LUXEMBOURG
 
Allocution de

S.E. Mme Lydie Polfer
vice-premier ministre
Ministre des Affaires Etrangères et du Commerce Extérieur
du Grand-Duché de Luxembourg

devant la 56eme session ordinaire de l'Assemblée Générale des Nations Unies

New York, le lundi 12 novembre 2001

Seul le discours prononcé fait foi

 
Monsieur le Président
Monsieur le Secrétaire Général
Excellences
Mesdames et Messieurs les Délégués

Mes félicitations s'adressent en tout premier lieu à notre nouveau Président, Monsieur HAN Seung-soo.

Je suis convaincue qu'avec la coopération des Etats membres, il saura guider cette Assemblée de sorte qu'elle apporte des réponses ambitieuses et efficaces aux défis qui se posent à elle.

Le Président Holkeri a géré l'Assemblée du millénaire avec concision, en exerçant à bon escient de l'autorité présidentielle et un sens de l'humour bienfaisant. Qu'il en soit ici remercié.

Notre Secrétaire Général poursuit avec une énergie inlassable son action en faveur de la paix et de la sécurité internationales. Les Etats membres lui sont reconnaissants de l'imagination et de la sagesse dont il a fait preuve en s'acquittant de ses hautes responsabilités et ont reconduit son mandat. L'opinion publique internationale a voulu le remercier de son exceptionnel engagement en lui décernant, ensemble avec les Nations Unies, le prix Nobel de la Paix. Nos félicitations et nos voeux l'accompagnent dans l'exercice de son difficile mandat à la tête de l'Organisation.

Au cours de cette première session du XXIème siècle, l'Assemblée Générale a entamé ses travaux sous le signe du terrorisme.

Le crime inqualifiable qui a été commis le 11 septembre 2001 contre les Etats-Unis d'Amérique, contre ses citoyens et citoyennes, représente une rupture dans les relations internationales. Ce n'était pas seulement l'Amérique qui était visée à travers l'infâme attaque contre les tours du World Trade Center : c'est notre mode de vie dans une société ouverte, démocratique tolérante et multiculturelle, auquel aspirent la grande majorité des pays et des peuples ici représentés, qui est insupportable aux terroristes. Lorsque des avions civils sont transformés en missiles guidés par un terrorisme aveugle et meurtrier, nous nous sentons tous attaqués.
 
L'on ne saurait parler ici d'un affrontement entre civilisations, d'un combat entre le Nord et le Sud, entre religions : les auteurs haineux des attentats du 11 septembre ont voulu nier par leur acte criminel les valeurs mêmes sur -lesquelles se fonde la -communauté internationale, que nous nous efforçons de construire depuis plus de 50 ans à travers l'Organisation des Nations Unies et son système multilatéral.

La discussion qui s'est ensuivie dans nos opinions publiques montre cependant que nos sociétés ne se connaissent pas encore suffisamment, faute d'une communication adéquate. Or, la méconnaissance entraîne la méfiance, voire l'hostilité, et favorise un frileux repli sur soi. Le dialogue entre civilisations que prône et pratique notre Organisation est donc plus que jamais à l'ordre du jour.
 

Monsieur le Président,

Après avoir exprimé sa compassion envers les victimes innocentes de ces lâches attentats, la communauté internationale doit désormais réagir avec détermination, en s'assurant que les auteurs de ces actes reçoivent un châtiment mérité, et se défendre, de sorte que pareils actes ne puissent se reproduire à l'avenir. Je voudrais saisir l'occasion de réitérer à cette tribune que nous sommes pleinement solidaires des Etats-Unis d'Amérique dans l'exercice légitime de leur droit d'autodéfense.

Le Président en exercice de l'Union européenne, M. Louis Michel, a exposé, voici deux jours, en détail les mesures et initiatives prises par les Quinze en vue de combattre le fléau du terrorisme. Le Luxembourg participe sans réserve à cet effort commun.

Ce ne sera qu'à travers une approche coordonnée et interdisciplinaire que nous saurons lutter contre toutes les formes de terrorisme. Notre réaction devra être à la mesure de la menace, tout en respectant les libertés fondamentales du citoyen, qui se trouvent à la base de notre civilisation.
 

Monsieur le Président,

Il faut dès à présent oeuvrer sous l'égide des Nations Unies en vue de favoriser l'émergence d'un gouvernement stable, légitime et représentatif de l'ensemble de la population afghane. Le gouvernement devra être respectueux des droits de l'homme des Afghans, et développer des relations de bon voisinage avec tous les pays de la région. Dans ce contexte je voudrais saluer en particulier l'action du Représentant Spécial pour l'Afghanistan du Secrétaire Général, Monsieur Brahimi.

Dès que cet objectif aura été atteint, la communauté internationale devra mettre sur pied, dans un effort concerté entre l'ONU, le CICR et d'autres organisations internationales, un programme ambitieux, à la fois politique et humanitaire, pour aider à la reconstruction de l'Afghanistan et à son insertion dans une région stabilisée. Un tel effort impliquera un dialogue politique intensifié avec l'ensemble des pays de la région.

