UNION DES COMORES
DISCOURS
DE
SON EXCELLENCE
MONSIEUR AZALI ASSOUMANI,
PRESIDENT DE L'UNION DES COMORES
DEVANT
LA 58ème SESSION DE L'ASSEMBLÉE GENERALE DE L'ORGANISATION
DES NATIONS UNIES
New
York, le 25 septembre 2003
Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire
Général,
Honorable assistance,
Mesdames et Messieurs
J'éprouve
un réel plaisir, à l'instar des éminentes personnalités
qui m'ont précédé à cette Tribune, à
vous féliciter, au nom de mon pays, l'Union des Comores et en
mon nom personnel, pour votre brillante élection à la
présidence de cette 58ème Session de l'Assemblée
Générale.
Une élection qui nous conforte, dans notre conviction de voir
réussir nos travaux, grâce à votre longue expérience
et à votre sagesse.
Il me plaît de vous assurer de la disponibilté totale et
entière et du soutien de ma Délégation.
Permettez-moi, Monsieur le Président, de ne pas passer sous silence
la grande disponibilité manifestée par votre éminent
prédécesseur, Son Excellence Monsieur JAN KAVAN, tout
au long de la 57ème Session, qu'il a présidée avec
tout le talent et toute la clairvoyance qui lui sont reconnus.
A Monsieur le Secrétaire général de l'ONU, Son
Excellence Monsieur Kofi ANNAN, tout l'hommage et toute la reconnaissance
des Nations, pour son dévouement au service de l'Organisation
mondiale.
Il va sans dire que sa tâche n'est pas des moindres, puisque de
plus en plus, le monde connaît des mutations de tout genre, exigeant
davantage un engagement de l'ONU et un renforcement de son rôle.
Ce qui, on le constate malheureusement chaque jour, n'est pas sans risques.
C'est ainsi que l'Union des Comores, mon pays, associe sa voix à
celles qui se sont exprimées, pour saluer la mémoire du
personnel de l'ONU, tombé sous la violence aveugle du terrorisme
à Bagdad, notamment celle du Représentant du Secrétaire
Général de l'ONU, Monsieur Sergio Veira De Mello.
Monsieur le Président,
Aujourd'hui, plus
que jamais, nous avons raison d'être préoccupés
et de nous interroger sur l'évolution du monde.
Un monde caracterisé par la violence, la pauvreté, le
désespoir, alors que la science et la technologie n'ont jamais
été aussi performantes et le monde jamais aussi riche.
La division du monde, en pays développés et en pays en
développement, n'enlève en rien le partage commun de la
peur et de l'incertitude.
Il est vrai que les pays du Nord s'interrogent davantage sur le terrorisme
et la prolifération des armes de destruction massive.
Mais, tout en partageant la même interrogation, il faut reconnaître
que les pays du Sud ploient en plus, sous le poids de la dette, des
guerres civiles, de l'insécurité, de la misère
et des maladies endémiques.
Alors, la sécurité et l'harmonie de ce monde, exigent
une articulation continue de toutes les énergies, à travers
tous les pays, pour un monde plus sûr, plus solidaire et plus
humain.
Bien entendu, comme on le constate chaque jour, le terrorisme, dans
sa grande lâcheté et dans son aveuglement, s'épanouit
dans la pauvreté et recherche l'expression de sa violence dans
les maillons les plus faibles de la chaîne mondiale.
Il ne connaît ni frontière, ni race, ni religion. Et comme
l'a si bien dit, ici dans son Adresse à l'Assemblée Générale,
le Président des EtatsUnis d'Amérique, Son Excellence
Monsieur George W. BUSH: «les victimes du terrorisme sont aussi
à Bali, à Casablanca, à Dar es-Salam, à
Mombassa, à Nairobi et à Bagdad...»
Il nous appartient, donc, de réagir pour ne pas laisser un répit
à cette nébuleuse sans frontières, pour ne pas
laisser la lâcheté dicter sa loi au monde et détruire
l'humanité entière.
Pour mieux le combattre alors, il faut certes arrêter et juger
sévèrement les terroristes, mais aussi s'engager à
combattre résolument et dans la durée, le terrorisme lui-même.
