REPUBLIQUE TUNISIENNE
MINISTERS DES AFFAIRES DE
LA FEMME
ET DE LA FAMILLE
DISCOURS DE MME NEZIHA
ZARROUK,
MINISTRE DES AFFAIRES DE
LA FEMME ET DE LA FAMILLE,
LORS
DE LA SESSION
EXTRAORDINAIRE DE L'ASSEMBLÉE
GÉNÉRALE DE L
ORGANISATION DES NATIONS
UNIES,
"LA FEMME EN L'AN
2000,9 L'ÉGALITE DES GENRES, LE
DÉVELOPPEMENT ET LA PAIX
AU XXIème SIECLE"
NEW Y0RK, JUIN 2000
AU NOM DE DIEU, LE CLÉMENT, LE
MISÉRICORDIEUX,
MADAME LA PRESIDENTE,
MESDAMES ET MESSIEURS LES CHEFS
ET LES MEMBRES DES
DÉLÉGATIONS,
C'est pour moi un réel motif de satisfaction que
d'avoir l'opportunité de m'adresser à vous aujourd'hui, au nom de la Tunisie,
de son Président, de son Gouvernement et de son peuple, et de vous exprimer
tout d'abord mes compliments les meilleurs. Je tiens également à saisir cette
occasion pour dire toute la fierté que je ressens devant la convocation de
cette session extraordinaire de l'Assemblée Générale des Nations Unies, réunie
à l'effet de faire le point des réalisations accomplies au cours des cinq
années qui se sont écoulées depuis le quatrième Sommet mondial sur la femme,
tenu à Pékin en 1995 et d'explorer les voies et moyens qui permettent de
consolider ce processus dans les années à venir.
Ces assises revêtent, à nos yeux, une importance
extrême, tant elles sont significatives de la place prépondérante que la femme
occupe dans les domaines d'intérêt des Nations Unies et dans la conscience de
la communauté internationale, en général. C'est ce qui s'est dégagé depuis plus
de trois décennies, à travers l'adoption par les Nations Unies, des valeurs d'égalité, de développepement intégral
et de paix , en tant que thèmes stratégiques de leur action en faveur
de la promotion de la condition féminine et de la consécration des droits
fondamentaux de la femme.
Qu'il me soit donc permis de souligner qu'autant
cette session extraordinaire de l'Assemblée Générale exauce une revendication
cruciale quant au suivi et à l'évaluation des progrès accomplis dans
l'exécution des recommandations du Quatrième Sommet mondial de la femme, autant
elle représente une session extraordinaire au sens civilisationnel du terme.
Une session extraordinaire de par l'espoir immense dont elle est porteuse, en
cette fin de siècle, de voir l'an 2000 marquer l'amorce d'un nouveau tournant
dans l'approche des problèmes de l'égalité,
du développement et de la paix, avec
le sérieux requis, un engagement total et
un esprit de coopération positive,
pour consacrer le principe de l'égalité entre les deux sexes. Et cela non pas
seulement en tant qu'objectif noble, mais aussi en tant que ligne d'action et
instrument essentiel de dynamisation du processus de développement intégral, de
consécration des valeurs de paix, de démocratie et de solidarité entre les
individus et les peuples, en cette époque qui assiste à des mutations en
cascade et où l'humanité se trouve confrontée à des défis aussi nombreux
qu'impérieux.
MESDAMES,
MESSIEURS,
Nul doute que l'un des principaux défis que nous
avons à relever au cours de cette session spéciale qui est consacrée au suivi
de l'exécution des résolutions du quatrième Sommet mondial sur la femme, nous
impose à tous d'oeuvrer, à partir d'une conviction inébranlable, au
renforcement des acquis réalisés lors du dit Sommet. Aussi différentes que
puissent être nos approches et aussi divergente que puisse être conception que
chacun de nos pays se fait de certains de ces problèmes, en effet, le problème
de l'affranchissement de la femme de toutes les formes de discrimination,
reste, par essence, un seul et même problème, avec des origines humaines et des
dimensions civilisationnelles communes. Voilà bien ce qui doit nous inciter
tous à oeuvrer avec lucidité, volonté et détermination inflexible, en vue de
renforcer notre solidarité et
à développer notre combat et notre coopération, pour consacrer la communauté des valeurs humaines (les valeurs d'égalité, de
paix et de progrès), par‑delà la différence des sexes et la diversité des
cultures et des religions. La spécificité, dans ce domaine, ne peut être que
dans la conception des formules et des méthodes appropriées pour concrétiser
ces principes et les traduire dans la pratique et
dans les comportements, au sein de la société, toutes composantes confondues.
