De ‘la femme’ de Joseph Kony à avocate de la paix – le parcours d’une jeune femme courageuse

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De ‘la femme’ de Joseph Kony à avocate de la paix – le parcours d’une jeune femme courageuse

ONU

30 juin 2016 – Evelyn Amony a été enlevée à l’âge de 11 ans de son village dans le nord de l’Ouganda, puis forcée de devenir la «femme» de Joseph Kony - un des chefs de guerre les plus redoutés d’Afrique, tristement célèbre pour sa brutalité, et chef de l’Armée de résistance du Seigneur, le groupe rebelle violent connu sous son acronyme, LRA.

Mme Amony a été sauvée par l’armée ougandaise en 2004, 11 ans après le début de sa captivité. Un an plus tard, elle s’est jointe à une délégation de paix pour négocier la fin de vingt ans d’insurrection de la LRA. Les négociations n’ont pas abouti.

Lors de la présentation de son autobiographie,  « I am Evelyn Amony: Reclaiming My Life from the Lord’s Resistance Army » (Je suis Evelyn Amony : redonner sens à ma vie après l’Armée de résistance du Seigneur) lors d’un événement organisé à New York ONU-Femmes, elle a parlé de son expérience qu’elle partage avec plus de 60.000 enfants enlevés en Afrique orientale et centrale dans les années 1990 par la LRA.

Centre d’actualités de l’ONU : Pouvez-vous décrire ce qui s’est passé le jour où vous avez été enlevée par l’Armée de résistance du Seigneur?

Evelyn Amony : J’ai été enlevée à Atiak, dans le nord de l’Ouganda, lorsque je rentrais de l’école, le 25 août 1994. Je suis tombée sur la LRA en chemin. J’étais avec environ cinq autres enfants, mais seules trois d’entre nous ont été enlevées, parce qu’ils ne voulaient que des jeunes enfants, ils ne voulaient personne de plus de 15 ans.

Ils ne m’ont pas dit pourquoi ils m’ont prise ; ils m’ont dit le premier jour qu’ils allaient m’amener à Kampala [la capitale de l’Ouganda]. J’ai demandé aux hommes qui m’ont enlevé pourquoi nous devions marcher à travers la brousse pour atteindre Kampala, au lieu de prendre la route. Ils m’ont dit que c’était le chemin le plus court.

Centre d’actualités de l’ONU : Vous aviez 11 ans. Est-il possible d’expliquer qu’est-ce qui se passait dans votre esprit?

Evelyn Amony : Ce n’était pas facile pour moi ce jour-là, parce que c’était la première fois que je voyais la LRA et aussi la première fois que je devais porter des bagages lourds.

Centre d’actualités de l’ONU : Avez-vous essayé de vous échapper ou d’envoyer un message à vos parents?

Evelyn Amony : Il n’y avait aucun moyen de communiquer avec mes parents. La deuxième nuit avec la LRA, j’ai vu comment ils ont tué une autre enfant enlevée qui a essayé de s’échapper. Cela m’a fait tellement peur que j’ai complètement abandonné l’idée de m’échapper.

Centre d’actualités de l’ONU : Qu’avez-vous pensé en voyant un autre enfant se faire tuer?

Evelyn Amony : Ce n’était pas facile pour moi parce que c’était la première fois que j’ai vu quelqu’un se faire tuer. J’ai vu comment ils ont utilisé une machette pour couper la personne et depuis ce jour-là, l’image de la manière dont cette personne a été tuée est restée dans mon esprit.

Centre d’actualités de l’ONU : Qu’est-ce qui s’est passé quand Joseph Kony a décidé de vous prendre comme une de ses femmes?Evelyn Amony : C’était un jour terrible dans ma vie, parce que les gens qui m’ont enlevé se battaient entre eux pour moi. Ils se battaient pour savoir qui allait me prendre comme leur femme. J’avais seulement 12 ans.

La première fois que j’ai rencontré Kony, je ne savais même pas que c’était lui. J’ai toujours entendu mes parents et d’autres le décrire comme un homme de petite taille avec une très longue barbe. Alors, quand j’ai été enlevée, je continuais à rechercher un homme qui avait cette apparence.

Centre d’actualités de l’ONU : Comment vous a-t-il traité ?

Evelyn Amony : Ce n’est pas facile pour moi de décrire, mais je vais essayer. Quand nous sommes arrivés au Soudan, lorsque j’ai eu 14 ans, à ce moment il a fait de moi sa femme.

