Côte d'Ivoire

ALLOCUTION DE

S.E.M. ABOU DRAHAMANE SANGARE
MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES

A L'OCCASION DE LA CINQUANTE-SIXIEME SESSION
DE L'ASSEMBLEE GENERALE DE L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES

New York, le 11 novembre 2001

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Monsieur le Président,

L'ouverture des travaux de cette 56ème session de l'Assemblée Générale a coïncidé avec des événements tragiques pour le monde entier et pour le pays hôte.

Au nom du gouvernement et du peuple de Côte d'Ivoire, permettez-moi de saisir l'occasion que m'offre cette haute tribune pour, une fois encore, adresser au gouvernement et au peuple américains, de même qu'à tous les pays directement affectés par cette tragédie, l'expression de nos très sincères condoléances et de notre sympathie.
 

Monsieur le Président,

La délégation de la Côte d'Ivoire est heureuse de vous adresser ses cordiales félicitations à l'occasion de votre brillante élection comme Président de la cinquantesixième session de l'Assemblée génârale. Nos félicitations vont également à votre prédécesseur, Son Excellence Hari HOLKERI, qui a dirigé avec compétence les travaux de la 55eme session.
 

Monsieur le Président,

Notre Organisation et son Secrétaire général viennent d'être honorés du prestigieux prix Nobel de la paix. Le gouvernement et le peuple ivoiriens saluent à sa juste valeur cette reconnaissance internationale de l'importance et de la qualité du travail qu'effectue l'Organisation sous la conduite du Secrétaire Général.

A Monsieur KOFI ANNAN, ma délégation adresse ses très chaleureuses et fraternelles félicitations pour sa brillante et historique réélection et pour la tâche hautement appréciée qu'il abat à la tête de l'Organisation des Nations Unies. La consécration qu'il vient de recevoir est l'illustration de l'appréciation universelle de ses grandes qualités de diplomate et d'homme d'Etat qu'il a su si bien mettre au service de la paix et du développement.

En organisant le sommet du millénaire et en s'investissant personnellement dans la réalisation de la session spéciale sur le VIH/SIDA, de même que dans la session spéciale consacrée aux enfants, le Secrétaire général a remis à l'ordre du jour les préoccupations des pays en développement, en général et de la Côte d'Ivoire, en particulier. Il est en effet essentiel de sensibiliser la communauté internationale sur les questions liées à la lutte contre la pauvreté, à la lutte pour une meilleure protection des droits de la femme et de l'enfant, pour ne mentionner que ces deux dossiers. La Côte d'Ivoire lui en sait gré.
Enfin, le Gouvernement et le peuple de Côte d'Ivoire aimeraient exprimer leur gratitude au Secrétaire général, Monsieur KOFI ANNAN, pour la grande compréhension et l'appui qu'il ne cesse d'apporter à la Côte d'Ivoire tout au long des heures difficiles que traverse ce pays depuis la fin de l'année 1999. II vient de le démontrer une fois encore en envoyant un représentant personnel au Forum de réconciliation nationale en cours.

Le Gouvernement, le peuple ivoiriens et la communauté internationale placent un immense espoir en ce Forum dont le succès attendu permettra à tous les protagonistes de dissiper leurs malentendus et incompréhensions et à la Côte d'Ivoire de renouer avec la croissance économique, pour continuer de jouer le rôle qui est le sien.
 

Monsieur le Président,

Mon Gouvernement attache une importance capitale à une politique sociale orientée vers la lutte contre la pauvreté et la satisfaction des besoins pour toutes les couches sociales en matière de santé, d'éducation, d'emploi et d'alimentation. Ainsi, dans le cadre de cette politique, un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) est en préparation.

Dès le mois de juin 2002, une assurance-maladie sera mise en oeuvre dans le cadre d'un système national de sécurité sociale. Ainsi, chaque individu vivant en Côte d'Ivoire, quelle que soit sa catégorie sociale, pourra bénéficier de cette assurance-maladie dont les textes juridiques ont été adoptés par l'Assemblée Nationale le 9 octobre dernier.

Aucun effort ne sera ménagé pour parvenir, dans un délai que nous espérons le plus court possible, à la correction des distorsions sociales les plus graves. Dans cette perspective, notre ambition la plus chère est que le développement et la croissance puissent atteindre les contrées les plus reculées et qu'enfin, dans chaque village de la Côte d'Ivoire, les infrastructures essentielles que sont l'eau courante, l'électricité, l'école, l'infirmerie soient à la portée des populations. C'est pourquoi le gouvernement a mis en place le programme de décentralisation administrative grâce auquel chacun des 58 départements de Côte d'Ivoire sera lui-même maître d'oeuvre de son propre développement sur la base d'une enveloppe budgétaire qui lui sera affectée tous les ans par la loi de finances.

