TCHAD

DECLARATION

DE

S.E.M. NAGOUM YAMASSOUM,

MINISTRE D’ETAT,

MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES ET DE L’INTEGRATION AFRICAINE DE LA REPUBLIQUE DU TCHAD

A LA 58ème SESSION DE L’ASSEMBLEE GENERALE DES NATIONS UNIES

NEW YORK, 30SEPTEMBRE 2003

Monsieur le Président de la 58ème Assemblée Générale,
Majestés, Excellences Mesdames et Messieurs les Chefs d'Etat et de Gouvernement,
Monsieur le Secrétaire Général de l'ONU,

Distingués Délégués,

Mesdames et Messieurs,

Comme par le passé et malgré les épreuves du moment, le Tchad est très heureux de prendre une part active à ce rendez-vous des peuples unis par le même destin et animé du même esprit de paix, de justice et d'équité.

Monsieur le Président,

Je suis persuadé que le choix judicieux d'une personnalité de votre expérience et ayant les compétences qui sont les vôtres pour présider ce rendez-vous de l'histoire constitue un gage de succès de nos assises.

Mon pays ayant assumé les mêmes responsabilités au sein du précédent Bureau, il sait combien elles sont prenantes, quoi que exaltantes. Aussi, ma délégation voudrait-elle vous addresser ses encouragements et félicitations à vous-même et aux autres membres du Bureau.

Ma délégation et moi-même voudrions vous assurer de notre entière disponibilité et de notre pleine coopération pour le succès de votre mission.

Nous voudrions aussi réitérer nos sentiments de profonde gratitude à votre prédécesseur, Son Excellence, Monsieur JAVAN KAVAN, pour le doigté et le brio avec lesquels il a dirigé la cinquante septième session.

Permettez-moi d'exprimer aussi à Son Excellence, Monsieur Kofi Annan, mes sentiments de symphatie et d'admiration pour son courage et sa ferme détermination qu'il met au service des idéaux et causes de l'ONU qui fait face aujourd'hui à de multiples défis d'une dimension hors du commun.

Enfin, le Gouvernement tchadien tient à s'associer aux autres membres de la Communauté Internationale pour condamner de la façon la plus ferme les actes terroristes ayant frappé le siège des Nations Unies en Irak et qui ont causé la mort de plusieurs agents des Nations Unies dont le Représentant Spécial Sergio Viera Demelho.

Ces actes de violence ignoble ne doivent nullement nous décourager dans notre détermination à poursuivre les nobles objectifs de notre organisation dont l'un des premiers est d'aider les peuples en difficulté à retrouver pleinement leurs droits de se prendre en charge dans le respect des valeurs de liberté, de démocratie et de justice.

Je voudrais donc ici présenter à tout le personnel des Nations Unies, aux Gouvernements brésilien, égyptien et autres Gouvernements, les condoléances du Gouvernement tchadien pour la disparition de ceux qui se sont sacrifiés pour la liberté des autres.

Monsieur le Président,

Honorables Délégués,

Si la société internationale a été remodelée en profondeur depuis la chute du Mur de Berlin et la fin de la guerre froide, elle est victime d'un traumatisme d'une autre nature depuis le 11 Septembre 2001. Depuis cette date, le terrorisme menace dangereusement la paix et la sécurité internationales; la mondialisation a rendu plus complexes les règles du jeu dans les échanges entre le Nord et le Sud, les conflits d'une autre nature surgissent sur les théâtres régionaux.

La meilleure réponse à tout cela procède d'une action collective et concertée. Membre à part entière de la Communauté Internationale, le Tchad qui fait de la recherche de la paix son credo réaffirme de la façon la plus forte sa ferme condamnation de tout acte de terrorisme, de tout acte de violence et de tout usage de la force pour régler les différends entre les nations et pour défendre quelque cause que ce soit. Ces actions doivent relever de nos organisations régionales en premier lieu, puis à défaut, de notre Organisation commune: l'ONU. Celle-ci, bien que traversée par quelques controverses, reste aujourd'hui la seule Organisation au monde à jouir véritablement d'une légitmité internationale.

Mais pour continuer à assurer au mieux ses missions et fonctions et asseoir cette légitimité, notre Organisation doit pouvoir bénéficier du soutien plein et entier de tous les Etats membres. Nous devons tous contribuer à l'aider à retrouver sa vocation première. L'ONU doit redevenir notre instrument commun et ne plus être considérée comme un révélateur, voire un amplificateur de la volonté et la puissance de quelques uns.

