8622e & 8623e séances – matin
CS/13955

Syrie: Le Conseil de sécurité paralysé à cause d’une division sur deux projets de résolution relatifs à la situation humanitaire à Edleb

Après avoir entendu ce matin un exposé de Mme Ursula Mueller, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, sur la situation humanitaire dans le nord-ouest de la Syrie et en particulier à Edleb, le Conseil de sécurité a tenu une deuxième séance sur le même sujet pour examiner deux projets de résolution concurrents.  Les deux textes ont été rejetés tour à tour, mais largement commentés par les délégations.

Si le premier texte présenté par l’Allemagne, le Koweït, et la Belgique –qui appelait à une cessation des hostilités le 21 septembre dans la province d’Edleb- s’est vu opposer le veto de la Fédération de Russie et de la Chine, le second texte, présenté par ces deux mêmes membres permanents du Conseil –qui n’entendait pas la cessation des hostilités comme s’appliquant à la lutte militaire contre les groupes terroristes- a été rejeté par 9 voix contre (Belgique, République Dominicaine, France, Allemagne, Koweït, Pérou, Pologne, Royaume-Uni et États-Unis) et 4 abstentions (Afrique du Sud, Côte d’Ivoire, Guinée équatoriale et Indonésie).  

Présentant le premier projet de résolution, l’Allemagne, au nom des trois membres du Conseil « porte-plumes » sur le dossier humanitaire syrien, a cité les dispositions qui appelaient à une fin des hostilités le 21 septembre 2019 à midi, et qui demandaient aux parties de cesser les « bombardements aériens aveugles causant des victimes civiles » et d’appliquer les principes de discrimination et de proportionnalité pour éviter les dommages causés aux civils ou aux biens de caractère civil. 

Expliquant leur rejet de ce texte, la Russie et la Chine ont dénoncé une nouvelle « politisation de la situation humanitaire ».  Si le représentant russe a expliqué qu’un cessez-le-feu, à l’initiative de son pays, était déjà en vigueur depuis le 31 août et qu’il suffisait de le consolider, celui de la Chine a fustigé un texte contenant des éléments polémiques.  Ce dernier a ajouté que les souffrances de la population syrienne étaient d’abord le résultat de « mauvaises pratiques d’ingérence de membres du Conseil de sécurité ».  Les deux délégations ont regretté l’absence, dans ce texte, de référence à la nécessité de lutter contre les groupes terroristes qui sont, selon elles ,« les principaux responsables de la crise humanitaire en Syrie ».  Réagissant à ces propos, leur homologue de la Belgique a estimé que « ce sont les bombardements aveugles d’hôpitaux, d’écoles et de centres civils qui créent un terreau propice à la prolifération du terrorisme ».

Présentant à son tour le projet de résolution russo-chinois, le représentant de la Russie a dit que la cessation des hostilités ne devait pas s’appliquer « aux opérations militaires dirigées contre des personnes, groupes, entreprises ou entités associés aux groupes terroristes », comme prévu dans le deuxième paragraphe du texte.  Plutôt que d’appeler à une nouvelle cessation des hostilités à partir du 21 septembre, le texte appelle à respecter la cessation des hostilités décrétée par la partie russe le 31 août, a-t-il précisé. 

Lors de la première séance de la matinée, la délégation américaine avait déclaré, après l’exposé de Mme Mueller, que « le régime syrien » avait détruit 52 installations médicales au nom de la lutte contre le terrorisme au cours des cinq derniers mois, avant de mentionner la mort de 304 enfants, 164 femmes et 30 travailleurs humanitaires à Edleb au cours des quatre derniers mois.  En écho, les délégations opposées au texte sino-russe ont rappelé, dans leurs explications de vote, que l’impératif de la lutte contre le terrorisme ne dispensait pas les États de respecter leurs obligations au regard du droit international humanitaire et des droits de l’homme.  « Le projet de résolution de l’Allemagne, de la Belgique et du Koweït protège les populations civiles tandis que le projet russo-chinois les menace », n’a pas hésité à dire le Royaume-Uni qui, à l’instar des États-Unis, a estimé que seule l’adoption de la première résolution était de nature à faire cesser les frappes aveugles du Gouvernement syrien. 

L’exposé de la Sous-Secrétaire générale sur la situation humanitaire, ainsi que la présentation des deux projets de texte ont permis aux délégations de s’exprimer à plusieurs reprises, avec notamment de vifs échanges entre les représentants syrien et koweïtien.

Si le Koweït a prévenu que « l’Histoire se souviendra de cette séance et de la position de chacun », la France a espéré que la voix du compromis pourrait être trouvée dans les prochains jours.  Le « manque d’unité du Conseil sur la question » a pourtant été dénoncé, notamment par la Guinée équatoriale, seul membre du Conseil à s’abstenir sur les deux textes.  « Nous espérions que les intérêts géostratégiques de certains pays ayant une influence sur les parties auraient été mis de côté », a dit le représentant, citant l’exemple du renouvellement de la Mission de l’ONU en Afghanistan, il y a quelques jours, pour lequel les membres du Conseil avaient pu surmonter leurs divergences.

Le représentant syrien, opposé au texte des porte-plumes humanitaires au motif qu’il ignorait la cause fondamentale de la crise syrienne, à savoir le terrorisme international, et parce qu’il ne mentionnait pas la nécessité d’expulser les groupes terroristes de Syrie, a regretté la tentative de membres du Conseil de sécurité « d’utiliser à mauvais escient les mécanismes de l’ONU pour politiser la situation humanitaire en Syrie et menacer l’intégrité territoriale du pays ».  Il a prévenu que « ceux qui investissent dans le marché du sang syrien connaîtront la défaite et finiront par quitter le territoire syrien ». 

Au cours des échanges de la matinée, la plupart des délégations ont rappelé qu’il n’y avait pas de solution militaire au conflit et que l’objectif restait une solution politique dans le respect de la résolution 2254 de 2014 et du Communiqué de Genève de 2012.  À ce sujet, la Chine a appelé à être vigilant concernant la nouvelle commission d’enquête établie par le Secrétaire général pour faire la lumière sur les frappes menées contre les infrastructures identifiées dans le cadre du « mécanisme de déconfliction »: il faut éviter qu’elle ne vienne nuire au processus politique, a dit le délégué chinois. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

Mme URSULA MUELLER, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, a entamé son exposé par une actualisation de la situation dans le nord-ouest de la Syrie.  Elle a ainsi rappelé que, le 30 août, la Fédération de Russie avait annoncé un cessez-le-feu unilatéral dans la zone de désescalade d’Edleb, que le Gouvernement syrien avait ensuite confirmé.  Faisant état d’une baisse d’intensité dans les combats en comparaison avec la période qui a commencé fin avril, elle a jugé essentiel que ce répit pour les civils se poursuive, qu’un accès humanitaire sans entrave soit facilité pour tous les civils dans le besoin et que le statut protégé des infrastructures civiles soit respecté.

