L’Inde et l’Afrique relancent leurs relations commerciales

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L’Inde et l’Afrique relancent leurs relations commerciales

Les vieux amis explorent de nouvelles perspectives
Pavithra Rao
Afrique Renouveau: 
African Union Commissioner for Trade and Industry Fatima Haram Acyl (left) and India Minister of State for External Affairs Vijay Kumar Singh  (center) at the Third India-Africa Forum Summit in October 2015 in New Dehli, India. Photo: India Ministry of St
Photo: Ministère d’état pour les Affaires extérieures
La Commissaire au Commerce et à l’Industrie de l’Union africaine, Fatima Haram Acyl (à gauche) et le Ministre d’état aux Affaires étrangères indien, Vijay Kumar Singh (au centre) au Troisième Sommet du Forum Inde-Afrique en octobre 2015 à New Delhi en Inde. Photo: Ministère d’état pour les Affaires extérieures

Avant de partir étudier à l’étranger, Zara Mwanzia était persuadée que le chapati - ce pain délicieux dont raffolent les Kényans - était une spécialité locale. « J’ai été  étonnée de découvrir que le chapati venait en réalité d’Inde », avoue-t-elle songeuse.

On ne peut que pardonner à Zara son ignorance tant la culture indienne imprègne l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe. Le thé chai est un autre exemple. Ce mélange de thé, de lait, de sucre et d’épices est la boisson favorite à Nairobi, la capitale du Kenya, et dans tout le pays.

Les liens culturels et économiques qui unissent l’Inde et l’Afrique vont bien au-delà du chapati et du thé chai et ont traversé les époques: des échanges commerciaux du début du IVe siècle, à la coopération politique pour l’indépendance de l’Afrique au XXe siècle, en passant par le transfert de main-d’oeuvre issue des colonies britanniques. 

Des liens de parenté et d’amitié

En comptant la seconde génération, on estime la population indienne en Afrique à environ 2,7 millions en 2015. Plus de la moitié vit en Afrique du Sud, un tiers à l’île Maurice et une minorité dans les pays d’Afrique de l’Est comme le Kenya, la Tanzanie et l’Ouganda. 

«Nous sommes des amis de longue date et nous avons des liens de parenté », a affirmé Nirmala Sitharaman,  ministre d’État indienne chargée du commerce devant le Troisième Sommet du Forum Inde-Afrique en octobre 2015. Tous les trois ans, les dirigeants indiens et africains s’y réunissent pour discuter des possibilités d’échanges commerciaux et d’investissement  et développer leurs relations diplomatiques. 

L’histoire commune entre l’Inde et l’Afrique renforce la tendance actuelle au rapprochement et à la coopération économique. Les pays africains se tournent de plus en plus vers l’Est au détriment de leurs partenaires occidentaux tandis que les économies émergentes asiatiques se précipitent pour investir en Afrique. 

La première visite officielle en Afrique du Premier ministre indien Narendra Modi en juillet 2016 précédée un mois plus tôt par celle du Président Pranab Mukharjee, est un signal fort d’un regain d’intérêt mutuel.

D’après les chiffres du gouvernement indien et de la Banque africaine de développement (BAD), les échanges commerciaux bilatéraux entre l’Inde et l’Afrique sont passés de 1 milliard de dollars en 1995 à 75 milliards en 2015.

De 2010 à 2015, le Nigéria était le premier partenaire économique de l’Inde en Afrique avec un volume d’import - export de 1,6 milliard de dollars, suivi par l’Afrique du Sud avec 1,1 milliard, puis par le Kenya et le Mozambique.

Sur l’ensemble de la période, les exportations de l’Inde vers l’Afrique ont augmenté de 93% et les importations de 28%, d’après le rapport Afrique-Inde: Faits et chiffres 2015, publié conjointement par la Commission économique pour l’Afrique  (CEA) et la Confédération des industries indiennes (CII). Ce rapport indique que la part de l’Afrique dans les exportations indiennes est passée de 17,9 milliards de dollars en 2010 à 34,6 milliards en 2015. 

D’après un rapport publié en 2015 par le South African Institute of International Affairs, l’île Maurice serait la destination de prédilection de l’investissement direct étranger (IDE) qui s’élève à 64,2 milliards de dollars pour la période de 2000 à 2012. 

