RWANDA

DECLARATION DE SON EXCELLENCE

MONSIEUR Bernard MAKUZA,

PREMIER MINISTRE DE LA REPUBLIQUE DU RWANDA

A LA 58ème SESSION DE L'ASSEMBLEE GENERALE DES NATIONS UNIES

New York, 25 Septembre, 2003

Monsieur le Président,

Excellences,

Distingués Délégués,

Mesdames et Messieurs,

La présente session de l'Assemblée Générale se tient au moment où le Monde est confronté aux défis les plus graves de son histoire et ce dans tous les domaines. Qu'à ce moment précis, Monsieur le Président, le choix de notre Assemblée ait porté sur votre personne pour présider nos travaux est pour ma délégation une marque de reconnaissance de vos qualités et de vos compétences affirmées.

Permettez-moi donc de joindre ma voix à celle des autres distingués Chefs de délégation qui m'ont précédé à cette tribune pour vous exprimer mes sincères félicitations ainsi que mes voeux de pleins succès tout en vous assurant d'ores et déjà de l'appui de mon pays pour le meilleur accomplissement de cette mission.

Nos hommages s'adressent également à votre prédécesseur dont le succès a été remarquable dans la conduite des travaux de la 57eme session qui vient de s'achever. Qu'il veuille bien agréer nos sentiments de reconnaissance et continue de faire bénéficier ce forum de son expérience.

Nous exprimons avec respect nos remerciements les plus défferents à Monsieur le Secrétaire Général, pour la sagesse dont il fait montre, et les efforts inlassables qu'il ne cesse de fournir parfois dans des contextes extrêmement difficiles, afin que cette organisation puisse s'approcher le plus possible des objectifs qui lui ont été assignés aux termes de la Charte.


Monsieur le Président,

Au cours de cette 58ème Session de l'Assemblée Générale, nous allons commémorer le 10ème anniversaire du génocide, qui en moins de 100 jours, d'avril à juillet 1994. a emporté. au vu et au su du monde entier, plus d'un million de rwandais et causé le déplacement intérieur ou l'exil de milliers d'autres.

Nous espérons que ce sera l'occasion pour l'Assemblée Générale de nous réengager collectivement en tant que gouvernements et peuples de cette planète à ce que plus jamais de telles horreurs ne se reproduisent.

Nous proposons, à cet effet, que le 07 avril 2004 soit déclaré, par cette auguste assemblée, journée de commémoration du 10ème anniversaire du génocide rwandais.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Même si l'approche de ce triste anniversaire nous oblige à évoquer ce génocide, à titre de l'obligation de mémoire, de respect et de solidarité internationale, ce n'est pas de cela que nous sommes venu parler à cette tribune.

Par contre, nous voudrions partager une expérience pleine d'espoir, à savoir celle de la renaissance de la nation rwandaise gui, à notre avis, est un test d'endurance et de détermination de tout un peuple.

En effet, Monsieur le Président,

Au cours des cinq derniers mois, le Rwanda, qui en 1994 avait tout d'un Etat en faillite, et qui a courageusement entrepris sa reconstruction, a vécu les événements les plus prometteurs de son histoire post-coloniale.

Depuis son accession à l'indépendance en 1962, les lères élections présidentielles pluralistes ont pu se dérouler et dans un atmosphère de paix et de tranquillité sans précédent.

L'éclatante victoire de Son Excellence Paul KAGAME, comme Président de la République, lors du scrutin du 25 Août dernier s'inscrit, en effet, dans un processus démocratique engagé depuis 1999 par les élections locales, suivies en 2001 par les élections communales et en mai 2003 par le référendum constitutionnel et marque, de jure, la fin d'une période de transition qui avait débuté en 1994 au lendemain de la tragédie rwandaise.

Ces élections libres et transparentes, ainsi que les législatives qui sont en cours à l'heure ou je vous parle, marquent non seulement un pas important dans le processus de démocratisation (amorcé) mais aussi, et surtout, restaurent les Rwandais dans leur droit et fierté de faire et d'écrire leur propre histoire, une histoire qui a tourné le dos à jamais au génocide et qui institue comme valeurs et objectifs primordiaux : l'unité, la paix, la justice, la démocratie et le développement.

