BURKINA FASO

CINQUANTE HUITIEME SESSION ORDINAIRE DE L'ASSEMBLEE GENERALE DES NATIONS UNIES

DECLARATION

DE S.E.M. BLAISE COMPAORE
PRESIDENT DU FASO
PRESIDENT DU CONSEIL DES MINISTRES

NEW YORK, 26 SEPTEMBRE 2003

 

Monsieur le Président,
Messieurs les Chefs d'Etat et de Gouvernement,

Monsieur le Secrétaire Général,

Mesdames, Messieurs.

Les graves évènements qui menacent actuellement la paix et la sécurité internationales et qui ont pour noms conflits armés, terrorisme, pauvreté, pandémies, commerce inéquitable..., interpellent avec insistance et de manière pressante la conscience humaine et, en priorité, les dirigeants de ce monde.

C'est guidé par ce souci que je viens devant cette vénérable Assemblée, partager avec les autres responsables du monde, nos communes préoccupations, aux fins d'envisager des réponses appropriées, à même de redonner confiance et espoir à l'humanité.

En raison de l'importance de ce rendez-vous, Monsieur le Président, votre élection à la présidence de cette cinquante-huitième session de l'Assemblée Générale, représente à tous égards une gageure ; mais aussi un symbole, en ce qu'une jeune et petite nation, Sainte-Lucie, est ainsi honorée. Cet honneur est aussi le nôtre, celui des petits Etats qui voient dans cette consécration, la prise en compte par les Nations Unies du concept de l'égalité souveraine des Etats.

Nous témoignons des mêmes égards à votre prédécesseur, Monsieur Jan Kavan.

Mais, il faut le reconnaître, toutes nos attentes de la présente session seraient illusoires, sans notre totale adhésion à l'action du Secrétaire Général. C'est pourquoi, je tiens solennellement à féliciter Monsieur Kofi Annan, pour son engagement militant à la cause de la paix et de la justice et à lui redire notre totale confiance et nos sincères encouragements.

Ce d'autant qu'en 2003 particulièrement, l'Organisation a été durement éprouvée et injustement accablée, le paroxysme ayant été l'odieux attentat du 19 août 2003 contre les bureaux de l'ONU à Bagdad, qui a coûté la vie à plusieurs fonctionnaires dont le Représentant Spécial en IRAK, Sergio Vieira de Mello. Le Burkina Faso, une fois de plus, salue leur mémoire.

Monsieur le Président,

Les convulsions des temps présents, à travers la multiplication des foyers de crises, la radicalisation du terrorisme international et de la criminalité organisée, la pauvreté croissante, la prolifération des endémies, achèvent de nous convaincre que la solidarité internationale doit rester active pour garantir à notre monde la stabilité et la sécurité tant souhaitées.

En effet, malgré l'implication et les efforts. indéniables des Nations Unies, des Organisations régionales, telles que l'Union Africaine ; et sous-régionales comme la CEDEAO ; la SADEC, la CEMAC, la CEND-SAD pour ne citer que celles-là, dans la gestion et la maîtrise de bon nombre de conflits ; en dépit même de certains succès obtenus tel que le retour à la paix en Angola, en Sierra Leone et plus généralement dans les Grands Lacs, la vague déferlante des conflits armés, des tensions et des instabilités tend à devenir un phénomène récurrent.

Ainsi en Irak, devant la tournure tragique des évènements, notre sentiment est qu'il faut replacer l'Organisation des Nations Unies au centre des responsabilités essentielles, tant pour la définition d'un processus politique de transition débarrassé de toute pesanteur colonisatrice que pour la reconstruction du pays.

Au Moyen-Orient où l'escalade de la violence et l'intransigeance des belligérants font craindre chaque jour le pire, la feuille de route nous semble constituer une chance pour une sortie de crise. Toutefois, sans un organe international de suivi et de contrôle présent sur le terrain, aucun accord ne sera opérant sur ce conflit majeur.

Et comment ne pas évoquer les situations, de la Côte d'Ivoire, du Burundi, du Soudan, de la Corne de l'Afrique dont le moins qu'on puisse dire est qu'elles restent préoccupantes, malgré tous les efforts déployés pour parvenir à leur règlement.

Bien évidemment, en raison de l'histoire et de la géographie, la crise politique en Côte d'Ivoire demeure pour nous un sujet d'inquiétude majeur, particulièrement depuis les évènements du 19 septembre 2002.

Par-delà ses conséquences incalculables, en termes de vies humaines sacrifiées, de violations des droits de l'homme, de dommages économiques et financiers, cette grave crise nous a néanmoins démontré à quel point, dans notre sous-région, nous sommes fortement interdépendants ; une raison de plus, pour en hâter l'intégration.

C'est dire que notre plus grand souhait, est que la Côte d'Ivoire retrouve définitivement et au plus vite la paix, à travers la mise en oeuvre des accords de Marcoussis.

Monsieur le Président,

Tout aussi préoccupante est la ténacité avec laquelle le terrorisme nargue et défie la communauté internationale, en contournant, par des manifestations multiformes, tout l'arsenal, pourtant impressionnant et sophistiqué, mis en place pour l'endiguer.

Etant donné la complexité du phénomène et l'immensité des obstacles à surmonter, la seule action qui vaille est d'opposer une riposte collective à ce qui est aujourd'hui une menace collective.
Dans ce combat titanesque, il va de soi que Ie Burkina Faso se trouve du côté de la civilisation contre la barbarie. Il en a fait le serment, en souscrivant sans ambages aux mesures anti-terroristes édictées par l'ONU, en particulier les résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité.