La Sous-Secrétaire générale a admis que des signes d’insécurité subsistent.  Les forces au sol continuent d’échanger des tirs dans le sud d’Edleb et l’est de Lattaqué, tandis que des frappes aériennes ont apparemment été menées sur le centre et nord d’Edleb la semaine dernière.  Dans le même temps, a-t-elle précisé, le groupe terroriste Hay’at Tahrir el-Cham et d’autres groupes armés non étatiques continuent d’harceler, d’intimider et de contraindre les civils, y compris les personnels médicaux.  Dans ce contexte, a poursuivi Mme Mueller, la situation humanitaire reste alarmante puisque 400 000 personnes ont fui leurs foyers dans le nord-ouest de la Syrie entre mai et août et que bon nombre ont été déplacées à de multiples reprises.  De surcroît, les communautés d’accueil sont de plus en plus sollicitées, ce qui entraîne une forte demande d’assistance humanitaire.  Car, a-t-elle souligné, les besoins dans ces zones sont considérables dans tous les secteurs: alimentation, eau, assainissement, santé, éducation et protection. 

Dans ces conditions, les perspectives demeurent incertaines dans le nord-ouest syrien, a estimé Mme Mueller.  À l’approche de l’hiver, des organisations humanitaires planifient d’ores et déjà l’aide qu’elles apporteront avant la chute des températures.  À cet égard, a-t-elle relevé, la communauté humanitaire estime qu’un supplément de 68,4 millions de dollars est nécessaire pour faire face aux difficultés liées à l’hiver, à l’absence d’abris et aux besoins non alimentaires.  La poursuite du soutien des donateurs est par conséquent essentielle pour maintenir une réponse humanitaire à la hauteur des besoins dans le nord-ouest syrien au cours des prochains mois, a plaidé la Sous-Secrétaire générale. 

Les efforts humanitaires en faveur des civils ne dépendent toutefois pas uniquement d’un soutien financier, a indiqué Mme Mueller, notant que l’accès aux personnes présentes à Edleb ne peut se faire qu’à travers des opérations transfrontalières.  À ses yeux, le renouvellement, cette année, de la résolution 2165 (2014) est par conséquent crucial pour que soit maintenu le soutien apporté aux millions de personnes dans le besoin.  Elle a, par ailleurs, indiqué que le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) était disposé à prêter assistance à la Commission d’enquête interne et indépendante mise en place par le Secrétaire général pour faire la lumière sur une série d’incidents qui se sont produits dans le nord-ouest de la Syrie.  Ses travaux débuteront le 30 septembre, a-t-elle noté. 

S’agissant de la situation dans la région de Roukban, la Sous-Secrétaire générale a indiqué que, le 11 septembre, une équipe comprenant 20 membres du personnel des Nations Unies et 170 agents ou volontaires du Croissant-Rouge arabe syrien y avait achevé une mission de six jours.  Il s’agissait de leur deuxième mission conjointe dans cette zone éloignée.  L’équipe a pu livrer des vivres et de l’aide nutritionnelle à environ 15 000 personnes déplacées internes, a-t-elle déclaré avant de dénoncer les difficultés rencontrées par cette opération.  L’accès aux personnes dépend en effet d’une coordination entre les chefs de communautés, les groupes armés et plusieurs États Membres, parmi lesquels la République arabe syrienne, la Fédération de Russie, les États-Unis et la Jordanie.  De plus, a-t-elle ajouté, les équipes sur le terrain trouvent que les conditions se sont détériorées ces derniers mois, plusieurs enfants ayant succombé à des infections évitables.  Le travail sur place n’est toutefois pas terminé, a assuré la Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence: les équipes ONU-Croissant-Rouge arabe syrien s’apprêtent à mettre en œuvre la prochaine phase de leur plan, qui vise à aider jusqu’à 6 000 personnes à quitter volontairement Roukban pour gagner des zones sous contrôle gouvernemental.  Une telle opération, a-t-elle soutenu, dépend de la coopération de toutes les parties.  Ces mêmes parties devront en outre trouver des solutions pour la population qui réside à Roukban, en consultation avec ses membres, a souligné Mme Mueller. 

Évoquant ensuite la situation « désespérée » dans le camp de Hol, qui abritait début septembre 68 600 personnes, dont 94% de femmes et d’enfants, elle a précisé que les organisations humanitaires s’efforcent toujours d’y améliorer les conditions de vie, notamment en matière d’approvisionnement en eau et d’assainissement mais aussi de soins de santé.  En dépit de ces efforts, la situation au camp de Hol reste extrêmement difficile et sans solution imminente, a constaté Mme Mueller, rappelant que les enfants représentent les deux tiers de sa population et qu’ils ont été exposés à une violence extrême et à des traumatismes sous l’EILL.  L’insécurité et la violence persistent à l’intérieur du camp et l’incertitude par rapport à l’avenir et au sort des membres masculins de leur famille persiste pour un grand nombre de foyers.  Mme Mueller a jugé impératif de trouver des solutions à la question des étrangers présents dans le camp pour ne pas prolonger cette situation.  Elle a lancé un appel pressant aux États Membres pour qu’ils prennent des mesures garantissant le rapatriement de leurs ressortissants, leur réhabilitation et leur réintégration, voire leur poursuite en justice, conformément aux normes et principes du droit international.  À défaut, on risque d’exposer ces enfants à la radicalisation, a-t-elle mis en garde, ce qui ne ferait que rendre toute action future plus difficile.

Prenant un peu de recul par rapport aux urgences humanitaires, Mme Mueller a mis en exergue deux dynamiques transversales qui affectent les civils syriens, la première ayant trait à l’insécurité alimentaire: elle a annoncé des perspectives de meilleures récoltes agricoles, même si la production totale reste en deçà des niveaux d’avant la crise.  Cependant le prix des denrées alimentaires n’a cessé d’augmenter sur tout le territoire syrien pendant l’année écoulée, alors même que la valeur de la monnaie syrienne baisse, ce qui fait que beaucoup de familles syriennes ont du mal à joindre les deux bouts, a-t-elle expliqué en soulignant l’importance des efforts en cours pour subvenir aux besoins de 6,5 millions de personnes.  Les organisations humanitaires assurent, tous les mois, une assistance alimentaire à plus de 4,4 millions de personnes dans le besoin, a précisé Mme Mueller.