Dans l'immédiat, il s'agit en priorité de venir en aide aux populations civiles à l'intérieur de l'Afghanistan, et aux réfugiés à ses frontières. Mon pays a d'ores et déjà mobilisé plus de 6,9 millions d'E à cette fin, qui s'inscrivent dans un effort global de l'Union européenne s'élevant à plus de 320 millions d'Euros.

Bien qu'il ne soit pas justifié d'établir un lien direct entre les événements du 11 septembre et la situation au Proche Orient, il n'en demeure pas moins que la situation y est des plus préoccupantes.

Nous constatons hélas que la toile tissée à la suite de dix années d'efforts de médiation, qui avait été bien près d'être achevée à Taba, se défait désormais sous nos yeux.

Lors de ma récente visite dans la région, j'ai pu constater combien le processus de paix, qui est bloqué depuis de trop longs mois, souffre de l'absence de perspectives concrètes et de la montée de la méfiance entre les parties.

C'est pourquoi, ensemble avec mes collègues de l'Union européenne, nous multiplions les démarches auprès des parties pour les convaincre que seule une cessation de la violence et la reconnaissance de deux Etats permettra la reprise des négociations qui conduiront à une paix juste et durable dans la région, basée sur l'établissement d'un Etat palestinien et sur le droit d'Israël de vivre en paix et en sécurité.

L'Union européenne est disposée, en coopération avec les Etats-Unis d'Amérique et les Etats arabes de la région, à encadrer le processus et à assister les parties en vue de faciliter leur nécessaire réconciliation.
 

Monsieur le Président,
 
Entre-temps, l'Organisation des Nations Unies poursuit inlassablement son oeuvre en faveur de la paix et de la stabilité internationales. Cette démarche embrasse désormais les paramètres de la prévention des conflits, du maintien de la paix proprement dit, de la consolidation de la paix et de la construction de sociétés stables et démocratiques. Elle intègre les efforts de la communauté internationale en faveur du développement durable. Agir dans la durée et éviter la résurgence des erreurs du passé sont les maître mots.

En 2001, quatre rapports du Secrétaire Général ont balisé la route, portant sur le maintien de la paix, l'action humanitaire, la prévention des conflits et le suivi du Sommet du Millénaire. Ils illustrent la nécessité d'un engagement constant de la communauté internationale dans la prévention et la gestion des conflits.

Toute hésitation, toute manifestation passagère de désintérêt risquent d'encourager les éléments qui entendent défendre à outrance leurs intérêts propres sans avoir égard aux effets qui sont susceptibles d'en découler sur l'environnement national ou international.

L'Europe a été témoin de ces enchaînements dramatiques, notamment dans les Balkans, et elle ne peut qu'en relever, avec humilité, les effets désastreux. Quelques leçons ont pu en être tirées, et pourront porter des fruits, y compris dans d'autres foyers de crise.

Les développements récents dans l'ancienne République yougoslave de Macédoine en fournissent une illustration. La cohésion de l'action médiatrice des pays tiers, la présence parmi les médiateurs de pays aux dimensions très diverses, parfois modestes, mais bénéficiant d'un substantiel bagage d'expérience historique, n'a-t-elle pas renforcé aux yeux des parties la crédibilité du processus de stabilisation et de pacification ? L'action conjointe des Américains et des Européens a apporté une fois encore la démonstration de l'importance fondamentale de la cohésion des politiques menées par ces deux pôles essentiels.

L'OTAN aussi a su être un facteur de paix indispensable dans le contexte régional ; elle a illustré que son existence autant que ses actions consolident grandement la sécurité, la stabilité et le développement en Europe. Il paraît juste de lui en donner acte. Le futur élargissement de l'Alliance ne devrait-il pas être évalué en tenant compte de cette réalité vécue ?
 
Si cette année l'ONU ne s'est pas retrouvée en première ligne dans les Balkans, ses activités ont été intenses dans le domaine du maintien de la paix. Ces opérations appellent deux réactions : d'une part, l'on constate une amélioration sensible dans la qualité de la gestion de ces opérations suite aux conclusions du rapport Brahimi ; ensuite, l'on assiste à un engagement international responsable sur des foyers de crise aussi divers et complexes que le Kosovo ou le Timor oriental, la RDC ou la Sierra Leone.

Les bilans s'avèrent relativement encourageants. Le Kosovo connaîtra bientôt un processus électoral qui aura des conséquences vitales pour l'avenir de la province; l'opération des Nations Unies au Timor oriental peut être vue comme un franc succès de l'action internationale.

Les efforts de restructuration des opérations de maintien de la paix de l'ONU ont été favorisés par un travail approfondi de réflexion au Secrétariat, au Conseil de Sécurité et à l'Assemblée Générale, basés sur un « rapport de suite » d'une remarquable qualité.