Pour atteindre ces différents objectifs, le cadre macro-économique devra être assaini par des mesures budgétaires et juridiques rigoureuses et par une politique de bonne gouvernance. Avec la plus grande détermination, la Côte d'Ivoire s'y emploiera.
 

Monsieur le Président,

Assurer le bien-être des enfants et protéger leurs droits constituent une priorité pour la Côte d'Ivoire.

La session spéciale sur les enfants qui se tiendra dans quelques mois et dans laquelle mon gouvernement place beaucoup d'espoir nous donnera l'occasion de préciser les actions que nous menons en faveur des enfants, en particulier dans le domaine de la lutte contre le trafic frontalier d'enfants.
 

Monsieur le Président,

En juin de l'année dernière, dans cette même salle, les États ont adopté de nouvelles mesures et initiatives visant à assurer la mise en oeuvre effective de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing.

La Côte d'Ivoire fait siennes toutes ses recommandations et s'emploiera, dans le cadre de la politique de la refondation, à atteindre le plus rapidement possible l'objectif tendant à l'égalité effective des chances entre hommes et femmes.
 

Monsieur le Président,

Le problème du VIH/SIDA est devenu l'une des préoccupations majeures du monde contemporain, d'une manière générale,, et de l'Afrique en particulier. Les statistiques de l'ONUSIDA et de plusieurs autres orgasmes relèvent que dans le monde, plus de trente millions de personnes dont 1,2 millions d'enfants, sont infectées. L'Afrique qui ne représente que 10% de la population du globe enregistre cependant 83% de l'ensemble des décès dûs au SIDA depuis le début de la pandémie.

Comme le souligne très justement le Secrétaire Général dans son rapport du 16 Février 2001, si la pandémie continue de progresser à l'allure actuelle, les nations les plus touchées seront amenées à revoir à la baisse d'au moins 25% leurs prévisions en matière de croissance économique au cours des vingt prochaines années.

C'est pourquoi nous nous réjouissons de la création, sur l'initiative du Secrétaire Général de l'ONU, d'un Fonds international pour la lutte contre le SIDA. II serait également temps d'établir des mécanismes favorisant le partage d'expériences entre les pays qui ont réussi à freiner la propagation de la pandémie et ceux qui sont encore en quête d'une issue.
 

Monsieur le Président,

Aucun pays ne peut s'épanouir si la paix et la sécurité internationales sont menacées. C'est pourquoi la Côte d'Ivoire continue d'être réellement préoccupée par une course aux armements qui ne dit pas son nom.

Partie au traité de PELINDHABA, la Côte d'Ivoire se félicite de la multiplication des accords décrétant des zones exemptes d'armes nucléaires dans différentes régions du monde.
 

Monsieur le Président,

La prolifération et la circulation  illicite des armes de petit calibre est un autre phénomène qui affecte le Continent africain et particulièrement l'Afrique de l'ouest. Elles constituent une menace permanente peur la paix et un frein au développement de cette région ouest-africaine où plus de quinze millions d'armes légères circulent illégalement.

Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, l'attention de la communauté internationale s'est focalisée sur les armes nucléaires. Pourtant, ce sont les armes conventionnelles de petit calibre qui ne cessent de faire des millions de victimes. En cela nous partageons l'opinion du Secrétaire Général lorsque, dans son rapport du millénaire, il affirme que les armes légères sont des armes de destruction massive.

Les armes légères exacerbent les conflits régionaux et contribuent largement à l'utilisation des enfants soldats. Elles tuent surtout les jeunes, les enfants et les femmes. L'insécurité qu'elles créent interdit toute possibilité de développement économique serein.
Comme vous le savez, le 31 octobre 1998, à Abuja, les Chefs d'État et de Gouvernement de la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest ont décrété un moratoire visant à réduire la prolifération et la circulation des armes légères en Afrique de l'Ouest. A l'occasion du réce t sommet africain qui s'est tenu à Lusaka en juillet 2001, ce moratoire a été prorogé pour une période de trois ans à compter du 5 juillet 2001.

Cette lutte ne peut être efficace que si elle est menée par la Communauté internationale dans son ensemble ; laquelle doit impliquer nécessairement les fabricants d'armes, les utilisateurs officiels et la société civile.

La Conférence des Nations Unies sur le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects, qui s'est tenue à New York du 9 au 20 juillet 2001, est à notre avis dans la bonne direction. La Côte d'Ivoire attend avec intérêt la mise en oeuvre du programme d'action établi par cette conférence.
 

