MADAGASCAR

58ème SESSION DE L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES NATIONS UNIES

Allocution de
S.E.M. Marc RAVALOMANANA
Président de la République de Madagascar


New York, 25 septembre 2003

 

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Chefs d'Etat et de Gouvernement,
Monsieur le Secrétaire général, Honorables Délégués,


L'Organisation des Nations Unies est à la croisée des chemins. La 58ème session de l'Assemblée générale se tient à un moment critique de l'histoire de notre Organisation. Mais elle pourrait être aussi un moment décisif pour son avenir.

Les récents développements de l'actualité internationale, nous interpellent et nous obligent à réviser son organisation et son rôle pour qu'elle puisse être au service de toutes les Nations.

Monsieur le Président,

Votre, élection à la présidence de l'organe principal des Nations Unies contribuera à la réalisation de ces objectifs.

Je voudrais également rendre hommage au Secrétaire général des Nations Unies, Son Excellence Monsieur Kofi ANNAN, pour son dévouement à la cause de la paix et de la sécurité internationales et pour son souci constant pour la recherche du bien-être commun de l'humanité.

Monsieur le Président,

La sécurité et la paix internationales restent dangereusement précaires avec la multiplication, dans de nombreuses régions du monde, de conflits internes et de confrontations entre Etats.

Les deux points suivants constituent à notre avis des sujets de graves inquiétudes
- le refus de l'application des obligations imposées par le droit international,
- les violations des dispositions de la Charte.

Jamais depuis sa création, notre Organisation n'a été confrontée à des situations et à des divergences de points de vue qui menacent gravement l'accomplissement de sa mission. Or, l'unité et la cohésion des membres du Conseil de sécurité sont indispensables pour renforcer la crédibilité de l'ONU, la confiance des Etats membres et garantir l'efficacité de cet organe, principal responsable du maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Je citerai la lutte contre le terrorisme qui n'hésite même plus à s'attaquer à notre Organisation. Sur ce point particulier, Madagascar reste profondément solidaire avec la communauté internationale dans sa lutte contre ce fléau. Nous avons ainsi ratifié les douze Conventions internationales en vigueur pour la lutte contre le terrorisme. Nous saisissons cette occasion pour rendre un vibrant hommage à notre représentant en Irak, Feu Sergio de Mello.
La créativité et le courage de notre Secrétaire Général, en faveur d'une responsabilité solidaire de l'engagement en matière de paix et de sécurité, méritent de recevoir le soutien de tous. Nous faisons nôtres les recommandations de son rapport visant au renforcement des Nations Unies.

Nous attendons le changement de notre organisation qui devrait

- souligner davantage l'importance de l'Assemblée générale, comme principal organe de délibération et de prise de décisions ; et
- rendre le Conseil de sécurité plus représentatif et plus transparent.

Ces réformes sont nécessaires pour protéger la souveraineté des petites nations. Elles sont indispensables car les intérêts communs des peuples du monde ne devraient avoir d'autre plateforme que cette auguste assemblée.

Nous supportons les propositions de M. COUCHEPIN, Président de la Confédération Suisse, qui réclament une nouvelle vision de la sécurité en plaçant davantage les personnes au coeur de la réflexion . Une Organisation des Nations Unies forte trouvera des solutions par l'intégration des questions économiques et sociales dans le cadre de la paix et de la sécurité des
peuples.

L'état économique et social du monde reste plus que préoccupant. Les effets bénéfiques de la croissance économique mondiale ont contourné notre île , comme ils ont contourné d'autres pays d'Afrique.

Au cours de la dernière décennie, les grandes Conférences des Nations Unies ont déjà identifié les stratégies. Elles ont fixé les objectifs pour la réalisation d'un développement humain durable. Encore faut-il mobiliser les ressources nécessaires afin de concrétiser les Déclarations adoptées ensemble, qui ont fait naître tant d'espérances dans le coeur de nos populations plongées dans une extrême pauvreté. La Déclaration du millénaire a fixé des échéances pour un certain nombre d'objectifs communs pour tous les Etats membres. Ces objectifs sont réalisables, et il faut les
réaliser.

La nouvelle forme de coopération internationale basée sur le partenariat public-privé en offre l'opportunité, d'autant plus c'est une relation mutuellement avantageuse. Le Conseil Economique et Social, dans sa Déclaration adoptée le 2 juillet dernier, souligne l'importance du partenariat aux niveaux national et international, en vue de promouvoir la collaboration dans les différents secteurs. Il s'est engagé solennellement à faciliter et à soutenir la création d'alliances entre les gouvernements, les donateurs, les organisations non gouvernementales, la société civile, les collectivités décentralisées et le secteur privé afin de promouvoir le développement rural intégré.

