Mzuri Issa, une femme qui fait tomber les obstacles sociaux au leadership des femmes en Tanzanie par le biais des médias

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Mzuri Issa, une femme qui fait tomber les obstacles sociaux au leadership des femmes en Tanzanie par le biais des médias

Mme Issa est également à l'avant-garde de la promotion de réformes juridiques qui permettront aux femmes de concourir efficacement sur un pied d'égalité avec les hommes.
18 Mars 2021
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Dr. Mzuri Issa lors d'une réunion du comité directeur de la section tanzanienne du Réseau des femmes leaders africaines.
UN Women/Hanna Mtango
Dr. Mzuri Issa lors d'une réunion du comité directeur de la section tanzanienne du Réseau des femmes leaders africaines.

Par son travail au sein de l’Association des femmes des médias de Tanzanie, Mzuri Issa est au premier rang de l’action pour des réformes juridiques et pour un changement des politiques et des attitudes qui entravent l’accès des femmes au leadership et aux prises de décisions. Les expériences pénibles de son enfance la motivent pour plaider la cause des droits des femmes et des filles par le biais des médias.

« En grandissant, j’ai été souvent rejetée », déclare Mzuri Issa, directrice de l’Association des femmes des médias de Tanzanie à Zanzibar (TAMWA-Zanzibar). « Ma mère n’avait pas les moyens de s’occuper de moi et j’ai passé la plus grande partie de mon enfance à passer d’un foyer à un autre. »

« Je suis très vite devenue adulte. À l’âge de 11 ans, je travaillais dans un stand de fast-food simplement pour pouvoir manger tous les jours. J’ai été témoin de multiples formes de discrimination et d’abus à l’égard des femmes, y compris ma propre mère », ajoute-t-elle.

Issa affirme que les épreuves de son enfance l’ont motivée à achever son éducation et à établir l’antenne de la TAMWA à Zanzibar en 2004.

Issa venait tout juste de se lancer dans sa carrière de journaliste au début des années 90 lorsqu’elle a été informée d’une loi discriminatoire à l’égard des femmes et des filles qui tombaient enceintes hors mariage. Les sanctions pouvaient comprendre une peine de prison pour la femme enceinte. Elle a traité la question pendant des années et travaillé aux côtés de partenaires médias et d’activistes, appelant à un examen de la loi. Cette loi a été finalement modifiée en 2005.

Remettre en question les normes discriminatoires et changer les mentalités

Avec un financement et un soutien technique d’ONU Femmes, TAMWA-Zanzibar travaille avec des chefs religieux et des communautés locales depuis 2010 pour changer les normes, les attitudes et les pratiques qui créent des obstacles à l’autonomisation des femmes – y compris leur accès aux postes de leadership et de prise de décisions.

J’effectue un travail de plaidoyer pour changer les perceptions qui conduisent à la discrimination à l’égard des femmes et [pour élever] le statut des femmes dans la société.

À Zanzibar, par exemple, les femmes sont plus susceptibles d’être au chômage et de gagner des salaires inférieurs, et ne peuvent pas prendre des décisions dans leur foyer, dans leurs communautés, ni accéder à des postes politiques en raison des systèmes de croyance patriarcaux qui attribuent les rôles de prise de décisions aux hommes.

« Ils sont encore nombreux à croire que les femmes ne peuvent pas et ne doivent pas devenir des leaders, surtout en politique, et ils basent ces croyances sur la religion. Mais le leadership des femmes est évident dans le Qur’an et dans la Bible », affirme Issa.

Issa est également parmi les premières à revendiquer des réformes juridiques garantissant que les femmes se portent effectivement candidates à des postes de leadership à égalité avec les hommes, et que les auteurs de violence à l’égard des femmes soient tenus responsables. Elle milite spécifiquement pour une augmentation des peines de prison pour viol à 30 ans de réclusion.

« J’effectue un travail de plaidoyer pour changer les perceptions qui conduisent à la discrimination à l’égard des femmes et [pour élever] le statut des femmes dans la société », ajoute-t-elle. « Mon travail est vraiment satisfaisant. »

En 2020, l’organisation a travaillé avec une équipe de 46 agents du changement masculins et plus de 70 chefs religieux pour promouvoir le leadership des femmes en sensibilisant le public. Près de 590 membres des collectivités de huit districts des îles Unguja et Pemba de Zanzibar ont été contactés.