S’agissant de la deuxième dynamique, elle a mis l’accent sur les dangers posés par des engins non explosés, affirmant que près de 10 millions de personnes vivent dans des zones contaminées en Syrie.  Faisant état d’incidents à Deïr el-Zor, Albou Kamal et Alep survenus au cours du mois de septembre, elle a souligné que ces accidents touchent aveuglément la population.  Elle a appelé au « nettoyage de ces engins non explosés » et à l’éducation de la population aux risques qui y sont associés ainsi qu’au respect et à la sécurité du personnel humanitaire chargé des activités de nettoyage. 

En conclusion, la Sous-Secrétaire générale est revenue sur la situation dans le nord-ouest de la Syrie et a mis en garde les membres du Conseil contre les risques liés à la reprise des confrontations.  « Le monde vous regarde, Monsieur le Président, et attend une perspective plus humaine pour la Syrie, une perspective qui permette la sécurité des civils et la satisfaction de leurs besoins immédiats ainsi que la protection des personnels humanitaires. » 

M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) a rappelé qu’il y a trois millions de personnes à Edleb, majoritairement des femmes et des enfants, et que plus d’un demi-million de personnes ont dû fuir les combats au cours des derniers mois.  Plus de 1 000 civils ont été tués, tandis que des hôpitaux, des écoles et des centres de personnes déplacées ont été visés par des bombardements, a-t-il dénoncé.  C’est pourquoi, le représentant de l’Allemagne a appelé à voter pour le projet de résolution présenté par les délégations porte-plumes sur le dossier humanitaire, à savoir le Koweït, la Belgique et l’Allemagne. 

M. Heusgen a demandé que les opérations de lutte contre le terrorisme soient menées dans le respect du droit international humanitaire en faisant en sorte de bien distinguer les civils des combattants.  Il a noté que 70 000 personnes continuent de recevoir une aide humanitaire dans le camp de Hol où la situation est extrêmement grave parce que 90% des réfugiés sont des femmes et des enfants particulièrement vulnérables.  Il s’est félicité de la création d’une commission d’enquête en souhaitant qu’elle puisse éclairer sur les attaques menées contre les infrastructures identifiées dans le cadre du « mécanisme de déconfliction ».  Notant que le mécanisme transfrontalier renouvelé dans le cadre de la résolution 2449 restait essentiel pour la survie de millions de Syriens, particulièrement dans le nord-ouest, le représentant a plaidé pour sa poursuite, afin de pouvoir atténuer les souffrances des civils.  Parce qu’il n’y a pas de solution militaire au conflit, M. Heusgen a réitéré la nécessité d’une solution politique s’appuyant sur la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité et sur le Communiqué de Genève de 2012. 

Mme KELLY CRAFT (États-Unis) a salué le travail héroïque des travailleurs humanitaires.  Elle a dénoncé les informations indiquant que des hôpitaux auraient été à nouveau pris pour cible et a appelé le Conseil à « tenir pour responsables le régime d’Assad et ses alliés » pour les atrocités qu’ils ont commises.  Recensant plus de 1 000 personnes tuées au cours des derniers mois, dont au moins 304 enfants et 30 travailleurs humanitaires, ainsi que plus de 2 000 blessés, elle a relevé que « la plupart des morts sont attribuées au régime et à ses alliés ». La représentante a ensuite affirmé que le « soi-disant » cessez-le-feu décrété par le régime syrien le 31 août était une tactique pour lui permettre de regrouper ses forces, de se réorganiser et de se reposer avant de lancer sa prochaine attaque.  La pratique odieuse, et pourtant habituelle, du régime de lancer des attaques contre des installations de santé a également repris, a-t-elle accusé, ajoutant que le 13 septembre, des tirs d’artillerie avaient frappé l’hôpital de Kiwan, à Edleb, portant à 52 le nombre de centres de soins pris pour cible au cours des cinq derniers mois.

Mme Craft a ensuite salué la décision du Secrétaire général de créer une commission d’enquête pour faire la lumière sur les incidents dans le nord-ouest de la Syrie. Elle a appelé le Secrétaire général à publier le rapport final de ladite Commission, notant qu’un rapport public contribuera à assurer la redevabilité des parties responsables.  Elle a appelé « Assad et la Russie » à cesser leurs bombardements. Il n’y a pas de solution militaire à ce conflit, a-t-elle martelé.

S’agissant de la situation dans le camp de Roukban, Mme Craft a salué la venue de la mission d’évaluation et a exhorté « le régime d’Assad et la Russie » à y assurer l’acheminement de l’aide humanitaire depuis Damas.  Elle a exhorté les parties à œuvrer avec l’ONU pour veiller à ce que les propositions de retour soient conformes aux directives de l’ONU, et que les personnes déplacées désireuses de partir obtiennent des informations pertinentes.  La représentante s’est dit alarmée par « les informations selon lesquelles le régime aurait arrêté des milliers de civils sur le retour » et qu’il continue d’arrêter et de torturer des civils, y compris ceux qui ont signé des accords de réconciliation avec le régime.  Enfin, Mme Craft a fait part de son ferme appui au projet de résolution que l’Allemagne, le Koweït et la Belgique ont fait circuler.  Elle a appelé à rejeter les efforts de ceux qui proposent une résolution séparée « qui nie au peuple syrien un plein cessez-le-feu ».  Elle a invité à appuyer « la seule résolution capable de mettre un terme aux frappes du régime ».

« La mise en œuvre du cessez-le-feu à Edleb doit être une priorité absolue », a affirmé M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France), en se disant préoccupé par la reprise des frappes aériennes, la semaine dernière, après l’annonce d’un cessez-le-feu unilatéral, le 31 août.  Il a appelé à la stricte mise en œuvre du Mémorandum de Sotchi, un an après sa signature entre la Turquie et la Fédération de Russie.  Aux yeux du représentant français, tout doit être fait pour assurer un cessez-le-feu effectif dans le nord-ouest syrien, en vue de parvenir à un gel des fronts, puis à un cessez-le-feu à l’échelle nationale, conformément à la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité.

