J’appelle toutes les parties à un conflit qui sont responsables de violences sexuelles ou qui sont soupçonnées, selon toute probabilité, d’avoir commis de telles violences, à y mettre fin et, conformément à la résolution 1960 (2010) du Conseil de sécurité, à prendre des engagements spécifiques et assortis de délais incluant les éléments suivants : des ordres précis à tous les niveaux hiérarchiques et dans les codes de conduite (ou leur équivalent) interdisant la violence sexuelle; l’ouverture rapide d’enquêtes sur les cas présumés de violence afin que les responsables répondent de leurs actes; l’identification immédiate et la libération de leurs rangs des personnes les plus exposées à la violence sexuelle, en particulier les femmes et les enfants; la désignation d’un interlocuteur de haut niveau chargé de faire appliquer ces engagements; et la coopération avec l’ONU et la garantie à celle-ci de facilités d’accès pour lui permettre de surveiller le respect des engagements.

À cet égard, j’invite le Conseil de sécurité à :

  1. Accroître la pression sur les auteurs de violences sexuelles liées aux conflits, y compris les personnes, les parties et les États cités dans mes rapports, en faisant adopter des mesures ciblées et progressives par les comités des sanctions concernés, et envisager les moyens permettant que de telles mesures puissent aussi être prises dans des cas où il n’existe pas de comité des sanctions. Ce faisant, le Conseil de sécurité devrait aussi viser ceux qui commettent, commandent ou tolèrent (en s’abstenant de prévenir ou de punir) des violences sexuelles, conformément aux dispositions du droit international pénal concernant la responsabilité directe ou la responsabilité du supérieur hiérarchique;
  2. Envisager de mettre en place un mécanisme ou procédé approprié du Conseil de sécurité permettant de surveiller systématiquement les engagements pris par les parties à un conflit en application de sa résolution 1960 (2010). J’engage le Conseil à appuyer les efforts entrepris par les fonctionnaires compétents des Nations Unies pour dialoguer avec les États ou entités non étatiques parties à un conflit afin d’obtenir de tels engagements, y compris en collaborant, le cas échéant, avec les milieux d’affaires, les diasporas, les chefs religieux et traditionnels ou d’autres personnes pouvant exercer une influence;
  3. Recourir à tous les autres moyens disponibles pour lutter contre la violence sexuelle liée aux conflits, y compris en saisissant la Cour pénale internationale, en demandant des commissions d’enquête internationales, en condamnant expressément ces violations dans ses résolutions et déclarations présidentielles et publiques et en faisant de la violence sexuelle un des thèmes de ses visites périodiques sur le terrain et de ses consultations avec les organes régionaux comme le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine;
  4. Tenir systématiquement compte de la question de la violence sexuelle liée aux conflits dans toutes les résolutions pertinentes relatives aux pays et dans les autorisations de missions de maintien de la paix et de missions politiques spéciales ainsi que dans le renouvellement de leurs mandats en y incluant les termes précis de sa résolution 1960 (2010) demandant, entre autres, qu’il soit mis fin aux actes de violence sexuelle, en établissant des arrangements de suivi, d’analyse et de communication de l’information permettant de conduire des actions basées sur les faits, en nouant un dialogue avec les parties au conflit afin qu’elles s’engagent à prendre des mesures de protection et en déployant des conseillers pour la protection des femmes;
  5. Se tenir informé de l’état de déploiement des conseillers pour la protection des femmes dans les missions de maintien de la paix et les missions politiques spéciales des Nations Unies. Le nombre et les fonctions des conseillers pour la protection des femmes devraient être systématiquement évalués lors des préparatifs et du réexamen de chaque mission politique et de maintien de la paix, conformément au mandat des conseillers pour la protection des femmes, et ces postes devraient être inscrits dans les tableaux d’effectifs et les budgets concernant toutes les situations préoccupantes;
  6. Demander des efforts pour traiter les problèmes de violence sexuelle dans le cadre des processus et dispositifs de réforme du secteur de la sécurité, notamment en veillant, par des mesures de vérification, à ce que ceux qui ont perpétré ou commandité des violences sexuelles ou d’autres violations des droits de l’homme soient exclus de tous les services de l’État, y compris les forces armées, la police, les services de renseignement, la garde nationale et tous les mécanismes civils de surveillance et de contrôle; en dispensant une formation aux forces nationales de sécurité; en veillant à l’application du principe excluant toute amnistie pour les auteurs de graves violations des droits de l’homme, notamment de crimes de violence sexuelle; et en faisant en sorte que le secteur de la sécurité soit accessible et attentif à toutes les catégories de la population, en particulier les femmes et les enfants, et suivre ces efforts. Dans le cadre des processus de démobilisation, désarmement et réintégration, il convient de s’attacher à créer des mécanismes de protection des civils, en particulier les femmes et les enfants, à proximité des sites de cantonnement et à imposer aux forces et aux groupes armés l’obligation de procéder immédiatement à l’identification et à la libération de toutes les femmes et de tous les enfants présents dans leurs rangs. Dans la perspective de la réforme du secteur de la justice, l’accent devrait être mis, entre autres, sur l’appui aux autorités nationales dans les réformes législatives; et sur la formation et la sensibilisation à la violence sexuelle des policiers, procureurs, juges et magistrats, en incluant notamment davantage de magistrates et d’avocates dans cette formation. Il faudrait aussi envisager de poursuivre les auteurs de crimes de violence sexuelle dans le cadre des dispositifs de justice transitionnelle, le cas échéant.

