Des philanthropes s'unissent pour financer la santé

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Des philanthropes s'unissent pour financer la santé

Les milliardaires Bill Gates et Aliko Dangote s'associent pour financer des projets médicaux
Pavithra Rao
Afrique Renouveau: 
Tristate Heart and Vascular Centre in Nigeria. Photo: Tristate Heart and Vascular Centre
(Top) Bill Gates, co-chair of the Bill and Melinda Gates Foundation and (bottom) Aliko Dangote, Founder and Chief Executive of the Dangote Group. Photo: UN
Tristate Heart and Vascular Centre in Nigeria. Photo: Tristate Heart and Vascular Centre

Les pays africains affichent un piètre bilan dans le Rapport Gallup 2017 sur le bonheur dans le monde. Sur les 150 pays cités dans le  rapport, la République centrafricaine, la Tanzanie et le Burundi sont les plus malheureux.

Des systèmes de santé défaillants, la persistance du VIH/sida, du paludisme et de la tuberculose, ainsi que la hausse des maladies liées au mode de vie, comme l’hypertension, les cardiopathies et le diabète, sont certains des facteurs à l'origine de cette tristesse.

Peu de pays africains investissent vraiment dans le secteur de la santé — le coût annuel médian des soins de santé en Afrique subsaharienne est de 109 dollars par personne, selon Gallup. Certains pays, comme la République démocratique du Congo, Madagascar et le Niger,  dépensent à peine la moitié de cette somme par personne chaque année. 

En 2010, seuls 23 pays consacraient plus de 44 dollars par habitant aux soins de santé, selon l’Organisation mondiale de la Santé. Ces pays bénéficiaient de plusieurs sources de financement, dont  des gouvernements, des bailleurs de fonds, des employeurs, des organisations non gouvernementales et des ménages .

L'investissement privé est aujourd'hui essentiel pour répondre à l'insuffisance considérable d'investissements public-privé, considèrent les experts.

Si de nombreuses organisations internationales, comme l’UNICEF et le Comité international de la Croix-Rouge, continuent de soutenir le système de santé africain, les entités privées et les particuliers y contribuent aussi de plus en plus. Ainsi, l'homme le plus riche d'Afrique, Aliko Dangote, et le deuxième homme le plus riche au monde, Bill Gates, se sont associés pour répondre à certains des besoins essentiels de l’Afrique en matière de santé.

En 2014, le magnat nigérian du ciment a fait les gros titres mondiaux après avoir donné 1,2 milliard de dollars à la Fondation Dangote, qui a ensuite fait don de matériel aux hôpitaux nigérians et mis en place des cliniques mobiles en Côte d'Ivoire.

M. Gates, lui-même philanthrope, a écrit de M. Dangote dans le magazine Time : « Je le connais mieux comme leader cherchant sans cesse à combler le fossé entre les entreprises privées et la santé. »

La Fondation Bill et Melinda Gates se concentre notamment sur le renforcement des ressources médicales en Afrique. Selon la fondation, en mai 2013, elle avait affecté 9 milliards de dollars à la lutte contre les maladies en Afrique sur une période de 15 ans. En 2016, la Fondation s’est engagée à donner 5 autres milliards sur une période de cinq ans, dont les deux tiers serviront à lutter contre le VIH/sida sur le continent. 

Tout en saluant la générosité des Gates, les résidents locaux ont fait remarquer que la fondation avait investi des années durant dans des compagnies pétrolières ayant grandement contribué à la dégradation de l'état de santé dans certaines régions du Nigéria. Il s'agit notamment des sociétés Eni, Royal Dutch Shell, ExxonMobil, Chevron et Total.

Face à cette réaction négative, la Fondation Gates a cédé près de 87 % de ses participations dans de grandes entreprises de charbon, de pétrole et de gaz, pour ne conserver que 200 millions de dollars d'actions en 2016.  Des groupes tels que Leave It in the Ground, un organisme sans but lucratif préconisant un moratoire mondial sur la recherche de combustibles fossiles, incitent à la cession complète.

« Le lien entre sauver des vies, réduire le  taux de natalité et éradiquer  la pauvreté a été la leçon la plus importante que Melinda et moi avons apprise concernant la santé mondiale », a récemment déclaré M. Gates. La Fondation Gates contribue à réduire  la mortalité infantile en fournissant le matériel hospitalier nécessaire et en recrutant des praticiens locaux qualifiés pour soigner les patients et leurs enfants.