Elle y parviendra d'autant plus aisément sans doute que les réformes toujours reportées pourront aboutir et se traduire par un élargissement du Conseil de Sécurité aux puissances nouvelles ou émergentes d'Europe, d'Afrique, d'Asie et d'Amérique, en un mot, à la prise en compte de l'état réel du monde contemporain. Ce serait une justice à faire à ces Nations, et un service à rendre à l'Organisation elle-même.

A cet égard, la crise irakienne vient nous conforter dans notre conviction de la nécessité d'aller enfin vers ces réformes. Nous ne pouvons continuellement éluder cette question cruciale. II y va de la stabilité, de la paix et de la sécurité internationales, car la mondialisation, à laquelle aspirent nos peuples, ne saurait se développer dans l'intérêt de tous dans un système politique international dominé par l'unilatéralisme.

Monsieur le Président,

Honorables Délégués,

Mesdames et Messieurs,

En attendant cette "révolution" que tous les peuples épris de justice appellent de leurs voeux, nous notons néanmoins avec satisfaction que notre Organisation reste active sur tous les foyers de crise, et notamment en Afrique où nous l'exhortons à se montrer plus volontariste. Le continent africain est en effet confronté à de multiples difficultés qui sont autant de conséquences des guerres et des crises en tous genres, et du déficit de gouvernante.

La mise en place récente du nouveau programme de développement économique pour l'Afrique ( NEPAD) promet certes de sortir le continent du marasme économique où il se trouve plongé, mais la cohérence de ce programme d'envergure étant liée à l'appui de la Communauté Internationale tout entière, les résultats escomptés seront fonction d'une solidarité réelle des économies à l'échelle de la planète.

Monsieur le Président,

Honorables Délégués,

Mesdames et Messieurs,

Mon pays qui s'est engagé depuis le 1er Décembre 1990 sur la voie du pluralisme démocratique a fait des progrès significatifs. Ces efforts seront soutenus jusqu'au parachèvement des institutions républicaines telles que prévues par la constitution du 31 Décembre 1996. Le Gouvernement du Tchad attache du prix à ce que ce processus démocratique aille jusqu'à son terme pour que l'Etat de droit, mais aussi la paix et la prospérité qui en sont l'ultime but soient atteints.

Pour ce faire, le Programme Politique du Président de la République, Son Excellence Monsieur IDRISS DEBY, réélu pour un second mandat le 20 Mai 2001 en est l'outil tout indiqué. Il est principalement axé sur:

- la paix, la sécurité et la justice; l'énergie et l'eau;
- le développement rural;
- le bien-être social, y compris la santé et l'éducation; - la décentralisation;
- les infrastructures et les communications; - la bonne gouvernante.

Ce programme vise donc et de toute évidence ,à réduire la pauvreté et à assurer une saine gestion des deniers publics, particulièrement les ressources supplémentaires et substantielles attendues de l'exploitation imminente du pétrole qui permettront très raisonnablement de combler les attentes et les espérances du peuple tchadien.

A cette fin, le Président de la République a promulgué en 1999 une loi quasi-unique en son genre qui fixe les modalités d'utilisation des revenus pétroliers. Il en résulte en premier lieu qu'une part non négligeable des revenus directs, soit 10%, sera épargnée au profit des générations futures, que 80% des 90% restants iront aux secteurs prioritaires, c'est-à-dire les domaines vitaux énumérés cihaut, et que la région productrice recevra 5%.

En second lieu, la loi prévoit un Collège de contrôle et de surveillance des revenus pétroliers ( C.C.S.R.P) composé de 9 membres dont un seul représente le Gouvernement, contre cinq pour la société civile et deux pour le Parlement. Organe indépendant, le Collège dispose de larges attributions et prérogatives, dont celles d'autoriser les dépenses relatives aux revenus pétroliers et d'en vérifier la bonne utilisation.

Monsieur le Président,

Honorables Délégués,

Mesdames et Messieurs,

Dans ce nouveau contexte international où les Etats dépendent de plus en plus les uns des autres et où le monde est devenu un petit village, le Tchad, tout en affrontant ses problèmes internes, s'efforce de s'ouvrir sur l'extérieur. Il suit avec un grand intérêt l'évolution de la situation politique internationale et s'emploie à apporter sa modeste contribution aux efforts de la Communauté Internationale dans le règlement des conflits notamment en Afrique.