J’invite le Conseil de sécurité, les États Membres et les organisations régionales à faire en sorte que les médiateurs et envoyés intervenant dans des démarches de médiation, de cessez-le-feu, de paix et de diplomatie préventive entament un dialogue avec les parties au conflit sur la violence sexuelle liée au conflit, et traitent la violence sexuelle comme une méthode ou une tactique de conflit dans les accords de paix. La violence sexuelle devrait faire partie intégrante de la définition des actes interdits par les cessez-le-feu et faire l’objet d’un contrôle dans le cadre des mécanismes de surveillance du cessez-le-feu. Ces problèmes devraient aussi donner lieu à des dispositions spécifiques dans les accords de paix concernant les dispositifs de sécurité et de justice transitionnelle. À cet égard, j’encourage l’utilisation du « Guide à l’usage des médiateurs – prise en considération de la violence sexuelle liée aux conflits dans les accords de cessez-le-feu et les accords de paix ».

J’encourage les États Membres, les donateurs et les organisations régionales à :

  1. Faire en sorte, à titre de priorité, que les survivants aient accès aux services médicaux, psychosociaux, juridiques, de prise en charge du VIH et autres services multisectoriels et appuyer le développement et le renforcement des capacités des institutions nationales, en particulier les systèmes de santé et de protection sociale et l’appareil judiciaire, ainsi que les réseaux locaux de la société civile, afin d’apporter une aide durable aux victimes de violence sexuelle dans les situations de conflit et d’après conflit. L’allocation en temps voulu de ressources suffisantes est nécessaire pour la mise en œuvre de programmes d’intervention par les autorités nationales, les organismes des Nations Unies, les organisations non gouvernementales et les groupes de la société civile dans le cadre de stratégies globales de lutte contre la violence sexuelle liée aux conflits, vu que la disponibilité des services contribue à améliorer l’information sur la violence sexuelle;
  2. Faire en sorte que l’assistance et les services multisectoriels soient adaptés aux besoins spécifiques des filles et des garçons et constituent une composante intégrale mais distincte des programmes de lutte contre la violence fondée sur le sexe. Des ressources suffisantes devraient être allouées à la poursuite des recherches, du suivi et de la communication d’informations, des initiatives de prévention et de la fourniture de services sur des aspects particuliers comme la violence sexuelle contre les hommes et les garçons conçue comme une tactique spécifique des conflits; le sort des survivantes enceintes à la suite d’un viol et des enfants nés d’un viol; et la violence sexuelle sous la forme de mariages forcés impliquant des enfants touchés par un conflit;
  3. Faire en sorte que soient établis des systèmes de réparations dans le cadre de mécanismes judiciaires ou administratifs et qu’ils soient disponibles pour les victimes de violence sexuelle liée aux conflits. Les approches multisectorielles pour l’octroi de réparations devraient être renforcées dans le cadre des initiatives de transition après conflit et les programmes de réparations devraient bénéficier de financements réguliers et soutenus;
  4. Envisager sérieusement d’admettre que la violence sexuelle liée aux conflits est une forme de persécution qui devrait conduire à reconnaître le statut de réfugié aux personnes touchées, compte tenu des informations selon lesquelles, dans de nombreux contextes, la violence sexuelle serait utilisée pour provoquer des déplacements forcés;
  5. Faciliter l’amélioration de la collecte et de l’analyse de données sur les liens entre la large disponibilité d’armes légères illicites et la violence sexuelle liée aux conflits, et mettre en place des mesures efficaces de contrôle des armes aux niveaux national, régional et international. Les États Membres sont instamment invités à tenir compte de la nécessité d’une pleine sensibilisation aux comportements sexistes dans le contexte des instruments internationaux pertinents, notamment le Programme d’action des Nations Unies relatif aux armes légères;
  6. Faire fond sur les compétences de l’Équipe d’experts de l’état de droit et des questions touchant la violence sexuelle liée aux conflits afin de renforcer l’état de droit et les capacités des systèmes de justice civile et militaire pour lutter contre la violence sexuelle, dans le cadre des actions menées pour accroître les garanties institutionnelles contre l’impunité. J’invite instamment les donateurs à garantir un financement viable à cette précieuse ressource pour les États Membres.