Si ce montant représente les trois-quarts de l’IDE de l’Inde en Afrique, les chiffres sont faussés. Les investissements sont avant tout liés aux activités des entreprises américaines qui tirent parti de la législation fiscale avantageuse de l’île et investissent en Inde par le biais des entreprises mauriciennes. 

Le secteur privé aux commandes  

Les investissements indiens continuent d’augmenter en Afrique. Bharti Airtel, l’entreprise multinationale de télécommunications basée à New Delhi, en est l’illustration parfaite. Elle domine le marché dans 18 pays africains depuis son arrivée en 2010 avec le rachat de Zain, entreprise koweïtienne, pour un montant de 10 milliards de dollars. Avec plus de 76 millions d’abonnés et 5 000 employés en mars 2015, Airtel est désormais le deuxième opérateur de téléphonie mobile en Afrique.  

Tata Africa Holdings est également une entreprise indienne de renom basée à Johannesburg en Afrique du Sud. On reconnaît aisément son logo rouge et blanc sur les différents véhicules, camions, semi-remorques, et moyens de transports publics, qui arpentent les routes africaines. 

Mais l’entreprise est bien plus qu’une affaire d’assemblage de véhicules. Forte de sa présence dans 11 pays africains, elle est également impliquée dans les technologies de l’information, les produits chimiques, la sidérurgie et l’ingénierie, l’industrie hôtelière, l’énergie et le secteur minier. En 2016, cette entreprise de 1 500 employés investissait plus de 145 milliards de dollars en Afrique. 

D’autres entreprises indiennes sont présentes comme ArcelorMittal (sidérurgie et mines de fer), Essar Steel (sidérurgie), Coal India, Vedanta Resources (cuivre et autres métaux), Varun Industries (minéraux de terres rares), Jindal Steel and Power (sidérurgie et énergie), ou encore Apollo Tyres (fabrication et distribution de pneus).

Renforcer les liens 

Réciproquement, les investissements africains en Inde s’élèvent à près de 65,4 milliards de dollars, d’après le rapport Afrique-Inde: Faits et chiffres 2015. La majorité des investissements provient des entreprises basées à l’île Maurice. Les investissements des multinationales sud-africaines dans les infrastructures, les brasseries  et les services financiers représentent ainsi moins d’un milliard de dollars. Un rapport de l’Institut d’ études stratégiques (ISS) en Afrique du Sud prévoit cependant une augmentation continue des investissements africains en Inde. 

Lors de la clôture du Sommet du Forum Inde-Afrique  en 2015, le Premier ministre indien Narendra Modi avait annoncé une ligne de crédit d’un montant de 10 milliards de dollars pour les entreprises indiennes qui souhaiteraient investir en Afrique. Il s’était également engagé à fournir une aide de 600 millions de dollars afin de financer des initiatives communes : 100 millions pour un Fonds de développement, 10 millions pour un Fonds pour la santé et 50 000 bourses pour les étudiants africains en Inde sur les cinq années à venir. 

Si l’on se réfère aux précédents Sommets du Forum Inde-Afrique en 2008 et 2011 et  au rapport conjoint CEA - CII, une subvention de 7,4 milliards de dollars avait permis de financer  137 projets dans 41 pays, tandis qu’une aide de 500 millions de dollars avait pu financer un projet de renforcement des capacités avec la création d’institutions spécialisées, l’attribution de bourse d’études et la mise en place du projet de réseau panafricain des services en ligne  qui connecte actuellement 48 pays africains. De plus, ces  trois dernières années,   25 000 Africains ont fait leurs études  en Inde ou y ont été  formés. 

Au cours de sa visite au Ghana en juin 2016, le président Mukherjee a annoncé que sa tournée faisait partie d’une volonté plus large de rapprochement et qu’elle serait suivie de celle du Premier ministre Modi dans d’autres pays d’Afrique. D’après ses dires, le sens de son propos était: « Afrique, nous sommes à tes côtés ». Un mois plus tard, M. Modi s’est rendu au Kenya, au Mozambique, en Afrique du Sud et en Tanzanie pour signer plusieurs accords bilatéraux.