En République Démocratique du Congo (RDC), nous notons avec satisfaction, la prise de conscience des parties en présence et la compréhension de l'intérêt supérieur de la RDC par les congolais eux-mêmes. Nous souhaitons sincèrement que le processus de transition se poursuive sans encombre jusqu'au retour définitif de la stabilité dans ce pays frère.

En République Centrafricaine, les réalités sur le terrain montrent un changement positif. Il appartient aux frères Centrafricains de resserrer davantage les rangs pour consolider la paix dans leur pays. Le dialogue national leur offre un cadre idoine pour des réflexions profondes et constructives en vue de la réconciliation nationale.

Toujours à nos frontières, et au Soudan, nous nous réjouissons tout aussi particulièrement des perspectives de paix qui se dessinent dans ce pays meurtri. Venant après les Accords conclus le 03 Septembre 2003 sous les auspices du Président IDRISS DEBY à Abéché au Tchad entre le Gouvernement du Soudan et l'Armée de Libération du Soudan (ALS), le Protocole sur les questions de sécurité signé le 25 Septembre 2003 entre le Gouvernement et la SPLA constitue un développement heureux sur la voie de la paix. Le Tchad encourage donc les deux parties à tout mettre en oeuvre en vue de la conclusion d'un accord de paix véritable qui mettrait fin aux souffrances de ce peuple frère.

En Afrique de l'Ouest, il convient de noter avec satisfaction l'amorce d'une évolution vers la paix et la stabilité.

La crise ivoirienne a été pour nous une grande préoccupation. Les Accords de Marcoussis ont suscité un réel espoir de voir enfin venir une solution pacifique. Aujourd'hui, tous les regards sont tournés vers Abidjan où le Gouvernement de Transition a la lourde responsabilité de conduire à la réconciliation nationale de tous les enfants du pays. Le Tchad exhorte les ivoiriens à aider le Gouvernement de Transition à accomplir sa mission pour que la paix soit consolidée en Côte d'Ivoire.

S'agissant du Libéria, nous espérons qu'avec la poursuite de l'aide internationale, sa situation se stabilisera. La participation des pays de la sous-région aux opérations de maintien de la paix, la présence de l'ECOMIL à Monrovia sont porteuses d'espoir et sont un gage de stabilité politique. La résolution 1497 du Conseil de Sécurité vient à point nommé. Elle constitue un cadre de règlement qu'il faut mettre à profit pour briser définitivement le cycle infernal de violence dans ce pays. Aussi, voudrions-nous demander aux parties en conflit de transcender leurs divergences pour oeuvrer au retour d'une paix juste et durable.

Je ne voudrais par terminer le volet Afrique sans joindre ma voix à celles des autres délégations qui m'ont précédé à cette tribune pour saluer enfin la sage décision du Conseil de Sécurité de lever l'embargo qui a pénalisé pendant des années le peuple frère libyen.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Hors de l'Afrique, d'autres foyers de tension existent encore notamment au proche et au Moyen Orients et nécessitent l'implication de la Communauté Internationale dans la recherche des solutions adéquates.

Au proche Orient, le conflit lsraélo-Arabe est depuis longtemps une des préoccupations de l'ONU. Aujourd'hui, les conditions semblent réunies pour un dialogue constructif entre les deux peuples voisins puisque «la feuille de route» contenant le plan de paix a été acceptée par les belligérants. Ce plan de paix permettra d'ici 2005, espérons le, l'accession de la Palestine à l'indépendance nationale et à la souverainté internationale.

Concernant le Moyent Orient, la République du Tchad se félicite de l'intérêt que porte la Communauté Internationale pour le rétablissement de le souverainté et de l'indépendance de l'Irak. Nous souhaitons que le processus de restitution du pouvoir aux irakiens se poursuive conformémment à la résolution 1483 du Conseil de Sécurité, dans l'intérêt bien compris du peuple irakien.

En Asie Orientale, la question de la prolifération des armes nucléaires, les conflits territoriaux et les attaques terroristes mettent en péril la stabilité, non seulement des Etats de la région mais celle du monde entier. Néanmoins, il est heureux de constater qu'une dynamique de paix est résolument engagée dans cette région. Ainsi, nous nous réjouissons de la tenue des pourparlers multilatéraux sur le programme nucléaire nord coréen et exhortons les Etats de la Région dont le rôle est fondamental à s'impliquer réellement pour faciliter la recherche d'un règlement définitif de cette crise.

