SC/14452

Yémen: le Conseil de sécurité reconduit le régime de sanctions jusqu’au 28 février 2022 et proroge le mandat du Groupe d’experts jusqu’au 28 mars 2022

Cet après-midi, le Conseil de sécurité a adopté la  résolution 2564 (2021)  par 14 voix pour et une abstention (Fédération de Russie), par laquelle il reconduit jusqu’au 28 février 2022 le régime de sanctions applicable au Yémen, notamment l’embargo ciblé sur les armes, et proroge le mandat du Groupe d’experts créé en vertu de la résolution 2140 (2014) jusqu’au 28 mars 2022. 

Conscient de l’importance de faciliter la fourniture de l’aide humanitaire, le Conseil rappelle dans cette résolution que le Comité peut, « au cas par cas », exclure toute activité des mesures de sanctions si une telle dérogation est nécessaire pour faciliter les activités de l’ONU et d’autres organisations humanitaires au Yémen. 

Le Conseil engage par ailleurs les États Membres à appuyer le renforcement des capacités des garde-côtes yéménites afin qu’ils puissent appliquer efficacement l’embargo sur les armes, « dans le plein respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Yémen ». 

Avec cette résolution, le Conseil prie en outre le Groupe d’experts de présenter au Comité un rapport final le 28 janvier 2022 au plus tard.  Ce rapport devra notamment inclure des informations sur les composants disponibles dans le commerce qui ont été utilisés par des personnes ou des entités désignées par le Comité pour assembler des drones, des engins explosifs improvisés flottants et d’autres systèmes d’armes. 

Le Conseil charge aussi le Groupe d’experts de coopérer avec les autres groupes d’experts créés pour épauler ses comités des sanctions, notamment l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions.  Enfin, il se dit prêt à examiner l’opportunité de ces mesures de sanctions, que ce soit pour les renforcer, les modifier, les suspendre ou les lever, « selon ce que dictera l’actualité ». 

Du fait de l’impossibilité de se réunir au Siège de l’ONU à cause de la pandémie de COVID-19, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2564 (2021) en procédant au vote par voie de correspondance électronique.  Les votes ont été envoyés au Directeur de la Division des affaires du Conseil de sécurité, qui les a ensuite transmis au Président du Conseil de sécurité.  Celui-ci a convoqué cet après-midi, par visioconférence, les représentants des membres du Conseil pour annoncer le résultat du vote. 

Texte du projet de résolution (S/2021/178)                                                        

Le Conseil de sécurité,

Rappelant toutes ses résolutions antérieures et déclarations de sa présidence concernant le Yémen,

Réaffirmant son ferme attachement à l’unité, à la souveraineté, à l’indépendance et à l’intégrité territoriale du Yémen,

Condamnant fermement l’escalade en cours dans le conflit, à Mareb (Yémen), y compris l’opération houthiste du 7 février 2021, et les attaques houthistes qui se poursuivent contre l’Arabie saoudite, notamment celle dont a fait l’objet l’aéroport international d’Abha le 10 février 2021, et appelant à la cessation immédiate des attaques sans conditions préalables,

Soulignant la nécessité d’une désescalade au Yémen et d’un cessez-le-feu national, et exhortant les parties à répondre à l’appel du Secrétaire général en faveur d’un cessez-le-feu mondial, selon les modalités énoncées dans la résolution 2532 (2020), ainsi qu’à son appel du 25 mars 2020 à la cessation immédiate des hostilités au Yémen,

Se déclarant préoccupé par les difficultés politiques, économiques et humanitaires et les problèmes de sécurité, notamment la violence et les disparitions forcées, que continue de connaître le Yémen, et par les dangers que représentent le transfert illicite, le détournement, l’accumulation déstabilisante et l’utilisation abusive d’armes,

Soulignant les risques environnementaux et humanitaires que présente le pétrolier Safer, situé dans le nord du Yémen contrôlé par les houthistes, et affirmant qu’il est impératif que les responsables des Nations Unies y accèdent sans tarder à des fins d’inspection et de maintenance, insistant sur la responsabilité que portent les houthistes dans cette situation en n’intervenant pas face à ce risque environnemental et humanitaire majeur, et soulignant qu’il faut que les houthistes facilitent d’urgence, en étroite coopération avec les Nations Unies, l’accès sûr et sans conditions des experts des Nations Unies au pétrolier afin qu’ils puissent y mener sans plus tarder une mission d’évaluation et de réparation,