Pour cela, il faut lutter contre les frustrations et les injustices,
faire appel à plus de tolérance, pour le respect du droit
à la différence et de la dignité de chaque peuple.
Mais, l'impératif de réprimer le terrorisme oblige à
éviter toutes dérives possibles d'atteinte aux droits
de l'homme et de se garder de tout amalgame entre le terrorisme et certaines
religions ou certaines régions.
En effet, commettre une telle grave erreur, peut engager le monde entier
dans un cercle vicieux où ne prévaudraient encore une
fois, que la haine, la vengeance et le repli sur soi.
Mon pays s'est engagé résolument dans la prévention
et la lutte contre le terrorisme sous toutes ses formes, et a créé,
à cet effet, les mécanismes institutionnels nécessaires.
Nous demandons, pour plus de réussite dans ce combat, l'appui
technique et matériel de la Communauté Internationale.
Tous les pays du monde, du Nord comme du Sud, ont désormais le
même destin. Aucun pays, aucun peuple, ne peut s'en sortir sans
l'autre.
La solidarité est une exigence, la complémentarité
une obligation.
Mais, il faut reconnaître et affirmer que l'on ne peut pas véritablement,
aujourd'hui, parler de sécurité dans un monde de pauvreté.
L'on ne peut pas non plus parler de paix, si le développement
économique et le bien-être de tout un chacun ne sont pas
garantis.
L'on ne peut vivre non plus dans un monde harmonieux et démocratique,
s'il est rongé par des disparités et des inégalités
criantes, qui laissent des pans entiers de la population du monde, dans
l'incertitude, la précarité et l'oubli.
Parce qu'en fait, dans la marche du monde, l'on a oublié que
l'homme devait être au centre de toutes les préoccupations.
Il a fallu malheureusement que l'incertitude généralisée,
la peur au quotidien qui est en chacun de nous, nous rappellent avec
vivacité que l'homme, quelque soit sa catégorie sociale,
était vulnérable et que l'on avait besoin de l'autre pour
se rassurer et pour survivre.
Mais, cette insécurité qui fait trembler le monde et qui
le rend si fragile, a des origines diverses.
L'on est en droit de s'interroger, au regard du présent, s'il
a été judicieux, tout au long de l'histoire, de rassembler,
pour faire cohabiter, presque de force, différentes nationalités,
différents peuples, alors que rien n'a été fait
pour susciter et créer le désir commun de vivre ensemble.
Il ne faudrait pas s'étonner alors aujourd'hui, si des problèmes
ethniques, des frictions entre nationalités que vivent beaucoup
de nos Etats à travers le monde, sont source d'instabilité
et d'insécurité.
C'est dire la gravité du non-respect des différences et
des empreintes propres à chaque peuple, dans l'évolution
harmonieuse du monde.
Des pays et des peuples à travers le monde sont en quête
de leur intégrité, de leur souveraineté et de leur
identité. Cela engendre, bien entendu, et le plus souvent, des
atteintes à la paix et à la sécurité.
Les mêmes causes produisent partout les mêmes effets.
Mon pays, l'Union des Comores, victime jusqu' à présent,
de son passé colonial, en est un témoignage très
éloquent.
Mais, des cas lui sont similaires, notamment en Chine, au Maroc, en
Palestine et dans bien d'autres régions.
Dans ces conditions, l'Etat comorien éprouve, comme cela aurait
pu être le cas pour tout autre pays, toutes les difficultés
à concevoir un réel développement, dans son désir
de consolider la démocratie.
Monsieur le Président,
La démocratie
aujourd'hui, le respect des droits humains, est une exigence que chaque
pays se doit de respecter.
Il est unanimement établi que la démocratie est le remède
le plus approprié pour venir à bout des douleurs des pays
et des peuples.
Mais, il est aussi établi que pour n'importe quel remède,
la dose doit être prescrite selon l'âge, l'état physique
du malade et l'on doit toujours, bien évidemment, tenir compte
des effets secondaires éventuels.
Il faut aider alors chaque pays à adopter la vitesse qui lui
est propre, dans la voie de la démocratie, tout en tenant compte
de l'histoire et des traditions de chaque peuple.