Cependant, tout en jetant l'anathème sur les terroristes de tous bords, nous devons admettre qu'une des sources de ces tragédies réside dans le désespoir de certains peuples, victimes des frustrations et des injustices intolérables qui tardent à être traitées.

C'est pourquoi, il faut saluer le rejet par la majorité des pays à Cancun des pratiques commerciales iniques, accordant des subventions aux milliers de fermiers du Nord, au risque d'organiser une mort assurée pour des millions de paysans du Sud.

Et c'est pourquoi, notre plaidoyer pour la cause des producteurs africains de coton s'intensifiera face aux déviations du marché.

Quand on sait que la production de coton, qui ne représente qu'une part minime de l'activité économique des pays industrialisés, est pour nos Etats d'Afrique de l'Ouest et du Centre, un élément déterminant des politiques de réduction de la pauvreté et un facteur primordial de stabilité politique et sociale, l'on mesure, à sa juste valeur, le niveau du préjudice qu'on nous fait ainsi subir.

Ce qui est vrai pour le coton l'est également pour la plupart des produits agricoles provenant des pays en développement. Nous devons donc travailler à corriger de telles injustices.

Monsieur le Président,

Le devoir de solidarité en faveur du développement est un devoir moral pour les pays du Nord. Cette solidarité est une réponse impérative à la misère des populations, et cela d'autant plus qu'elle s'adresse plus à des peuples qu'à des gouvernements. Cela ne signifie nullement prendre en charge les pays en développement mais les aider à assumer pleinement leur avenir.

S'agissant de l'Afrique, elle a compris que son salut réside dans un développement endogène et a donc décidé de prendre son destin en main. C'est la raison d'être du Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique, auquel cette Assemblée consacrera un débat de haut niveau les jours à venir.

Monsieur le Président,

Vous aurez remarqué l'importance que j'attache personnellement aux problèmes de développement. C'est mon intime conviction que le développement en élargissant les offres d'emploi et en éliminant progressivement la pauvreté est une. condition sine qua non de la paix et, partant, de la survie de l'humanité.

Ce constat m'a conduit à proposer à loua en accord avec le BIT, puis à l'Union Africaine d'engager la réflexion sur cette question, dans ses manifestations multiformes tels que le sous-emploi, le VIH/Sida etc...

C'est ainsi que s'est tenue à Ouagadougou, en avril 2002, une réunion ministérielle sur le thème : « Emploi et lutte contre la pauvreté en Afrique ».

Convaincu que ces réflexions devraient être poursuivies, au plus haut niveau, le Sommet de l'Union Africaine, à Maputo, a décidé de convoquer en 2004, c'est-à-dire l'an prochain, à Ouagadougou, un Sommet spécial des Chefs d'Etat et de gouvernement sur ce même thème. Il s'agira, pour les dirigeants africains, de traduire en stratégies et programmes concrets et réalistes, leur engagement à créer des emplois comme moyens privilégiés pour lutter contre la pauvreté en Afrique.

Cette rencontre sera précédée d'un forum de la société civile, par lequel employeurs et employés, ONG, diaspora africaine, institutions et partenaires au développement apporteront leur contribution à la réflexion collective.

Monsieur le Président,

Le progrès, l'indépendance et la paix sont des valeurs immanentes à la démocratie. Toutes les nations et tous les peuples s'acheminent vers cette exigence incontournable.

Depuis plus d'une décennie, le Burkina Faso est fermement enraciné dans l'Etat de droit, orienté par le pluralisme politique, la bonne gouvernance, et la force des institutions garantissant les droits de l'homme. Nous poursuivons cet ancrage démocratique, persuadés qu'il n'y a pas d'enjeu plus important.

Cette exigence devrait également s'imposer à tous, aux peuples, aux Nations et aux Organisations Internationales.

Ainsi la réforme tant souhaitée de l'ONU avec comme référence capitale la démocratisation de l'institution devient-elle une impérieuse nécessité. Dans ses structures comme dans son fonctionnement, elle doit responsabiliser plus et mieux toutes les nations, grandes comme petites et surtout éviter les exclusions comme celle qui frappe, depuis une trentaine d'années, la République de Chine à Taiwan.

Rien, actuellement, ne justifie la mise à l'écart des Nations Unies de ce pays de 23 millions d'habitants.

Monsieur le Président,
Messieurs les Chefs d'Etat et de Gouvernement,

Monsieur le Secrétaire Général,

Mesdames, Messieurs,

Nous sommes bien conscients de l'immensité et de la complexité des épreuves qui perturbent la vie internationale ; mais elles ne sont pas insurmontables.

Qui donc pourrait douter que, nonobstant ces épreuves et ces écueils, le monde peut s'acheminer vers le renouveau si nous acceptons d'ordonner nos ambitions et nos attentes sous l'égide des Nations Unies ?

Dans ce sens, le Burkina Faso, pays sahélien, conscient de la dégradation continue de la situation écologique mondiale et de ses conséquences néfastes sur le développement, souscrit à l'idée de créer une organisation spécialisée des Nations Unies pour l'Environnement, avancée par le Président Jacques CHIRAC devant cette 58ème Assemblée générale.

En conclusion, la nette perception des enjeux par la communauté mondiale et par dessus tout l'engagement que nous avons pris de préserver les générations futures des affres de la guerre, de la faim et de l'analphabétisme, sont autant de déterminants qui augurent une société humaine plus paisible et plus équitable.

C'est, pensons-nous, sous ce signe de l'espoir et de la persévérance que nous devrions orienter toujours et partout notre action.

Je vous remercie de votre attention.