REPUBLIQUE DU BURUNDI
 

Allocution
de
Son Excellence Monsieur Thérence Sinunguruza
Ministre des Relations Extérieures et de la Coopération
Du Burundi et Chef de la Délégation burundaise

Devant la 56ème Session Ordinaire
de l’Assemblée Générale des Nations Unies

New York, le 13 Novembre 2001

(Seul le discours prononcé fait foi)





Monsieur le Président de l'Assemblée Générale,
Monsieur le Secrétaire Général,
Honorables Chefs de Délégation,
Mesdames, Messieurs,
 

C'est un insigne honneur pour moi de prendre la parole ce jour devant cette auguste assemblée à 1'occasion de la tenue de la 56ème Session Ordinaire de l'Assemblée Générale de notre Organisation.

Au nom de ma délégation, je tiens tout d'abord à exprimer mes sincères félicitations à Monsieur Han Seung Soo de la République de Corée pour sa brillante élection en qualité de Président de cet organe suprême de l'Organisation des Nations Unies. Sa grande expérience, son dynamisme et sa compétence constituent pour nous un garant sûr de succès des travaux de la présente session. Il peut compter sur l'entière disponibilité de ma délégation qui ne ménagera aucun effort pour lui faciliter la tâche pour le meilleur accomplissement de sa noble mission.

Permettez-moi ensuite de rendre un vibrant hommage à Son Excellence Monsieur Harri Holkeri, pour la manière dont il s'est acquitté de son mandat dans la conduite des travaux de la précédente session. Nous avons tous apprécié ses nombreux talents d'homme d'Etat et de diplomate avisé qui ont largement contribué à faire parvenu à bon port les dits travaux.

Je voudrais enfin saisir cette heureuse opportunité pour transmettre les salutations du Peuple burundais à Monsieur Kofi Annan, Secrétaire Général des Nations Unies et lui exprimer une fois de plus mes chaleureuses félicitations pour sa reconduction unanime à la tête de notre Organisation pour un second mandat. Je lui adresse en même temps mes chaleureuses félicitations pour le Prix Nobel de la pair qui vient de lui être décerné ainsi qu'à l'Organisation des Nations Unies elle-même.

Cette marque de confiance renouvelée est l'expression éclatante de la reconnaissance de la famille onusienne des efforts inlassables qu'il ne cesse de déployer aux quatre coins du globe pour la cause de la paix et du développement.
Mon gouvernement lui est particulièrement reconnaissant pour son engagement , à aider le peuple burundais à sortir de la crise en vue de retrouver, à travers le processus de paix en cours, la voie de la paix, de la réconciliation et de la stabilité.
 

Monsieur le President,

Nous avons été tous choqués et horrifiés par les attentats meurtriers perpétrés ici à New York, à Washington et en Pennsylvanie le 11 septembre 2001. Mon gouvernement a condamné fermement ces actes terroristes crapuleux caractérisés par une barbarie inqualifiable. Le President de la République du Burundi, Son Excellence le Major Pierre Buyoya, a aussitôt envoyé un message de condoléances au Président George W. Bush dès l'annonce de ces tragiques événements.

Les événements du 11 septembre 2001 constituent un nouveau défi mondial lance aux Nations Unies dans son combat engagé contre le terrorisme et pour le maintien de la paix et la sécurité internationale.

Le Gouvernement de la République du Burundi, souscrit entièrement aux resolutions pertinentes de l'Organisation des Nations Unies sur la lutte contre le terrorisme. Gagné aux idéaux de paix et de sécurité dans le monde, il entend apporter sa contribution pour 1'établissement d'un monde où serait banni le terrorisme international.

A cet effet, 1e Burundi fait siennes les différentes conventions internationales contre le terrorisme international; il a déjà ratifié trois d'entre elles et ce matin, nous avons procédé à la signature de la Convention Internationale pour la répression du financement du terrorisme adoptée en 1999. Des dispositions nécessaires seront prises pour la signature et la ratification de celles qui restent.

Le Burundi salue l'adoption de la résolution 1373 du Conseil de Sécurité et s'engage à l'examiner en profondeur 1a portée pour son application sur le territoire national.
 

Monsieur le Président,

Au regard du dispositif juridique combien rïche et raffiné existant depuis bientôt une trentaine d’années pour lutter contre ce fléau, une profonde prise de conscience et une action collective beaucoup plus soutenue s'imposent encore aujourd'hui. Le Gouvernement du Burundi s'accorde avec le contenu de la résolution 1373 (2001) du Conseil de Sécurité qui souligne et je cite: "qu'il convient de renforcer la coordination des efforts accomplis aux échelons national, sous-régional, régional et international afin de renforcer une action mondiale face à ce grave problème et à la lourde menace qu'il fait peser sur la sécurité internationale," fin de citation.

