COTE D'IVOIRE

DECLARATION DE
S.E.M. ABOU DRAHAMANE SANGARE

MINISTRE DES RELATIONS EXTERIEURES ET DES IVOIRIENS DE L'ETRANGER
CINQUANTE-SEPTIEME SESSION DE L'ASSEMBLEE GENERALE DES NATIONS UNIES

New York, le 18 septembre 2002

Monsieur le Président,

Il me plaît d'abord de vous adresser les chaleureuses félicitations du Gouvernement ivoirien pour votre brillante élection à la tête des travaux de la 57ème Session de l'Assemblée générale des Nations Unies. Nos félicitations vont également aux membres du bureau. Soyez assuré de ce que la délégation ivoirienne n'épargnera aucun effort pour apporter sa contribution à la réussite de la présente session.

Nous faillirions à notre devoir si nous ne mentionnions pas ici le remarquable travail de votre prédécesseur, Son Excellence Han Seung-Soo, Ministre des Affaires Etrangères de la République amie de Corée qui, par sa grande expérience, a su mener la
difficile 56ème Session à bon port, avec les résultats que nous connaissons. Qu'il soit assuré de la reconnaissance de la Côte d'Ivoire.

A Monsieur le Secrétaire général, Kofi Annan, nous adressons le salut fraternel de la Côte d'Ivoire réconciliée grâce notamment à ses inlassables efforts.

Enfin, c'est avec grand plaisir que le Gouvernement ivoirien salue et félicite la Confédération suisse pour sa brillante admission au sein des Etats membres de l'Organisation des Nations Unies.

Monsieur le Président,

Vous conviendrez avec moi que difficile, la 56ème Session l'a affectivement été. En effet, comment ne pas se souvenir du 11 septembre 2001 de triste mémoire, dont l'ombre continuera, pendant longtemps encore, de hanter les travaux de notre Organisation ? La présente Assemblée Générale, en particulier, parce qu'immédiatement consécutive à la 56ème se doit de tirer toutes les leçons de cette dernière en donnant une dimension nouvelle aux relations internationales.

De l'avis de la délégation ivoirienne, la nécessité renouvelée d'un redimensionnement des relations étatiques multilatérales peut être calibrée, entre autres, autour des grands axes suivants : la réforme de l'organisation des Nations Unies, la lutte résolue contre la pauvreté, les droits de l'homme et la sécurité internationale.

Monsieur le Président,

C'est désormais un truisme d'affirmer que si l'Organisation des Nations Unies n'existait pas, il aurait fallu l'inventer. Après plus de cinquante années d'existence, et ceci est reconnu et affirmé de manière récurrente, à l'orée du troisième millénaire, l'Organisation des Nations Unies gagnerait à se dépoussiérer pour s'adapter aux temps nouveaux.

En ce sens, depuis près de dix ans que durent les négociations sur la réforme du Conseil de sécurité, dans sa composition aussi bien que dans ses méthodes de travail, il est temps que des dispositions concrètes soient prises afin que commence un véritable débat général sur la base des positions des différents groupes régionaux. Pour sa part, la Côte d'Ivoire reste convaincue que deux sièges permanents et trois sièges non permanents pour tout le continent Africain épousent l'air du temps. La Côte d'Ivoire se tient prête à apporter sa contribution à toute résolution ou décision allant dans le sens de la modernisation du Conseil de Sécurité.

Monsieur le Président,

Pendant les 30 années consécutives à la deuxième guerre mondiale, les priorités de la communauté internationale avaient noms reconstruction, décolonisation, guerre froide, pour ne citer que celles-ci.

De nos jours, la misère et la pauvreté, qui interpellent la conscience humaine, constituent selon nous, la première menace posée contre la paix et la sécurité internationales: plus se creuse l'écart entre pays riches et pays pauvres, plus grande sera l'émigration en direction des pays riches qui, de la sorte, verront bouleverser toutes leurs prévisions, tous leurs programmes de développement.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, de l'avis de la délégation ivoirienne, la lutte contre la pauvreté constitue un pan essentiel de la diplomatie préventive. Aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur d'un pays, la lutte contre la pauvreté constitue la toute première opération de maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Le Gouvernement ivoirien l'a bien compris, lui qui, par la création des Conseils généraux, a mis en place la gestion décentralisée. Ainsi, il revient désormais à chacune des 58 circonscriptions administratives d'identifier ses besoins propres, d'établir ses priorités et de réaliser ses projets de développement, financés sur la base d'une ligne budgétaire conséquente dégagée chaque année par la loi de finances de l'État.