« Le respect du droit humanitaire s’impose et tout n’est pas négociable », a ensuite déclaré le représentant, insistant sur la nécessité de protéger les civils.  À cette fin, il a salué le lancement d’une enquête par le Secrétaire général sur les attaques contre les infrastructures « déconflictées » dans le nord-ouest du pays.  « Les crimes commis à Edleb et dans le reste de la Syrie ne peuvent et ne doivent pas rester impunis », a-t-il insisté.  Le représentant a en outre appelé Damas à garantir un accès humanitaire « immédiat, sûr, complet et sans entrave ».  Il a également appelé « ceux qui en ont les moyens » à exercer « les pressions nécessaires sur le régime » pour que celui-ci garantisse un tel accès dans les territoires sous son contrôle, y compris dans le sud-ouest et dans la Ghouta orientale, mais également dans le camp de Roukban. 

Le représentant a rappelé que seule une solution politique sera à même de pacifier et stabiliser durablement la Syrie, ainsi que de permettre aux réfugiés de retourner dans leur pays.  Appelant le Conseil à prendre ses responsabilités pour « mettre fin au drame » qui se déroule à Edleb, il a invité ses homologues à voter en faveur du projet de résolution présenté par « les porte-plumes humanitaires ».

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a rappelé que 12 millions de Syriens, répartis dans l’ensemble du pays, ont actuellement besoin d’aide.  Elle s’est particulièrement inquiétée de la situation dans le nord de la Syrie où des frappes aériennes ont détruit des installations civiles, notamment des écoles, des établissements de santé et des marchés.  « La protection des civils est une obligation pour toutes les parties au conflit », a-t-elle insisté avant d’inviter les parties à mettre en place une véritable coopération internationale.  S’agissant de la situation des civils de la région d’Edleb, Mme Wronecka a regretté que les conditions fondamentales ne soient toujours pas réunies pour garantir le respect du droit international humanitaire.  La représentante a dit que les parties au conflit ne devaient ménager aucun effort pour mettre en œuvre les accords agréés.  Insistant qu’il ne saurait y avoir de solution militaire au conflit, la déléguée a appelé à la recherche d’une solution politique dans le respect de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité et du Communiqué de Genève. 

M. HAITAO WU (Chine) a relevé que le cessez-le-feu décrété par la Russie et la Syrie à Edleb avait été largement maintenu.  Il a appuyé les efforts de la Turquie et de l’Iran qui ont participé à la récente réunion d’Ankara.  Notant que les sanctions économiques avaient fait empirer les conditions de vie des Syriens, il a insisté sur l’importance de l’accompagnement de la population sur la voie du développement.  Il faut aussi se pencher sur la situation des réfugiés et des déplacés ainsi que sur celle des combattants terroristes étrangers, a recommandé le représentant.  Le représentant a appelé à accroître la coopération et la coordination avec le Gouvernement syrien.  Il a également exhorté au plein respect de l’intégrité territoriale de la Syrie.  Notant la polémique soulevée au sujet de la décision du Secrétaire général de créer une commission d’enquête sur les incidents dans le nord-ouest syrien, il a averti de son impact sur le processus politique syrien.  Un règlement politique est essentiel pour améliorer la situation dans le pays, a-t-il souligné.  Il a ensuite salué les missions de bons offices de l’Envoyé spécial du Secrétaire général et a appelé les parties à concilier leurs positions divergentes par l’intermédiaire du dialogue.

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) s’est dit alarmé par les rapports faisant état de 630 000 personnes nouvellement déplacées en Syrie.  Face à ce « défit humanitaire énorme », le représentant a appelé la communauté internationale à répondre de manière « solide » et « de toute urgence », en allouant les fonds nécessaires à la protection et à la survie des déplacés.  Il a en outre appelé les parties à mettre un terme à l’usage d’armes explosives dans les villes, les villages et les camps de réfugiés.

Le représentant a regretté le fait que des centaines de milliers d’enfants dans le nord-ouest du pays soient dans l’incapacité de se rendre à l’école, parce que leur établissement scolaire a été détruit ou parce qu’il est utilisé pour abriter des personnes déplacées.  Il a également déploré l’augmentation du nombre de Syriens en situation d’insécurité alimentaire, soit 6,5 millions de personnes qui dépendant de l’aide de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) pour survivre.  Or, le budget de l’agence pour la Syrie n’est actuellement financé qu’à hauteur de 5%, a précisé le représentant, appelant les États Membres à s’acquitter de toute urgence de leurs promesses de contribution. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) s’est inquiété des 630 000 nouveaux déplacés enregistrés depuis le mois de mai à Edleb et des conditions précaires dans lesquelles vivent ces personnes.  Il a dénoncé « les frappes aériennes aveugles du régime et de ses alliés ».  Le représentant a aussi insisté sur la situation dramatique que vivent des milliers de déplacés du camp de Roukban, ces personnes manquant de tout et vivent dans des conditions climatiques extrêmes.  Le représentant a appelé à poursuivre les efforts pour assurer le retour sûr et digne des déplacés, notamment ceux qui manquent de ressources.  La fourniture de soins est également importante pour les habitants du camp de Hol, a-t-il ajouté, pour ensuite appeler l’Iraq à établir des plans de rapatriement pour ses 30 000 ressortissants.  Le représentant a également engagé à poursuivre les efforts de déminage.  Il est urgent d’avoir une cessation permanente des hostilités, a-t-il conclu.

M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) a souligné combien le respect du cessez-le-feu revêt une importance cruciale, de même que la pleine mise en œuvre du Mémorandum de Sotchi de septembre 2018 concernant Edleb.  La cessation immédiate des hostilités dans la province d’Edleb est essentielle, a-t-il martelé.  Il a souligné que la recherche d’une solution pacifique au conflit devait aussi être une priorité et, à ce sujet, a pris note de la déclaration tripartite du Sommet d’Ankara par laquelle les parties concernées se sont engagées à prendre des mesures concrètes pour réduire les violations dans la zone de désescalade d’Edleb.  Enfin, le représentant a exhorté les parties à assurer un accès humanitaire sans entrave.

M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a fait référence à la situation humanitaire déplorable en Syrie et précisé que le Royaume-Uni avait apporté 150 millions de dollars pour alléger la situation à Edleb aux cours des 18 derniers mois.  Il a appelé à adopter le projet de résolution présenté par l’Allemagne, le Koweït et la Belgique, un texte qui vise à protéger les civils et mettre fin aux attaques aveugles.  « Parce que le Conseil de sécurité a le devoir de protéger les civils nous devons envoyer un message clair au régime de Damas », a insisté le représentant.  « En votant pour ce projet de résolution, nous enverrons le message clair que les pays membres du Conseil de sécurité n’accepteront plus que l’on prenne des civils pour cible », a expliqué le représentant.  Il a par ailleurs invité la Fédération de Russie à faire pression sur le régime syrien, pour que celui-ci permette au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) de revenir sur le terrain.  Enfin, il a salué l’établissement d’une commission d’enquête par le Secrétaire général pour faire la lumière sur les attaques menées contre Edleb. 

