Communauté européenne

Déclaration

Par

Odile Quintin
Directeur général Emploi et Affaires sociales Commission européenne
Au nom de la Communauté européenne

Conférence mondiale contre le racisme

Durban
le 2 septembre 2001

Introduction

Madame la présidente, Monsieur le président,

Je me réjouis d'être en mesure de m'adresser aujourd'hui aux participants à cette conférence.

Je souhaite souligner l'engagement de l'Union européenne dans la réussite de cette conférence et dans l'élaboration de mesures concrètes visant à lutter contre le racisme, la xénophobie et l'intolérance, tant en l'Europe qu'à l'extérieur.

Cette conférence offre au monde une occasion majeure d'envoyer un signal fort de condamnation de toute forme de racisme et de xénophobie. J'espère de tout coeur que nous saurons saisir cette opportunité et que le programme d'action que nous adopterons permettra d'aboutir à des changements réels sur le terrain. [Je reconnais que nous aurons à résoudre certaines questions épineuses dans les prochains jours si nous souhaitons atteindre cet objectif.]

L'Union européenne est fondée sur le respect de certains objectifs fondamentaux: atteindre un niveau d'emploi et de protection sociale élevé, relever le niveau et la qualité de vie, favoriser la cohésion économique et la solidarité sociale et créer un espace de liberté, de sécurité et de justice.

Le racisme compromet la réalisation de l'ensemble de ces objectifs.

Conférence mondiale contre le racisme

Madame la présidente, Monsieur le président,

La Commission européenne est heureuse d'avoir été associée à la préparation de cette conférence mondiale en finançant la participation de la société civile aux conférences préparatoires et au forum des ONG ici à Durban.

En effet, la lutte contre le racisme ne peut incomber aux seuls gouvernements. Le racisme est un problème de société et tous les acteurs de la société doivent jouer leur rôle.

La violence raciste, les haines ethniques et la discrimination n'épargnent aucune partie du monde. L'Europe en a certainement souffert par le passé, et en souffre encore aujourd'hui. Pour combattre ce phénomène, de nombreux pays ont élaboré des mesures et des stratégies sur lesquelles nous pouvons tous prendre exemple.

Le racisme et les activités des racistes ne se limitent plus aux frontières d'un pays, surtout depuis l'avènement d'Internet. Des rassemblements transnationaux tels que l'Union européenne peuvent apporter une plus-value aux efforts de chaque État dans la lutte contre le racisme.

La lutte contre le racisme est aujourd'hui bien ancrée dans le droit européen. Le traité instituant la Communauté européenne y fait référence de manière spécifique.

La proclamation de la Charte des droits fondamentaux en décembre 2000 constitue le renforcement le plus récent des droits fondamentaux et de la non-discrimination dans l'UE. L'article 21 de la Charte interdit toute discrimination fondée notamment sur la race, la couleur ou l'origine ethnique ou sociale.

Article 13

L'Union européenne rejette les théories qui tentent de déterminer l'existence de plusieurs races humaines distinctes.

L'an dernier, le Conseil des ministres de l'Union européenne a adopté deux textes législatifs contraignants pour interdire les discriminations fondées sur la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle.

Les deux textes accordent aux victimes de discriminations le droit de demander réparation devant les tribunaux et prévoient des sanctions effectives et dissuasives à l'encontre de ceux qui ont enfreint le principe d'égalité.

La loi sur la discrimination raciale impose également aux gouvernements d'instituer des organismes nationaux chargés de promouvoir l'égalité de traitement et de fournir une assistance juridique indépendante aux victimes de discriminations.

Les États membres de l'UE collaborent actuellement avec leurs partenaires de la société civile afin de transposer ces lois dans leur législation nationale. Cette transposition devra être achevée pour 2003.

Mesures de droit pénal

Les mesures de droit pénal constituent un outil efficace de lutte contre le racisme et la xénophobie. Outre leur aspect répressif, elles présentent également une valeur dissuasive non négligeable.

Au niveau communautaire, une action commune de 1996 garantit une coopération juridique effective entre les États membres afin d'éviter que les racistes ne profitent de la divergence entre les cadres juridiques de différents pays.

La Commission compte aujourd'hui proposer la création d'un nouveau cadre juridique destiné aux États membres pour lutter contre les crimes racistes et xénophobes. Cette proposition couvrira également la diffusion de données à caractère raciste et xénophobe sur Internet, sur la base du principe selon lequel ce qui est jugé illégal "hors ligne" devrait également être considéré comme illégal "en ligne".

Pour que les lois soient efficaces, leur respect doit être assuré de manière systématique et rigoureuse. Il est donc essentiel, dans le cadre de la lutte contre le racisme et la xénophobie, de soutenir de manière adéquate les services de police et les autorités judiciaires. La Commission finance des programmes de formation et d'échange afin d'aider les autorités judiciaires et de police à atteindre cet objectif.

Immigration et asile

Madame la présidente, Monsieur le président,

Si les migrants ne sont pas les seules victimes du racisme et de la xénophobie, ils constituent l'un des groupes les plus vulnérables. C'est pourquoi il convient de répondre au racisme dont ils sont la cible non seulement par le biais des politiques d'immigration et d'asile, mais également à travers la politique sociale.

