Canada

ALLOCUTION DE
L'HONORABLE BILL GRAHAM
MINISTEE DES AFFAIRES ETRANGERES DU CANADA

CINQUANTE-SEPTIEME SESSION DE L'ASSEMBLEE GENERALE DES NATIONS UNIES
NEW YORK, LE 12 SEPTEMBEE 2002

Je vous remercie, Monsieur le président.

Je tiens à vous féliciter de votre élection à la présidence de l'Assemblée générale et à vous assurer de la coopération de ma délégation au moment où vous assumez vos importantes responsabilités.

Hier, des gens du monde entier ont fait une pause en souvenir des évènements tragiques d'il y a un an. J'ai eu l'occasion d'assister, hier, au service oecuménique où vous et le secrétaire général avez souligné de manière émouvante que la commémoration de cet évènement doit renforcer la vocation de l'Organisation d'être l'instance consacrée à l'instauration de la paix mondiale. Les Canadiens souscrivent entièrement aux sentiments que vous avez exprimés. Les attaques de septembre dernier ont été un coup cruel et dévastateur posé contre les Éats-Unis et contre chacun de nous. Je suis fier de dire que les Canadiens sont demeurés solidaires de leur allié le plus proche à ce moment terrible. Lorsque les terroristes ont frappé, ce jour-là, ils ont attaqué aussi les principes mêmes du droit international, de la sécurité et de l'humanitarisme, consacrés par la Charte des Nations Unies. Nous croyons que le meilleur moyen de réagir aux évènements du 11 septembre consiste donc à renouveller notre attachement à nos convictions et aux principes sur lesquels les Nations Unies ont été fondées.

Plus que jamais, le principal défi pour chacun de nos pays, comme pour les Nations Unies, consiste à gérer notre interdépendance. La dégradation de l'environnement et la pauvreté endémique, l'expansion des maladies et les épidémies, l'insécurité de plus en plus accrue par le terrorisme et le crime organisé, voilà des enjeux graves et complexes qu'aucun Etat ne peut résoudre à lui seul. Pour réussir, nos pays ont besoin d'oeuvrer de concert, en intégrant l'expertise des éléments concernés au sein de la société civile. Cette interaction représente un défi formidable que l'ONU est la plus apte à relever.

La reconnaissance de notre interdépendance ne menace nullement nos souverainetés respectives. En fait, elle donne à chacun des moyens encore plus tangibles d'agir, et de réussir grâce au partage de l'information, des ressources et des initiatives.

Les principes du multilatéralisme ont trouvé dans la Déclaration du Millenaire une expression forte et résolue. C'est à juste titre que la Déclaration attribue une place déterminante à la Charte des Nations Unies. Celle-ci représente bien plus que notre constitution, elle représente notre coeur même. Elle concilie l'intêret national avec les normes morales et ethiques les plus élevées qui doivent caracteriser l'action de chaque Lat. La Charte est la clé qui vous permettra d'ouvrir la voie vers ce monde de paix, de sécurité et de justice que nous aspirons à instaurer.

La menace terroriste nous incite tous à travailler ensemble et illustre, tragiquement, jusqu'à quel point nous sommes interdépendants. Elle démontre l'urgence de trouver des solutions qui sont à la hauteur de l'enjeu, et dont l'efficacité repose sur des partenariats nouveaux entre nos pays.

Notre réaction au terrorisme doit certes être résolue et sans concession envers les protagonistes de la terreur, mais si nous voulons qu'elle soit réellement efficace, la sécurité de l'Etat doit être conjuguée avec le respect des droits fondamentaux. En effet, la gouvernance démocratique, de même que la sécurité, se trouvent dans les sociétés qui sont respectés les droits et libertés et qui, par conséquent, la dissidence adopté le plus souvent des formes constructives et non violentes.

De plus, la lutte contre le terrorisme est un défi qui nous incite à ouvrir nos esprits et nos coeurs à la diversité de notre monde, de ses cultures et de ses religions. Plus que jamais, nous sommes tenus de favoriser le dialogue, la compréhension et la tolérance des peuples a l'égard des autres. Ainsi, nous contribuerons à éradiquer à sa source une large partie du mal qui, trop souvent, se traduit par la montée de la haine, des extremismes et des fanatismes de toutes sortes.

Le multilatéralisme a fortement prouvé sa pertinence au cours de la dernière année. Par exemple dans le cas de l'Afghanistan, des dizaines de pays ont offert aux nouveaux dirigeants leurs ressources et leur experience comme membres de la coalition contre le terrorisme ou du Groupe de soutien à l'Afghanistan, ainsi qu'en contribuant aux différents programmes des Nations Unies visant la stabilité politique et la representativité du gouvernement.