Cette action mondiale s'impose évidemment et prioritairement à Nous, Membres de cette Auguste Institution que sont les Nations Unies auxquelles la charte confère explicitement le rôle de maintien de la paix et de la sécurité internationale.
 

Monsieur le Président,

S'agissant de la situation dans more pays, le Burundi, la présente session se tient au moment où le processus de pair vient de franchir une étape particulièrement décisive. En effet, l'Accord d'Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi signé le 28 aout 2000 commence à être résolument mis en application. Qu'il me soit permis de relater à l'intention des distingués délégués ici présents certains faits importants qui méritent d'être soulignés.

Après plusieurs consultations entre signataires de l'Accord de paix, la Facilitation et l'Initiative Régionale, la question du leadership de la transition pour les trois années à venir a été réglée.

C'est en date du 1er novembre 2001 qu'a eu lieu la cérémonie d'investiture solennelle du Président et du Vice-Président de la République ainsi que celle du Gouvernement de transition.
Je tiens à exprimer les très sincères remerciements du Gouvernement et du peuple burundais aux Chefs d'Etat et autres hautes personnalités qui ont rehaussé de leur présence les cérémonies.

A cette étape importante du processus de paix, je voudrais m'acquitter d'un agréable devoir, à savoir celui de rendre hommage en premier lieu à feu Mwalimu Julius Nyerere qui, le premier a joué le rôle de médiateur dans le processus de paix interburundais dans un contexte ô combien délicat.

Je tiens en second lieu à saluer solennellement le courage, la clairvoyance, la persévérance et le tact dont Son Excellence le Président Nelson Mandela a particulièment fait preuve tout au long des négociations interburundaises en vue d'aider le Peuple Burundais à retrouver le chemin de 1a paix, de la réconciliation et de la démocratie. Du haut de cette tribune, je voudrais lui exprimer nos sentiments de profonde gratitude.

Les mêmes sentiments de notre sincère reconnaissance nous animent à l'endroit des Nations Unies, de tous les pays et de toutes les personnalités qui ont travaillé de près ou de loin jusqu'à la signature de l'Accord de paix et qui continuent à s'investir pour son application intégrale.

C'est grâce à tous ces efforts conjugués qu'un grain d'espoir est perceptible dans le ciel politique burundais.
 

Monsieur le Président,

Le nouveau Gouvernement s'est fixé comme programme prioritaire l'arrêt de 1a guerre, la réhabilitation des personnes sinistrées et le redressement de 1a situation socio-économique.

Cependant, malgré notre ferme volonté d'aller de l'avant, ce programme reste confronté à d'énormes défis tels que la persistance de la guerre et l'aggravation de la pauvreté.

S'agissant dé la poursuite de la guerre, nous devons déplorer que les groupes armés continuent à semer pleurs et désolation ici et là dans le pays en poursuivant une guerre sans nom, une guerre qui tue des innocents, dans leurs maisons, dans les camps de dêplacés ou sur les routes, une guerre qui favorise des pillages et des viols et qui détruit des infrastructures sociales et économiques si chèrement acquises. Nous dénonçons et condamnons fermement la nouvelle forme de violences à savoir, l'enlèvement des écoliers par des éléments rebelles pour les enrôler de force dans la guérilla ou pour leur faire exécuter de sales besognes.

Dans ce contexte, la priorité des priorités pour mon pays reste donc la recherche d'un cessez-le-feu, qui permettra l'initiation des grandes réformes envisagées durant la période de transition.

Or, nous constatons qu'en dépit de nombreuses démarches du Gouvernement en direction des groupes armés CNDD-FDD et FNL pour les inviter à adhérer au processus de paix et entamer les négociations avec eux, aucun engagement formel de leur part ne semble encore se manifester résolument pour nous permettre d'aller de l'avant dans cette voie.

Néanmoins, nous persons qu'aujourd'hui, ces groupes armés n'ont plus de revendications politiques propres à brandir au moment où l'Accord d'Arusha prévoit leur participation aux institutions de transition, leur recrutement dans les corps de défense et de sécurité, sans oublier leur réinsertion socio?professionnelle s'ils le souhaitent.