Pour le financement de la gestion décentralisée, la Côte d'Ivoire saisit l'occasion que lui offre cette tribune pour remercier ses partenaires au développement pour leur aide et soutien et lance un appel à la Communauté internationale pour davantage de contribution à sa politique de décentralisation.

C'est le lieu de réaffirmer que la Côte d'Ivoire dispose d'énormes potentialités et offre plus que jamais d'extraordinaires possibilités d'investissement et de partenariat. Nous saluons les résultats de la Conférence de Monterrey sur le financement du développement qui s'est tenue du 18 au 22 mars 2002, celle de Johannesburg sur le développement durable, sans oublier la conférence de Doha.
Vivement que soient traduits en actes concrets les conclusions de ces trois importantes réunions des Nations Unies.

Monsieur le Président,

On ne le dira jamais assez: les efforts des pays en développement seront vains si aucune disposition n'est prise pour les soulager du poids de la dette et si la communauté internationale ne réussit pas à éviter à ces pays les effets pervers de la mondialisation.

Après la chute du mur de Berlin, l'économie de marché est désormais passée dans les moeurs économiques de la Communauté internationale. Cette nouvelle donne économique commande plus que jamais que l'on sorte de la logique qui veut que l'on continue d'avoir, d'un côté, des producteurs exclusifs de matières premières, et de l'autre, des producteurs de produits finis.

L'entrée des pays en développement dans l'ère industrielle et leur accès à tous les marchés de la planète passent par une meilleure organisation de la solidarité internationale et un respect scrupuleux des résolutions adoptées.

De l'avis de ma délégation, en mettant en place le programme dit "Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique" (NEPAD), l'Afrique offre désormais un cadre propice à l'exercice de la solidarité économique internationale.

Le NEPAD doit rester un programme, au service de l'Union Africaine et non une institution nouvelle venant chevaucher celle-ci. La Côte d'Ivoire se réjouit d'ailleurs de l'avènement de l'Union Africaine et s'engage à jouer le rôle qui est le sien dans la consolidation de cet instrument privilégié de la coopération internationale.

Monsieur le Président,

Tout en saluant les progrès réalisés dans la promotion et la protection des droits humains, le Côte d'Ivoire reste toujours profondément préoccupée par le droit à la santé.

Ma délégation aimerait revenir sur la question du VIH/SIDA qui, plus que le paludisme, est le tout premier problème de santé publique mondiale. Selon l'ONU SIDA et l'Organisation Mondiale de la Santé, en 2001, 40 millions de personnes dans le monde, dont 58% de femmes ont été infectées par le virus d'immunodéficience acquise. Sur ces 40 millions de séropositifs, l'Afrique subsaharienne en compte à elle seule près de 29 millions. La maladie avance et en Côte d'Ivoire, elle frappe essentiellement les couches les plus dynamiques de la population, à savoir la tranche d'âge située entre 14 et 45 ans.

En dépit des nombreux et louables efforts déployés par la Côte d'Ivoire - qui s'est d'ailleurs engagée dans la mise en oeuvre d'un système d'assurance maladie universelle - et par la Communauté internationale dans sa lutte contre la pandémie du VIH/SIDA, les résultats ne sont toujours pas à la mesure des attentes de nos populations.

En attendant que soit trouvée la formule miracle contre le virus mutant du SIDA, plus que jamais les efforts se doivent d'être redoublés sur la prévention, d'une part, et, d'autre part, sur l'accessibilité des médicaments pour les couches les plus démunies.

Il est par ailleurs important que la lutte soit menée dans le cadre de concertations internationales permanentes, seules garantes du succès, les décideurs devant montrer un intérêt plus marqué pour l'application des résultats de ces concertations.

