SC/14382

Déclaration publique du Président du Groupe de travail sur les enfants et les conflits armés 

Le Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés a décidé, à l’occasion de l’examen du deuxième rapport du Secrétaire général sur le sort des enfants en temps de conflit armé au Nigéria (S/2020/652), d’adresser, sous la forme d’une déclaration publique de son président, les messages suivants: 

À toutes les parties au conflit armé 

Condamne fermement toutes les violations et atteintes commises sur la personne d’enfants par toutes les parties au conflit au Nigéria et dans les pays voisins qui pâtissent des agissements de Boko Haram, se déclare vivement préoccupé par les effets disproportionnés de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) sur les enfants et prie instamment toutes les parties au conflit de faire cesser immédiatement et de prévenir toutes les violations du droit international applicable, dont le recrutement et l’utilisation d’enfants, les meurtres ou atteintes à l’intégrité physique, les viols et autres formes de violence sexuelle, les enlèvements, les attaques contre des écoles et des hôpitaux et le refus de l’accès humanitaire, et de s’acquitter des obligations que leur impose le droit international; 

Constate avec préoccupation que l’accès aux zones touchées par le conflit était restreint pendant la période considérée, ce qui a entravé la vérification des six violations graves commises contre les enfants, et que les informations figurant dans le rapport du Secrétaire général sur le sort des enfants en temps de conflit armé au Nigéria (S/2020/652) ne reflètent donc pas pleinement les effets du conflit sur les enfants au Nigéria; 

Demande à toutes les parties de poursuivre l’application des conclusions précédentes du Groupe de travail sur le sort des enfants touchés par le conflit armé au Nigéria (https://www.undocs.org/S/AC.51/2017/5); 

Souligne qu’il importe de réprimer toutes les violations et atteintes commises contre des enfants en temps de conflit armé, que toutes les personnes ayant commis les six violations graves doivent être traduites en justice sans retard indu pour y répondre de leurs actes, ce qui implique notamment que des enquêtes soient menées et des poursuites engagées de façon systématique et sans délai, et qu’il faut faire en sorte que toutes les victimes aient accès à la justice ainsi qu’aux services médicaux et aux services d’aide psychosociale dont elles ont besoin; 

Se déclare vivement préoccupé par la persistance du recrutement et de l’utilisation d’enfants, qu’il condamne vigoureusement, salue le Gouvernement nigérian et la Force civile mixte pour le rôle constructif qu’ils ont joué dans l’adoption et l’application du plan d’action visant à prévenir le recrutement d’enfants et à mettre un terme à leur utilisation par la Force, notamment en facilitant le désengagement de 2 203 filles et garçons, exhorte toutes les parties au conflit armé, y compris Boko Haram, à libérer immédiatement et sans condition tous les enfants qui leur sont associés, et à faire cesser et prévenir le recrutement et l’utilisation d’enfants, et demande au Gouvernement nigérian de faire cesser et de prévenir le recrutement et l’utilisation d’enfants aux fins de l’exécution de tâches subalternes dans certaines bases de ses forces armées; 

S’inquiète profondément de ce que des enfants soient privés de liberté en raison de leur association réelle ou présumée à Boko Haram ou de celle de leurs parents, et prend note de ce que les autorités nigérianes ont libéré 1 591 enfants qui avaient été placés en détention; souligne que les enfants qui ont été recrutés par des forces et des groupes armés et qui sont accusés d’avoir commis des crimes pendant des conflits armés devraient être traités avant tout comme des victimes, et invite instamment le Gouvernement nigérian à respecter les obligations que mettent à sa charge la Convention relative aux droits de l’enfant et son Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés; 

Se déclare profondément préoccupé par le nombre élevé d’enfants tués ou mutilés dans des attentats-suicides orchestrés par Boko Haram, dont une bonne partie a été perpétrée par des enfants, essentiellement des filles, portant des engins explosifs improvisés, et d’enfants qui ont été les victimes directes ou indirectes des hostilités entre les parties au conflit armé et d’attaques sans discrimination commises contre des civils, y compris les raids aériens, les tirs croisés, les tirs par balle et les engins non explosés, et exhorte toutes les parties à respecter les obligations qui leur incombent au titre du droit international humanitaire, en particulier les principes de discrimination et de proportionnalité qui y sont consacrés; 