Notre pays se réjouit d'avoir été élu Président de l' United Nations PublicPrivate Alliance for Rural Development et choisi comme premier pays-pilote.

Madagascar, comme la plupart des pays africains, n'a pas bénéficié de la croissance économique mondiale : plus de 70% de la population de Madagascar vivent encore en dessous du seuil de pauvreté; 50% de la population n'ont pas accès à l'eau potable; 50 000 enfants en meurent chaque année.

Je ne veux pas en juger les raisons. Mais je suis convaincu d'un dilemme fondamental : le passé n'est pas aussi fort ailleurs dans le reste du monde qu'en Afrique. Le passé est dans la structure de la société, le passé est dans la mentalité des gens.

En même temps, nous sommes confrontés aux défis de la politique, des valeurs, de l'économie et de la technologie du 21 e siècle. L'Afrique souffre des écarts de la simultanéité plus que les autres continents. Réduire ces écarts n'est pas un processus facile.

Quoiqu'il en soit, l'Afrique doit relever les défis de l'avenir et prendre en main la mise en oeuvre de la Bonne Gouvernance et d'un développement économique rapide et durable.

Le Madagascar d'aujourd'hui' est un autre pays. Il vise à établir une démocratie réelle, basée sur un État de droit et le respect du droit international. La Bonne Gouvernance, l'Etat de droit, la lutte contre la corruption, la décentralisation, la participation de la population et l'appui au secteur privé en sont les piliers.

Redonner confiance aux opérateurs économiques, établir un cadre incitatif sécurisant pour les affaires, partager les responsabilités, l'Etat demeurant dans un rôle de facilitateur : voilà les idées maîtresses de notre action économique. N'oublions pas que la clé du succès, c'est l'approche. Pour encourager les investissements, diverses lois ont été votées afin de réduire les droits et taxes d'importation sur les biens d'équipements. Actuellement, les investisseurs étrangers peuvent accéder à la propriété foncière.

Par ailleurs, des accords de protection des investissements ont été signés et /ou sont en préparation.

Nous sommes très reconnaissants des efforts entrepris par les bailleurs de fonds nationaux et internationaux. Personnellement, je sais qu'il n'est pas facile de rassembler les fonds nécessaires pour les pays pauvres quand l'économie mondiale présente des signes de faiblesse.

Je suis convaincu que les efforts des pays africains qui visent à améliorer leur coopération dans le cadre de l'Union Africaine (UA), du NEPAD, du COMESA, du SADEC, de l'Indian Ocean Rim (IOR) ainsi que d'autres organisations produiront les résultats escomptés.

Mais cela n'est pas suffisant.

Madagascar s'ouvre, et j'ose espérer que les autres pays vont également suivre le pas. Mais le monde ne s'ouvre pas, tel qu'il a été constaté à Cancun. Pourquoi donc ne pas prendre exemple sur le processus d'élargissement de l'Europe? Peut-être, c'est difficile et coûteux, mais lesrésultats sont prometteurs et les procédures sont connues.
Est-ce que la communauté internationale et les pays africains vont trouver une vision commune pour l'avenir de l'Afrique ? Personnellement, je pense qu'il est temps que les grandes puissances franchissent le pas pour un partenariat plus équitable.

Nous recevons des crédits, des dons, des experts et des programmes. Mais qu'est-ce qu'on lit dans les journaux internationaux chaque jour: «L'AFRIQUE, UN CONTINENT OUBLIÉ ». Oublié ! C'est malheureusement vrai. Nous sommes loin des sphères stratégiques des THINK TANKS des Chefs d'État des grandes puissances et des États Majors des grandes entreprises. En d'autres termes, l'Afrique reste la victime du phénomène de marginalisation.

La communauté internationale a-t-elle confiance en l'avenir de l'Afrique ? N'est-il pas urgent de développer un autre esprit pour notre continent ?

Nous, nous avons cette confiance. Nos objectifs sont clairs mais nos capacités sont encore faibles. Nous avons besoin d'aide dans le domaine du renforcement de capacités pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.

Nous sommes prêts à travailler avec acharnement, prêts pour le changement, prêts pour l'ouverture. Cependant, nous souhaitons plus de soutien, plus d'ouverture et surtout un autre esprit et une nouvelle vision pour notre continent dans le concert des nations.

Je vous remercie de votre attention.

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