MADAME LA
PRESIDENT,
MESDAMES,
MESSIEURS,
La promotion de la condition de la femme, avec
toutes les dimensions qu'elle implique, a bénéficié, en Tunisie, d'une
attention tout à fait particulière. Ainsi, outre la promulgation du Code du
statut personnel, en 1956, dans la foulée de la proclamation de l'indépendance
du pays, le processus s'est considérablement renforcé après le Changement
constitutionnel du 7 novembre 1987, dans le cadre d'une option réformatrice qui
a confirmé la réussite de l'approche tunisienne dans la conciliation entre
l'authenticité et la modernité et l'adéquation judicieuse entre les
spécificités culturelles et sociales et les valeurs universelles. Le processus
de promotion de la femme tunisienne s'est ainsi caractérisé par le souci de
consacrer les droits de la femme en tant que partie intégrante des droits de l'Homme
et d'inclure les problèmes liés à l'évolution de sa condition dans une approche
stratégique fondée sur la planification en fonction du genre social et faisant
de fintégration de la femme dans le développement et la réalisation de
l'égalité, l'un des objectifs stratégiques du développement national; et cela à
travers la création de la Commission de la femme et du développement, en 1991,
et l'incorporation d'une stratégie spécifique pour la femme dans le huitième
Plan (1992‑1998). Ce faisant, la Tunisie a joué un rôle précurseur dans
l'adoption de la méthode du genre social, qui représente l'une des
recommandations les plus importantes du Sommet de Pékin. C'est ce qui a aidé à
la mise en place de nombre de mécanismes et à l'adoption d'importants programmes
et procédures qui se sont traduits par la création du Centre de Recherches,
Etudes de Documentation et d'Information sur la Femme (CREDIF) en 1991, la mise
en place d'un organisme gouvernemental chargé des affaires de la femme et de la
famille et la création du
Conseil national de la femme et de la famille, en
1992. En outre, il a été procédé à la promulgation de législations d'avant‑garde,
telles que la consécration du principe de non‑discrimination, en tant que règle
de base dans le texte même de la Constitution, ainsi que le renforcement des
droits fondamentaux et individuels de la femme au sein de la famille et de la
société. De la sorte a été consacré le principe de l'égalité et du partenariat,
tant dans le statut personnel que dans les diverses transactions sociales et
civiles. La suppression du devoir d'obéissance qui était impose exclusivement à
l'épouse, et son remplacement par le principe du respect mutuel, ainsi que la
consolidation de la position de la femme en matière de tutelle et de gestion
des affaires des enfants, ont été significatifs en la matière. Ceci outre la
création du Fonds de garantie de la pension alimentaire et de la rente de
divorce, la promulgation de textes réprimant la violence conjugale, l'octroi à
la femme tunisienne mariée à un étranger, de la possibilité de donner sa
nationalité à ses enfants, ainsi que la confirmation du principe de non‑discrimination,
d'une manière catégorique et claire, entre l'homme et la femme dans tous les
domaines de l'emploi de même que dans les transactions commerciales. Il s'agit
en l'occurrence de mesures qui n'ont pas cessé de se renforcer à la faveur du
souci constant de promouvoir la législation et de l'expurger de toute forme de
discrimination au détriment de la femme, en prenant appui sur une volonté politique ferme et
agissante et en se fondant sur le principe de l'interprétation ou Ijtihad .
MESDAMES,
MESSIEURS,
Ce processus s'est vu conférer davantage de
rationalisation et d'efficacité, dans le courant du neuvième Plan de
développement, que ce soit au niveau de la création d'instruments
institutionnels ou bien en matière de conception et de programmation; ce qui a
aide à la généralisation de la formule du genre social et à son application
dans la définition des programmes, lors de l'élaboration du deuxième Plan d'action national
au profit de la femme (1997‑2001). Ce Plan a été préparé dans le cadre de la
Commission de la femme et du développement, en partenariat avec diverses structures gouvernementales,
organisations et associations concernées. C'est ce même partenariat qui a
caractérisé notre orientation dans le domaine de la promotion de la condition
féminine, et notre souci constant de lui assurer les chances de réussite, tout
particulièrement à travers la dynamisation des activités du Conseil National de
la femme et de la famille, en tant qu'espace de dialogue, de concertation et
d'action en commun.