TAMWA travaille aussi en étroite collaboration avec les médias classiques pour les sensibiliser aux reportages sensibles au genre, faire des femmes des sources d’actualités clés, bien représentées dans des rôles diversifiés, et produire conjointement un contenu au lieu de les présenter seulement comme des victimes. En 2020, TAMWA a formé plus de 50 journalistes et fourni un mentorat à plus long terme pour veiller à ce qu’ils produisent un contenu promouvant le leadership des femmes. Par conséquent, plus de 263 reportages et chroniques ont promu le leadership et une participation significative des femmes dans les prises de décisions dans la période qui a précédé et immédiatement suivi les élections générales en octobre dernier.

Grâce au travail de TAMWA-Zanzibar, Issa estime qu’un plus grand nombre de femmes sont visibles dans des rôles de leadership, inspirant ainsi les femmes à se présenter aux élections. « 162 femmes au total ont remporté l’investiture de leurs partis et se sont présentées aux élections à la Chambre des représentants et aux conseils de Zanzibar (ZHoR) », déclare Issa. « Sur les 435 femmes qui ont exprimé leur intérêt à se présenter à différents niveaux, cinq femmes se sont portées candidates à la présidence, une première pour Zanzibar. »

Les femmes constituent actuellement 40,8 pour cent de la Chambre des représentants, une augmentation de 3 pour cent par rapport au mandat de cinq ans précédent, et presque le double de la proportion moyenne de femmes parlementaires en Afrique subsaharienne (24,4 pour cent).

Pour faire encore plus de progrès, Issa dit qu’il est essentiel d’augmenter le nombre de femmes qui travaillent dans les médias. 

« Comme les médias servent de miroir à la société, il faut que davantage de femmes travaillent pour les organismes de presse afin de représenter fidèlement les expériences vécues par les femmes. »

« Une meilleure représentation contribuera à éliminer la pérennisation de stéréotypes négatifs et donnera aux femmes la voix et la plateforme qu’elles méritent. »

Aller de l’avant avec « Wanawake Wanaweza » (Les femmes en sont capables)

La sensibilisation communautaire et la mobilisation des médias de TAMWA-Zanzibar s’inscrivent dans le cadre du programme phare Leadership et participation politique des femmes d’ONU Femmes, « Wanawake Wanaweza » (Les femmes en sont capables), financé par les gouvernements de Finlande, de Suède, de Suisse et des États-Unis.

Depuis 2014, le programme tente de répondre aux défis auxquels les femmes sont confrontées pour accéder aux rôles de leadership et de prises de décisions en Tanzanie, en identifiant les lacunes dans les cadres juridiques et politiques, en renforçant les capacités des femmes leaders aspirantes et actuelles, et en soutenant le changement institutionnel pour créer un environnement propice permettant aux femmes d’occuper des postes de prises de décisions.

Cette année, ONU Femmes envisage de continuer à travailler avec TAMWA-Zanzibar pour étendre sa portée à d’autres régions et trouver des alliés parmi les hommes, et pour développer les compétences des jeunes femmes, y compris celles en situation de handicap.


Les faits

  • Les biais sociaux, ainsi que les obstacles culturels et comportementaux, renforcent les perceptions selon lesquelles les hommes font de meilleurs leaders que les femmes. Trente-six pour cent des personnes sondées dans le monde entre 2017 et 2020 considéraient encore que les hommes font de meilleurs politiciens que les femmes.
  • Les quotas de genre augmentent la représentation des femmes dans les législatures et d’autres secteurs lorsqu’ils sont bien conçus et mis en œuvre efficacement. Le changement nécessite le soutien du public et la volonté politique des leaders hommes de promouvoir publiquement l’égalité des sexes et la participation des femmes dans les domaines de la vie publique.
  • Les secteurs des médias, de la publicité, du cinéma et de la télévision peuvent contribuer à inverser la discrimination dans la façon dont les femmes leaders sont présentées, et les gouvernements doivent financer et soutenir des campagnes d’informations publiques présentant des images et des messages positifs sur les femmes pour changer les stéréotypes.
  • Globalement, les minorités ethniques, les femmes migrantes, les femmes rurales, les femmes en situation de handicap et les femmes autochtones continuent d’être victimes de discrimination et d’exclusion de la vie publique. La violence à l’égard des femmes dans la vie politique et publique continue de restreindre l’accès des femmes au pouvoir et aux prises de décisions. Des efforts restent à faire pour que toutes les institutions publiques appliquent une tolérance zéro à l’égard de la violence, de la discrimination et des abus.

Pour en savoir plus sur le leadership des femmes, voire le rapport du Secrétaire général de l’ONU

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