Le Partenariat mondial du G8 contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes, conclu à Kananaskis en juin, est un exemple concret de notre engagement collectif à combattre le terrorisme et les autres menaces à la paix. Le Canada, à titre de président du G8, a été un ardent partisan de cet important effort visant à renforcer la sécurité internationale et la stabilité stratégique. Le Canada continuera à oeuvrer afin de faire de cette initiative un succès.

Le Canada est, en tout temps, disposé à offrir son soutien là où le besoin se fait sentir, et nous encourageons la communauté internationale de continuer à faire de même. Nous croyons aussi que seul l'approche multilatérale permet de relever les défis évidents que pose le développement durable. A cet égard, le consensus qui s'est dégagé de la conférence de Monterrey appelle tous les pays à travailler de concert, afin de mettre sur pied des partenariats plus étendus entre pays développés et pays en voie de développement.

A cet égard également, la situation de l'Afrique évoque l'urgence d'agir. Depuis trop longtemps, l'inaction a entraîné des conséquences dramatiques sur le plan des souffrances humaines. Toutefois, l'espoir commence à poindre à l'horizon. Le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique, élaboré par des dirigeants africains déterminés à relever les défis de l'autodéveloppement, adopté lors du Sommet du G8 de Kananaskis à la suite de l'initiative du Canada, vise à donner aux peuples de ce continent des conditions fondées sur la bonne gouvernance et sur la démocratie, tout en mettant fin à la marginalisation de l'Afrique et en donnant à ses peuples la chance de connaître la prospérité.

Au moment où nous nous rencontrons aujourd'hui, la crise israëlo-palestinienne demeure dans une impasse que nous ne connaissons que trop bien en dépit du fait que chacun connait les conditions du rétablissement de la paix. Nous savons tous que le ciblage des civils doit cesser. Que la sécurité d'Israël doit être assurée. Que la construction de colonies de peuplement doit prendre fin. Que les besoins humanitaires des Palestiniens doivent être satisfaits. Que l'Autorite palestinienne doit se reformer elle-même démocratiquement. Que les négociations de paix doivent reprendre. Nous savons tous, en somme, qu'il faut construire une route vers un avenir pacifique, un avenir dans lequel deux Etats indépendants, viables, sécuritaires et démocratiques, Israël et la Palestine, vivront côte à côte dans la paix et la sécurité.

Le Canada appelle l'Autorité palestinienne et le gouvernement d'Israël d'emprunter à nouveau la voie de la paix. Le peuple et le gouvernement du Canada vous accompagnera et vous soutiendra à chacune des étapes de votre cheminement.

Nous sommes également réunis ici aujourd'hui dans une atmosphere de tensions montantes causées par le fait que l'lraq continue de bafouer la volonté de la communauté internationale et les divergences d'opinion qui règnent quant aux moyens de remédier à cette situation et de mettre fin à la crise. Que cela soit clair : les tensions d'aujourd'hui trouvent leur origine dans le refus persistant du gouvernement iraquien de se conformer à ses obligations devant nous tous en vertu des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies. Depuis 11 ans, l'Iraq refuse de démontrer qu'il a abandonné ses programmes relatifs aux armes chimiques, biologiques et nucléaires, et il continue de refuser de le faire encore aujourd'hui. Mais disons les choses clairement encore une fois : l'action visant à ce que l'Iraq se conforme à ses obligations internationales doit être le fait de nous tous, ensemble.

Nous croyons que notre capacité de trouver une solution à ce défi - une solution qui soit conforme au cadre international que nous avons édifié au prix de tant d'efforts depuis la dernière guerre mondiale dévastatrice et qui, d'ailleurs, le renforce - définira la présente génération et créera des précédents qui détermineront peut-être l'orientation future de notre monde. C'est avec ces considérations à l'esprit que le Canada salue le puissant message livré ici aujourd'hui par le président Bush, qui a affirmé l'engagement de son pays à oeuvrer de concert avec le Conseil de sécurité des Nations Unies pour résoudre cette menace grave à notre paix et à notre sécurité collectives.

Nous demandons donc instamment à l'Iraq de saisir cette occasion sans tarder et d'accorder un accès immédiat et inconditionnel aux équipes d'inspection des armes de l'ONU, conformément à ses obligations devant le Conseil de sécurité des Nations Unites. Manifestement, c'est au gouvernement de l'Iraq qu'il incombe de prendre cette mesure maintenant. Le fardeau nous incombe tout autant de veiller à ce que nos institutions internationales sortent de cette crise renforcées.