Centre d’actualités de l’ONU : Voulez-vous dire qu’il vous a forcé à avoir des rapports sexuels avec lui?

Evelyn Amony : Oui, il m’a forcée à avoir des relations sexuelles avec lui, il m’a violée. J’ai passée onze ans et demi avec lui. Finalement, je me suis habituée à ce qui se passait parce que je voyais d’autres femmes qui allaient dans sa maison pour passer la nuit. Je me suis adaptée à la situation et j’ai été obligée d’accepter que c’était ma vie maintenant.

Centre d’actualités de l’ONU : Vous avez eu trois enfants avec Kony?

Evelyn Amony : C’est vrai, j’ai eu des enfants avec lui. Je suis rentrée avec deux enfants, mais le troisième a disparu et je suis toujours à la recherche de cet enfant. Je ne sais pas où cet enfant est, parce que l’enfant a disparu dans une bataille. Il y avait une grande bataille entre des soldats du Soudan et de l’Ouganda qui se sont joints pour lutter contre la LRA. C’était lors de cette bataille que mon enfant a disparu.

À mon avis, je pense que l’enfant a été capturé par  la Force de défense du peuple ougandais, mais jusqu’à [maintenant] je ne l’ai pas trouvé.

Centre d’actualités de l’ONU : Quel type de personne est Joseph Kony?

Evelyn Amony: Il est très difficile de comprendre le caractère de Joseph Kony, parce que quand vous êtes là, il n’est pas tout à fait clair qu’il est la personne qui dirige la LRA. Il est très difficile de comprendre ses qualités parce qu’il avait certains aspects spirituels en lui. De plus, il nous disait que si nous abandonnions la rébellion pour rentrer chez nous, nous risquions d’être frappés par le mauvais sort.

Centre d’actualités de l’ONU : Était-il capable de bonté?

Evelyn Amony: Il y avait trois cas où je l’ai vu montrer de la bonté. La première fois, j’étais censée être tuée, mais il m’a sauvé la vie. Puis une fois, je me noyais dans une rivière, et il est venu à mon secours.

La troisième fois, c’était quand un certain nombre d’enfants ont été enlevés dans une ville appelée Palabek dans le nord de l’Ouganda. Les enfants soldats voulaient tuer les enfants enlevés et il leur a dit qu’« aucun enfant de 15 ans ou moins sera être tués - si l’un de vous ose le faire, vous serez tués ».

Centre d’actualités de l’ONU : Comment peut-on mettre fin à cette insurrection en cours?

Evelyn Amony: Cela fait plusieurs années que je ne suis plus avec lui; comme chef rebelle, il change toujours de tactique. Il a beaucoup de tactiques. La seule chose que je peux suggérer aux gens, c’est de négocier avec lui. Je voudrais également souligner que si nous pouvons identifier les partisans de Kony et de sa rébellion et si nous pouvons réduire les ressources de cette rébellion, cela pourrait aider à y mettre un terme.

Ce sont les partisans qui continuent de l’encourager et de lui donner des conseils sur ce qu’il faut faire. Pourtant, à la fin, c’est lui qui reste dans la brousse et cause des souffrances.

Centre d’actualités de l’ONU : Savez-vous quel est son but ultime?

Evelyn Amony: Il est difficile de savoir ce qu’il veut, mais j’ai appris au cours des pourparlers de paix qu’il serait disposé à négocier. Peut-être qu’il aurait pu signer l’accord de paix, mais il y avait d’autres partisans dans les coulisses qui apparemment l’ont persuadé de ne pas s’engager dans les pourparlers. Peut-être que cela pourrait avoir contribué à l’échec de l’accord de paix.

Centre d’actualités de l’ONU : Vous avez 33 ans maintenant, vous avez vécu une épreuve terrible, quelle est votre motivation dans la vie?

Evelyn Amony: Je vous remercie beaucoup pour cette question. Même si je suis passée par toute cette souffrance, aussi longtemps je suis vivante, aussi longtemps que j’ai mes jambes et que je peux marcher et voir, je peux encore faire de grandes choses pour apporter des changements dans le monde.

Centre d’actualités de l’ONU : Et quelles sont ces grandes choses que vous avez l’intention de faire?

Evelyn Amony: L’une des choses, par exemple, est d’écrire mon histoire et de la partager avec le monde, afin que les gens sachent que la guerre est mauvaise et a des conséquences très négatives pour les femmes et les enfants. Et je peux défendre les intérêts des femmes qui ont connu la guerre comme je l’ai connue, afin qu’elles puissent tourner la page.

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