ALBANIA

Discours de

S. E. M. Rexhep Meidani
Président de la République d'Albanie

56e Session de l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies

New York, le 12 novembre 2001

Sous réserve de modifications

 

Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire général,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi d'exprimer mes meilleurs voeux à M. Han Seung-soo, ministre des Affaires étrangères et du Commerce de la République de Corée, pour son élection au poste du Président de la 56e Session de l'Assemblée générale des Nations unies, ainsi que de féliciter m. Hari Holkeri pour avoir dirigé avec compétence les travaux de la session dernière. Je saisis cette occasion également pour renouveler au Secrétaire général, M. Kofi Annan et, par son intermédiaire, à toute notre Organisation, les meilleures félicitations de ma part et au nom du peuple albanais pour le Prix Nobel de la Paix qui leur a été accordé récemment.
 

Monsieur le Président,

La Session de cette année porte sur ses épaules le poids de la douleur pour les victimes innocentes faites voici deux mois par les actes macabres de terrorisme aux Etats-Unis d'Amérique. Au nom du Gouvernement et du peuple albanais, j'exprime toute notre indignation et notre dénonciation sévère et catégorique de ces actes qui n'ont pas visé un seul pays, mais qui ont porté gravement atteinte aux valeurs de la démocratie, de la liberté et de toute la civilisation mondiale. J'exprime en même temps la plus profonde sympathie au peuple américain et à toutes les familles qui ont perdu leurs personnes chères dans ces événements tragiques.

De nos jours, le terrorisme international devient un des plus grands défis pour le monde dans lequel nous vivons. Il est impératif que la communauté internationale traite ce phénomène avec le plus grand sérieux, car les conséquences dont il est gros sont néfastes sur plusieurs plans et dans des proportions catastrophiques. Le terrorisme bouleverse la vie de l'individu et entraîne l'insécurité du lendemain, mais il met gravement en péril la coexistence entre les peuples, la paix, la stabilité politique, économique et sociale dans le monde entier.

L'Etat albanais considère que les actions militaires de la coalition antiterroriste conduite par les Etats-Unis et la Grande Bretagne contre le régime des Taliban en Afghanistan et le groupe terroriste AI Qaeda dirigée par Ben Laden sont justes et entière conformité avec le Chapitre 7 de la Charte des Nations unies et les résolutions du Conseil de Sécurité. Compte tenu de ce fait et en tant que pays qui défend les valeurs de la liberté et de la démocratie, l'Albanie a dès le début exprimé sa détermination à faire partie de cette coalition.
 

Mesdames et Messieurs,

L'action internationale commencée contre le terrorisme ne doit pas être interprétée comme une collision entre des civilisations. Au contraire, nous la considérons comme une opposition du bien contre le mal, des valeurs de l'humanisme et de la paix contre l'obscurantisme et les antivaleurs. Nous sommes conscients que cette lutte sera acharnée, difficile, de longue haleine et antisymétrique, car le terrorisme n'a pas de visage, il n'a pas de patrie, il ignore toute morale. La seule façon de gagner cette guerre est que tous nos pays unissent leurs forces dans un front commun, qu'ils prennent des mesures de prévention de plus en plus draconiennes au niveau national et qu'ils décuplent de formes et de moyens de coopération sur le plan bilatéral et multilatéral pour barrer la voie à tout individu ou groupe terroriste qui met en cause la paix et la stabilité globale. De son côté, l'ONU avec ses mécanismes peut et doit faire davantage dans le sens de la coordination de ces efforts.

L'Etat albanais salue les mesures prises par l'ONU en réponse aux actes de terrorisme. II soutient avec force la Résolution 1373 du Conseil de Sécurité et appelle à tous les pays membres de l'ONU à s'acquitter de toutes les obligations qui en découlent. Nous soutenons également les efforts actuels visant à compléter le cadre légal de l'ONU sur la coordination et les efforts de la communauté internationale de combattre le terrorisme. Pour sa part, l'Albanie est déjà partie à huit conventions internationales importantes sur la lutte contre le terrorisme et elle va encore adhérer prochainement à six autres conventions.
 

Monsieur le Président,

Le programme de quatre ans du nouveau gouvernement albanais s'est fixé des objectifs clairs et réalistes visant à faire sortir définitivement le pays de la longue transition et à l'engager dans la voie du développement économique stable, de la consolidation des institutions démocratiques et de l'ordre légal, ainsi que de l'intégration dans la famille européenne. Grâce à des mesures constantes, l'Albanie s'est déjà transformée en un milieu favorable à l'encouragement de la libre initiative des individus albanais, mais aussi à l'absorption des investissements étrangers. La privatisation des secteurs importants de l'économie et la consolidation du secteur privé, l'augmentation du nombre des postes d'emploi, la croissance de l'efficacité du système fiscal, le développement du système bancaire et la bonne gestion des revenus seront à la base des politiques de développement qui seront suivies par le Gouvernement albanais durant les quatre années à venir.