Se déclare gravement préoccupé par le grand nombre de cas de viols et d’autres formes de violence sexuelle commis sur la personne d’enfants, notamment les enfants déplacés, exhorte toutes les parties au conflit armé à prendre immédiatement des mesures concrètes pour prévenir et faire cesser les viols et autres formes de violence sexuelle commis contre les enfants par des membres de leurs groupes ou forces respectifs, et souligne qu’il importe d’amener les personnes qui commettent des violences sexuelles contre des enfants à répondre de leurs actes; relève que les filles ont continué d’être la cible délibérée de viols et d’autres formes de violence sexuelle, y compris l’exploitation sexuelle, l’esclavage sexuel et le mariage forcé; constate avec préoccupation qu’il est difficile de tracer, documenter et vérifier les violations et les atteintes commises en raison de l’absence de dispositifs de signalement, de la peur des personnes rescapées d’être victimes de stigmatisation ou de représailles et de l’impossibilité pour l’équipe spéciale d’accéder à certaines zones en conflit, et que les chiffres ne rendent dès lors pas compte de la prévalence des violences sexuelles qui ont pu être commises contre les enfants dans le nord-est du Nigéria  

Condamne vigoureusement les attaques perpétrées contre les écoles et les hôpitaux, dont l’écrasante majorité a été attribuée à Boko Haram; demande à toutes les parties au conflit armé de se conformer aux dispositions applicables du droit international et de respecter le caractère civil des écoles et des hôpitaux et de leur personnel, et de prévenir et de faire cesser les attaques ou menaces d’attaques disproportionnées et indiscriminées contre ces établissements et leur personnel, ainsi que l’utilisation d’écoles et d’hôpitaux à des fins militaires en violation du droit international applicable, en s’appuyant sur la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, signée par le Gouvernement nigérian en mai 2015; note également l’effet néfaste que les attaques contre les écoles et leur utilisation peuvent avoir sur l’exercice du droit à l’éducation; 

Se déclare particulièrement préoccupé par le fait que de nombreux enfants dans les conflits armés, en particulier les filles, n’ont pas accès à l’éducation en raison, entre autres, des attaques commises contre les écoles; 

Condamne fermement l’enlèvement d’enfants, principalement de filles, en particulier par Boko Haram, y compris à des fins de recrutement et d’utilisation, ainsi que le mariage forcé et d’autres formes de violence sexuelle; exhorte toutes les parties concernées, en particulier Boko Haram, à mettre un terme aux enlèvements d’enfants et à toutes les violations et exactions commises contre des enfants enlevés, y compris le mariage forcé de filles avec ses combattants, et à remettre immédiatement et sans condition tous les enfants victimes d’enlèvement aux instances civiles compétentes chargées de la protection de l’enfance; 

Se dit gravement préoccupé par les refus d’accès humanitaire, y compris les attaques, les enlèvements et les meurtres de membres du personnel humanitaire, ainsi que les menaces dont ils sont l’objet, et demande à toutes les parties au conflit d’autoriser et de faciliter, dans le respect du droit international, y compris le droit international humanitaire applicable, un accès humanitaire sûr, rapide et sans entrave, conformément aux principes directeurs des Nations Unies concernant l’aide humanitaire, notamment l’humanité, la neutralité, l’impartialité et l’indépendance, de respecter la nature exclusivement humanitaire et l’impartialité de l’aide humanitaire et de respecter le travail de tous les organismes des Nations Unies et de leurs partenaires humanitaires sans distinction défavorable; 

Au Gouvernement nigérian 

Souligne qu’il appartient principalement au Gouvernement d’assurer secours et protection à tous les enfants touchés par le conflit armé au Nigéria et rappelle que le Nigéria est un État partie à la Convention relative aux droits de l’enfant et à son Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés; 

Constate avec satisfaction que le Gouvernement nigérian a reconnu, dans sa législation nationale, qu’il faut que les auteurs d’infractions répondent de leurs actes et que justice soit rendue aux victimes; le prie instamment de poursuivre les efforts qu’il fait pour amener les auteurs d’infractions à répondre de leurs actes, y compris en conduisant en temps opportun des enquêtes exhaustives, indépendantes et systématiques et, le cas échéant, en procédant à la poursuite et la condamnation de toute personne reconnue coupable des six violations graves commises contre des enfants, et de faire en sorte que toutes les victimes aient accès à la justice, ainsi qu’aux services médicaux et aux services d’aide psychosociale et d’accompagnement dont elles ont besoin, en donnant toujours la priorité à l’intérêt supérieur de l’enfant; 