Tout en remerciant tous nos partenaires pour les différentes initiatives déjà prises pour amener la rébellion burundaise à adhérer au processus de paix, je voudrais demander une fois de plus à tous les pays de l'Initiative régionale, à l'équipe de la Facilitation dans les pourparlers interburundais, à l'Unité Africaine, aux Nations Unies et au reste de la Communauté internationale de continuer à faire pression sur ces groupes armés pour qu'ils déposent les armes et rejoignent les autres Burundais à la table des négociations sans plus attendre, conformément à la résolution 1375 adoptée par le Conseil de Sécurité le 29 octobre 2001 et, aux autres déclarations du même conseil.

Nous sollicitons particulièrement le précieux concours des pays de la sous?région, tous cosignataires de l'Accord d'Arusha pour la paix et la réconciliation Burundi, pour que toutes les dispositions nécessaires soient prises afin que ces groupes armés n'attaquent plus le Burundi à partir de leurs territoires.

Malgré ces différentes démarches, si la rébellion continue à s'obstiner et à refuser le dialogue, mon Gouvernement demandera à la Communauté internationale et à toutes les parties signataires de l'Accord d'Arusha de tout mettre en oeuvre pour neutraliser et désarmer les FDD et FNL en même temps que les autres "forces négatives" alliées à eux.
 

Monsieur le Président,
Distingués délégués,

La déterioration persistante de la situation socio-économique de mon pays constitue une autre préocupation majeure pour la nouvelle équipe gouvernementale.

En effet, huit ans de guerre fratricide aggravée par trois années d'embargo économique injustifié, de juillet 1996 à janvier 1999, ont plongé le pays dans un état de pauvreté excessive qu'il sera difficile d'éradiquer. De plus, la coopération internationale a été gelée depuis 1996, provoquant ainsi une pénurie de devises et une grande érosion monétaire.

Au cours de l'an 2000, l'activité économique a également continue à subir les contrecoups de la sécheresse, entraînant une croissance négative durant deux années consécutives pour un pays essentiellement agricole.
 

Monsieur le President,

Au cours de cette même période de crise, la situation sanitaire s'est sensiblement détériorée. Malgré les efforts déployés par mon Gouvernement, le VIH/SIDA, le paludisme et d'autres maladies comme celles liées à la malnutrition, continuent à faire des ravages au sein de la population affaiblie par les affres de la guerre.

Les principaux indicateurs de performance de l'éducation sont en net recul. L'accès à l'eau potable et les conditions d'hygiène et d'assainissement se sont aussi fortement dégradés au moment où beaucoup d'habitations et autres infrastructures sociales de base comme les écoles et les centres de santé ont été détruits par la guerre.

Face à cette situation particulièrement éprouvante, le Burundi attend beaucoup des Nations Unies et de ses agences, de ses différents partenaires bilatéraux, des organisations internationales et des organisations non gouvernementales pour l'aider a redresser son économie au nom de la solidarité internationale, au profit de ses populations plongées aujourd'hui dans un état de pauvreté jamais atteint auparavant.

Je lance donc un appel pressant aux différents partenaires de mon pays pour la concrétisation urgente des promesses faites au terme de la conférence des bailleurs de fonds sur le Burundi tenue à Paris les 11 et 12 décembre 2000 en vue de la reconstruction et du redressement de l'économie burundaise. Une Table Ronde sur le suivi des engagements faits lors de cette conférence sera organisée à Génêve du 6 au 7 décembre prochain; le Gouvernement du Burundi compte sur la participation active des partenaires et surtout sur la libération de l'assistance promise.
 

Monsieur le Président,

Sur la scène internationale, la délégation du Burundi appelle de ses voeux la mise en oeuvre des dispositions contenues dans la Déclaration du milléaire adoptée l’année dernière par les Chefs d'Etat et de Gouvenement des pays membres de notre Organisation. Elle soutient particulièrement la réforme du Conseil de Sécurité et se félicite de constater que cette question a déjà un large soutien des Membres des Nations Unies. Elle regrette néanmoins que les discussions sur les modalités de cette réforme soient dans l'impasse, huit ans après la création du Groupe de travail régi par 1a résolution 48/26 adoptée par cette auguste Assemblée Générale le 3 décembre 1993.

Ma délégation reste toutefois confiante quant à l'aboutissement rapide des travaux de ce groupe, dont les résultats sont d'intérêt primordial pour la redynamisation de cet important organe.
 

Monsieur le Président,

Le Burundi voudrait attirer l'attention de cette auguste assemblée sur les problèmes devenus de plus en plus graves et inquiétants dûs à l'accumulation et à 1a prolifération excessive et destabilisatrice des armes légères et de petit calibre ainsi que la course aux armements. A cet égard, une nécessité sans cesse croissante de mettre au point et d'appliquer effectivement des programmes concrets de désarmement se fait sentir avec accuité. Nous nous félicitons de l'adoption du programme d'action en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects, lors de la conférence des Nations Unies tenue du 9 au 20 juillet dernier ici même â New York.

