Commerce et respect de l’environnement

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Commerce et respect de l’environnement

Adhérer aux normes pour améliorer les écosytèmes
Dr. Richard Munang
Afrique Renouveau: 
Textile workers at a factory in Kampala, Uganda.  Photo: Alamy Stock Photo / Jonathan Rosenthal
Photo: Alamy Stock Photo / Jonathan Rosenthal
Des ouvriers du textile dans une usine de Kampala en Ouganda. Phorto: Alamy / J. Rosenthal

Ouoique lente, la ratification du nouvel Accord africain sur la Zone de libre-échange continentale (ZLEC) se poursuit. Il s’agit du plus important accord de libre-échange (comptant le plus grand nombre de pays membres) depuis la création de l’Organisation mondiale du commerce.

Entre autres bénéfices, l’Union africaine et ses membres espèrent que cette zone de libre-échange améliorera les performances économiques du continent.

Les indicateurs économiques actuels sont tous sauf exemplaires : la faible productivité, estimée à 2000% inférieure à celle des régions développées, est encore aggravée par la faible valeur ajoutée des produits pour lesquels la région détient un avantage comparatif.

La faiblesse de la valeur ajoutée est ainsi responsable du fait que l’Afrique ne récupère que 10% de la valeur totale de ses propres chaînes de valeur agricoles. Dans la chaîne de valeur du cacao par exemple (l’Afrique produit 70% du cacao mondial), 2 milliards seulement sur les quelques 100 milliards de dollars de revenus du chocolat reviennent chaque année sur le continent.

De même, selon la Commission économique pour l’Afrique (CEA), jusqu’à 90% de la part des revenus du café va aux pays riches. Et l’effet domino en termes de pertes d’emploi aggrave encore la situation.

La faible productivité a pour effet d’aggraver le chômage. Chaque année, environ 12 millions de jeunes africains arrivent sur le marché du travail pour trois millions à peine de nouveaux emplois. Cette vaste réserve de jeunes sans emploi est une bombe à retardement, prévient Alexander Chikwanda, ancien ministre des Finances de la Zambie, en faisant allusion aux risques de troubles et de violence politique.

Pourtant, le problème le plus épineux et le plus évident est le changement climatique qui, pour 40% des pays les plus pauvres (la plupart en Afrique), devrait réduire le revenu moyen de 75% d’ici à 2030 selon une étude de 2015 de l’Université de Californie à Berkeley aux États-Unis.

L’étude s’est concentrée sur la relation entre la température et les activités économiques dans les pays. Elle a constaté que le changement climatique allait accentuer les inégalités mondiales et serait préjudiciable aux pays les plus pauvres.

La « machette »

« Le chemin n’est jamais bloqué pour un homme qui dispose d’une machette », dit un proverbe africain, suggérant que la ZLEC pourrait être la machette, le catalyseur de l’économie africaine. Si les 55 pays d’Afrique y adhèrent, la zone de libre-échange consolidera un marché de 1,2 milliard de personnes avec un PIB combiné de 2,5 billions de dollars selon la CEA. Le magazine d’affaires américain Bloomberg estime le PIB combiné de cette zone à quelque 3 billions de dollars.

Cette zone de libre-échange pourrait stimuler le commerce intra-africain et lui faire atteindre 52%, voire 70% en 2022, soit plus que les échanges au sein de l’Union européenne, qui sont actuellement chiffrés à 65%.

La ZLEC se double d’un protocole de libre circulation des personnes qui augmentera les possibilités d’emploi sur tout le continent et freinera la fuite des cerveaux.

Comme l’explique le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique, l’organe de mise en œuvre de la stratégie économique de l’Union africaine, la ZLEC pourrait faire gagner à l’Afrique quelque 150 milliards de dollars annuels grâce aux produits agricoles à valeur ajoutée, mais aussi faire croître son économie, créer des milliers d’emplois pour les jeunes, réduire ses émissions de carbone et accroître la résilience de ses écosystèmes au changement climatique.

En 2013, dans un rapport intitulé Growing Africa: Unlocking the Potential of Agribusiness (« Croissance de  l’Afrique : libérer  le potentiel du secteur agroalimentaire »), la Banque mondiale estimait que le secteur agro-industriel africain pourrait valoir 1 billion  de dollars d’ici à 2030 si les Africains disposaient d’un accès élargi au capital, à l’électricité et à des technologies de meilleure qualité, ou encore à l’irrigation qui permettrait de produire des denrées agricoles à haute valeur nutritive.

Normes de conformité

Pour les experts, si l’Afrique veut atteindre l’objectif d’ouverture des marchés que s’est fixé la ZLEC, elle doit se doter de normes de conformité. La vulnérabilité particulière de l’Afrique au changement climatique souligne la nécessité de veiller à ce que les processus de production, de commercialisation et de distribution des produits répondent à certaines normes et ne nuisent pas aux écosystèmes.

Une norme de conformité pourrait garantir, par exemple, que l’attiéké, un manioc transformé et produit en Côte d’Ivoire, soit commercialisé auprès des consommateurs kényans comme un produit pur, naturel et cultivé sans OGM ni produits chimiques ou pesticides. Elle pourrait aussi garantir que les écosystèmes ne sont pas endommagés pendant la production et qu’aucune émission nocive ne résulte de son traitement voire de sa commercialisation.

A cet effet, le programme des Nations Unies pour l’environnement fournit une assistance technique aux pays adoptant ses normes de conformité, par l’intermédiaire de son cadre de mise en œuvre de la politique de l’Assemblée sur l’adaptation écosystémique au service de la sécurité alimentaire (EBAFOSA) établie et adoptée par la CMAE.

Les normes de conformité de cette Assemblée sont produites par l’Organisation internationale de normalisation, un organisme de promotion de normes exclusives, industrielles et commerciales à l’échelle mondiale qui veille à ce que les produits exportés vers d’autres pays soient certifiés.

Critères d’évaluation

En application des normes de conformité de l’EBAFOSA, les experts évaluent les produits agricoles tout au long de la chaîne d’approvisionnement, depuis la production, le traitement et la distribution dans les exploitations agricoles jusqu’au marketing, selon trois critères. Le premier est le « respect du climat et de l’environnement », qui permet d’évaluer si la production repose effectivement sur des approches obéissant à des normes mélioratives et protectionnistes des écosystèmes.

Le deuxième critère est le « respect de la santé », ce qui signifie que la production utilise des approches « naturelles ».

Le troisième critère est le « respect de la qualité et de la sécurité » tout au long du processus de production et de la chaîne de valeur.

Plusieurs pays africains, dont le Bénin, le Cameroun, la République démocratique du Congo, la Gambie, le Ghana, l’Ouganda et la Zambie, sont à différents stades d’adoption des normes de conformité EBAFOSA, qui constitueront une étape en vue de la création d’un marché ouvert pour des produits agricoles sains, de qualité et respectueux de l’environnement sur tout le continent.

Alors que l’Afrique est en passe de ratifier l’accord sur la ZLEC, les normes de conformité de l’EBAFOSA sont devenues un élément clé de la boîte à outils qui doit servir à la mise en œuvre de l’accord. La transformation socio-économique ne doit pas se faire au détriment des populations ni de la planète.


Richard Munang est le coordonnateur régional pour les changements climatiques du Bureau régional pour l’Afrique du PNUE. Robert Mgendi est l’expert en politique d’adaptation d’ONU-Environnement. Les vues exprimées dans le présent article sont celles des auteurs, et ne reflètent pas nécessairement celles de l’institution qu’ils représentent.