GERMANY

Discours

prononcé par Monsieur Gerhard Schroder,
Chancelier de la République fédérale d'Allemagne,

à l'occasion de la 58e session
de l'Assemblée générale des Nations Unies,
à New York,
Mercredi 24 septembre 2003, 12h15

 

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi, Monsieur le Président, de vous féliciter pour votre élection à la présidence de la 58e session de l'Assemblée générale tout en formant les meilleurs voeux de succès pour vos travaux.
Je voudrais, par ailleurs, remercier le Président, M. Kavan, de son engagement à la tête de la 57e session de l'Assemblée générale.

Je m'associe aux déclarations de la présidence italienne du Conseil de l'Union européenne.

Monsieur le Président,

Cette année est une année particulière pour l'action de l'Allemagne au sein des Nations Unies.

L'histoire est mémoire, et elle nous indique la voie à suivre.

Il y a trente ans, le 18 septembre 1973, les Nations Unies permettaient à l'Allemagne de réintégrer la famille des nations.

C'est mon prédécesseur, le chancelier fédéral Willy Brandt, qui a jeté les bases de cette réintégration.

Sa réputation d'antifasciste a favorisé un climat de confiance.' Son engagement en tant qu'internationaliste convaincu dépassait le cadre de la politique de détente à l'époque du conflit qui opposait l'Est et l'Ouest.

En soumettant en 1980 son "Rapport Nord-Sud", Willy Brandt a lancé l'appel suivant à la communauté internationale.

Il a souligné: "La nature globale des dangers et des défis - guerre - chaos - autodestruction - exige une politique interne qui aille au-delà des considérations de clocher ou même de nation."

Nous voulons souscrire à cette tâche car, comme je viens de le dire, notre histoire nous indique la voie à suivre.

C'est la voie d'une coopération internationale intensive sous l'égide des Nations Unies que nous devons continuer à renforcer, en entreprenant notamment des réformes courageuses.

C'est la voie d'un ordre universel régi par des règles garantissant le droit, la dignité humaine, une gouvemance responsable et la participation de tous les peuples à la prospérité de cette planète.

Et c'est la voie de la sécurité et de la paix grâce à une vaste prévention:

Nous devons, sur la base d'un multilatéralisme réel, agir avec détermination là où la paix est menacée et où les droits de l'homme sont bafoués.

Mais nous devons aussi nous engager avec autant de détermination pour éviter les conflits et créer des structures stables afin que les peuples puissent vivre dans la liberté et dans la tolérance.

Monsieur le Président,

Il y a trente ans, l'Allemagne était un pays divisé par le rideau de fer et dont la souveraineté était limitée.

L'Allemagne est aujourd'hui une nation souveraine, une puissance civile au coeur de l'Europe unie.

Nous vivons dans un espace partagé de liberté, de justice, de prospérité et de responsabilité sociale.

Ainsi un développement vers la justice et la paix est possible.

Nous poursuivrons donc nos efforts pour continuer à promouvoir ce développement, que ce soit au Proche-Orient, en Afrique ou dans d'autres régions en crise.

Monsieur le Président,

Conscients de notre propre histoire, nous assumons notre responsabilité à l'égard d'une politique de paix coopérative.

Nous l'assumons au plan économique, politique et humanitaire.

Mais nous assumons aussi, aux côtés de nos partenaires au sein de l'OTAN et de l'UE, des responsabilités militaires s'il n'y a pas d'autre moyen de maintenir la paix et de protéger les populations.

Plus de 9 000 agents des forces armées et de la police allemandes participent actuellement à des missions internationales de paix.

Dans l'exercice de nos responsabilités, notre engagement pour la paix en Afghanistan arrive en première place. L'Allemagne est prête à poursuivre son engagement dans cette région, y compris au-delà de ses prestations actuelles.

Cette participation est basée sur la Charte des Nations Unies. L'Allemagne s'est engagée dans le Traité d'unification à ne déployer ses forces armées que dans le cadre de la Charte.

La Charte nous donne "les moyens nécessaires pour que personne ne soit exclu de notre conception de l'humanité et que les valeurs de tolérance et de dignité humaine soient valables pour tous les hommes et les peuples."

C'est ce qu'a déclaré Sergio Vieira de Mello qui a été victime, le 19 août 2003 à Bagdad, d'un attentat criminel et perfide.

Cet attentat a également coûté la vie à 22 autres personnes, dont un grand nombre de collaboratrices et collaborateurs des Nations Unies. Ils étaient au service des Iraquiens pour les aider à construire un avenir meilleur.

Leur mort est à la fois un testament et une obligation.

Nous devons répondre en renforçant le rôle et l'engagement des Nations Unies en Iraq.

Seules les Nations Unies sont à même de garantir la légitimité nécessaire pour permettre à la population iraquienne de reconstruire rapidement le pays, sous la direction d'un gouvernement indépendant et représentatif.

L'Allemagne est prête à soutenir un tel processus en fournissant une aide humanitaire, technique et économique ou même en formant des forces de sécurité iraquiennes.

Monsieur le Président,

Le terrorisme international, l'implosion des structures étatiques et le risque de la prolifération des armes de destruction massive menacent la sécurité de nous tous.

