BURUNDI

DISCOURS DE SON EXCELLENCE MONSIEUR

DOMITIEN NDAYIZEYE, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DU BURUNDI A L'OCCASION DE LA 58ème SESSION ORDINAIRE DE L'ASSEMBLEE GENERALE DE L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES.

Excellence Monsieur le Président de l'Assemblée Générale des Nations Unies,
Excellence Monsieur le Secrétaire Général de l'Organisation des Nations Unies,
Excellences,
Distingués Délégués,
Mesdames, Messieurs,

Qu'il Me soit permis, du haut de cette tribune, d'adresser d'abord, au nom de Ma délégation et en Mon nom propre, Mes vives et chaleureuses félicitations à Votre Excellence Monsieur Julian Robert Hunte, pour votre élection à la Présidence de nos travaux.

La délégation de Mon pays et Moi-même vous souhaitons pleins succès et vous promettons une très franche collaboration pour la réussite de cette noble mission. J'aimerais également rendre hommage à votre prédécesseur, Son Excellence Monsieur Jan KAVAN pour le savoir-faire et la compétence avec lesquels il a
dirigé les travaux de l'a 57ème session.

Je saisis cette occasion qui M'est offerte pour féliciter Son Excellence Monsieur Kofi ANNAN, Secrétaire Général des Nations Unies pour l'habilité et le dynamisme avec lesquels il conduit notre Organisation, sans oublier l'attention qu'il ne cesse de manifester à l'endroit du peuple burundais afin de l'aider à sortir de la grave crise qu'il traverse depuis dix ans.

Je voudrais enfin exprimer nos sentiments de profonde gratitude au Conseil de Sécurité des Nations Unies pour sa constante disponibilité et sa volonté manifeste d'accompagner le Gouvernement et le peuple burundais dans la recherche d'une solution durable à la paix et à la réconciliation nationale. Les visites régulièrement effectuées par le Conseil de Sécurité dans Mon pays constituent un encouragement au processus de paix interburundais et ont apporté en même temps un message d'espoir à un peuple tant meurtri par la guerre.

Monsieur le président,
Excellences, Mesdames et Messieurs,

Depuis la signature de l'Accord d'Arusha pour la Paix et la Réconciliation au BURUNDI le 28 août 2000, le processus de paix en cours dans Mon pays connaît des progrès significatifs.

Nous avons, depuis le l er novembre 2001, des institutions de transition qui regroupent toutes les tendances politiques du pays.

Depuis, des réformes administratives effectives ont lieu, et celles prévues sur le plan judiciaire sont en train d'être progressivement réalisées au fil de l'obtention des moyens.

Ensuite, le peuple burundais et la communauté internationale se sont réjouis de l'alternance au sommet de l'Etat qui s'est passée sans heurt le 30 avril 2002, garantissant ainsi le cadre institutionnel de l'Accord d'Arusha.

Le Gouvernement de transition du BURUNDI s'attelle actuellement aux négociations avec les groupes armés en vue d'obtenir un accord de cessez-le-feu permanent et son application effective.

Ainsi donc, Nous avons signé le 07 octobre 2002, un accord de cessez-le-feu avec les ailes du FNL-PALIPEHUTU et du CNDDFDD conduites respectivement par MUGABARABONA et NDAYIKENGURUKIYE. Le 02 décembre suivant, Nous avons signé un tel accord avec le principal mouvement armé CNDD-FDD conduit par Pierre NKURUNZIZA. Aujourd'hui, le Gouvernement de transition poursuit les négociations avec celui-ci en vue de son intégration dans les institutions de transition de la République, à savoir dans les Corps de Défense et de Sécurité, l'Assemblée Nationale, le Sénat, le Gouvernement et l'administration. Les dernières négociations étant celles organisées à Dar-es-Salaam le 15 septembre dernier.