M. GBOLIÉ DÉSIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a noté avec inquiétude que la situation humanitaire déjà alarmante en Syrie ne cesse de se détériorer, notamment à Edleb.  Il a appelé toutes les parties au conflit au respect de la « zone démilitarisée » devant permettre la séparation des territoires insurgés des zones gouvernementales et garantir un arrêt des hostilités dans cette région.  Il a également exhorté les parties au conflit au respect du droit international humanitaire, notamment par la levée de toutes les entraves à la fourniture de l’assistance humanitaire.

Le représentant a ensuite salué la trêve unilatérale décrétée le 31 août par la Fédération de Russie et les forces gouvernementales dans la province d’Edleb.  Il s’est aussi félicité des engagements pris par les garants du processus d’Astana au cours du cinquième Sommet sur la Syrie, tenu le 16 septembre 2019 à Ankara.  Enfin, le délégué a salué l’envoi, « ce même jour », d’une mission composée de 22 camions d’aide humanitaire à destination du territoire syrien.  Il s’est réjoui de la détermination de la Russie et de la Turquie à mettre en œuvre tous les accords relatifs à Edleb et à prendre des mesures concrètes pour assurer la protection de la population civile.

M. MARTHINUS VAN SHALKWYK (Afrique du Sud) a recommandé de ne pas oublier, pendant les délibérations du Conseil de sécurité, ceux qui vivent sous la menace de la violence, en particulier les civils restés à Edleb.  Le représentant s’est déclaré profondément choqué par le nombre élevé de civils qui ont perdu la vie ou qui ont été gravement blessés et déplacés, parfois même à plusieurs reprises, depuis avril cette année.  Il a ainsi appelé toutes les parties à respecter leurs obligations humanitaires internationales et celles découlant des droits de l’homme, notamment leur obligation de protection des civils et des infrastructures civiles.  Les établissements sanitaires ont un statut spécial en vertu du droit international qui doit être respecté, a rappelé le délégué. 

Si aucune intervention n’est faite pour régler la situation humanitaire en Syrie, la catastrophe humanitaire s’aggravera, a-t-il prévenu, en prédisant plus de morts et de destructions.  « Une alternative à la guerre doit être trouvée », a exigé le représentant.  Avant de terminer, le représentant a souligné l’importance de reconnaître et de faire en sorte que toutes les actions contre le terrorisme ne se fassent pas aux dépens des civils et que chacune de ces actions restent dans les limites du droit international. 

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a noté que la durée du conflit syrien avait déjà dépassé celle de la Seconde Guerre mondiale.  « On ne peut pas continuer de la sorte en sacrifiant les aspirations légitimes du peuple syrien à la propriété et au bien-être au nom d’intérêts politiques et géostratégiques », s’est indigné le représentant, appelant le Conseil à se montrer uni afin de faciliter l’instauration d’un cessez-le-feu dans le nord-ouest de la Syrie.  Dans ce cadre, le représentant a salué l’annonce d’un cessez-le-feu unilatéral par les forces gouvernementales, le 31 août dernier, en l’attente d’une normalisation de la situation à Edleb.  Il s’est également félicité de l’acheminement d’un troisième convoi humanitaire dans le camp de Roukban.

Le représentant a en outre appelé les parties à respecter le droit international humanitaire, qui proscrit les attaques contre des civils et contre toutes les infrastructures civiles.  Il s’est dit convaincu que seule une solution politique permettrait de venir à bout du conflit syrien, conformément à la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité. 

M. BASHAR JA’AFARI République arabe syrienne a regretté que des gouvernements de pays membres du Conseil de sécurité continuent d’utiliser à mauvais escient les mécanismes de l’ONU pour politiser la situation humanitaire en Syrie et menacer l’intégrité territoriale du pays.  « À ceux qui investissent dans le sang syrien », le représentant a lancé qu’« ils ne connaîtront que la défaite et qu’ils finiront par quitter le territoire syrien ».  Il a ajouté qu’améliorer les conditions de vie des Syriens exige que soit respecté l’unité et l’intégrité territoriale de la Syrie, « comme cela a été souligné dans une vingtaine de résolutions du Conseil de sécurité ».  Le représentant a aussi mentionné la nécessité d’appuyer les efforts du Gouvernement syrien et de ses alliés dans la lutte contre les mouvements terroristes, rappelant que cette lutte contre le terrorisme en Syrie est mentionnée dans 12 résolutions du Conseil.  Il a ajouté que le meilleur moyen de mettre fin à la crise syrienne est de mettre un terme aux mesures coercitives unilatérales qui ont des incidences négatives sur la vie des Syriens.

Le représentant a précisé que des groupes armés terroristes empêchent des civils d’emprunter des points de passages leur permettant de rejoindre des zones contrôlées par le Gouvernement.  Celui-ci a récemment facilité une mission d’évaluation de l’ONU et du Croissant-Rouge syrien, a-t-il dit en expliquant qu’un deuxième couloir humanitaire avait été ouvert grâce à la coopération avec le Gouvernement russe.  Il a, en revanche, regretté que les forces américaines empêchent des civils de quitter la zone qu’elles contrôlent.  À son avis, la coopération internationale ne peut être efficace que s’il y a de bonnes intentions. 

S’agissant du projet de résolution présenté par les portes-plumes du dossier humanitaire -la Belgique, l’Allemagne et le Koweït-, le représentant syrien a déclaré s’opposer à ce texte parce que son pays n’a pas été consulté.  En outre, il a dit le rejeter parce qu’il ignore « les causes fondamentales de la crise qu’est le terrorisme international ».  Il a également regretté que ce projet ne mentionne pas la nécessité d’expulser les groupes terroristes de Syrie.  « Ceux qui veulent transformer la Syrie en un nouveau Guantanamo et Edleb en un nouveau Tora Bora doivent renoncer à leurs illusions », a conclu le représentant syrien.

Explications avant le vote sur le projet de résolution (S/2019/756) présenté par l’Allemagne

Le représentant de l’Allemagne, au nom des porte-plumes humanitaires (Allemagne, Belgique et Koweït), a rappelé les efforts déployés par ces trois délégations pour attirer l’attention du Conseil de sécurité sur le sort des civils syriens et a déploré l’incapacité de celui-ci à s’accorder sur des déclarations publiques.  Il a déploré les violences à Edleb ainsi que leurs conséquences en termes de déplacements, de victimes et de dégâts aux infrastructures.  Le Conseil se doit d’agir, et c’est là l’objectif du projet de résolution dont nous sommes coauteurs, a-t-il indiqué.  Il a affirmé que ce texte était « équilibré », un texte qui met l’accent sur les aspects humanitaires de la situation.

