Prenons l’exemple du Nigeria et du Cameroun, ils réaffectent des ressources qui devraient être consacrées à des fins autres que la lutte contre les EEI, » relève-t-il.

L’UA s’efforce d’élaborer une stratégie de lutte contre les EEI, tandis que l’ONU mène le même combat « afin qu’une approche pangouvernementale ou institutionnelle globale puisse être adoptée...de sorte que tout le monde soit sur la même longueur d’onde, » fait savoir M. Sand.

L’Union Africaine

Par exemple, le SLAM a réalisé une cartographie de l’intégralité du système onusien, laquelle a démontré, contre toute attente, que 28 agences travaillent avec des personnes et des groupes affectés par les EEI. Le SLAM envisage l’adoption d’une approche systémique ciblée

et unifiée.

En ce qui concerne la désactivation des mines terrestres, beaucoup reste à faire. Les pays durement touchés tels que le Mozambique, l’Angola et la Somalie, déploient des outils technologiques tels que le radar électromagnétique et se servent de rongeurs pour détecter et neutraliser les mines.

Les documents militaires, les cartes et les informations recueillies auprès des populations locales ont également été déterminants dans la détection des mines terrestres. « C’est un travail de longue haleine et de collaboration avec la population locale, le gouvernement, la société civile et les ONG, » précise M. Sand.« L’ONU joue un rôle de coordination. C’est un processus de grande envergure qui nécessite des ressources. »

Le SLAM s’efforce également, en dépit de ses ressources limitées, d’apporter du soutien aux victimes. M. Sand affirme : « Nous souhaitons aider les survivants à rebâtir leurs vies. Par exemple, nous avons invité un survivant [au siège de l’ONU à New York] à témoigner ».

« Nous avons besoin de mettre davantage nos ressources à disposition du plus grand nombre à travers le monde. » Le SLAM, conclut-il, rêve d’un monde où plus personne ne meurt à cause des mines terrestres ou des EEI.