Tout comme nous accueillons avec soulagement l'amélioration significatif des relations entre l'Inde et le Pakistan. Ce climat favorable permettra aux deux puissances nucléaires d'entretenir des rapports de bon voisinage et de s'atteler aux vrais problèmes de développement.

Monsieur le Président,

Honorables Délégués,

Mesdames, Messieurs,

Outre ces divers conflits qui sont autant d'abcès de fixation, il reste deux questions fondamentales face auxquelles la Communauté Internationale demeure toujours relativement timorée, nonobstant les bonnes intentions et les résolutions prises dans nos différents forums, à commencer par le Sommet du Millénaire: II s'agit de l'aide au développement et de la lutte contre le VIH-Sida. Toutes deux sont des objectifs du Millénaire pour lesquels des engagements ont été pris ici même en Juin 2001 (Sommet spécial sur le VIH) et à Monterrey en Mars 2002. S'il est encourageant de noter que les Chefs d'Etat et de Gouvernement du G-8 ont, lors de leur dernier Sommet en Mai 2003, apporté leur soutien à la réalisation de ces objectifs, il reste à traduire ces engagements en actes comme le souligne le Secrétaire Général dans son rapport sur l'activité de l'Organisation.

Ce qui veut dire entre autres pour les Etats développés d'appliquer les termes du "Consensus de Monterrey" et les résultats de la réunion de Johannesbourg d'Août 2002 sur le développement durable; mais les conclusions de la dernière conférence de I'OMC à Cancun montrent qu'on n'en prend pas encore tout à fait le chemin. Il s'agit aussi pour tous de traduire en actes les résolutions du Sommet spécial sur le VIH-Sida, le paludisme, la tuberculose et les autres maladies infectieuses.

En effet, malgré l'accroissement des ressources et le renforcement de l'engagement politique au plus haut niveau, à l'exemple de celui du Président de la République au Tchad, la situation reste extrêmement préoccupante et appelle une détermination sans faille et des efforts hors normes pour juguler la pandémie. Il s'agirait presque d'inventer un nouveau " containment" pour endiguer la maladie. En toute hypothèse, celle-ci livre une guerre sans merci à l'humanité, laquelle doit y répondre par les moyens que requiert une guerre planétaire. C'est la condition de la survie de nombreuses nations du globle, et donc celle de l'équilibre du monde futur.

Monsieur le Président,

Distingués Délégués,

Mesdames et Messieurs,

Je ne saurais terminer mon propos sans appeler l'attention de la Communauté Internationale sur la question cruciale de la représentation de Chine Taïwan au sein de notre organisation.

Ce pays entretient des relations diplomatiques et de coopération avec beaucoup d'Etats membres dont le Tchad, mais paradoxalement, il se trouve, au regard des Nations Unies, sans statut. L'ostracisme qui le frappe est injustifié et injustifiable.

En effet, la République de Chine fut l'un des fondateurs de l'ONU et a siégé ici de 1949 à 1971. Elle occupait son siège au sein de notre organisation. Le fait que cette question revienne chaque année aux débats de l'Assemblée Générale prouve qu'il ya un problème de fond qui nous interpelle.

Pour le Tchad, il est inadmissible que les 23 millions de taïwanais soient discriminés par les Nations Unies et leurs institutions spécialisées. Il est ainsi malheureux de constater que dans le contexte actuel, l'OMS par exemple ne peut lui porter assistance en cas d'épidémies comme ce fut le cas récemment pour le Syndrome Respiratoire Aigü Sévère. Pourtant les Taïwanais ont eux aussi le droit de vivre dans la quiétude, de mener une vie démocratique et d'être solidaires des autres peuples de la planète. Ils ont besoin de la paix, fondement même de la démocratie et condition du développement. La paix suppose la résolution des conflits par la médiation. Ce qui implique dans les coeurs et les esprits une culture de tolérance et le respect des différences.

Nous exhortons la présente session à mettre fin à l'exclusion de Taïwan en le rétablissant dans son statut de membre à part entière de l'Organisation des Nations Unies (ONU) et invitons par la même occasion tous les Etats de la région à arrêter l'escalade militaire.


Je vous remercie pour votre bienveillante attention.