Dar es-Salaam a été le cadre et l'occasion de la présentation et de la confrontation des positions effectives et fortes des uns et des autres. Ce fut surtout l'occasion d'échanger, de comprendre et de confirmer l'importance du pilier central constitué par l'Accord d'Arusha pour la Paix et la Réconciliation au BURUNDI, de la prise en considération des réalités nationales qui garantissent la sauvegarde de la stabilité. Il s'agit notamment du respect des équilibres convenus à Arusha, de la reconnaissance au CNDD-FDD d'une visibilité dans les institutions tout en évitant la surenchère et l'exclusion des autres, du partage équitable du pouvoir, du respect des droits des citoyens, etc...

Un sommet des Chefs d'Etat a par la suite été programmé dans le très court terme pour dégager les conclusions et les compromis nécessaires à la signature du protocole de mise en application de l'Accord de cessez-le-feu du 02 décembre 2002 et l'entrée dans les institutions de transition du CNDD-FDD.

Nous profitons de cette occasion pour remercier vivement les Chefs d'État de la région et les délégations présents à ce sommet pour les considérations émises ayant conduit au pas déjà franchi.

Excellence Monsieur le Président,

Excellences Mesdames et Messieurs,

Ce bilan relativement positif ne doit pas occulter un certain nombre de difficultés auxquelles le BURUNDI fait face actuellement.

En effet, la persistance de la guerre constitue un obstacle majeur à la poursuite des réformes prévues alors que le Gouvernement ne ménage rien pour relever ce grand défi et que son engagement à mettre en application l'Accord d'Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi et l'Accord de cessez-le-feu se passe de commentaires.

C'est pourquoi Nous ne cessons d'inviter les Responsables de l'initiative régionale pour le BURUNDI, la médiation et la communauté internationale d'intensifier leur pression sur les FDD de Pierre NKURUNZIZA pour un cessez-le-feu et une intégration dans les institutions, et sur le PALIPEHUTU d'Agathon RWASA pour qu'il rejoigne sans plus attendre le Gouvernement de Transition à la table des négociations, seul cadre approprié pour exprimer ses revendications.

Nous invitons également la communauté internationale d'apporter un appui financier conséquent à la Mission Africaine au BURUNDI, déterminant pour la supervision du cessez-le-feu.

Enfin, le Gouvernement du BURUNDI attend avec impatience la mise sur pied d'une Commission Internationale d'Enquête Judiciaire au BURUNDI dont les résultats seront d'une utilité évidente pour aider le BURUNDI à faire face avec objectivité à la question cruciale de lutte contre l'impunité.

Un autre grand défi auquel nous sommes confrontés est la croissance économique et la lutte contre la pauvreté de notre population. En effet, le peuple burundais vit aujourd'hui dans une misère indescriptible. Dix ans ont gravement ruiné l'économie nationale à telle enseigne que nous n'avons plus le minimum pour soutenir la paix sociale. Plus de 68% de la population burundaise vit en dessous du seuil de pauvreté.

Nous approuvons les efforts déjà déployés par la communauté internationale pour assurer la survie à Mon pays. Nous lui demandons aussi de consentir un effort supplémentaire pour la matérialisation rapide des promesses de Paris et Genève.

Monsieur le Président,

Il est heureux de constater que le processus de paix dans Mon pays évolue actuellement dans un environnement sousrégional favorable, marqué récemment par une avancée significative du processus de paix en République Démocratique du Congo et une percée démocratique au Rwanda.

Cette mutation positive devrait déboucher sur l'arrêt définitif des conflits et ainsi permettre la tenue de la Conférence Internationale sur la région des Grands Lacs que le Gouvernement du BURUNDI appelle de tous ses voeux.


Monsieur le Président,

La paix que nous cherchons pour le Burundi et ses pays voisins, nous la voulons aussi pour le reste du monde.

Lors de l'Assemblée du millénaire tenue en septembre 2000, les Chefs d'Etat et de Gouvernement s'étaient convenus entre autre de n'épargner « aucun effort pour délivrer nos peuples du fléau de la guerre, qu'il s'agisse des guerres civiles ou des guerres entre Etats ». Ils avaient également décidé « d'accroître l'efficacité de l'organisation des Nations Unies dans le maintien de la paix et de la sécurité et de prendre des mesures concertées pour lutter contre le terrorisme international ».