La complexité des situations de crise appelle bien sûr à la prudence, même en cas de progrès réels, comme cela est le cas en Sierra Leone. Il sera d'autant plus important de documenter la détermination internationale par des mandats clairs, qui permettront un impact fort. L'intégration des pays contributeurs de troupes à la prise de décision sera essentielle. L'approche de plus en plus intégrée, qui a été choisie, et qui est illustrée par la MINUK et l'ATNUTO, vise à relier, dans une suite logique, les phases de la prévention, du maintien de la paix, et enfin de la consolidation, de la reconstruction et développement.
 

Monsieur le Président,

L'une des tâches urgentes de notre Organisation reste l'assistance immédiate aux populations civiles, victimes de crises aux causes naturelles ou résultant de l'intervention humaine.

Le Luxembourg attache la plus grande attention à cet impératif, et s'efforce d'appuyer les services de l'ONU dans cette tâche physiquement et moralement éprouvante. Assurant depuis l'automne 2000 la coordination informelle à New York entre pays donateurs, notre délégation se félicite du dévouement des fonctionnaires compétents et des responsables, qui se trouvent à la tête de ces organisations. Le Luxembourg vient d'apporter des moyens supplémentaires à différents aspects de l'action humanitaire internationale, par des contributions volontaires, y inclus à travers nos récents accords de coopération avec plusieurs organismes centraux dans ce domaine. Le sort des personnes obligées de se déplacer à l'intérieur de leur pays a été intégré dans cette démarche.

Mon pays est sensible à la nécessité de la protection et de la sécurité du personnel. Il a récemment ratifié la Convention idoine de l'ONU, et soutient son extension à la communauté humanitaire au sens large. Il a aussi contribué au Fonds spécial des Nations Unies, et favorise le développement des moyens de la cellule administrative pour la sécurité du personnel, ainsi que la nomination d'un Secrétaire général adjoint à plein temps pour s'occuper de cette mission. Le Luxembourg a enfin soutenu la création, au sein du Département pour les affaires politiques, d'un point focal pour la consolidation de la paix.

Action humanitaire, prévention, cessez-le-feu et consolidation de la paix n'épuisent pas, loin s'en faut, l'agenda de la communauté internationale.

Le fonctionnement d'une démocratie est un atout majeur dans la marche vers le développement, je l'ai déjà souligné à cette tribune. Il est adéquat de réaffirmer l'importance des efforts nationaux contre la corruption et en faveur du développement ainsi que d'un Etat de droit se basant sur des systèmes judiciaires équitables et performants.
 

Monsieur le Président,

Mon pays se félicite des efforts qui ont eu lieu au sein de l'Organisation des Nations Unies en vue de mettre fin à la culture d'impunité, et de s'assurer que les responsables de crimes contre l'humanité et d'autres atrocités aient à répondre de leurs actes devant une juridiction pénale internationale.

Ainsi, un tribunal spécial pour juger des crimes commis pendant la guerre civile est en voie d'installation en Sierra Leone ; le Luxembourg a apporté une contribution financière à sa constitution. Au Cambodge, une loi établissant un tribunal pour connaître les atrocités et le génocide de la dictature des Khmers rouges est entrée en vigueur, et il s'agira d'évaluer sa compatibilité avec le mémorandum proposé par l'ONU. Les tribunaux de La Haye et d'Arusha ont intensifié leur travail, et pour la première fois un ancien responsable suprême attend son procès en prison! Nous saluons ces développements, comme nous saluons ceux qui nous ont rejoints dans le groupe de pays ayant ratifié le statut de Rome pour la future Cour pénale internationale. Les Luxembourgeois apprécieraient que cette convention entre en vigueur aussi rapidement que possible et qu'elle recueille l'adhésion d'une très large majorité des Etats de notre planète.
 

Monsieur le Président,

En septembre 2000, les chefs d'Etat et de gouvernement étaient réunis à New York. La déclaration du Sommet du Millénaire sert depuis lors de balise à l'action des Nations Unies, mais aussi à celle des Etats au niveau national. Ensemble avec ses partenaires européens, le Luxembourg a affirmé son attachement aux engagements pris. Des instruments de mise en oeuvre ont été lancés; un plan de route défini tenant compte des interdépendances entre dossiers et s'efforçant à intégrer des contraintes locales, nationales, régionales ou globales. Il était essentiel de tracer des lignes d'action claires avant que l'élan ne s'essouffle, et il sera important d'assurer le suivi et la continuité de la démarche. Le système des Nations Unies et les Etats membres sont appelés à assumer leur part en vue d'assurer que notre détermination dans l'action soit à la hauteur de l'ambition de nos paroles.

Deux repères suffiront à illustrer la conscience du gouvernement luxembourgeois de la responsabilité qu'il partage avec vous tous, pour préparer l'avenir des générations à venir. L'aide publique au développement du Luxembourg atteint désormais 0,71 % du RNB, et le gouvernement a décidé de la porter à 1% d'ici 2005. D'autre part, j'ai présenté à la Chambre des Députés luxembourgeoise le projet d'une première candidature du Luxembourg à un siège non permanent au Conseil de sécurité en 2013-2014.

Je vous remercie de votre attention.