Le dialogue des cultures, l'ouverture vers l'autre, doivent être
une permanente inspiration dans l'engagement pour une vie internationale
apaisée et responsable.
Le multilatéralisme qui est la garantie de la participation de
chaque Nation à la marche du monde, doit être sauvegardé
et renforcé. C'est ainsi que nous appuyons et soutenons les engagements
du Secrétaire Général de l'Organisation des Nations-Unies,
Son Excellence Monsieur Kofi ANNAN, pour une restructuration de notre
Organisation,
afin qu'elle soit efficace et à la hauteur des enjeux et des
défis du moment.
C'est ainsi que l'autorité morale de l'ONU devra être de
plus en plus, restaurée et préservée.
Quant au Conseil de Sécurité, en tant qu'organe chargé
du maintien de la paix et de la sécurité, sa réforme
s'impose ainsi que le perfectionnement de son rôle. il s'agit
là d'une condition essentielle pour garantir le succès
de ses diverses missions.
Monsieur le Président,
Le monde dans son
évolution, doit se préoccuper et tenir compte, pour son
harmonie et sa stabilité, des régions les plus vulnérables,
des pays les plus défavorisés.
Il en est des Petits Etats Insulaires qui méritent une attention
toute particulière, pour combler les déficits de développement
inhérents à leur situation géographique.
Seul le développement économique, donc une solidarité
réelle entre pays riches et pays pauvres, garantira la stabilité
et la paix dans le monde.
Et, de cette manière, la démocratie et l'état de
droit en seront consolidés et renforcés.
C'est ainsi que le NEPAD, projet ambitieux conçu en Afrique par
les Africains pour les Africains, doit être une réalité
soutenue par tous et profitable à tous.
C'est ainsi que la dette qui est un réel fardeau et une véritable
asphyxie des économies en développement doit être
circonscrite et maîtrisée pour libérer les pays
du Sud et leur donner la capacité d'une réelle implication
dans la création mondiale de richesse.
Mais, il faut aussi, pour appuyer la survie et l'émergence de
nos économies, mettre fin aux subventions des produits agricoles
dans les pays du Nord et laisser libre cours au marché.
Nos pays se cherchent et ont besoin d'être appuyés pour
sortir de la marginalisation économique. Nos atouts et nos potentialités
méritent d'être valorisés. Nos efforts doivent être
encouragés.
Mon pays, qui croit en la capacité de l'Afrique à se prendre
en charge, fait face à son avenir avec détermination et
responsabilité.
Je ne crois pas utile de revenir sur les péripéties qui
ont marqué l'évolution historique de mon pays, notamment
ces dernières années, caractérisées par
une crise sécessionniste, aux conséquences dramatiques.
Je me réjouis aujourd'hui, de la normalité retrouvée
et des avancées significatives enregistrées. Nous devons
ce succès à la sagesse comorienne, à la conscience
nationale et au soutien multiforme de tous nos partenaires bilatéraux
et multilatéraux.
Il nous reste, aujourd'hui, à mettre en place les Assemblées.
Mais, les Comoriens sont convaincus que seul un réel développement
économique peut garantir la cohésion nationale et assurer
un avenir maîtrisé.
L'accompagnement de la Communauté Internationale est alors plus
que jamais une nécessité.
Je remercie les pays et les Organisations partenaires, notamment la
République d'Afrique du Sud et l'Union Africaine, qui ont toujours
su faire confiance au peuple comorien et qui sont à ses côtés
dans cette volonté de stabilité et de bien-être
pour tout citoyen.
Monsieur le Président,
Nous avons tous
ensemble la possibilité de garantir un monde plus juste et plus
humain.
Les faiblesses du système international, l'aveuglement et la
surdité, les amalgames néfastes et suicidaires, doivent
marquer le pas et laisser émerger une conscience internationale,
garante d'unité, de paix et de solidarité.
Le monde a besoin de chacun de nous, de chaque pays, de chaque différence
pour garantir son avenir. Engageons-nous, tous ensemble, avec volonté
et détermination.
Monsieur le Président,
je vous remercie.
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