D'une part, nous avons bien des raisons de nous réjouir de l'engagement pris par les dirigeants du monde entier pour oeuvrer en faveur d'un monde meilleur, et nous enregistrons des résultats
positifs à certains égards dans la restauration de la paix et de la Sécurité internationales.

D'autre part, la conscience collective nous interpelle tous et nous appelle à une attention et une action soutenue, face à la persistance et à la gravité des revers essuyés par-ci et par-là sur le chemin de la paix et de la sécurité internationales. En effet, le monde du 21ème siècle n'est toujours pas à l'abri total des dangers de la guerre, de la misère, du terrorisme, de la maladie et des catastrophes naturels.

La lutte contre le terrorisme enclenchée par la résolution 1373 (2001) du Conseil de Sécurité enregistre des résultats pour le moment mitigés eu égard à sa fréquence et sa cruauté de part le monde, et qui n'épargne même plus notre prestigieuse organisation.

Ces attaques terroristes ont pour beaucoup contribué à entretenir une tendance générale à la surenchère militaire ainsi qu'au renforcement des doctrines reposant sur l'attaque préventive, un concept qui ne cesse d'alimenter le débat politique et diplomatique.

Malgré l'engagement sans cesse croissant des Nations Unies et des Organisations régionales et sous-régionales, les foyers de tension entre Etats ou au sein des Etats ne sont pas complètement éteints et des appels à la guerre sont permanents et menaçants, telle une épée de Damoclès.

Le mercenariat devient de plus en plus un outil de déstabilisation des Etats souverains et indépendants.

La menace nucléaire ne cesse de hanter les esprits et d'envenimer les relations internationales.

La traite des êtres humains, véritable esclavage du 21ème siècle qui dessert notamment le marché du travail des enfants, la prostitution des enfants, leur utilisation comme chair à canon dans les conflits, la migration clandestine, est également une réalité jusqu'à nos jours.

Tout cela a pour dénominateur commun l'atteinte aux droits de l'homme et au droit humanitaire international que les Etats Membres et l'organisation des Nations Unies sont collectivement tenus de défendre dans le cadre du multilatéralisme, un des principes chers à notre organisation.

Face à l'impression de vivre une véritable crise de l'architecture de paix et de la sécurité internationale, il importe donc l'urgence d'une réforme intelligente des institutions chargées du maintien de la paix et de la sécurité internationales, pour les rendre plus à même de répondre aux exigences sécuritaires du moment.

De prime abord, la revitalisation de l'Assemblée Générale, organe le plus représentatif des Nations Unies, doit être poursuivie sans relâche. Une réflexion approfondie devrait permettre de rendre l'Assemblée Générale beaucoup plus fonctionnelle et plus rationnelle, quant à ses méthodes de travail et plus particulièrement, au suivi et à la mise en oeuvre sans favoritisme de ses résolutions et décisions.

Egalement, la réforme du Conseil de Sécurité sous tous ses aspects reste pour nous un impératif majeur, comme le souligne la Déclaration du Millénaire, pour répondre également au souci de l'équilibre régional de sa composition. Il en va de sa crédibilité et de celle de notre organisation.

Par ailleurs, le multilatéralisme doit rester le socle commun à nous tous, en tant qu'une des valeurs fondamentales qui doivent sous-tendre les relations internationales, dans le cadre d'une solidarité agissante et d'un partage des responsabilités, sous la houlette de notre organisation.

Nous en appelons également au financement régulier et volontariste des opérations de maintien de la paix des Nations Unies ainsi que le soutien aux mécanismes régionaux et sousrégionaux de prévention des conflits et de promotion de la stabilité politique, avec une attention particulière sur le continent africain.