Lors d'un sommet européen organisé en 1999, il a été convenu que les politiques d'immigration et d'asile en Europe devaient être accompagnées d'une politique d'intégration vigoureuse destinée aux migrants résidant légalement en Europe. Le Conseil européen a déclaré que cette politique devrait tendre à conférer aux migrants des droits et des obligations comparables à ceux des citoyens de l'UE. Il s'agit là d'un enjeu crucial pour la promotion de la cohésion sociale et la lutte contre la montée du racisme et de la xénophobie.

Ces politiques communes sur l'immigration et l'asile doivent être claires aux yeux de nos propres citoyens et offrir des garanties aux personnes cherchant à obtenir une protection ou un accès dans l'Union européenne. Nous voulons une Union européenne ouverte et sûre, pleinement attachée au respect des obligations de la Convention de Genève sur les réfugiés et d'autres instruments pertinents en matière de droits de l'homme, et capable de répondre aux besoins humanitaires sur la base de la solidarité. La Commission européenne présente une série de propositions visant à mettre en oeuvre ces engagements.

Initiatives pratiques en cours

Nous savons toutefois que la loi n'est pas en mesure d'apporter une réponse à toutes les formes de discrimination.

Madame la présidente, Monsieur le président,

Il est nécessaire de mener des actions concrètes qui permettent de nouer des relations avec les gens et contribuent à abattre les préjugés sous-jacents qui nourrissent les attitudes et les comportements racistes.

L'éducation est appelée à jouer un rôle fondamental dans le cadre de cette vaste entreprise. L'expérience de la Communauté européenne dans le domaine de l'éducation et de la formation montre combien il est important de réaliser l'éducation interculturelle et d'alimenter la dimension interculturelle dans les pratiques pédagogiques quotidiennes. Cela contribue à prévenir les attitudes et comportements racistes et xénophobes en équipant chaque individu pour comprendre la diversité et surmonter les différences, quelles qu'elles puissent être.

Des actions de grande envergure sont requises, pas seulement à l'école et à l'université, mais aussi sur le lieu de travail, au niveau des systèmes de protection sociale et en matière de logement et d'accès aux biens et aux services.

La Communauté européenne a décidé de soutenir financièrement une série d'initiatives rapprochant les autorités locales et régionales, la société civile, les syndicats, les employeurs, les médias et les universitaires dans le but de développer notre connaissance en matière de lutte contre le racisme.

Cette combinaison d'actes législatifs et d'actions concrètes constitue une contribution importante à la lutte contre le racisme en Europe.

Lutte contre le racisme dans les pays tiers

La lutte contre le racisme est aussi une facette essentielle des politiques menées par l'Union européenne dans le domaine des droits de l'homme. La lutte contre le racisme et la promotion des besoins des peuples indigènes font partie intégrante du dialogue politique et des initiatives que nous avons établis avec nos pays partenaires, y compris dans le cadre de projets relatifs aux droits de l'homme et de programmes de coopération au développement élaborés en collaboration avec des ONG et des organisations internationales.

La Communauté souhaite également accorder une attention particulière à la lutte contre le racisme dans le contexte de son élargissement à de nouveaux États au cours des prochaines années.

Observatoire européen

En 1997, nous avons également créé l'Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes. Ce dernier rend compte des niveaux de racisme dans l'ensemble de l'UE et met l'accent sur les bonnes pratiques permettant de les réduire.

Il est essentiel de disposer d'informations et de recherches de qualité pour pouvoir combattre le racisme de front.

Discrimination multiple/égalité des sexes

Madame la présidente, Monsieur le président,

La discrimination raciale peut avoir des effets catastrophiques lorsqu'elle s'ajoute à une discrimination fondée sur d'autres motifs, tels que le sexe, l'âge, la religion, un handicap ou l'orientation sexuelle.

En matière d'égalité des sexes, la stratégie-cadre communautaire adopte une approche globale.

L'un des cinq domaines couverts est l'égalité entre les femmes et les hommes dans la vie civile, y compris au niveau des droits humains et des libertés fondamentales.

La Communauté apporte son soutien aux mesures de sensibilisation au respect des droits des femmes confrontées à la discrimination multiple et se bat pour une plus grande égalité entre les femmes et les hommes dans la vie économie, dans la vie politique, en matière de droits sociaux et dans l'accès aux services. L'égalité des sexes, tout comme l'égalité ethnique, doit être soutenue par toutes les politiques susceptibles de l'influencer.

Conclusion

Madame la présidente, Monsieur le président,

Une brochure, que nous mettons à votre disposition à l'occasion de cette conférence, reprend des informations concernant la contribution de l'Union européenne à la lutte contre le racisme.

Vous constaterez que je ne vous ai décrit aujourd'hui qu'une partie des nombreuses actions que nous avons pu entreprendre ensemble, grâce au concours des 15 États membres.

Pourtant, il ne se passe pas un jour sans qu'il ne soit fait état d'attaques racistes quelque part dans l'Union européenne. Sans parler de la discrimination quotidienne à laquelle sont confrontées les personnes appartenant à des minorités ethniques ou à des communautés migrantes. C'est également vrai dans d'autres parties du monde.

Madame la présidente, Monsieur le président,

Un programme d'action positif et concret nous sera profitable à tous et nous guidera vers la réalisation d'un objectif commun visant à bannir le racisme et la xénophobie de notre monde. Certaines questions difficiles doivent encore être résolues. Si nous voulons quitter Durban en ayant fait avancer les choses pour les victimes actuelles du racisme, nous devons tous faire preuve de bonne volonté, d'imagination et d'ingéniosité dans la recherche d'une solution à ces problèmes.

Je vous remercie.