Le représentant a ensuite fait référence à un autre projet de texte en déplorant que celui-ci n’ait pas été partagé à l’avance avec les membres du Conseil de sécurité.  Ce projet de résolution n’a fait l’objet d’aucun cycle de négociations en contravention du règlement qui stipule que tout projet doit faire l’objet d’au moins un cycle de négociations, a dit le représentant.  Il a également estimé que ce projet ne reflétait pas suffisamment la complexité de la situation à Edleb.

Avant le vote sur le projet de résolution S/2019/756, le représentant de la Fédération de Russie a invité les membres du Conseil à considérer les objectifs des auteurs du texte, à savoir l’Allemagne, la Belgique et le Koweït.  « Ils prétendent que leurs objectifs sont purement humanitaires, qu’ils n’ont aucun dessein caché et qu’ils ne veulent pas entamer l’unité du Conseil », a déclaré le représentant.  Or, selon lui, le contenu de ce projet montre clairement « l’objectif réel » du texte:  « sauver les terroristes de la destruction et saper les efforts syriens et russes ».  C’est parce que ce texte ignore la nécessité de lutter contre les terroristes que sa délégation est contrainte de ne pas l’appuyer, a expliqué le représentant. 

« Où était votre humanisme lorsque vous avez rayé l’Iraq de la carte? » a ensuite demandé le représentant, à l’attention des coauteurs du texte.  « Vous nous chantez chaque fois la même chanson », a-t-il ajouté, à savoir que « les terroristes se transforment en représentants de l’opposition ».  Il s’est plaint qu’on ne donne que des chiffres non confirmés sur les déplacements de personnes à Edleb, citant des écarts de centaines de milliers de personnes en fonction des sources citées.

Contrairement à ce que disent les auteurs du texte, il n’y a pas eu d’opération militaire de grande ampleur à Edleb, a ensuite affirmé le représentant russe.  Selon lui, les violations du cessez-le-feu dans la zone sont uniquement le fait des terroristes.  « On utilise les mécanismes de déconfliction à des fins de désinformation », a-t-il martelé, qualifiant d’erronées les données sur des raids aériens contre des hôpitaux.

« Il est intolérable de spéculer sur les souffrances de la population syrienne, qui est prise en otage par les terroristes », a dénoncé le représentant.  De son point de vue, les auteurs du texte savaient que ce projet de résolution était voué à l’échec, mais ont malgré tout décidé de le soumettre à l’examen du Conseil.  Ce faisant, « ils détruisent délibérément l’unité du Conseil », a condamné le représentant.  « Est-ce là l’image que vous souhaitez donner du Conseil, une semaine avant le débat général de la nouvelle session de l’Assemblée générale? » a-t-il lancé.

Explications après le vote sur le projet de résolution S/2019/756 présenté par l’Allemagne

Le représentant de l’Allemagne, au nom des coauteurs du projet de résolution (Allemagne, Belgique et Koweït), a fait part de sa profonde déception: avec ce vote, le Conseil ne pourra pas agir pour protéger les civils.  « Comment leur expliquer que même avec un projet de résolution humanitaire, le Conseil n’a pas réussi à atteindre le consensus? »  Le représentant a fait part du soutien « massif » qu’avait pourtant reçu ce texte et a regretté la persistance des divisions au sein du Conseil.  Il a souligné que les opérations antiterroristes ne doivent pas empêcher les parties d’honorer leurs engagements en vertu du droit international humanitaire.  Il a par ailleurs déploré la présentation, hier soir, d’un autre projet de texte.  Il a regretté « cette pratique », ainsi que le contenu de ce texte qui ne met, selon lui, ni l’accent sur les civils, ni sur la souffrance humaine.  Il a appelé le Conseil de sécurité à l’unité pour aider le peuple syrien qui fait face à tant de souffrances.  Seule une solution politique permettra de trouver une issue au conflit, a rappelé le représentant.

La représentante des États-Unis a appelé le Conseil à agir pour mettre un terme à la violence, après neuf ans de conflit.  Elle a jugé profondément regrettable que le Conseil n’ait pu s’accorder sur un texte appelant au cessez-le-feu et ni sur un libellé qui aurait tenu « le régime d’Assad » et la Russie redevables de leurs actes.  Elle a ensuite affirmé que « le régime » avait mené récemment des attaques contre des infrastructures.  Pour la représentante, « il ne fait aucun doute que le régime d’Assad et les forces russes doivent être tenus responsables de leurs actes ».  Mme Craft a également affirmé que les avions russes et syriens contrôlent l’espace aérien syrien, avant d’accuser la Russie de n’avoir pas respecté le régime de déconfliction de l’ONU.  Elle a estimé que, sous le prétexte de mener des opérations antiterroristes, ces pays continuent de mener une campagne violente.  Elle a vu dans ce treizième veto russe « une tentative de s’absoudre et d’absoudre le régime syrien ».  À ses yeux, la Russie a clairement prouvé qu’elle ne se préoccupe aucunement de la protection des civils à Edleb ou ailleurs.  La représentante s’est aussi dit déçue que la Chine ait décidé de se montrer « complice avec la Russie ».  La déléguée a ensuite appelé la Russie à se joindre aux efforts de la communauté internationale.

Le représentant de la République dominicaine a salué les efforts déployés par les trois pays coauteurs du texte.  Il a estimé que le Conseil n’avait pas été à la hauteur des enjeux de cette résolution et des besoins de la population civile syrienne.  « Nous sommes empreints d’un sentiment d’échec et de déception », a-t-il déclaré, condamnant « la polarisation du Conseil sur la question syrienne ».  À ses yeux, la résolution soulignait justement et avec beaucoup d’emphase que la lutte contre le terrorisme ne devait pas servir de prétexte pour enfreindre le droit international humanitaire.  Ce texte prévoyait un cessez-le-feu à partir du 21 septembre, a également rappelé le représentant.  Maintenant qu’il n’a pas été adopté, comment les enfants et les maîtres d’école seront-ils protégés? s’est-il interrogé.