Demandant de nouveau à toutes les parties yéménites de poursuivre dans la voie du dialogue et de la concertation pour régler leurs différends, de renoncer à recourir à la violence à des fins politiques et de s’abstenir de toute provocation,

Réaffirmant que toutes les parties doivent s’acquitter des obligations que leur impose le droit international, notamment le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme, selon qu’il convient, et soulignant qu’il importe d’amener les auteurs de violations du droit international humanitaire, de violations des droits humains ou d’atteintes à ces droits au Yémen à répondre de leurs actes,

Exprimant son appui et son attachement à l’action menée par l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen pour appuyer le processus de transition au Yémen et un processus politique dirigé et contrôlé par les Yéménites, sous les auspices des Nations Unies, avec la participation pleine, effective et véritable des femmes, et affirmant l’égalité des genre et la nécessité d’appliquer intégralement le plan d’action national du Yémen conformément à la résolution 1325 (2000),

Se félicitant de la formation du nouveau Cabinet du Gouvernement yéménite, conformément aux dispositions de l’Accord de Riyad, demandant la pleine application de l’Accord de Riyad, exprimant son soutien à la participation du Cabinet au processus politique, et appelant à la reprise rapide des pourparlers entre les parties, en pleine concertation avec les acteurs des efforts de médiation menés par les Nations Unies,

Alarmé de constater que certaines zones du Yémen continuent d’être sous le contrôle d’Al-Qaida dans la péninsule arabique, dont la présence, l’idéologie extrémiste violente et les agissements sont préjudiciables à la stabilité du Yémen, de la région du Moyen-Orient et de la Corne de l’Afrique, et ont des conséquences humanitaires dévastatrices pour la population, s’inquiétant du nombre croissant d’éléments affiliés à l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL, également connu sous le nom de Daech) présents au Yémen et du risque que cette présence n’augmente à l’avenir, et réaffirmant sa volonté de lutter contre la menace, sous tous ses aspects, que constituent Al-Qaida dans la péninsule arabique, l’EIIL (Daech) et tous les autres groupes, entreprises, entités et personnes qui leur sont associés,

Rappelant l’inscription d’Al-Qaida dans la péninsule arabique et de personnes qui lui sont associées sur la Liste relative aux sanctions contre l’EIIL (Daech) et Al‑Qaida, et soulignant à cet égard qu’il importe d’appliquer strictement les mesures édictées au paragraphe 1 de la résolution 2368 (2017), qui sont des moyens puissants pour lutter contre le terrorisme au Yémen,

Notant l’importance capitale de l’application effective du régime de sanctions institué par les résolutions 2140 (2014) et 2216 (2015) et le rôle clef que les États Membres de la région peuvent jouer à cet égard,

Encourageant les efforts visant à renforcer davantage la coopération,

Condamnant dans les termes les plus énergiques l’attaque perpétrée le 30 décembre 2020 contre l’aéroport d’Aden, qui a fait vingt-sept morts parmi les civils innocents, dont un vice-ministre yéménite et trois membres du personnel humanitaire et sanitaire, et notant que le Groupe d’experts compte faire rapport sur l’attaque d’Aden,

Saluant le travail du Groupe d’experts sur le Yémen créé par la résolution 2140 (2014), qui a surmonté les problèmes logistiques posés par la pandémie de COVID-19,

Se déclarant gravement préoccupé par la menace pesant sur la paix et la sécurité au Yémen en raison du transfert illicite, de l’accumulation déstabilisatrice et de l’utilisation abusive des armes légères et de petit calibre,

Rappelant les dispositions du paragraphe 14 de la résolution 2216 (2015) imposant un embargo ciblé sur les armes, et engageant tous les États Membres et les autres acteurs à s’acquitter des obligations qui leur incombent en vertu de cet embargo,