Monsieur le Président,

La paix, la sécurité des biens et des personnes, vous en conviendrez, constituent l'alpha et l'oméga de tout développement. Si la fin de la guerre froide semble donner quelques raisons de satisfaction, il faut reconnaître que la récente évolution de l'histoire contemporaine n'incite guère à l'euphorie.

La destruction d'armes légères à laquelle on assiste çà et là ne doit pas occulter la face cachée de l'iceberg : en dépit des professions de foi, les ventes d'armes, légères, notamment, continuent de prospérer, avec leur cortège d'enfants soldats et de personnes handicapées, sans compter le lot de réfugiés et de sans abris fuyant les zones de conflit.

La Conférence des Nations Unies sur la prolifération, la circulation et le trafic illicite des armes légères s'est tenue l'année dernière et a livré des conclusions généralement acceptées de tous. Ma délégation espère que très bientôt un rapport du Secrétariat Général nous permettra d'évaluer les résultats partiels de cette conférence.

Monsieur le Président,

En ce qui concerne l'armement nucléaire, l'événement marquant de ces deux dernières années a été la fin du traité ABM de 1972 entre les deux plus grandes puissances nucléaires. Cette situation n'a pas manqué de préoccuper la Côte d'Ivoire. C'est pourquoi mon pays a été très heureux de constater que dans le cadre d'un nouvel accord récemment signé par les Etats-Unis d'Amérique et la Fédération de Russie, ces deux puissances nucléaires ont décidé de réduire de 2/3 leur arsenal nucléaire d'ici à dix ans, le degré zéro restant, somme toute, l'objectif à atteindre le plus tôt que faire se peut.

A l'instar des autres pays de la Communauté internationale, la Côte d'Ivoire prend bonne note de ce développement majeur et encourage les deux protagonistes à poursuivre leurs efforts de réduction totale du danger nucléaire.

A ce stade du débat, ma délégation aimerait saisir ici l'occasion pour remercier, féliciter et encourager la France, notre partenaire de toujours, qui depuis ces trois dernières années, a su, par une vigoureuse politique de désarmement, réduire son arsenal nucléaire de manière fort significative.

Enfin, permettez-moi de conclure sur ce point en réaffirmant la position de la Côte d'Ivoire en matière de désarmement, position qui n'est pas différente de celle du Groupe des Pays Non Alignés : l'impérieuse nécessité du respect par tous, des zones dénucléarisées instituées de par le monde, notamment celle créée par le Traité de PELINDHABA sur l'Afrique.

Monsieur le Président,

Les événements du 11 Septembre 2001 constituent une atrocité épouvantable, qui a entraîné la perte instantanée de vies humaines la plus importante de l'histoire des attentats terroristes. Notre objectif devrait être d'éviter une répétition de tels attentats, par des actions concertées, supportées par tous les moyens appropriés. Pour combattre ce fléau, à notre avis, il est nécessaire d'appréhender le problème à la racine, dans toutes ses composantes politiques, économiques, psychologiques et morales.

Afin de ne pas faire le jeu des terroristes, la lutte contre le terrorisme doit favoriser le rapprochement des peuples. C'est pourquoi le dialogue des civilisations et des cultures, mené concomitamment, doit, en toute circonstance, inspirer, l'action de la communauté internationale.

Pour sa part, la Côte d'Ivoire a pris des mesures pour combattre le terrorisme, tant sur le plan juridique qu'économique. Elle s'est engagée à élaborer une législation spécifique de lutte contre le terrorisme à travers la définition et la sanction de l'infraction.

Mon pays continuera d'assumer les obligations qui découlent de la solidarité internationale en matière de lutte anti-terroriste, telles que définies par la résolution 1373 du Conseil de Sécurité.

Pour ce faire, hormis les moyens financiers et matériels qui lui font cruellement défaut, la Côte d'Ivoire souhaiterait pouvoir bénéficier de l'appui de la communauté internationale dans le domaine de la formation où ses besoins s'expriment en termes d'expertise juridique, bancaire et policière.

