Information basée sur le rapport 2017 du Secrétaire général au Conseil de sécurité (S/2018/250) publié le 16 avril 2018.

Depuis sept ans, le conflit et la crise humanitaire infligent d’intolérables souffrances à la population et les violences sexuelles sont utilisées comme tactique de guerre, de torture et de terrorisme. De nombreuses femmes et filles ont été victimes d’actes de violence sexuelle, de harcèlement, d’enlèvement et de mariage forcé. La peur d’être agressée sexuellement au passage des points de contrôle est constante et limite leurs déplacements. Ce sont les femmes et les enfants déplacés depuis des villes assiégées qui sont les plus vulnérables (voir le rapport A/HRC/36/55). Les témoignages recueillis directement auprès de femmes qui ont été détenues dans le cadre du conflit font systématiquement état de violences sexuelles, de torture et de traumatismes psychologiques. Les viols commis sur les hommes et les garçons et les tortures sexuelles qui leur sont infligées dans les lieux de détention, souvent utilisés comme moyens de leur arracher des aveux durant les interrogatoires, constituent également une terrible face cachée de ce conflit. Conformément aux normes sociales et aux codes d’honneur en vigueur, les hommes reçoivent en général les louanges de leur communauté à leur libération, tandis que les femmes sont honnies, stigmatisées et rejetées par leurs époux et leurs parents, qui présument qu’elles ont été violées
durant leur détention. Des femmes et des filles ont par ailleurs été assassinées au nom de l’honneur à la suite non seulement d’un viol, mais aussi d’une simple présomption de viol, d’un attentat à la pudeur ou d’un harcèlement subi dans la rue. Il semble que ces prétendus « crimes d’honneur » soient plus fréquents depuis le début de la crise à cause de la recrudescence des violences sexuelles, de l’anarchie et de la prolifération de groupes extrémistes. Les Syriennes évoquent un combat mené au quotidien pour survivre aux violences sexuelles qu’elles ont subies et aux graves séquelles physiques d’un viol telles que les fistules traumatiques et les maladies sexuellement transmissibles. Nouvellement conçu comme un moyen de parer au risque élevé d’agression sexuelle, le mariage d’enfants est passé du statut de pratique culturelle à celui de mécanisme de survie. Bien que les mariages précoces ne soient pas un phénomène nouveau en Syrie, la prolongation du conflit a provoqué une hausse du taux de ces mariages et une baisse de l’âge des épousées. Cette situation a eu des conséquences catastrophiques pour les filles, en les exposant à la violence conjugale, à des mauvais traitements et à des grossesses non désirées, en les privant de chances d’éducation et de possibilités d’emploi, en les condamnant à l’isolement et en portant atteinte à leur santé psychologique. Les adolescentes, les femmes chefs de famille, les veuves et les divorcées sont les plus exposées aux mariages for cés, à la polygamie et aux mariages temporaires en série.

Les femmes réfugiées déclarent fréquemment que la peur d’être violées est l’une des principales raisons qui les ont poussées à fuir, mais le risque de violences sexuelles, d’exploitation sexuelle et de traite à des fins d’exploitation sexuelle reste élevé aux environs et à l’intérieur des camps de réfugiés et de déplacés à cause du surpeuplement, du manque d’intimité, de la détresse financière et de l’anarchie qui y règnent. Les femmes et les filles handicapées courent un risque accru d’exploitation sexuelle, en particulier quand elles ont été séparées de leur famille. Les obstacles opposés à la déclaration à l’état-civil de la naissance d’enfants dont le père est absent, notamment ceux qui sont nés d’un viol, expose ces enfants au risque d’apatridie, en particulier lorsque les mères n’ont pas la possibilité légale de transmettre leur nationalité. En outre, l’interdiction des grossesses hors mariage conduit à retirer de force aux femmes leurs enfants nés d’un viol. Les femmes déplacées et réfugiées n’ont souvent pas de permis de travail à leur nom et courent donc le risque d’être exploitées par le propriétaire de leur logement, les employeurs au noir et les réseaux criminels, et certaines ont été vendues pour être prostituées ou données en mariage.
Les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes déclarent que la violence sexuelle, surtout dans les lieux de détention, est la principale raison de leur fuite à l’étranger. Du fait de leur orientation sexuelle, ces personnes sont parmi les réfugiés les plus vulnérables dans la région, a fortiori quand les relations homosexuelles sont érigées en crime dans les pays d’accueil.