II se peut que certaines de ces institutions soient nouvelles, comme c'est le cas de la Cour penale internationale, organe qui offre la possibilité d'assurer l'intégrité de notre système juridique international dont tant de choses sont tributaires pour le réglement pacifique de nos différends. J'ai eu le privilège d'assister à la reunion inaugurale de l'Assemblée des Etat parties ici même à New York cette semaine et j'ai été encouragé par la fermeté du soutien international politique et public accordé à ce nouvel organisme important.

Les citoyens du monde veulent qu'il soit mis fin à l'impunité. Ils demandent avec insistance que leurs dirigeants ne ferment plus les yeux sur les violations flagrantes du droit humanitaire international semblables à celles que nous avons observées au cours du dernier siècle. L'immunité face à la loi n'est tout simplement pas acceptable. Les Etats parties au Statut de la CPI sont plus que disposés à traduire en action concrète l'idée selon laquelle nous pouvons mieux appliquer des règles de droit que nous avons établies d'un commun accord et que nous sommes disposés à voir invoquées contre nous. Pour les 79 Etats parties qui ont assisté à l'Assemblée des Etats parties, et pour les nombreux Etats observateurs qui sont à la veille de ratifier le Statut de Rome, l'objectif demeure d'agir de manière résolue et en coopération pour que cette Cour devienne une réalité.

La Cour pénale internationale représente un changement de grande importance dans la façon dont le monde fonctionne. L'époque que nous vivons exige de nombreuses approches novatrices de ce type. Par exemple, en réponse à un appel du secrétaire général, le Canada, de concert avec d'autres parties, a lancé la Commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des Etats, organisme indépendant. Son rapport historique, la responsabilité de protéger, a déplacé les paramètres du débat, le faisant passer de divergences de vues sur l'intervention vers un accord sur la responsabilité de protéger les citoyens. II est soutenu dans le rapport que la souveraineté comporte des responsabilités ainsi que des droits, que la souveraineté est synonyme de responsabilité. Lorsque des Etats ne peuvent ou ne veulent pas protéger leur propre population, la communauté internationale a la responsabilité d'intervenir temporairement et d'assurer ce rôle. Ce rapport nous offre l'occasion de renforcer la réalisation par l'ONU de sa mission de sécurité collective. II nous offre également l'occasion d'affirmer le rôle fondamental d'établissement de normes de l'ONU et de trouver de meilleurs moyens de prévenir et, au besoin, de soulager les souffrances humaines.

Une partie de notre responsabilité commune de relever la crédibilite des institutions multilatérales consiste à s'attaquer à leurs lacunes, y compris celles de l'ONU elle-même. Nous trouvons un grand motif d'encouragement dans le fait que le secrétaire général et son adjointe, Louise Fréchette, proposent de profondes réformes organisationnelles. Ils peuvent compter sur le soutien du Canada. Nous appuyons également la réforme dans d'autres domaines, notamment la quasi moribonde Commission du désarmement et ses progrès dignes de l'ère glaciaire en matière de non-prolifération, de contrôle des armements et de désarmement, ou des avancées récentes comme le Programme d'action des Nations Unies sur les armes légères et les négociations sur un Code international de conduite sur les missiles sont eclipsées par une multitude de problèmes de conformité.

A n'en pas douter, le multilatéralisme et les institutions que nous avons créées posent des problèmes, mais cela ne devrait pas nous inciter à douter du caractère souhaitable d'un système efficace fondé sur des règles. Nous devrions nous fixer comme objectif de nous attaquer à ces lacunes la où nous les constatons, de réformer ce que nous devons réformer et, ce faisant, répondre aux critiques de ceux qui se méfient d'un monde interdépendant. Nous ne pourrons persuader les sceptiques qu'en mettant en place de meilleures institutions afin de mettre en oeuvre la primauté du droit international et qu'en trouvant des solutions aux problèmes que nous avons en commun.

Empruntons la voie de la coopération, et non celle de la division. Elargissons notre souveraineté en la mettant en commun. Soyons partenaires de l'entreprise plus large de l'édification de la paix et de la liberté. Aucun pays ne peut à lui seul relever tous les défis de notre temps. Ayons confiance a l'humanité qui nous rassemble. Faisons de l'ONU notre principal instrument de paix.

Je vous promets que le Canada n'épargnera aucun effort en ce sens.

Je vous remercie.