HAITI

DÉCLARATION DE
MONSIEUR JOSEPH PHILIPPE ANTONIO
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGERES
CINQUANTE-SEPTIEME SESSION DE L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
NEW YORK, LE 18 SEPTEMBRE 2002


Monsieur le Président,

Au nom du Président de la République d'Haïti, Son Excellence Monsieur Jean-Bertrand ARISTIDE, je voudrais tout d'abord vous féliciter pour votre élection à la Présidence de la 57é` Session ordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies. Soyez assuré du plein soutien de la délégation haïtienne dans l'exercice de votre fonction. Je salue, par la même occasion, votre prédécesseur, Son Excellence Monsieur Han Seung Soo, pour le talent dont il a fait montre dans la conduite des travaux de la 56é Session.

Je voudrais aussi rendre hommage à Monsieur Kofi Annan, Secrétaire Général de l'Organisation pour les efforts qu'il ne cesse de déployer pour préserver la paix et la sécurité internationales.

Par la même occasion, je souhaite la bienvenue à la Confédération Helvétique et au Timor Oriental au sein de notre organisation comme États membres. Il ne fait aucun doute que leur présence dans notre prestigieuse Institution contribuera de manière significative à la poursuite des objectifs nobles de l'Organisation des Nations Unies.

Monsieur le Président,

Le monde entier vient de commémorer le premier anniversaire de la tragédie du 11 septembre 2001. Le Gouvernement et le peuple haïtiens renouvellent leur sympathie au peuple et au Gouvernement américains. Ils continuent à partager la détresse de toutes les familles des victimes de cette barbarie qui a touché toutes les races, cultures et nations du monde. C'est l'humanité qui a été frappée ; et elle gardera toujours en mémoire cet évènement douloureux.

Le Gouvernement haïtien réitère sa condamnation du terrorisme, l'une des formes de violation les plus flagrantes des Droits de l'Homme. Il représente un grave danger; nous devons donc continuer à conjuguer nos efforts pour le combattre sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations. En ce sens, mon gouvernement réaffirme sa volonté d'appuyer les résolutions pertinentes de l'Organisation au nom du respect des préceptes du droit international.

Monsieur le Président,

La réforme du Conseil de Sécurité dont les discussions se poursuivent depuis quelque temps revêt aujourd'hui plus que jamais une importance capitale. Haïti continue de réclamer une plus grande ouverture dans son fonctionnement et une plus grande participation dans ses prises de décisions.

Monsieur le Président,

La Charte de l'ONU ratifiée par tous les Etats membres prescrit le principe sacré du maintien de la paix et de la sécurité internationales ainsi que le droit des peuples à disposer d'eux mêmes avec des dirigeants émanant de leur volonté.

A cet effet, le gouvernement haïtien exprime sa forte préoccupation face à l'escalade de violence que connaît le Moyen Orient, notamment le conflit Israélo-palestinien. Il encourage la création d'un État palestinien tout en reconnaissant le droit d'Israël d'exister à l'intérieur de frontières sûres et internationalement reconnues. Il appelle les protagonistes à régler de mîmière pacifique leurs différends par le dialogue et la voie diplomatique.

C'est dans ce même esprit qu'il apprécie les pourparlers initiés entre les deux Républiques de Corée et qu'il encourage tout rapprochement entre les populations de chaque côté du détroit de la mer de Chine.

Malgré l'acceptation par l'Irak du retour sans conditions des inspecteurs, le gouvernement haïtien est profondément inquiet de l'évolution du dossier iraquien. Il formule le voeu que ce problème soit effectivement traité dans le cadre de l'application des résolutions des Nations Unies.

Monsieur le Président,

La régionalisation constitue un outil important facilitant le partenariat entre les Etats à la recherche du bien être de leur peuple. Dans ce contexte, la République d'Haïti se félicite de sa pleine intégration au sein de la CARICOM où elle compte contribuer au développement socioéconomique de la région.

Aujourd'hui, des défis majeurs se posent à l'humanité. Il s'agit, entre autres, de la pauvreté, de la pandémie du sida, de la drogue, de la faim, de l'analphabétisme.

Les Pays les Moins Avancés constituent une population d'environ 614 millions d'habitants dont le tiers vit ou plutôt subsiste avec un revenu de moins de $1 par jour. Caractérisés par des institutions faibles, des infrastructures déficientes, ils sont affectés par des problèmes de tous genres. Les conditions infra humaines d'existence de leurs populations constituent une source de tension sociale. La pauvreté progresse au rythme du défaut de capital.

Monsieur le Président,

C'est avec espoir que nous revenons des sommets de Doha, de Monterrey et de Johannesbourg. Les attentes sont grandes, à la mesure des promesses. Il ne suffit donc pas de souhaiter le développement durable. L'important est d'avoir la volonté de le faire et de respecter les engagements. Il incombe d'ailleurs aux hommes d'Etat d'agir et de travailler afin d'assurer le développement durable au mieux des intérêts de nos peuples.

Monsieur le Président,

L'éducation et l'instruction possèdent le pouvoir libérateur de tirer l'homme des basfonds de l'ignorance et de faire reculer les barrières de la pauvreté, pour le placer sur les rails du progrès économique et social.