S’inquiète profondément de ce que des enfants soient privés de liberté en raison de leur association réelle ou présumée à Boko Haram ou de celle de leurs parents, et prend note de ce que les autorités nigérianes ont libéré 1 591 enfants qui avaient été placés en détention; prie instamment le Gouvernement nigérian de libérer immédiatement les enfants qui sont détenus et lui demande d’accélérer l’examen et l’adoption du protocole concernant la remise, aux acteurs civils de la protection de l’enfance, des enfants associés à des groupes armés; souligne que les enfants qui ont été recrutés par des forces armées et des groupes armés et qui sont accusés d’avoir commis des crimes pendant un conflit armé doivent être traités avant tout comme des victimes; prie instamment le Gouvernement nigérian de respecter les obligations que met à sa charge la Convention relative aux droits de l’enfant, en particulier celle de ne recourir à l’arrestation, à la détention et à l’emprisonnement d’enfants qu’en dernier ressort et pour une durée aussi brève que possible, conformément au droit international, et de faire de l’intérêt supérieur de l’enfant une considération primordiale dans les décisions qui concernent les enfants, et lui demande de donner la priorité à la réintégration de ces derniers dans le cadre de programmes de réintégration familiale et locale; lui demande en outre de permettre aux entités des Nations Unies d’accéder sans entrave aux centres de détention; préconise l’accès des acteurs civils de la protection de l’enfance aux enfants privés de liberté au motif de leur association à des forces armées ou à des groupes armés; 

Se félicite de la coopération du Gouvernement nigérian avec l’équipe spéciale du pays en vue de la signature d’un protocole destiné à faciliter la libération et la remise aux acteurs civils de la protection de l’enfance des enfants qui auraient été associés à des groupes armés et demande au Gouvernement d’accélérer son adoption et son exécution; 

Salue les efforts faits par le Gouvernement nigérian pour obtenir la libération des enfants enlevés, ainsi que ceux menés avec l’appui des entités des Nations Unies et d’autres partenaires et qui ont conduit à la réintégration de 3 794 enfants précédemment associés à des groupes armés; invite le Gouvernement du Nigéria à continuer de faire en sorte que, dans le cadre de programmes de réintégration familiale et locale et compte tenu des questions de genre, tous les enfants libérés soient effectivement réintégrés et que des programmes éducatifs, sanitaires, psychiatriques et psychosociaux soient mis en place pour tous les enfants touchés par le conflit, l’encourage à chercher avant tout à offrir des possibilités de réintégration durable aux enfants touchés par le conflit armé, en particulier ceux qui étaient précédemment associés à Boko Haram ou qui ont été victimes d’enlèvement, de mariage forcé ou de violence sexuelle, y compris en sensibilisant les populations et en travaillant avec elles en vue de prévenir la stigmatisation de ces enfants et de faciliter leur retour, tout en tenant compte des besoins respectifs des filles et des garçons; 

Se félicite qu’un bureau des droits humains ait été créé au quartier de l’armée nigériane et dans l’État de Borno et qu’il soit doté de moyens de protection de l’enfance lui permettant d’enquêter sur les violations et atteintes commises contre des enfants et de mettre ainsi fin à l’impunité; souligne qu’il importe de continuer à faire en sorte d’ouvrir des enquêtes contre les auteurs des six violations graves commises contre les enfants, de les poursuivre et de les punir et de les amener ainsi à répondre de leurs actes; 

Condamne dans les termes les plus forts le viol et les autres formes de violence sexuelle contre les enfants, y compris l’exploitation et les atteintes sexuelles, commis par des membres des forces de sécurité et demande au Gouvernement nigérian de faire en sorte que tous les auteurs de ces crimes soient amenés à en répondre, de garantir aux rescapés de violences sexuelles un accès à des services spécialisés intégrés, sans distinction, dans les domaines psychosocial, juridique et de la santé, ainsi qu’à des aides et à des moyens de subsistance, et de prendre des mesures pour faire cesser ces violations et ces atteintes; 

Rappelle que le Gouvernement nigérian a signé la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, mais se déclare préoccupé par le fait que les forces gouvernementales utilisent des écoles à des fins militaires, en violation des obligations que leur fait le droit international, souligne qu’il importe de faire en sorte que les enfants aient accès à l’éducation et aux services de soin de santé dans le pays, et demande au Gouvernement de garantir la protection des écoles et du personnel qui y est associé; 