La résolution humanitaire aurait permis de protéger les civils, a affirmé le représentant du Royaume-Uni.  Le projet de résolution présenté par la Chine et la Fédération de Russie, lui, les met en danger, a-t-il estimé.  Il a aussi relevé que, selon le texte russe et chinois, la situation humanitaire à Edleb serait provoquée par les terroristes et non par les raids aériens aveugles menées dans l’irrespect des principes du droit international humanitaire.  « La Russie a beau lutté contre le terrorisme, elle n’en est pas moins tenue par le principe de proportionnalité de sa réponse militaire », a-t-il poursuivi.  Les terroristes ne justifient pas les frappes aériennes indiscriminées contre les civils, a insisté le représentant, appelant à voter contre le texte sino-russe.

Le représentant du Pérou s’est félicité du fait que le projet de résolution ait tenu compte des propositions de sa délégation concernant l’établissement d’un cessez-le-feu efficace.  Il a déploré que le texte n’ait pu être adopté.  Il a insisté sur l’importance pour le Conseil d’afficher un front uni sur ce dossier délicat.

Le représentant de l’Afrique du Sud a condamné le manque de respect du droit international humanitaire en Syrie.  Il s’est inquiété de la politisation de la situation humanitaire dans ce pays, estimant que le Conseil devait s’attacher à améliorer le sort des populations.

Le représentant de la Côte d’Ivoire a estimé que la lutte contre le terrorisme devait tenir compte des normes établies par le droit international et les droits de l’homme.  Il a rappelé l’importance d’appliquer les principes de distinction et de proportionnalité lors des opérations.  Il a déploré les profondes divergences d’approches des deux projets de résolution ainsi que la persistance de profondes divisions au sein du Conseil de sécurité.  Il a appelé à plus de dialogue entre ses membres afin de déboucher sur des textes consensuels.

Le représentant de la France a salué les efforts de l’Allemagne, de la Belgique et du Koweït pour tenter de parvenir à un texte d’équilibre, qui, en tant que tel, aurait dû remporter l’adhésion unanime du Conseil.  Le représentant a toutefois appelé les membres du Conseil à redoubler d’efforts pour trouver un compromis dans les jours à venir.  Il s’est dit prêt à travailler dans un esprit constructif à cette fin.

Le représentant du Koweït a regretté que le Conseil n’ait pas « assumé ses responsabilités » sur le dossier syrien.  « L’Histoire se souviendra de cette séance et des positions de chacun des membres du Conseil », a-t-il affirmé, déplorant le rejet par certains membres du Conseil de ce texte « pourtant équilibré » et négocié pendant trois semaines.  Ce texte aurait permis de mettre un terme aux souffrances des hommes, femmes et enfants d’Edleb, a-t-il souligné.  « L’Histoire les jugera durement », a-t-il prévenu.  Il a déploré que l’utilisation du veto, aujourd’hui, signifie que les vies de millions de Syriens continueront d’être mises en danger.  « Certes, il convient de lutter contre le terrorisme, mais cette lutte ne dispense pas les États Membres de respecter le droit international humanitaire », a-t-il fait valoir.

Le représentant de la Belgique a profondément regretté l’absence de consensus sur un texte purement humanitaire.  « Le Conseil a malheureusement échoué vis-à-vis du peuple d’Edleb », a-t-il dit.  Une chose est claire à ses yeux: les opérations de lutte contre le terrorisme ne dispensent par les parties à un conflit de leurs obligations découlant du droit international humanitaire.  Bombarder les populations civiles, les écoles et les hôpitaux ne participe en rien à la lutte contre le terrorisme, a-t-il ajouté en relevant que, au contraire, cela ne fait que créer un terreau fertile au terrorisme.

Le représentant de la Chine a remarqué que le cessez-le-feu de la Russie et de la Syrie tenait, dans l’ensemble.  Dans ce contexte, imposer un projet de résolution avec des éléments polémiques n’est pas constructif, a-t-il estimé.  Il a averti que les terroristes continuent d’étendre leur sphère d’influence dans le nord-ouest de la Syrie, ce qui contribue aux difficultés rencontrées dans l’acheminement de l’aide.  Le représentant a regretté que le texte ne reflète pas l’essence du problème.  Il a mis en garde contre toute politisation de la situation humanitaire, pour ensuite appeler à accorder toute l’attention nécessaire à la reconstruction de la Syrie.  Par ailleurs, le représentant a invité les membres du Conseil à appuyer le texte dont la Chine est coauteur, avant de rejeter « les accusations infondées prononcées par les États-Unis et le Royaume-Uni ».  La Chine a le droit de décider comment voter, a-t-il dit, pour ensuite affirmer que « certains pays sont responsables des souffrances des Syriens ».

Explication avant le vote sur le projet de résolution (S/2019/757) présenté par la Fédération de Russie

Le représentant de la Fédération de Russie a estimé que le texte soumis par son pays et la Chine était uniquement centré sur des aspects humanitaires et dénué de considérations politiques.  En réponse à son homologue des États-Unis, le représentant a déclaré : « Nous n’avons pas à nous mettre d’accord sur un cessez-le-feu à Edleb, car ce cessez-le-feu est déjà en vigueur depuis le 31 août ».  Paradoxalement, c’est la coalition soutenue par les États-Unis qui s’est employée la première à violer ce cessez-le-feu, a-t-il dénoncé.  Fustigeant « ceux dont le seul but est de détruire l’État syrien », au profit des groupes terroristes dans le pays, le représentant a appelé les membres du Conseil à se montrer raisonnables et à appuyer le projet de résolution.

Explications après le vote sur le projet de résolution (S/2019/757) présenté par la Fédération de Russie

La représentante de la Pologne a rappelé l’impératif actuel qui est d’empêcher la catastrophe humanitaire qui menace la province d’Edleb.  La lutte antiterroriste ne doit pas être un prétexte pour violer les droits de l’homme et rien ne peut justifier la prise pour cible délibérée d’infrastructures civiles, a-t-elle martelé.  Or, a-t-elle estimé, le projet de résolution russo-chinois ne tient pas compte de ces questions importantes, raison pour laquelle elle a voté contre.

Le représentant de l’Indonésie a indiqué que sa priorité, en tant que membre du Conseil, était de sauver des vies humaines.  « Cela s’applique au trois millions de personnes qui vivent à Edleb », a affirmé le représentant, indiquant avoir voté pour le projet présenté par les porte-plumes sur le dossier humanitaire.  Le processus de négociation de ce texte a été « long et complexe », a-t-il rappelé.  À l’inverse, le projet de résolution présenté par la Russie et la Chine n’a été soumis aux membres du Conseil que la veille, a-t-il relevé, estimant que le texte n’avait pas fait l’objet de négociations suffisantes.  Le représentant a mis en garde contre la politisation du dossier syrien et a appelé le Conseil à redoubler d’efforts pour trouver des solutions afin de sauver les habitants d’Edleb.

