MADAGASCAR

Discours de

S. E. Mme Lila Ratsifandriamanana,
Ministre des Affaires Etrangères

56ème session de l'Assemblée Générale des Nations Unies

New York,
le 11 novembre 2001

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Monsieur le Président,

Vive est notre émotion, en ce jour, en retrouvant New York, sous un ciel endeuillé mais toujours illuminé par l’aura de la liberté! New York, capitale de la diplomatie internationale, carrefour des cultures et civilisations, cité cosmopolite où habitent les nations... New York, dont le coeur gardera à jamais le souvenir des victimes de la folie humaine du 11 septembre 2001...

A vous, peuple et gouvernement des États-Unis sous la conduite avertie de S.E.M. le Président Georges W. Bush, nous réitérons nos condoléances attristées.

Nos remerciements déférents vous sont également adressés pour l’accueil et les facilités mises à notre disposition.
 

Monsieur le Président,

Au nom de la délégation de Madagascar, à cette tribune des Nations Unies,

A vous, Monsieur Hang Seung-soo, sont adressées mes sincères félicitations pour votre élection à la présidence de cette 56ème Assemblée générale. A votre prédécesseur Monsieur Harri Holkeri, légitime hommage est rendu pour le succès enregistré au terme de l’Assemblée du millénaire.

A vous, Monsieur Kofi Annan, Secrétaire général de notre Organisation, nous faisons part de notre fierté pour la haute distinction dont vous venez d’être gratifié. Le Prix Nobel de la Paix, à vous attribué, est à la fois la reconnaissance de votre indéniable compétence et dévouement mais aussi l’expression du mérite de l’ONU et la confiance du monde entier à son égard.
 

Monsieur le Président,

Notre Organisation est chaque jour confrontée à de nouvelles préoccupations. Elle est amenée à suivre le rythme des mutations internationales pour mieux assumer sa mission de régulateur des relations inter-étatiques, de facilitateur des négociations et de catalyseur du développement. L’ONU demeure l’organe suprême de décision et le principal garant de la paix et de la sécurité mondiale.

Madagascar est en faveur d’une réforme en profondeur, assortie d’un allègement de la structure institutionnelle pour une meilleure performance. Madagascar reste toutefois persuadée et confiante que notre Organisation demeure une plate-forme privilégiée d’échange et de concertation.

Tisser ensemble un climat de paix et de concorde mondiale, lutter solidairement contre la pauvreté, la pandémie du SIDA, les crimes transnationaux, la dégradation de l’environnement... Construire en commun un avenir meilleur pour la génération future, pour nos enfants, les décideurs de demain... Telles ont été les attentes exprimées au Sommet du millénaire en ce lieu même.

Un millénaire ambitieux, vu ses perspectives et programmes d’actions tracés jusqu’en 2015, un millénaire de combinaison de défis car des objectifs restent à atteindre et un long chemin à parcourir. Et c’est surtout un millénaire de bilan et de relance puisque la situation du développement humain et économique nous interpelle par dessus ses attentes et ses contraintes.
 

Monsieur le Président,

Un monde de bien-être, nos enfants surtout en ont besoin aujourd’hui comme demain! L’attachement de mon pays et de mon peuple à toutes les questions relatives aux enfants, se traduit par notre engagement effectif aux conventions internationales. Madagascar a ratifié le 16 juillet 2001 la Convention 182 du BIT relative à l’élimination des pires formes de travail des enfants. La Convention relative à l’adoption internationale des enfants est actuellement soumise à l’examen de notre Parlement. La mise en oeuvre de la loi de 1999 sur la pédophilie complète le protocole que nous avons signé le 7 septembre 2000 et portant sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

Nous accueillons avec enthousiasme la décision de tenir en mai 2002 le Sommet sur l’avenir des enfants. En vue de notre participation, un parlement national des enfants vient justement d’être mis en place dès cette année.

La famille doit rester le noyau fondamental de la société, la base de la nation, une source de dignité humaine, la garante d’un développement social stable. En conséquence, elle demande à être sauvegardée au même titre que les valeurs y associées.

Madagascar, une île de l’Océan Indien, jusqu’ici peu envahie par la pandémie du SIDA, ne reste pas pour autant indifférente à ce fléau. Une stratégie et un programme de prévention et de lutte contre le SIDA associée à la mise en place d’un cadre institutionnel, mobilise toutes les institutions étatiques et non-étatiques. Ayant pris une part active à la session extraordinaire des Nations Unies sur le SIDA en juin 2001, Madagascar souscrit pleinement aux résolutions issues de ces assises. L’Afrique étant un sanctuaire de plantes médicinales, toutes recherches y afférentes gagnent à être appuyées de manière conséquente.
 

Monsieur le Président,

L’Afrique s’engage résolument, et en toute conscience de sa responsabilité, à prendre en mains sa destinée. Des indicateurs positifs de développement s’annoncent et sont appréciés. L’intégration continentale est en cours au sein d’une Union Africaine effective.