MESDAMES,
MESSIEURS,
La Tunisie a accompli des progrès substantiels
dans la réalisation de l'égalité des chances entre les deux sexes, dans la
plupart des domaines. Les efforts ont été concentrés sur la modernisation
accrue de la législation et son épuration de toutes les formes de
discrimination à l'encontre de la femme; outre le développement accru des
ressources humaines féminines, la dynamisation des différents mécanismes
existants et la promotion des programmes, afin d'aider au développement des
aptitudes de la femme et à sa qualification, dans le droit‑fil des mutations
incessantes qui se produisent dans l'environnement économique et social, dans
le contexte de l'accélération des courants de la mondialisation et des
répercussions que les politiques de réformes économiques structurelles peuvent
avoir sur la condition féminine.
Il me suffit de rappeler à cet égard, certaines
mesures importantes qui ont été prises dernièrement, telles que la promulgation
de la loi de copropriété conjugale qui est venue consolider le principe de
partenariat au sein de la famille et consacrer une approche évoluée et
civilisée des relations conjugales; ou bien l'abrogation de toute
discrimination au détriment de la femme dans le texte du Code des engagements
et des contrats, ou encore la forte impulsion donnée au Ministère de la femme
et de la famille, tant au niveau organique et structurel qu'au plan de la mobilisation
des ressources. En effet, les crédits qui lui sont alloués au titre du
développement ont été augmentés dans la proportion de 60 % entre 1996 et 1999.
Je citerai, également, le renforcement des activités du Conseil National de la
femme et de la famille, par l'adjonction de commissions spécialisées qui se
chargent essentiellement du suivi de l'application des lois et de l'égalité des
chances, ainsi que du suivi de l'image de la femme dans les médias. Ceci outre
le soutien continu qui est apporté ,au CREDIF et qui a permis à ce centre de
promouvoir le rendement de ses diverses structures, et tout particulièrement
celui de l'Observatoire national de la condition féminine en matière de
fourniture de données et de chiffres précis.
Au niveau des programmes, il a été procédé à la
consolidation des activités du mécanisme
de soutien aux activités féminines productives qui opère en
complémentarité avec les programmes nationaux tels que la Banque Tunisienne de
Solidarité et le Fonds National de l'Emploi, et dans le cadre du partenariat
avec les associations, pour assurer la promotion des petites entreprises
féminines, en milieu tant urbain que rural, en dotant la femme des ressources
nécessaires pour l'encourager à lancer des projets et à s'intégrer dans le circuit
de l'économie. Un Plan national pour
la femme rurale a été également adopté et mis en oeuvre, dans le cadre
du partenariat intégral avec les associations de développement. Il s'agit d'un
plan qui a essentiellement pour objectif de rentabiliser les capacités
productives de la femme en milieu rural et de protéger la jeune fille et la
femme rurales contre toutes les formes de marginalisation et de dénuement.
Au plan du renforcement des mécanismes de
protection des droits de la femme, l'attachement de l'Etat à garantir
l'efficacité des interventions du Fonds
de garantie de la pension alimentaire et de la rente de divorce et à
rationaliser ses prestations, offre un exemple édifiant de la globalité de
l'approche tunisienne en la matière. C'est ce dont témoignent, également,
nombre d'indicateurs qui sont significatifs de l'évolution de la condition de
la femme tunisienne et du développement de la part qui lui est attribuée dans
les divers programmes de développement humain, social et économique. Ainsi le taux
de scolarisation, à l'âge de six ans, est quasi‑absolu pour les filles comme
pour les garçons, dans les vines comme dans les campagnes; à telle enseigne que
le pourcentage des fines scolarisées âgées de 6 à 12 ans, est passé de 79 % en
1987 à 91,5 % en 1998. Quant au taux de présence des filles, dans les divers
cycles de l'enseignement secondaire et supérieur, il est égal voire supérieur à
celui des garçons, comme c'est le cas dans certaines facultés et sections. En
outre, l'espérance de vie de la femme tunisienne est passée de 51 ans en 1966 à
73,6 ans actuellement. Quant à la proportion de femmes actives, elle est passée
de 21 % en 1995 à 25 % à l'heure actuelle, sans tenir compte de la femme active
dans les secteurs non‑organisés. La présence de la femme dans les différents
secteurs de la vie publique et dans les postes de décision, a connu, elle
aussi, une évolution notable, en ce sens que la représentation féminine est
passée de 7 % en 1995 à 11,5 % actuellement à la Chambre des députés et de 17 %
à plus de 20 % dans les conseils municipaux, à la suite des récentes élections
qui ont eu lieu en mai 2000.