Condamnant la multiplication des incidents au large des côtes yéménites, y compris les attaques contre des navires civils et commerciaux, et exprimant sa préoccupation face à la contrebande maritime d’armes et de matériels connexes à destination et en provenance du Yémen en violation de l’embargo ciblé sur les armes, ce phénomène constituant un risque important pour la sécurité maritime des navires dans le golfe d’Aden et la mer Rouge le long des côtes yéménites,

Condamnant avec la plus grande fermeté les violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme ainsi que les atteintes aux droits humains, notamment la violence sexuelle liée au conflit dans les zones contrôlées par les houthistes et l’enrôlement et l’utilisation d’enfants dans le conflit armé partout au Yémen, faits confirmés par le Groupe d’experts dans son rapport final (S/2021/79),

Exprimant son inquiétude face aux restrictions imposées aux travaux et à l’accès du Groupe d’expert durant son dernier mandat,

Exprimant sa grave préoccupation face à la situation humanitaire désastreuse au Yémen, notamment le risque croissant de famine à grande échelle et les répercussions néfastes de la pandémie de COVID-19, et aux obstacles de toutes sortes qui entravent l’acheminement de l’aide humanitaire, notamment l’ingérence récente dans les opérations d’aide dans les zones contrôlées par les houthistes ainsi que les obstacles et les restrictions indues entravant la fourniture de produits de première nécessité à la population civile partout au Yémen, qui empêchent les personnes vulnérables de recevoir l’aide dont elles ont besoin pour survivre,

Soulignant qu’il faut que le Comité créé par le paragraphe 19 de la résolution 2140 (2014) (« le Comité ») examine les recommandations formulées par le Groupe d’experts dans ses rapports,

Considérant que la situation qui règne au Yémen continue de menacer la paix et la sécurité internationales,

Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

1.    Réaffirme la nécessité de procéder rapidement et intégralement à la transition politique à la suite de la Conférence de dialogue national sans exclusive, comme le prévoient l’Initiative du Conseil de coopération du Golfe et le Mécanisme de mise en œuvre, en application de ses résolutions précédentes pertinentes et en tenant compte des attentes du peuple yéménite;

2.    Décide de reconduire jusqu’au 28 février 2022 les mesures imposées par les paragraphes 11 et 15 de la résolution 2140 (2014), réaffirme les dispositions des paragraphes 12, 13, 14 et 16 de ladite résolution et réaffirme également les dispositions des paragraphes 14 à 17 de la résolution 2216 (2015);

3.    Décide que la personne visée à l’annexe de la présente résolution sera soumise aux mesures imposées par les paragraphes 11 et 15 de la résolution 2140 (2014) et le paragraphe 14 de la résolution 2216 (2015);

4.    Souligne qu’il importe de faciliter la fourniture de l’aide humanitaire, et rappelle qu’il a décidé que le Comité créé par le paragraphe 19 de la résolution 2140 (2014) (« le Comité ») peut, au cas par cas, exclure toute activité des mesures de sanctions imposées dans ses résolutions 2140 (2014) et 2216 (2015) s’il estime que cette dérogation est nécessaire pour faciliter les activités de l’Organisation des Nations Unies et d’autres organisations humanitaires au Yémen ou à toute autre fin compatible avec les objectifs de ces résolutions;

5.    Engage les États Membres à appuyer le renforcement des capacités des garde-côtes yéménites afin qu’ils puissent appliquer efficacement les mesures imposées par le paragraphe 14 de la résolution 2216 (2015), dans le plein respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Yémen;

Critères de désignation

6.    Réaffirme que les dispositions des paragraphes 11 et 15 de la résolution 2140 (2014) et du paragraphe 14 de la résolution 2216 (2015) s’appliquent aux personnes et entités désignées par le Comité, ou visées dans l’annexe de la résolution 2216 (2015) comme se livrant ou apportant un appui à des actes qui menacent la paix, la sécurité ou la stabilité du Yémen;

7.    Réaffirme les critères de désignation énoncés au paragraphe 17 de la résolution 2140 (2014) et au paragraphe 19 de la résolution 2216 (2015);

8.    Affirme que la violence sexuelle en temps de conflit armé, ou l’enrôlement ou l’utilisation dans des conflits armés en violation du droit international, pourrait constituer un des actes énumérés à l’alinéa c) du paragraphe 18 de la résolution 2140 (2014) et, par conséquent, l’acte, passible de sanctions, consistant à se livrer ou à apporter un appui à des actes qui menacent la paix, la sécurité ou la stabilité du Yémen, tel que décrit au paragraphe 17 de ladite résolution;