Des mécanismes régionaux de gestion et de prévention des conflits africains sont déjà opérationnels. La “Nouvelle Initiative Africaine” intégrant les programmes de développement à long terme de notre continent, a bénéficié du soutien de la communauté internationale.

Néanmoins, dans le contexte de la mondialisation, les règles de jeu économiques et commerciales ne vont pas toujours en faveur des pays en développement. Nous déplorons l’écart grandissant entre les économies des pays du Sud et celles des pays du Nord. L’OMC, dont la réunion se tient en ce moment au Qatar, devra inciter les pays avancés à accorder plus de préférences commerciales au bénéfice des pays en développement. Étant donné l’impact négatif d’une éventuelle libéralisation totale du commerce, l’économie des PMA demande à être prise en considération par la communauté internationale, du fait que tous nouveaux contrats multilatéraux engendrent des obligations contraignantes.

L’intégration au sein des marchés régionaux permettra certes à nos pays de s’adapter progressivement aux exigences et contraintes du marché mondial tout en favorisant les échanges intra-régionaux et sud-sud. Il est attendu de la coopération régionale un transfert concret de la technologie et du savoir-faire ainsi que l’harmonisation des normes.

L’économie de Madagascar a suivi la dynamique de la croissance grâce aux efforts nationaux engagés et à un partenariat entreprenant. Madagascar a adhéré depuis le 31 octodbre 2001 à la zone de libre échange du COMESA. Nous avons bénéficié de l’Initiative des Pays Pauvres Très Endettés (IPPTE) ainsi que du rééchelonnement ou de l’effacement de ses dettes par plusieurs de ses créanciers. Nous sommes signataire de l’Accord de Cotonou de juillet 2001 et bénéficiaire de l’African Growth Opportunity Act (AGOA). Tout ceci témoigne de la confiance de la communauté internationale envers notre pays.

Solidaire, cependant, avec tous les pays à faible revenu, nous estimons urgente la révision de la politique internationale en matière d’aides publiques au développement. Nous saluons la tenue à Bruxelles en avril dernier de la 3ème Conférence des Nations Unies sur les Pays les Moins Avancés. L’heure est aux actions concrètes pour que l’objectif “réduire de moitié la pauvreté d’ici 2015" devienne une réalité.
 

Monsieur le Président,

Madagascar a toujours été attentive et préoccupée par les situations de conflits internationaux, plus particulièrement ceux qui touchent le continent africain et la région Océan Indien.

Dans le cadre de l’Organisation de l’Unité Africaine et de l’Organisation Internationale de la Francophonie, nous avons accompagné les Comores dans leur processus de réconciliation nationale et leur retour à la normalité constitutionnelle. Nous saluons le projet de constitution élaboré par la commission tripartite incluant les différentes tendances et factions des trois îles réunies, ainsi que la décision de tenir le référendum en décembre prochain.

Il va sans dire que le conflit israélo-palestinien accapare toute notre attention. Nous estimons impérative la convocation d’une session spéciale sur la question par les Nations Unies ainsi que le déploiement d’une force internationale pour protéger les victimes innocentes. Nous soutenons le peuple palestinien dans sa lutte pour son indépendance et sa souveraineté. Nous saluons, par ailleurs, la poursuite des négociations de Paix entre le gouvernement d’Israël et l’Organisation de Libération de la Palestine. Le principe de la “terre contre la paix” doit être respecté, et ce en application des résolutions pertinentes de l’Assemblée générale des Nations Unies et du Conseil de sécurité.

L’Afghanistan, antre de misère et foyer de tensions, est devenu depuis peu un chantier de guerre. Si la lutte contre le terrorisme est légitime et engage toutes les nations membres de notre Organisation, le soutien aux réfugiés et civils victimes de la guerre est un devoir qui nous interpelle tous. Il est plus que temps d’envisager une solution diplomatique à cette situation de conflit incessant. Il est encore temps d’arrêter le choc des armes. Des démarches humanitaires deviennent alors impératives.
 

Monsieur le Président,

Madagascar réitère son engagement aux efforts de désarmement - “élément essentiel de la stratégie de l’ONU pour la paix et la sécurité”- conformément au dernier rapport du Secrétaire général de notre Organisation.

Ma délégation salue la tenue en juillet 2001 de la Conférence des Nations Unies sur le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects. Nous souscrivons au premier Programme d’action mondial adopté.

Mon pays réaffirme l’urgence de la mise en application des Conventions de l’ONU condamnant la production, la prolifération et les ventes illicites des armes. Madagascar est partie prenante à plusieurs traités multilatéraux en matière de désarmement. Le Traité de Pelindaba faisant de l’Afrique une zone exempte d’armes nucléaires, vient justement d’être ratifié par notre Parlement.
 