Aux factions de Boko Haram 

Condamne dans les termes les plus énergiques les violations et les exactions que Boko Haram continue de commettre contre les enfants, et demande instamment au groupe de mettre fin immédiatement à celles perpétrées contre les enfants au Nigéria et dans le bassin du lac Tchad et de libérer immédiatement et sans condition tous les enfants et de faire cesser et prévenir le recrutement et l’utilisation d’enfants, et notamment de ne pas recruter à nouveau des enfants précédemment libérés; 

Se déclare gravement préoccupé par le grand nombre d’enfants qui ont été recrutés et utilisés, y compris ceux recrutés dans d’autres pays, par le recours aux enfants comme boucliers humains et l’utilisation de plus en plus fréquente de filles pour porter des engins explosifs improvisés, ainsi que par le nombre élevé d’enfants tués ou mutilés, notamment dans des attaques perpétrées au Nigéria et dans les pays voisins, et par les très nombreux viols et autres formes de violence sexuelle, y compris l’exploitation sexuelle, l’esclavage sexuel et le mariage forcé, commis contre la personne d’enfants par Boko Haram; 

Condamne fermement le fait que Boko Haram prenne des écoles pour cibles et multiplie les attaques et les menaces contre elles et leur personnel, y compris en incendiant les installations ou en les détruisant complètement, ainsi que les attaques physiques que le groupe commet contre le corps pédagogique, notamment le meurtre et la mutilation d’enseignants et d’élèves, l’enlèvement d’enfants et la détonation, dans l’enceinte d’écoles, d’engins improvisés portés par des personnes; 

Exhorte Boko Haram à mettre fin aux enlèvements d’enfants, y compris les enlèvements transfrontaliers, et en particulier ceux qui visent les filles, ainsi qu’à toutes les violations et exactions commises contre les enfants enlevés, et à libérer immédiatement et sans condition préalable tous les enfants enlevés que le groupe garde en captivité; 

Rappelle que, par sa résolution 2368 (2017), le Conseil de sécurité a réaffirmé les mesures relatives au gel des avoirs, à l’interdiction de voyager et à l’embargo sur les armes qui s’appliquent à toutes les personnes et entités, parmi lesquelles Boko Haram, visées au paragraphe 1 de sa résolution 2083 (2012); 

Se tient prêt à communiquer au Conseil de sécurité et au Comité faisant suite à ses résolutions 1267 (1999), 1989 (2011) et 2253 (2015) concernant l’État islamique d’Iraq et du Levant (Daech), Al-Qaida et les personnes, groupes, entreprises et entités qui leur sont associés toute information pertinente susceptible de les aider à imposer de nouvelles sanctions aux auteurs de violations; 

À la Force civile mixte 

Salue le rôle constructif que la Force a joué, en coopération avec le Gouvernement nigérian, dans l’adoption et l’application du plan d’action visant à prévenir le recrutement d’enfants et à mettre un terme à leur utilisation par la Force, notamment en facilitant le désengagement de 2 203 filles et garçons; se félicite à cet égard des missions de vérification menées conjointement par la Force, le Ministère de la justice de l’État de Borno et l’équipe spéciale du pays, entreprise essentielle pour parvenir à repérer les enfants associés à la Force et à les sortir de ses rangs; encourage la Force à achever la mise en œuvre de son plan d’action et à faciliter la démobilisation de tout enfant qui lui est encore associé (rapport du Secrétaire général, par. 69); constate que, depuis la signature du plan d’action en 2017, l’équipe spéciale n’a plus relevé aucun cas de recrutement ou d’utilisation d’enfants par la Force;

Note avec satisfaction que des groupes de protection de l’enfance ont été créés dans les secteurs de la Force civile mixte, y compris au siège de la Force, à Maiduguri; 

Aux notables locaux et aux chefs religieux 

Souligne la contribution importante des notables locaux et des chefs religieux au renforcement de la protection des enfants en temps de conflit armé; 

Les exhorte à condamner publiquement les violations et les exactions commises sur la personne d’enfants, en particulier le recrutement et l’utilisation d’enfants, le viol et les autres formes de violence sexuelle, les enlèvements, les attaques et les menaces d’attaques dirigées contre des établissements scolaires et des hôpitaux, tout en continuant de militer pour les faire cesser et les prévenir; et à se concerter avec le Gouvernement nigérian, l’ONU et les autres parties prenantes compétentes pour appuyer la réintégration, dans leur communauté, des enfants touchés par le conflit armé, notamment par une campagne de sensibilisation visant à prévenir toute stigmatisation de ces enfants. 

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