Dans ce contexte, comment améliorer la sécurité?

Nous devons arrêter les terroristes et leurs meneurs, détruire leur infrastructure.

Nous devons empêcher la prolifération des armes nucléaires, renforcer le régime des inspections et mener une politique de désarmement contrôlé.

L'histoire et notre expérience sur le terrain nous ont cependant aussi appris que si nous réduisons notre réflexion et notre action aux aspects militaires et policiers, notre engagement sera voué à l'échec.

Il faut que nous nous attaquions aux racines et aux causes de l'insécurité.

Pour combattre le fanatisme, nous devons veiller à la sécurité tant sociale que matérielle et culturelle.

Nous ne pourrons atteindre cet objectif que sur la base d'une définition globale de la sécurité.

Pour combattre l'infamie, nous devons remédier à l'absence de droit.

C'est là la mission première de la juridiction internationale, notamment de la Cour pénale internationale.

Pour convaincre les hommes et les femmes d'opter pour la liberté, la paix et l'ouverture sociale, nous devons promouvoir leur participation et leur prospérité dans des structures sûres.

L'Afghanistan en est un exemple. La communauté internationale a réussi à libérer la population du joug des talibans et d'Al-Qaïda.

Parallèlement, des perspectives politiques pour la réorganisation de l'Afghanistan ont été élaborées lors de la Conférence de Petersberg, qui s'est déroulée sous l'égide des Nations Unies.

Nous devons continuer d'accompagner ce processus en faisant preuve d'un engagement international persistant, y compris pour l'instauration de la sécurité.

Le combat contre le terrorisme ne sera gagné de manière durable que si les populations peuvent constater des améliorations concrètes.

Elles doivent pouvoir se rendre compte qu'un retour dans la communauté internationale débouche sur plus de liberté et plus de sécurité, mais aussi sur de meilleures chances de développement et une plus grande participation.

Monsieur le Président,

Sans aucun doute, nous avons déjà obtenu de substantiels résultats dans l'accomplissement des objectifs que nous nous sommes fixés dans la Charte.

Les pays dirigés par des gouvernements démocratiques sont aujourd'hui beaucoup plus nombreux que par le passé. Le nombre de personnes que nous avons réussi ensemble à sortir de la pauvreté n'a jamais été aussi important.

Pourtant, le fossé qui sépare les pauvres et les riches sur la Terre est loin d'être comblé, et la lutte contre la faim, l'injustice et l'oppression n'est pas gagnée.

La lutte contre la pauvreté demeure un impératif de notre politique de paix et de stabilité.

Le nombre des guerres entre les États a diminué de manière drastique.

Dans les Balkans, par exemple, nous sommes parvenus, grâce à l'engagement soutenu de l'OTAN et des Nations Unies, à mettre un terme aux guerres et, dans certains cas, à les enrayer avant qu'elles n'éclatent.

D'un autre côté, la sécurité dans le monde - et pas seulement depuis les attaques barbares des terroristes à New York, à Bali, Casablanca, Moscou ou Djerba - a diminué de manière dramatique.

Les nouvelles menaces auxquelles aucun État ne peut faire face seul, exigent plus que jamais une coopération internationale. Mais elles exigent aussi de nouvelles stratégies.

C'est pourquoi nous sommes appelés à revoir les instruments des Nations Unies sous l'angle de ces nouveaux défis.

Notre responsabilité à tous ne consiste pas seulement à protéger les hommes et leurs droits contre les guerres interétatiques.

Il s'agit également de les protéger contre les génocides et les conséquences d'une violence asymétrique privatisée.

Un engagement politique en faveur d'une plus grande prévention doit venir renforcer le monopole du recours à la force des Nations Unies, mais aussi les institutions de droit international public.

Au sein des Nations Unies, nous devons trouver la force de procéder aux réformes institutionnelles qui s'imposent.

Le Secrétaire général a soumis des propositions que mon gouvernement soutient pleinement.

Nous devons nous entendre sur une répartition encore plus efficace des compétences, des capacités et des ressources limitées.

Je partage aussi l'avis du Secrétaire général selon lequel la légitimité du Conseil de sécurité procède de sa représentativité de tous les peuples et régions.

Une réforme et un élargissement, tout particulièrement en faveur des représentants des pays en développement, est nécessaire.

En ce qui concerne l'Allemagne, je le répète, nous sommes également prêts à assumer une responsabilité accrue dans le cadre d'une telle réforme.

Monsieur le Président,

Le monde du XXIe siècle offre à l'humanité d'innombrables possibilités vers un bon comme vers un mauvais développement.

La multitude de chances mais aussi l'importance des dangers nous obligent à établir un partenariat international, à consolider et à développer le multilatéralisme.

Nous ne pourrons rendre notre monde plus sûr que si nous le rendons plus juste.

Pour atteindre ce but, la communauté internationale s'est dotée elle-même d'une plateforme appropriée: les Nations Unies.

Unissons nos efforts pour renforcer les Nations Unies, pour maintenir la paix et la sécurité internationales et instaurer plus de justice.

Je vous remercie.