Collaboration Dangote-Gates

En 2016, les Fondations Dangote et Gates ont formé une équipe de rêve philanthropique en annonçant un plan de 100 millions de dollars pour lutter contre la malnutrition au Nigéria. Ce partenariat permettra de financer des programmes à l’horizon 2020 et au-delà, et s'appuiera sur des groupes locaux du nord-ouest et nord-est du pays. Depuis sept ans, le nord-est est ravagé par l'insurrection militante islamique de Boko Haram, qui affecte tous les projets médicaux de la région.

La malnutrition touche 11 millions d’enfants dans le seul nord du Nigéria ; selon M. Dangote, le partenariat réglerait le problème.

Les fondations avaient déjà signé un accord de collaboration visant à encourager les programmes de vaccination dans trois États du nord : Kaduna, Kano et Sokoto.

La Fondation Gates déclare sur son site Internet que les « Contributions de la Fondation Bill et Melinda Gates, de la Fondation Dangote et des gouvernements nationaux pour couvrir les coûts du programme seront échelonnées sur trois ans : 30 % la première année, 50 % la deuxième et 70 % la troisième, et les États prendront progressivement la responsabilité du financement des services de vaccination. »

L’avenir d’environ 44 % des 170 millions de Nigérians serait « fortement compromis si nous n'éliminons pas la malnutrition », a déclaré M. Gates lors d’une réunion avec le Président Muhammadu Buhari.

Nouer des relations de confiance

Malgré les nombreux efforts locaux et internationaux, certains aspects culturels et religieux entravent souvent les initiatives de renforcement de l’infrastructure médicale africaine. C'est ainsi qu'en 2007, des chefs religieux du nord du Nigéria se sont opposés aux travailleurs humanitaires administrant les vaccins contre la poliomyélite, après des rumeurs voulant que ces vaccins seraient adultérés et entraîneraient l’infertilité et le VIH/sida.

En 2014, lors de la crise de l’Ebola, des villageois ont chassé à coups de pierres les travailleurs de la Croix-Rouge dans le village de Womey en Guinée, les accusant de transmettre « une étrange maladie ». 

Les principaux protagonistes  sont sans doute  M. Dangote et M. Gates, mais il en est d’autres moins connus qui apportent aussi d'importantes contributions aux soins de santé en Afrique. Par exemple, en Afrique de l'Ouest, après l'épidémie d'Ebola de 2014 qui a causé près de 11 300 morts, des entreprises privées des trois pays les plus touchés — Guinée, Libéria et Sierra Leone — se sont associées au gouvernement pour lutter contre le virus.

La brasserie Sierra Leone Brewery, par exemple, a aidé à construire des installations pour traiter le virus. Des particuliers, comme Patrick Lansana, un expert en communications sierra-léonais, ont travaillé bénévolement pour combattre l'Ebola. M. Lansana a déclaré : « J’ai rejoint la lutte contre le virus, parce que je voulais aider mon pays. Mes efforts, et ceux des autres, ont fait une différence. Il aurait été difficile pour le gouvernement et les partenaires internationaux de lutter seuls contre le virus. »

Partenariats public-privé

Les secteurs privé et public doivent collaborer pour empêcher le système de soins africain de s’effondrer, note un rapport de la société de conseil britannique PricewaterHouseCoopers. Le rapport indique que les partenariats public-privé, ou PPP, s'ils conjuguent  pleinement leurs efforts, peuvent apporter des soins de santé de qualité. Dans le cadre d'un PPP dans le secteur de la santé, par exemple, un gouvernement peut participer  en fournissant l’infrastructure médicale, tandis que les sociétés  privées peuvent s'associer  aux opérations. 

Dans une tribune conjointe largement diffusée en avril dernier, M. Dangote et M. Gates ont indiqué que l'amélioration des soins de santé en Afrique dépend de la réussite du  « partenariat  entre le gouvernement, les communautés, les chefs religieux et les chefs d’entreprise, ainsi que les bénévoles et les ONG, afin de veiller à ce que tout le monde rame dans la même direction. »