Durant la période considérée, la poursuite des hostilités et les restrictions imposées à l’accès aux victimes, s’ajoutant au traumatisme et à la honte d’avoir subi des violences sexuelles qui dissuadent souvent les victimes de se manifester, ont beaucoup compliqué le suivi de la situation dans ce domaine. L’ONU a vérifié huit cas de violences sexuelles liées au conflit commis contre des filles sous forme de viol, de mariage forcé et d’esclavage sexuel, dont sept ont été imputés à l’EIIL et un aux milices progouvernementales al-Shaitat (voir le rapport A/72/361-S/2017/821). Il a
été rapporté que des combattants de l’EIIL ont exigé d’épouser des filles qui habitaient dans les zones contrôlées par leur organisation. Dans un cas qui a pu être vérifié, une fille de 14 ans a été enlevée et violée en réunion par six combattants de l’EIIL après que sa famille eut refusé de la donner en mariage. Plusieurs milliers de femmes et de filles yézidies capturées en Iraq à partir du mois d’août 2014 ont alimenté la traite d’êtres humains et été introduites en République arabe syrienne pour y servir d’esclaves sexuelles, dans le cadre de la campagne que continue de mener
l’organisation terroriste EEIL contre les minorités. Selon des informations récentes, de nouvelles femmes et filles appartenant à la communauté yézidie ou à d’autres minorités visées ont été transférées de force en Syrie suite aux opérations militaires menées en 2017 pour libérer les zones contrôlées par l’EIIL en Iraq.

Bien que la gamme et l’aire de distribution des services mis à la disposition des victimes de violence sexiste aient été élargies durant l’année écoulée, plus de la moitié des communautés a toujours cruellement besoin de refuges pour les femmes et les filles. L’accès à ces services est entravé notamment par l’éloignement et l’absence de transports, dont pâtissent en particulier les femmes habitant dans les zones rurales, les restrictions familiales et la peur de la stigmatisation. L’ONU a prêté son appui au Ministère des affaires sociales et du travail et à la Commission syrienne des affaires familiales et de la population afin que soit créé un service de protection de la famille chargé de lutter contre la violence sexuelle et sexiste. Ce service a démarré ses activités en août, en s’acquittant de tâches telles que le soutien psychologique, la prise en charge de victimes et la fourniture de soins médicaux et d’une aide juridictionnelle.
Le FNUAP soutient également un certain nombre d’espaces sécurisés pour les femmes et les filles tant en République arabe syrienne que dans les zones d’accueil de réfugiés en Jordanie, au Liban et en Turquie. En ce qui concerne le processus de paix conduit par la République arabe syrienne, mon Envoyé spécial a continué de collaborer avec le Comité consultatif des femmes et créé un bureau d’aide à la société civile grâce auquel plus de 500 organisations ont pu être consultées ; on notera que les femmes représentaient environ 40% des participants à ces consultations (voir le
rapport S/2017/867). Bien que le caractère systématique des violences sexuelles liées au conflit ait été établi, personne n’a encore été poursuivi du chef de ces violences, que ce soit en République arabe syrienne ou à l’étranger. Il est toutefois encourageant de constater que le mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations graves du droit international commises en République arabe syrienne comprend des experts spécialisés dans la lutte contre les violences sexuelles.

Recommandation
J’engage toutes les parties à cesser immédiatement d’utiliser les violences sexuelles comme tactique de guerre, de torture ou de terrorisme et à protéger les personnes les plus vulnérables, notamment les civils déplacés et les détenus. Je les engage également à veiller à ce que les accords de cessez-le-feu, les négociations politiques, les pourparlers de paix et les projets d’application du principe de responsabilité sanctionnent dûment les violences sexuelles et qu’à cette fin les femmes y soient directement associées, et à ce que le processus d’élaboration de la constitution accorde une place centrale aux droits des femmes. Je rends hommage aux pays qui accueillent des réfugiés syriens et je les engage à protéger et aider ceux qui ont subi des violences sexuelles ou qui risquent d’être exploités.