En tout état de cause, le Gouvernement ivoirien s'engage à poursuivre sa coopération avec le Comité du Conseil de Sécurité pour que la lutte contre le terrorisme international connaisse des résultats qui concourent à la préservation de la paix et de la sécurité internationales.

Monsieur le Président,

La crise qui secoue le Moyen Orient depuis plusieurs décennies constitue sans nul doute une grave menace à la paix et la sécurité internationales. Au reste, la persistance de cette crise s'analyse comme un défi qui, semble-t-il, met à nu l'impuissance de la Communauté internationale face à un conflit qui, si l'on n'y prend garde, risque de se banaliser.

Pourtant depuis le début de ce conflit, le moins que l'on puisse dire est que la Communauté internationale n'est pas restée les bras croisés. En effet, les Résolutions des Nations Unies sur la question ne se comptent plus. Les plus célèbres d'entre elles sont la Résolution 242 (1967) du 22 novembre 1967, la Résolution 338 (1973) du 22 octobre 1973, résolutions confortées par les conférences d'Oslo et de Madrid, notamment.

Au centre de ce conflit se trouve l'incontournable question de la nécessité pour les palestiniens d'avoir un état indépendant viable, et pour l'Etat d'Israël de vivre en sécurité et en paix avec tous ses voisins arabes dans des frontières internationalement reconnues. C'est en cela qu'il nous semble important de saluer l'initiative saoudienne qui reconnaît à Israël le droit d'exister, à côté d'un état palestinien.

Fort de ce qui précède, c'est avec la plus grande satisfaction que la Côte d'Ivoire accueille la Résolution 1397/2002 du 12 mars 2002, par laquelle, à l'unanimité de ses cinq membres permanents, le Conseil de sécurité se dit "attaché à la vision d'une région dans laquelle deux états, Israël et la Palestine, vivent côte à côte, à l'intérieur de frontières reconnues et sûres."

Monsieur le Président,

En Afrique, l'on doit se réjouir du retour de la paix en Sierra Leone, en Erythrée et en Ethiopie ainsi qu'en Angola. C'est le lieu de remercier les responsables politiques de ces différents états et tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, ont contribué à la fin des hostilités dans ces pays. Nous les invitons à participer de manière effective au processus de réconciliation et de reconstruction en cours.

Si nous nous réjouissons de ces développements positifs, il y a cependant lieu de s'inquiéter de la persistance des hostilités au Libéria, au Soudan, en Somalie et dans la région des Grands Lacs.

Nous devons tous soutenir les initiatives ainsi que les efforts de certaines personnalités telles que le Président Nelson Mandela et le Président Bush, de la communauté internationale, notamment l'ONU, l'Union Africaine, la CEDEAO et la SADC tendant à un retour à la paix et à la stabilité dans cette grande région de notre continent.

Nous invitons tous les fils et filles de la région à prendre conscience du fait que le retour de la paix et la réconciliation, dépendent, en tout premier lieu, d'eux-mêmes. Seule leur volonté de s'entendre et de régler leurs différends, quelle qu'en soit la nature, par la voie pacifique, permettra de mettre fin aux souffrances de leurs peuples.

La Côte d'Ivoire qui, grâce à l'intelligence et la forte volonté de son peuple de se réconcilier, a su trouver une solution ivoirienne aux difficultés politiques qu'elle a connues ces derniers temps, encourage toutes parties en conflit à avoir confiance en ellesmêmes et en leur capacité de trouver des solutions idoines aux problèmes qui les opposent, ce dans l'intérêt de leurs populations et, en définitive, dans l'intérêt de l'Afrique.

Monsieur le Président,

Permettez-moi de conclure mon propos en affirmant que "si l'ONU a su repousser les frontières du racisme", pour •eprendre une formule de l'ancien Président Nelson Mandela, elle peut, avec une réelle volonté politique, atteindre des résultats aussi ambitieux dans d'autres domaines.

Il est donc de notre devoir de tout faire pour, sinon faire disparaître, du moins repousser très loin les frontières de la haine, de l'intolérance, de la violence et, somme toute, de la pauvreté. Bâtissons un monde meilleur, un monde de paix et de progrès pour nous-mêmes et pour les générations futures.

Je vous remercie.