D'autre part, les institutions albanaises continueront à avoir au centre de l'attention de leur activité la lutte contre le terrorisme, les crime organisé, les trafics illégaux et la corruption. Etant un carrefour stratégique entre l'Europe de l'Est et de l'Ouest, l'Albanie est convoitée par les éléments du monde du crime organisé qui s'emploient à l'exploiter comme un pays de transit pour les trafics illégaux des drogues, des hommes et des armes. Or, l'engagement responsable des autorités de l'Etat dans une lutte sans compromis contre ces phénomènes, ainsi que leur coopération avec d'autres pays de la région ou plus lointains ont fait en sorte que les tentatives des éléments criminels soient tenues en échec dans la plupart des cas.
 

Monsieur le Président,

L'Albanie estime que toute une mosaïque de démocraties en voie de développement est déjà en train de prendre forme dans les Balkans, bien qu'avec des difficultés. Laissant derrière leur passé amer et plutôt que de chercher leurs différences, tous les pays de notre région s'efforcent de trouver les éléments qui les unissent et qui sont les aspirations vers la stabilité, la paix et la prospérité. Considérant la stabilité intérieure politique et économique comme indissociable de la stabilité régionale, l'Albanie s'est engagée à appliquer une politique régionale de bon voisinage envers tous les pays des Balkans et elle a donné des preuves concrètes de cette volonté. Une expression éloquente de cette politique a été le rétablissement des rapports diplomatiques avec le gouvernement de Belgrade, au début de cette année. Cet acte a été une suite logique du début de développements démocratiques qui se sont produits en République de Serbie et qui ont amené au résultat tant attendu par toute l'opinion internationale, à la chute du régime de Milosevic et à la remise de ce dernier au Tribunal de La Haye. Cependant le même sort doit être réservé aussi aux autres criminels, aux exécuteurs de la politique du génocide et de l'épuration ethnique, qu'il avait projetée.

Au nom de la paix et de la stabilité dans la région, mais aussi du bon voisinage, l'Etat albanais a adopté des attitudes réalistes même par rapport à la crise la plus récente dans l'ancienne République yougoslave de Macédoine et ses prises de position ont été hautement appréciées par la communauté internationale. Nous avons dénoncé de manière catégorique la violence extrême qui s'est déclenchée dans ce pays non seulement parce que nous soutenons l'intégrité et la souveraineté de notre voisin à l'Est, mais aussi parce que nous croyons que le dialogue politique est et doit être l'unique moyen pour résoudre les problèmes dans une société multiethnique. Le Gouvernement albanais a salué la conclusion de l'Accord cadre d'Ochrid entre les autorités macédoniennes et le facteur politique albanais et il espère le voir mettre prochainement en application de manière intégrale, car cela servirait à la paix et à la stabilité en Macédoine et dans la région. Nous saluons en même temps chaleureusement le rôle irremplaçable et les efforts des médiateurs internationaux qui ont conduit à la signature de cet accord, ainsi que l'engagement de l'OTAN et de l'OSCE pour sa garantie sur le terrain. Le Gouvernement et le peuple albanais souhaitent que l'Accord d'Ochrid soit ratifié au plus vite et en bloc par le Parlement macédonien, car cela garantira aux Albanais de ce pays le statut qui leur revient de droit en tant que citoyens égaux d'un Etat qui ne fait pas de différenciations à cause de l'appartenance ethnique.

L'Etat albanais a établi de bonnes relations de coopération même avec la Kosove, en appréciant hautement les développements positifs qui y ont été enregistrés. La MINUK et personnellement Monsieur Haekerupp ont effectué des pas importants en vue de compléter le cadre légal en Kosove et d'organiser le processus des élections générales qui seront tenues le 17 novembre 2001. Ce scrutin marquera une page importante dans l'histoire de la Kosove et de la région, car c'est pour la première fois dans son histoire que le peuple de la Kosove pourra élire de manière libre et démocratique les organes de gouvernement démocratique qui vont. assumer l'avenir de la Kosove. Nous exprimons notre désir sincère que la minorité serbe et les autres minorités qui vivent en Kosove participent à ces élections, car nous les considérons comme une partie intégrante de la société kosovare.

Sans vouloir m'arrêter longuement sur les nombreux problèmes que traverse la Kosove, je voudrais faire appel au facteur international à apporter une solution à la question de Mitrovica divisée. Les pratiques qui consistent à éviter les conflits interethniques en Kosove par le biais de compromis de compensations territoriales et qui reposent sur les idées du morcellement de son territoire, ainsi que la création d'institutions parallèles, sont néfastes et condamnables qui n'apportent rien de bon à la Kosove, sinon une nouvelle poussée de la haine interethnique nourrie par le régime de Milosevic. La communauté internationale et les facteurs politiques en Kosove doivent mettre tout en oeuvre et décupler leurs efforts pour édifier une société ouverte qui respecte la diversité ethnique, religieuse et culturelle.
 