Monsieur le Président,

Ces consultations, faut-il le rappeler, ne sont pas le fruit du hasard et n'auraient pas eu lieu ou connu de succès dont la communauté internationale a été témoin, n'eût été la ferme volonté du leadership et du peuple rwandais à s'investir avec détermination pour:

la paix et la sécurité des personnes et des biens sur tout le territoire national
• l'unité et la réconciliation du peuple rwandais,
· et la bonne gouvernance qui, en définitive, est l'élément moteur de notre politique et qui nous a permis de démanteler la structure d'un Etat trop centralisé et totalitaire qui inhibait toute heureuse initiative et participation de la population aux décisions concernant même son propre développement.

Ont été également instaurés les principes de responsabilité et de transparence à tous les niveaux de la vie publique par la création de fortes institutions semi autonomes chargées de combattre la corruption, le népotisme et les abus de pouvoir.

Le succès de ces initiatives se mesure aujourd'hui entre autres par le fait qu'une récente étude de l'Institut de la Banque Mondiale ait cité le Rwanda parmi les pays en développement les mieux gouvernés et non corrompus.

Ces consultations populaires n'auraient pas été non plus possibles sans l'éradication de la culture de l'impunité. Nous avons donc procédé à

· la réhabilitation complète du système judiciaire classique
· ainsi qu'à l'introduction du système judiciaire participatif et traditionnel dit « GACACA » qui s'inspire du génie rwandais et dont l'objectif principal est non seulement de punir les crimes commis pendant le génocide mais également et surtout de réconcilier les Rwandais.

Il sied aussi de rappeler que, la Convention de 1948 sur la prévention et la répression du génocide enjoint la communauté internationale de prévenir, d'arrêter et de punir le génocide.

Alors que la communauté internationale avait failli à ses obligations au terme de ladite Convention, nous avons hautement apprécié la mise sur pied, par la suite, d'un Tribunal Pénal International pour le Rwanda chargé de poursuivre, traduire en justice et punir les auteurs de ce crime.

Notre pays a, en particulier, accueilli favorablement et avec satisfaction la récente décision du Conseil de Sécurité de nommer un procureur à plein temps pour le TPIR en vue d'améliorer ses performances et son efficacité.

Nous sommes cependant d'avis que d'autres réformes restent encore à faire ou peuvent être initiées pour atteindre cet objectif qui, à notre sens, contribuerait à réhabiliter la dignité de l'être humain.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Sur le plan régional, la situation politique et sécuritaire dans la région des Grands Lacs d'Afrique Centrale s'est sensiblement améliorée depuis l'année passée.
Le Rwanda se réjouit (de la conclusion) du processus de paix en République Démocratique du Congo ayant conduit à la formation d'un Gouvernement inclusif de transition et à la réunification de ce pays.
Nous sommes disposés à travailler avec ce nouveau gouvernement ainsi que la MONUC pour arriver au désarmement, à la démobilisation et aux rapatriement effectifs, comme prévu dans les accords de Lusaka et Pretoria, des ex-FAR et les milices Interahamwe dont les activités belliqueuses sont à l'origine même des deux regretables entre nos deux pays.

Quant à la situation au Burundi, elle exige encore une attention soutenue de la part de la communauté internationale.
Le Rwanda en appelle, à ce titre, à toutes les parties (de faire preuve d'intérêts supérieurs des burundais) pour rallier les initiatives de paix en cours et fortement appuyées par les pays de la région afin de mettre un terme aux innommables souffrances de la population burundaise.

Ceci étant,

Au moment où ces différentes initiatives africaines de paix commencent à (prendre forme) porter leurs fruits, il est opportun d'en appeler à la communauté internationale de les accompagner en soutenant l'organisation de la Conférence Internationale pour la paix, la sécurité et le développement dans la Région des Grands Lacs. Cette Conférence devrait, on l'espère, produire une sorte de « PLAN MARSHALL » pour le développement de la région.

Ailleurs en Afrique et dans le monde, le Rwanda déplore que des conflits, souvent vieux de plusieurs années, continuent d'emporter beaucoup de vies humaines et détournent d'énormes ressources financières et matérielles qui pourraient être affectées aux projets de développement.

Nous sommes cependant d'avis que ces conflits ne pourront pas se dissiper d'euxmêmes, si nous ne prêtons pas attention et ne nous attaquons pas aux causes qui sont à leur origine et surtout, si nous ne mettons pas en place des mécanismes efficaces et appropriés de leur prévention, gestion et résolution.

En effet, nous devrions nous atteler tous, avec conviction, à promouvoir

le dialogue loyal,
la solidarité entre les nations,
• la non exclusion,
· la dimension humaine,
· le droit international
· et l'exercice noble de la diplomatie comme moyens dignes de l'homme et des nations pour résoudre leurs différends.


Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Le point concernant la réforme des Nations Unies est inscrit à l'ordre du jour de notre organisation depuis plusieurs années sans qu'on arrive à se mettre d'accord sur la portée et le contenu des réformes nécessaires.

Que les Nations Unies aient besoin d'être reformées ne fait aucun doute. En tout effet comme le disait le Secrétaire Général des Nations Unies « lorsque les enjeux/défis changent, nous devons aussi adapter nos réponses ».

Il est certain que les enjeux/défis auxquels la communauté internationale fait face aujourd'hui diffèrent de loin de ceux de années 40 à 80.
Le Rwanda est aussi convaincu que les institutions, les structures et les méthodes de travail des Nations Unies, adoptées au cours de ces années doivent être ajustées par rapport aux réalités du jour.

N'est-il pas en effet juste, que dans un monde qui a fondamentalement changé, l'on questionne la composition et le mode de prise de décision au sein du Conseil de Sécurité ?

Au moment où l'on exige de toutes les nations une gouvernance démocratique, n'est-il pas aussi légitime d'exiger du Conseil de Sécurité qu'elle soit plus représentative et plus démocratique dans ses méthodes de travail ?

Le Rwanda soutient la proposition émise par d'autres Etats membres d'élargir le Conseil de Sécurité pour mieux refléter les « réalités régionales » et permettre ainsi « une meilleure représentation des pays en développement ».

Néanmoins, pour ce faire, nous devons garder à l'esprit le fait que le Conseil de Sécurité est un organe placé sous l'Assemblée Générale et que l'élargissement du Conseil de Sécurité ne peut en aucun cas compromettre cette préséance (la primauté de l'Assemblée Générale).

Nous nous devons donc de réordonner au mieux notre organisation pour lui permettre d'atteindre ses objectifs que sont
• assurer la paix et la sécurité entre les nations;
- développer les relations plus équitables d'amitié et de coopération internationales;
· et être l'inspirateur et le garant de la loi internationale.

Dans cet exercice, il importe de nous demander pourquoi les Nations Unies ontelles été incapables de répondre collectivement et efficacement aux récentes crises ou tragédies telles que le génocide rwandais en 1994 ou l'Irak.

Pourquoi n'arrivent-elles pas à prévenir ou à stopper les différents déchirements à travers le monde et à assurer cette paix et coexistence pacifique des nations qui est sa mission première ?
Pourquoi n'arrivent-elles pas à être un catalyseur effectif et efficient pour un développement politique, social et économique harmonieux de toutes les nations ?

Les réponses à toutes ses questions et à bien d'autres détermineront, à notre avis, la nature et la portée des réformes à entreprendre. Nous saluons la décision du Secrétaire Général des Nations Unies de mettre sur pied un Comité des sages pour de pencher sur cette question de la réforme et faire des propositions à l'Assemblée Générale.


Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Aujourd'hui, les défis majeurs dans le monde sont notamment

· la pauvreté,
· les mauvaises gouvernances
· les injustices économiques, politiques et sociales qui engendrent nombre de conflits internes,
· le terrorisme international,
· la globalisation,
· la pandémie du HIV/SIDA et les autres maladies endémiques.

Ces défis ne peuvent être rélevés sans une coopération et une collaboration accrue et efficace de toutes les nations.

Toutefois,

· Les objectifs de développement pour le Nouveau Millénaire,
· le Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique « NEPAD »,
• l'actuelle série de négociations de DOHA en vue de permettre un meilleur accès aux marchés mondiaux des produits des pays en voie de développement;
· la récente décision de l'OMC visant à permettre aux pays pauvres d'importer à bas prix les médicaments génériques de base pour lutter contre les maladies telles que le VIH/SIDA,
· les différents instruments mis en place par les Nations Unies afin de lutte contre le terrorisme international,
Constituent des débuts de réponses collectives à ces défis.

Néanmoins, ces initiatives ne peuvent porter leurs fruits qu'à condition que toutes les nations abandonnent certains reflexes égoistes comme ceux qui sont à la base de l'échec du récent round des négociations de l'OMC à Cancun.


Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Pour sa part, le Rwanda voudrait utiliser cette tribune pour réitérer sa ferme détermination à s'investir et à donner sa contribution, fut-elle modeste, pour affronter et relever ces défis.
Dans cette entreprise, nous sommes engagés à travailler de concert avec toutes les nations, à commencer par notre région et notre continent, l'Afrique.

je vous remercie.