Notre souhait le plus cher est que ce programme puisse connaître une application effective pour soulager la souffrance des populations dans les régions où ce genre d'armes ne cessent de causer la mort des milliers d'innocents. De plus, le Gouvernement du Burundi reste attaché à l'objectif de l'élimination totale des armes de destruction massive, qu'elles soient nucléaires, chimiques ou biologiques.
 

Monsieur le Président,

Faire prévaloir la paix et la sécurité, c'est aussi adopter une stratégie opérationnelle de prévention des conflits afin d'avoir une compréhension approfondie des motifs et de la dynamique de l'affrontement en vue de guérir le mal par sa racine. C'est également s'attaquer résolument aux causes d'ordre structurel qui poussent aux révoltes humaines. Ces causes ont pour nom l'ignorance, la misère, la maladie, l'extrême pauvreté, le sous-développement et ses corollaires, les inégalités dans la distribution des richesses.

Il y a un enchaînement direct entre les actes désespérés et le fanatisme entretenu sur fond des frustrations et des humiliations. Aussi, le déséquilibre entre le Nord et le Sud n'est pas de nature à favoriser un équilibre harmonieux. En effet, selon les statistiques disponibles, plus du tiers de l'humanité vit dans une pauvreté absolue. Ce qui risque de s'aggraver si les pays riches continuent à ne pas assumer leurs responsabilités en matière d'aide au développement.
 

Monsieur le Président,

De part ses effets induits, l'amélioration des conditions de vie des populations contribue à la réduction d'autres faits anachroniques résultant de la pauvreté, comme le travail des enfants prohibé par les conventions de l'Organisation Internationale du travail et la propagation de la pandémie du VIH / SIDA.

Selon la Déclaration d'engagement sur le VIH/SIDA issue de la Session Extraordinaire de l'Assemblée Générale des Nations Unies tenue du 25 au 27 juin 2001, "la pauvreté, le sous?développement et l'analphabétisme figurent parmi les principaux facteurs contribuant à la propagation du VIH/SIDA qui aggrave a son tour la pauvreté et entrave ou enraye le développement dans un grand nombre de pays."

Ma délégation garde l'espoir que la Conférence Internationale pour le financement du Développement prévue en Mars 2002 au Mexique adoptera des stratégies visant la réduction de ces inégalités entre les pays et à l'intérieur de ceux-ci. Elle attend de cette conférence la définition des objectifs stratégiques en termes de cohérence des politiques d'intégration des pays en développement dans l'économie mondiale quels que soient leurs niveaux de développement.
 

Monsieur le Président,

S'agissant de la mondialisation, nombreux sont ceux qui en récusent les effets pervers comme en témoignent des lieux d'affrontement comme Seattle et Gênes. Dans ce contexte, le devoir qui nous incombe est de faire en sorte que la mondialisation devienne une force positive pour l'humanité tout entière et dans l'intérêt de tous.

Une autre question qui préoccupe ma délégation reste celle de la dignité humaine qui ne peut se concevoir en l'absence du respect des droits de l'homme dont le droit à l'auto-détermination.

Pour ce faire, la délégation du Burundi garde l'espoir que la 2ème décennie internationale de l'élimination du Colonialisme pour la période 2001-2010 proclamée par cette auguste Assemblée par sa résolution 55/146 du 8 décembre 2000, concourira à l'éradication de ses derniers bastions.
 

Monsieur le Président,

L'on ne saurait parler de concorde internationale sans évoquer le droit à la justice, une justice saine et équitable dans le réglement des différends. A ce sujet, ma délégation voudrait encore une fois réitérer l'importance que le Gouvernement du Burundi attache à la Cour Internationale de justice dont les préparatifs préliminaires de ratification sont en cours.

De fait, ma délégation partage la même conviction avec le Secrétaire Général de notre organisation, Monsieur Kofi Annan, lorsqu'il affirme qu'il faut édifier un monde où règnent l'ordre et la justice par le respect de la primauté du droit dans les relations internationales.
 

Monsieur le Président,

Les défis auxquels la communauté internationale est confrontée sont multiples et multiformes. L'efficacité de notre organisation sera jugée à travers sa capacité de maintenir la cohésion et de promouvoir le développement intégral de l'homme en vue de façonner un monde épanoui, épris de liberté, de fraternité et d'égalité. Et nous sommes tous appelés à oeuvrer pour cette noble cause.
 

Je vous remercie.