Monsieur le Président,

L'Albanie a bâti ses bons rapports de coopération avec les pays de la région non seulement sur le plan bilatéral, mais aussi sur celui multilatéral. Elle s'est efforcée de jouer son rôle en fonction de la paix et de la stabilité dans la région des Balkans même dans le cadre du Processus de Coopération de l'Europe du Sud-Est, où nous assurons la présidence du tour. Dans le cadre de cette initiative, l'Albanie jouera un rôle encore plus actif pour coordonner les efforts des pays membres en vue de renforcer la coopération multilatérale dans tous les domaines et de surmonter les crises et des problèmes de la région.

Le Gouvernement albanais continuera son engagement dans ce sens au cours des quatre années à venir même dans le cadre des autres initiatives régionales, où une place particulière sera occupée par son engagement à réaliser les projets communs d'infrastructures dans le cadre du Pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est.
 

Mesdames et Messieurs,

Tout comme les autres pays de l'Europe du Sud-Est, l'Albanie a embrassé avec élan le processus d'intégration dans les structures euroatlantiques, ayant comme objectif stratégique et priorité principale son adhésion à l'Union européenne. Non seulement pour l'Albanie, mais pour l'ensemble des pays d'Europe du Sud-Est, l'Union européenne représente une vision qui incarne la liberté, la prospérité, la démocratie et la sécurité. Nous considérons le processus d'intégration à ces structures comme la seule voie vers la rupture avec le passé pas très lointain des conflits, de la haine interethnique, de l'instabilité et du retard économique, comme la seule voie que l'Albanie doit suivre pour occuper la place qui lui revient dans la famille européenne.

Le Gouvernement albanais a salué la décision du Sommet de Goteborg en juin dernier pour l'ouverture prochaine des négociations en vue de la signature de l'Accord de Stabilisation et d'Association. L'objectif du Gouvernement albanais est que ces négociations soient conclues le plus vite possible et que l'Accord de Stabilisation et d'Association soit signé dans l'espace de l'année prochaine. Nous sommes conscients que ce pas exige une coordination et une coopération de toutes les structures de gouvernement, dans l'objectif de remplir les paramètres politiques, économiques et sociaux qui découlent de ce processus. Nous sommes persuadés que l'intégration commence tout d'abord dans le pays, dans le sens qu'il nous faudra ceuvrer davantage pour atteindre les résultats requis par l'Union européenne dans tous les domaines, notamment dans ceux qui exigent un plus grand progrès dans la voie des réformes et principalement en direction du raffermissement de l'ordre légal, de l'adaptation de la législation locale aux acquis communautaires, de l'entreprise de politiques efficaces macro- et micro-économiques, de la lutte contre la corruption, les traffics illégaux et la criminalité de tout genre, de l'accroissement de l'efficacité de l'administration publique, etc.

L'adhésion de l'Albanie à l'OTAN est un autre objectif stratégique de notre pays. Grâce aux rapports très étroits avec l'Alliance euro-atlantique au cours de ces dernières années, l'Albanie se range parmi les neuf pays qualifiés par l'Alliance comme des candidats potentiels à l'adhésion à l'OTAN. Tenant compte du fait que les plus grands dangers viennent des longues transitions difficiles et des conflits interethniques internes, l'Etat albanais est persuadé du rôle important que l'OTAN a joué et devra jouer dans la région des Balkans, où la conception "Human Security" doit être considérée sous un nouvel aspect.
 

Monsieur le Président,

Aujourd'hui l'humanité est confrontée à des défis nouveaux et anciens. Les conflits entre Etats et interethniques, le terrorisme et le crime organisé, le niveau encore élevé de la pauvreté et le grand fossé qui existe entre les pays pauvres et les pays riches, les calamités naturelles et le tarissement des ressources énergétiques, les maladies comme le VIH/SIDA et les maladies épidémiques sont des questions placées depuis longtemps au centre de l'attention de la communauté internationale. Les développements actuels dans le monde ont démontré plus que jamais l'importance vitale et le rôle irremplaçable joué par l'Organisation des Nations unies pour instaurer la paix et la sécurité et pour encourager le développement partout dans le monde. Le Sommet du Millénaire a montré une nouvelle fois qu'il est indispensable que chaque pays membre de notre Organisation s'engage constamment et contribue à résoudre les conflits et les tensions au niveau régional et international, ainsi qu'à faire face à des défis comme la globalisation, la pauvreté, le VIH/SIDA, la drogue et la garantie d'un développement stable.

En plus de ces défis, l'ONU doit faire face encore à tous les problèmes liés à sa réformation. Elle doit gérer encore mieux les revenus afin qu'ils soient acheminés le plus possible en faveur des opérations de maintien de la paix et des projets de développement pour tous les pays pauvres, en transition ou en voie de développement. L'ONU doit devenir pour ses membres une organisation aussi représentative que possible. Et, dernièrement, l'ONU doit trouver et mettre en oeuvre sans aucune réserve des mécanismes non pas bureaucratiques, mais aussi efficaces que possible, pour rendre son activité plus tangible et fructueuse et sa voix plus autoritaire dans tous les coins du globe.

Je vous remercie.