Monsieur le Président,

Nul n'est besoin de rappeler que notre monde est de plus en plus marqué notamment par une interdépendance croissante, par des conflits, les pandémies, des catastrophes naturelles, qui ont des répercussions qui ignorent les frontières entre les Etats. Les déséquilibres économiques et sociaux qui résultent du caractère inéquitable et non inclusif de l'architecture financière internationale ne permettent pas de s'attaquer efficacement aux défis très complexes d'aujourd'hui. Les intérêts et les besoins des pays en développement ne sont pas suffisamment pris en considération. Le fossé entre riches et pauvres s'agrandit. Il est donc de notre devoir collectif de créer un environnement favorable à tous les pauvres.

Monsieur le Président,

Au chapitre de la coopération au développement, la lutte contre la pauvreté demeure une priorité. La réalisation des objectifs convenus au niveau international lors des grandes conférences et réunions au sommet passe par l'élimination de la pauvreté et de la faim, notamment dans les zones rurales.

Cela implique entre autres un investissement conséquent dans le secteur agricole et pastoral visant l'augmentation de la production et la protection de l'environnement.

Nous sommes tous conscients que pour être couronnés de succès les efforts de développement des pays pauvres nécessitent un appui international multiforme. A cet effet, les engagements pris à la conférence de Monterrey en matière d'aide au développement sont encourageants, mais il faut vite aller au-delà des bonnes intentions pour passer aux actes concrets.

Les pays les Moins Avancés ont des économies faibles et marginalisées dans le système financier international. Ils méritent donc une attention particulière en termes d'aide publique au développement, d'investissements directs étrangers, d'allégement de la dette, de renforcement des capacités et d'accès aux marchés internationaux.

Nous invitons également la communauté internationale à promouvoir la mise en oeuvre intégrale du plan d'action d'Almaty en réponse aux difficultés particulières liées à l'éloignement de la
mer et aux coûts exorbitants de transport qui handicapent sérieusement le rayonnement économique des pays enclavés.

Monsieur le Président,

L'Afrique est le continent où les souffrances de la misère atteignent un niveau inquiétant. Dans un élan de sursaut commun, les Africains ont créé le NEPAD. L'accueil chaleureux que la communauté internationale a réservé au NEPAD doit être renforcé par des gestes concrets de solidarité. De cette manière, l'esprit de partenariat qui implique aussi la participation active des pouvoirs locaux et des associations de la société civile pourra prendre corps et permettre au continent de tirer profit de ses immenses richesses jusqu'à la base.

Il est aussi nécessaire que les règles de l'Organisation Mondiale du Commerce soient assouplies afin de permettre aux pays en développement de tirer profit de la libéralisation des échanges mondiaux. Les initiatives déjà prises dans ce sens à Doha méritent d'être approfondies. Il convient de supprimer toutes les formes de subvention à l'exportation des produits des pays riches qui entraînent des effets de distorsion des échanges ainsi que les divers obstacles non tarifaires. La communauté internationale doit aussi remédier à l'instabilité des cours de produits de base, principale source de revenus des pays pauvres.

Monsieur le Président,

Un autre défi majeur est la maîtrise de la pandémie du SIDA, l'arrêt du paludisme et de la tuberculose dans les pays tropicaux. Le SIDA est une menace pour l'humanité. Il décime des populations entières, rend des millions d'enfants orphelins et sans défense et engloutit tous les efforts de développement. Face à un tel danger commun, l'urgence est à l'action.

Nous saluons la création en janvier 2002 du Fonds mondial de lutte contre ces trois fléaux et exhortons les pays qui ont les moyens financiers et scientifiques d'accroître leurs efforts afin de limiter, puis de juguler ces calamités.
Monsieur le Président,

Je m'en voudrais de terminer mon allocution sans encore insister sur le rôle crucial que la Charte des Nations Unies confère à notre Organisation dans sa mission sacrée d'humaniser chaque jour davantage les relations internationales et de contribuer à l'édification d'un monde meilleur.

Les obstacles qui se dressent sur le chemin de l'Organisation des Nations Unies ne sont pas une fatalité, mais une opportunité de se remettre en cause et de se réadapter pour atteindre les objectifs de la Charte et ceux de la Déclaration du Millénaire.


Je vous remercie