Soumission des rapports

9.    Décide de proroger jusqu’au 28 mars 2022 le mandat du Groupe d’experts énoncé au paragraphe 21 de la résolution 2140 (2014) et au paragraphe 21 de la résolution 2216 (2015), déclare son intention de le réexaminer et de se prononcer, le 28 février 2022 au plus tard, sur une nouvelle prorogation, et prie le Secrétaire général de prendre dès que possible les mesures administratives requises, en consultation avec le Comité, pour rétablir le Groupe d’experts jusqu’au 28 mars 2022, en faisant au besoin appel aux compétences des membres du Groupe d’experts créé en application de la résolution 2140 (2014);

10.   Prie le Groupe d’experts de présenter au Comité un bilan à mi-parcours le 28 juillet 2021 au plus tard, de lui remettre, après concertation avec le Comité, un rapport final le 28 janvier 2022 au plus tard, et d’y inclure notamment des informations, le cas échéant, sur les dernières tendances observées dans le transfert illicite et le détournement d’armes classiques et sur les composants disponibles dans le commerce qui ont été utilisés par des personnes ou des entités désignées par le Comité pour assembler des drones, des engins explosifs improvisés flottants et d’autres systèmes d’armes, étant entendu que cette requête ne devrait pas compromettre l’aide humanitaire ou les activités commerciales légitimes;

11.   Charge le Groupe d’experts de coopérer avec les autres groupes d’experts qu’il a créés pour épauler ses comités des sanctions, notamment l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions créée par la résolution 1526 (2004), dont le mandat a été prorogé par la résolution 2368 (2017);

12.   Demande instamment à toutes les parties et à tous les États Membres, ainsi qu’aux organisations internationales, régionales et sous-régionales, de coopérer avec le Groupe d’experts, et prie instamment tous les États Membres concernés de garantir la sécurité des membres du Groupe d’experts et de leur donner libre accès, notamment aux personnes, documents et lieux pertinents pour l’exécution de leur mandat;

13.   Souligne qu’il importe de tenir des consultations avec les États Membres concernés, selon que de besoin, afin de veiller à la pleine application des mesures énoncées dans la présente résolution;

14.   Rappelle le rapport de son groupe de travail officieux sur les questions générales relatives aux sanctions (S/2006/997) concernant les meilleures pratiques et méthodes, notamment les paragraphes 21, 22 et 23, qui traitent des mesures susceptibles de clarifier les normes méthodologiques appliquées par les mécanismes de surveillance;

15.   Réaffirme qu’il entend suivre la situation au Yémen en continu et qu’il demeure prêt à examiner l’opportunité des mesures énoncées dans la présente résolution, y compris à les renforcer, les modifier, les suspendre ou les lever, en fonction de l’évolution de la situation;

16.   Décide de rester activement saisi de la question.

Annexe

Sultan Saleh Aida Zabin

Ledit Sultan Saleh Aida Zabin a perpétré des actes menaçant la paix, la sécurité et la stabilité du Yémen, y compris des violations des dispositions applicables du droit international humanitaire et des atteintes aux droits humains au Yémen,

Directeur du département d’enquêtes criminelles (CID) à Sanaa, il a joué un rôle majeur dans une campagne d’intimidation où il a recouru de façon systématique à l’arrestation, à la détention, à la torture, à la violence sexuelle et au viol contre les femmes ayant un rôle politique au Yémen.  Zabin, en sa qualité de directeur du CID, est directement responsable ou, en vertu de son autorité, à la fois responsable et complice de l’utilisation de multiples lieux de détention, y compris l’assignation à résidence, les postes de police, les prisons et centres de détention officiels et les centres de détention non divulgués.  Dans les lieux concernés, des femmes, dont au moins une mineure, ont été victimes de disparitions forcées, d’interrogatoires répétés, de viols, de tortures, de travail forcé, et se sont vu refuser des soins médicaux en temps voulu.  Zabin lui-même a directement infligé des tortures dans certains cas.

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