Le représentant de la Guinée équatoriale a indiqué que son pays s’était abstenu lors du vote des deux projets de résolution, et ce, afin de manifester son désaccord face au manque d’unité du Conseil sur la question.  « Nous espérions que les intérêts géostratégiques de certains pays ayant une influence sur les parties auraient été mis de côté », a-t-il dit, citant l’exemple du renouvellement de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), il y a quelques jours, pour lequel les membres du Conseil avaient été en mesure de surmonter leurs divisions.

« Nous sommes en train d’assister à une farce », a lancé le représentant de la République arabe syrienne, en commentant le premier projet de résolution présenté.  Il a dénoncé un projet de résolution « non pas humanitaire mais politique ».  « Lorsqu’il s’agit des « crimes contre l’humanité de la coalition internationale, l’encre sèche, comme il en va des actes d’agressions d’Israël », a-t-il déclaré.  Certains prétendent que la lutte contre le terrorisme ne soustrait pas à l’obligation de respecter le droit international, mais je ne les ai pas entendus dire que créer le terrorisme ne les soustrait pas à des obligations en vertu du droit international et de la Charte.  « L’Histoire se souviendra de cette séance », a-t-il prédit.  En outre, il a avancé que ce projet de résolution avait été présenté pour perturber et embarrasser la présidence russe et que, de toutes façons, il ne visait pas à aider le peuple syrien.

Le représentant syrien a ensuite dénoncé la violation de la souveraineté de son pays.  « Comment ces porte-plumes peuvent-ils s’acquitter de leur devoir sans consulter la délégation syrienne, et sans tenir compte du fait qu’un cessez-le-feu est en place depuis le 31 août? »  Il a aussi déploré l’absence de référence à certaines organisations terroristes dans le texte, soulignant que les accords de Sotchi et d’Astana stipulent que la Syrie a le droit de se défendre contre les groupes terroristes.  « Pourquoi cela ne figure-t-il pas dans le texte? »

De plus, selon le représentant, l’Allemagne a récemment indiqué que des milliers de combattants terroristes étrangers originaires d’Europe combattent actuellement dans les rangs de groupes terroristes en Syrie.  M. Ja’afari a brandi une photo d’un poster distribué, selon lui, dans les rues du Koweït témoignant de l’existence d’un mouvement salafiste.  Il a également cité un article du New York Times indiquant que des fonds sont transportés vers la Syrie et distribués aux rebelles syriens.  L’Institut Carnegie a aussi effectué deux études sur le mouvement salafiste koweitien qui, a-t-il accusé, soutient des activités terroristes en Syrie.  Il a voulu savoir comment les coauteurs du projet de résolution pouvaient prétendre se soucier de la situation humanitaire en Syrie alors qu’ils participent à la coalition illégitime qui détruit les infrastructures syriennes, dont des ponts, des écoles et des silos de céréales.  Ce texte, a-t-il aussi affirmé, passe également sous silence des affirmations des États-Unis qui risquent de créer une situation dangereuse sur le terrain.  Il a remercié la Russie et la Chine pour leur vote, ainsi que ceux qui se sont abstenus par soucis de respect pour le principe de non-ingérence.

« Selon mon homologue syrien, le principal problème en Syrie serait le terrorisme », a déclaré le représentant du Koweït.  Mais le problème à l’origine de la crise syrienne n’était pas le terrorisme, a-t-il affirmé.  Une fois de plus, le délégué syrien brandit des coupures de presse datant de 2012 ou 2013 pour discréditer le Koweït, a-t-il regretté, estimant que ces articles ne prouvaient rien.  « Je me demande pourquoi le collègue syrien fait référence à des journaux datant d’il y a plusieurs années, plutôt que de parler directement de la position du Koweït aujourd’hui », a-t-il ajouté.  « Si vous avez la moindre preuve, présentez-les! », a martelé le représentant.  « Présentez des documents des Nations Unies et pas seulement des articles de presse, qui ne sont pas totalement exacts .»  Parfois le New York Times publie des articles qui vous sont favorables, mais le journal publie également des articles critiques contre le Gouvernement syrien et les crimes commis par lui dans certaines provinces, a déclaré le représentant. 

Reprenant la parole, le représentant de la République arabe syrienne a précisé que ses propos ne visaient pas le Gouvernement du Koweït.  Il importe cependant d’attirer l’attention de celui-ci sur l’existence de ces groupes terroristes et sur leur mode de financement, a-t-il expliqué.  Il a affirmé que des citoyens koweitiens font couler le sang syrien en Syrie, tout comme il y a des terroristes belges, britanniques ou australiens.  Il a dit ne pas comprendre « la sensibilité à fleur de peau de son collègue ».  Comment rejeter des propos sur l’existence d’un mouvement salafiste au Koweït alors que l’institut Carnegie a également confirmé l’existence de ce mouvement qui, a-t-il affirmé, compterait certains membres du parlement koweitien.  Le représentant syrien a aussi évoqué les rapports du Conseil de sécurité sur les combattants terroristes étrangers en Syrie, alors qu’il y a quelques années, le Conseil niait ce fait.  Enfin, il a appelé à la pleine mise en œuvre des 12 résolutions déjà adoptées par le Conseil de sécurité sur la Syrie.

Le représentant du Koweït a invité à son tour son homologue syrien à mettre en œuvre les résolutions du Conseil.  « Nous voulons une solution à la crise en Syrie sur la base des résolutions du Conseil », a-t-il indiqué.  « Je ne pense pas que cette position dérange nos confrères syriens. »  Quant à la présence de terroristes koweitiens en Syrie, le représentant a reconnu l’existence de combattant koweitiens dans le pays, « y compris des milices koweitiennes qui combattent aux côtés du Gouvernement syrien et sont considérées comme des terroristes dans la région ». 

« Nous avons des documents démontrant la complicité des États du Golfe dans le terrorisme en Syrie », a répondu le représentant de la République arabe syrienne en assurant ne pas se baser seulement sur des articles de presse.  « Nous avons envoyé bon nombre des documents à notre disposition au Conseil », a-t-il ajouté.  « Poursuivre dans la voie de l’erreur est encore pire que l’erreur », a-t-il déclaré.  « Qui a donné des visas et de l’argent au Front el-Nosra et à Daech? » s’est interrogé le représentant.  « Nous avons des monstres qui sont venus d’Asie centrale, d’Europe et du monde arabe », a-t-il dit.  « Reprenez-les, nous n’en voulons pas! »

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