MADAME LA
PRESIDENTE,
MESDAMES,
MESSIEURS,
Les expériences acquises au cours des trois
dernières décennies qui se sont écoulées depuis la Conférence de Mexico en 1975
et jusqu'au Sommet de Pékin en 1995, ont démontré que la réalisation des
aspirations de la femme à l'égalité, au développement et au progrès dépend de
la concrétisation de la difficile péréquation entre la paix, la sécurité et la
stabilité, d'une part, et le développement intégral et solidaire, d'autre part.
Car, il n'est plus possible d'aborder ces problèmes avec des procédés obsolètes
et une approche étriquée, en cette étape qui se caractérise par
l'enchevêtrement des relations, l'interdépendance des intérêts et la
disparition des obstacles aux niveaux tant régional qu'international. D'où la
nécessité de renforcer la coopération internationale, toutes tendances
confondues, d'intensifier la coopération, de consolider les programmes de partenariat
équilibré entre le Nord et le Sud et de percevoir les besoins de développement
de la condition de la femme comme étant une variable essentielle en la matière.
Tout en félicitant à cet égard, le Secrétaire Général de l'Organisation des
Nations Unies, Monsieur Koffi Anan, pour l'appel qu'il a lancé aux pays
développés afin qu'ils consacrent 0,7 % de leur Produit Intérieur Brut à l'aide
aux pays en développement, pour leur investissement dans des projets de
développement au profit de la femme, je voudrais insister sur la nécessité
qu'il y a d'agir en vue d'instaurer une coopération horizontale agissante entre
les pays du Sud, en conformité avec la nature de leurs besoins, leurs intérêts
et l'interdépendance de leurs destinées.
Ce qui est souhaité, aujourd'hui, et je dirais
même ce qui est requis en cette fin de siècle, c'est que l'humanité puisse se
soustraire définitivement à ces terribles fléaux que sont la pauvreté, la
maladie, l'analphabétisme, le chômage, la dégradation de l'environnement et
l'aggravation de l'endettement. Il s'agit de fléaux dont souffrent tout
particulièrement les pays du Sud et qui touchent en premier lieu la femme.
C'est ce qui commande de consacrer la solidarité et de sensibiliser la
conscience universelle à ces problèmes vitaux.
A l'heure où les distances se sont estompées et où
les régions se sont rapprochées les unes des autres, ramenant ce monde aux
proportions d'un village universel, comment serait‑il possible, aujourd'hui,
d'opter pour des voles sélectives dans l'analyse du problème du développement ?
Comment faire triompher les hautes valeurs universelles sans oeuvrer
sérieusement à la concrétisation de ces mêmes valeurs, les faisant passer du
stade des bonnes intentions à celui de l'engagement
pratique ? L'appel du Président Zine El Abidine Ben Ali en faveur de la
création d'un Fonds Mondial de Solidarité vise, à cet égard, à traduire dans la
réalité l'aspiration de l'humanité à l'instauration de relations fondées sur
l'égalité, le développement solidaire et le pouvoir rationnel et tendues vers
la réalisation de la paix et du bien‑être pour tous.
Il est impératif, aujourd'hui et plus que jamais
auparavant, de combattre les différentes formes de marginalisation et de
discrimination aux dépens de la femme; et cela dans un cadre universel global
et solidaire. Nous avons, en effet, la conviction inébranlable que les
mutations qui sont intervenues au cours des années écoulées, ont fait de la cause de la femme une cause
sans limites . C'est ce qui doit nous inciter, tous, à reconsidérer les
limites du possible et à réfléchir constamment, avec créativité et ambition, en
vue de consolider le rôle de la femme dans le développement et l'édification de
la démocrafie, en tant qu'important facteur de production économique, de même
que dans l'amélioration du niveau de vie des familles, et partant, dans la
consolidation de la paix et de la stabilité politique et sociale, aux niveaux
national, régional et international.
‑‑‑ MERCI DE VOTRE
ATTENTION ‑‑