Monsieur le Président,

Nos retrouvailles, en ces lieux, en grande famille des Nations Unies, nous rappellent que nous sommes des “rescapés” et que l’épée de Damoclès du terrorisme, dangereusement suspendue au dessus de nos têtes, n’attend que son heure fatale pour de nouveau perpétrer son odieux carnage.

Le fait d’être encore épargné, nous appelle à nous mobiliser pour orchestrer une lutte solidaire et sans merci contre le terrorisme.

Madagascar, mon pays et son peuple, toutes appartenances culturelles, religieuses et ethniques confondues, réitérons notre condamnation de la barbarie terroriste s’étant acharnée sur une nation soeur, sur des victimes de toutes les nationalités ayant péri dans les attaques du 11 septembre 2001.

Le terrorisme, c’est la négation même de tout ce que nous, responsables de diverses Nations et d’Institutions ici réunis, entreprenons pour faire de ce monde un Univers de droit, d’humanité, et de paix durable.

Nous nous félicitons de l’adoption de la résolution 1373 du 28 septembre 2001 du Conseil de sécurité ainsi que la tenue en octobre 2001 de la session sur les mesures visant à éliminer le terrorisme international dans le cadre de cette 56ème Assemblée générale.

Madagascar s’est déjà engagée dans le processus de ratification des douze conventions contre le terrorisme. La signature de la Convention internationale pour la répression du terrorisme a été faite le 1er octobre dernier. De même, nous procéderons incessamment à la signature du Protocole contre la fabrication et le trafic illicite des armes à feu. Nous soutenons la proposition par l’Inde d’une convention générale qui s’inspire de celles déjà existantes. L’accent sera mis sur des mesures concrètes que les pays membres seront à même d’appliquer.

La coopération internationale en matière d’investigations policière et judiciaire doit être consolidée. Elle tiendra compte des échanges de renseignements sur les grands trafics. Elle nécessitera l’harmonisation des législations, l’instauration de structures opérationnelles multilatérales de prévention et de répression des crimes transnationaux.

La menace du bioterrorisme crée ces derniers temps une psychose qui s’étend au monde entier, provoquant une frayeur collective. Ce qui contraint la communauté internationale à concevoir et à mettre en place de toute urgence, un rempart efficace contre ce danger. La Convention sur les armes biologiques et à toxine est actuellement en cours de ratification par le Parlement de Madagascar. Nous souscrivons aux résolutions issues de la 31ème Conférence générale de l’UNESCO et relatives à la bioéthique.

Comme les expériences passées l’ont prouvée, la réalisation de nouvelles opérations dépend de la disponibilité d’un Fonds pérenne. Il est plus qu’urgent de mettre en place un “Fonds mondial de lutte contre le terrorisme” institutionnalisé et aligné au même titre que les autres Fonds des Nations Unies.

Il est maintenant impératif de se pencher sur des réflexions approfondies et continues. Lutter contre le terrorisme c’est aussi circonscrire et comprendre les causes de ce fléau. C’est aussi éradiquer le mal dès sa racine. Ce qui nous oblige à démanteler ses ramifications, à tarir toutes ses sources d’appui. Ce qui nous mobilise à anéantir ses multiples laboratoires et bases arrière de logistique, de financement, d’acquisition d’armements, de collecte de fonds, de prosélytisme.

En vertu de cette conviction, nous nous félicitons de l’adoption par notre Organisation du Programme d’action pour le dialogue entre les civilisations.
 

Monsieur le Président,

Conformément à la résolution des Nations Unies de faire de l’année 2001 une année internationale consacrée au dialogue entre les civilisations, Madagascar a organisé, en octobre dernier, un atelier qui a vu la participation de tous les acteurs du développement de la nation. Il s’est dégagé des discussions, que les cultures traditionnelles pourraient servir de répertoire de référence pour les Nations modernes afin de concevoir un système de comportement pour la paix. La prévention des actes terroristes pourrait être complétée par des programmes d’éducation, de formation et d’information à la culture de la paix.

Nous avons proposé, au niveau national, l’établissement d’un pacte de non agression entre les institutions religieuses du pays, afin d’anticiper les risques fâcheux de guerres de religion ou de conflits de tendance. Cette initiative mérite d’être transposée à une échelle plus vaste en vue de garantir un climat de confiance et de sérénité. Nous devons avoir le courage de dénoncer les débordements de fanatisme et d’extrémisme religieux portant atteinte à nos valeurs partagées.
 

Monsieur le Président,

La place est maintenant au dialogue, et il n’est pas tard de prendre conscience de sa valeur. Dialoguer, ce n’est ni tolérer les méfaits effectués, ni se mettre en complicité avec les criminels qu’il faut punir. Dialoguer, c’est surtout surpasser le terrorisme à travers une vision nouvelle de l’ennemi.

La place est maintenant à l’écoute réciproque, elle doit se faire dans le respect mutuel, dans un climat de compréhension orienté vers la considération de l’autre.

La place est maintenant au partage de responsabilités, à la concertation continue pour l’instauration d’un univers de confiance.

Je vous remercie.