Fort de cette conviction, le Président de la République, Son Excellence Monsieur JeanBertrand ARISTIDE a officiellement donné le coup d'envoi le 7 septembre 2001 à la Campagne Nationale d'alphabétisation. Le président fait de cette campagne un impératif. L'objectif de ce vaste et ambitieux projet est d'alphabétiser environ 3.000.000 de compatriotes avant le le` janvier 2004, date de la célébration du bicentenaire de notre indépendance. Ainsi, le chef de l'Etat vise la participation active de citoyens alphabétisés à la construction nationale.

Monsieur le Président,

Le système socio-économique traditionnel de notre pays sécrète des injustices cri :entes. Celles-ci génèrent à leur tour de profondes disparités entre les divers secteurs de la population. Cette situation est en grande partie responsable de l'anachronisme des structures générales du pays qui constitue l'unique P.M.A du continent américain.

Avec une telle toile de fond, le Gouvernement s'est toujours évertué à combattre l'utilisation de l'embargo financier par la communauté internationale comme approche pour régler la controverse autour des élections du 21 mai 2000. Ce sont malheureusement les couches les plus vulnérables de notre population qui sont pénalisées par cette sanction injustifiée.

L'adoption récente par le Conseil Permanent de la résolution 822 en « Appui au renforcement du processus démocratique en Haïti » ouvre des perspectives encourageantes pour engager notre pays dans la voie de la normalisation.

Monsieur le Président,

Le Gouvernement maintient résolument le cap sur la réalisation des élections comme un élément indispensable de cette démarche. Il nourrit de profondes attentes quant à l'accompagnement que lui offrira la communauté internationale à cet égard. Dans cette perspective, il mise énormément sur l'assistance et l'observation électorales en particulier. En même temps, dans l'esprit de la résolution 822, une fois de plus il demande en urgence de mettre un terme à l'embargo financier.

Avec la résolution 822, l'engagement de plusieurs pays de l'OEA à côté de la République d'Haïti constitue un pas certain dans la bonne direction. Cette expression fraternelle de solidarité mérite d'être soulignée.

Aussi formulons-nous notre gratitude aux États membres dont les efforts conjugués ont permis d'adopter cette décision consensuelle. En particulier, la République Fédérative du Brésil qui coordonne actuellement le Groupe de l'ALADI à l'OEA ; également les pays centroaméricains. Un merci tout spécial à notre voisine, la République dominicaine, qui, tout au cours de cette période difficile de notre vie de peuple, n'a cessé d'affirmer sa solidarité à Haïti, solidarité qui se manifeste notamment par différentes interventions, partout où la cause haïtienne peut être entendue et défendue; mais surtout une gratitude particulière pour les nations sueurs de la CARICOM dont les délégations à l'OEA ont co-parrainé avec Haïti le projet de résolution, conservant ainsi, envers notre pays, l'élan de générosité fraternelle qui leur est coutumière.

Durant la crise, plusieurs pays, membres de notre Organisation, ont maintenu leur coopération avec Haïti, notamment, le Japon et Cuba. Cette dernière, malgré l'embargo qui la frappe et les difficultés propres auxquelles elle est en butte, poursuit en Haïti avec ferveur une coopération débouchant sur une convivialité exemplaire, dans les domaines de la santé et de l'agriculture en particulier.

Envers tous ces pays, le peuple haïtien a contracté une dette de gratitude pour ces expressions d'appui solidaires à sa quête de dignité et d'affirmation collective.

Monsieur le Président,

La résolution 822 est porteuse d'opportunités pour toute la collectivité nationale; il s'agit d'une avancée potentielle pour l'ensemble du peuple haïtien.

Dans le contexte de la célébration prochaine de ses deux siècles d'existence indépendante, la République d'Haïti nécessite la galvanisation de son énergie collective afin d'assurer la reconstruction de l'édifice national. A cette fin, le Gouvernement, par un dialogue ininterrompu, continuera à pratiquer envers les autres secteurs politiques l'ouverture et la flexibilité si fortement prônées par' le Président Aristide. C'est dans cet esprit que, malgré la précarité bien connue des ressources disponibles, il a consenti à dédommager les victimes des évènements du 17 décembre 2001, en conformité avec les résolutions 806 et 822 de l'OEA. De même, il continuera sans relâche à exhorter l'opposition à observer une trêve patriotique visant à faciliter la réhabilitation de l'espace et de l'homme haïtiens.

Dans cette optique, il réitère son appel pour que l'homme occupe la place première dans les relations entre nos pays respectifs. Ainsi cette planète, qui demeure le théâtre où se joue notre commune destinée, pourra enfin devenir une véritable Terre des Hommes par l'éclosion solidaire d'un « humanisme sans rivage ». Sur la base de cette conviction, à la veille du bicentenaire de son indépendance, la République d'Haïti convie fraternellement la communauté internationale à participer à la mise en branle du processus conduisant au rattrapage des scandaleux retards qui éloignent notre pays des circuits de la modernité.

Je nourris le voeux que toutes les Nations du monde partagent les espérances exaltantes qui nous animent dans la célébration de cet événement transcendant auquel le peuple et le Gouvernement de la République d'Haïti vous invitent le premier janvier 2004.

Merci.