Monsieur le Président,

Il y a déjà huit ans que l'Assemblée Générale a décidé de procéder à la réforme du Conseil de Sécurité, car elle a reconnu que dans sa forme actuelle, ledit Conseil ne peut être considéré comme un organe démocratique et représentatif de l'ensemble des Etats membres des Nations Unies.

Les fonctions du Conseil de Sécurité se doivent d'être renforcées afin qu'il puisse continuer à agir efficacement comme l'organe des Nations Unies dont le rôle principal est d'assurer le maintien de la paix et de la sécurité internationales. A cette fin, il est urgent et juste d'augmenter le nombre des membres permanents et non permanents afin que la composition du Conseil soit en phase avec la complexité du monde mise en lumière par l'évolution quantitative et qualitative des relations internationales, avec à la clé la complexité accrue des problèmes à résoudre.

A notre avis, le redimensionnement du Conseil de sécurité doit avoir pour objet une réadaptation du mécanisme de prise et de mise en oeuvre de décisions. C'est pour cela que la question de l'exercice du droit de veto, de la représentation équitable et de
l'élargissement de ses membres doivent trouver une solution le plus tôt possible en ayant à l'esprit l'urgente nécessité de réformer le Conseil de sécurité afin qu'ensemble, toutes les nations et régions du monde puissent se reconnaître en lui.

A cet égard, l'Organisation de l'Unité Africaine, devenue l'Union Africaine, sollicite deux sièges permanents et un total de cinq sièges non permanents pour le continent africain. Naturellement, la Côte d'Ivoire soutient cette position.
 

Monsieur le Président,

Pour que la réforme du Conseil de sécurité devienne une réalité, il est essentiel que les Etats membres, notamment les cinq membres permanents, démontrent et concrétisent leur volonté et engagement à la réalisation de cette réforme. Faut-il le rappeler, le premier devoir des Nations Unies est de préserver et de promouvoir la paix à travers le monde sur la base de principes démocratiques. Mais peut-il y avoir la paix sans justice ni égalité dans les relations entre les nations?
 

Monsieur le Président,

Le Monde et particulièrement l'Afrique continuent d'être déchirés par des conflits régionaux ou des guerres civiles qui mettent en péril la paix et la sécurité internationales. Les différentes solutions proposées par la communauté internationale pour faire taire les armes et les souffrances des populations civiles n'ont hélas pas encore donné les résultats escomptés. Il faudrait donc faire preuve d'imagination et d'innovation dans la rechercne des solutions qui ne peuvent qu'être politiques et non militaires.

Dans cette perspective, nous saluons le Rapport Brahimi sur les opérations de maintien de la paix et souhaitons vivement la mise en application de ses recommandations.

La dynamique que le Rapport Brahimi a voulu insuffler aux opérations de paix des Nations Unies doit être encouragée et maintenue.
 

Monsieur le Président,

Les événements du 11 septembre 2001 confortent la Côte d'Ivoire dans sa condamnation comme criminels et injustifiables tous les actes, méthodes et pratiques terroristes, où qu'ils se produisent et quels qu'en soient les auteurs, notamment ceux qui violent les buts et principes des Nations Unies et qui peuvent constituer une menace pour la paix et la sécurité internationales et compromettre les relations amicales entre les pays.

C'est pourquoi le Gouvernement ivoirien salue et encourage vivement la conclusion rapide d'une convention générale sur le terrorisme international. Une telle convention apporterait, sans nul doute, une contribution à la lutte contre ce fléau et renforcerait le régime juridique international sur le terrorisme.

La Côte d'Ivoire respecte et respectera toujours les engagements internationaux qu'elle a pris depuis son accession à l'indépendance. Elle fait de la primauté du droit une priorité essentielle.

Je voudrais rendre ici un hommage mérité à la Commission du droit international pour sa précieuse contribution au développement et à la codification du droit international en ce qui concerne notamment, la responsabilité des États, la protection diplomatique, les actes unilatéraux des États, les réserves aux Traités, la responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d'activités qui ne sont pas interdites par le droit international.
 

Monsieur le Président,

A l'aube du 21ème siècle, le rôle des Nations Unies est crucial. Notre organisation constitue en effet la conscience et, en principe, le gendarme du monde à même d'équilibrer les intérêts des Nations nanties et ceux des pays moins nantis, dans la
nouvelle économie de la mondialisation. Ce rôle de régulateur de l'économie mondiale et des relations internationales ne peut se jouer pleinement que dans un environnement politique international de justice et d'équité.

Je vous remercie.