8589e séance – matin
CS/13903

Syrie: face au « carnage » d’Edleb, le chef de l’humanitaire de l’ONU avertit que la déconfliction n’est plus efficace

Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires a alerté ce matin, devant le Conseil de sécurité, que la déconfliction ne s’avère pas efficace pour assurer la protection des civils dans le nord-ouest de la Syrie, dénonçant dans la foulée l’inaction de cet organe pour mettre fin à la dernière intensification des violences.

« Vous savez ce qui se passe et vous n’avez rien fait depuis 90 jours alors que le carnage se poursuit devant vos yeux », a déclaré le Coordonnateur des secours d’urgence, M. Mark Lowcock.  « Allez-vous encore hausser les épaules? » 

Citant les chiffres publiés le 26 juillet par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, ce dernier a notamment indiqué qu’au moins 450 civils avaient été tués depuis fin avril dernier dans le nord-ouest du pays, dont plus d’une centaine rien qu’au cours des deux dernières semaines.  Des dizaines de civils ont également été tués ou blessés à la suite des bombardements menés par le groupe terroriste Hay’at Tahrir el-Cham.

Les membres du Conseil de sécurité ont également entendu la Directrice des politiques de l’ONG Physicians for Human Rights (PHR) expliquer que depuis que Damas et la Fédération de Russie ont intensifié leurs attaques à Edleb et dans le nord de Hama, le 26 avril dernier, l’ONG avait reçu des informations faisant état de 46 attaques contre des établissements de santé et avait été en mesure de confirmer 16 d’entre elles.  « Et nous comptons toujours », a lancé Mme Susannah Sirkin, qui s’est insurgée du fait que les accords conclus par les Nations Unies pour informer toutes les parties de l’emplacement des établissements de santé dans le but de les protéger ont été violés à maintes reprises. 

« Les hôpitaux, qui devraient être les lieux les plus sûrs à Edleb, sont précisément le contraire: ce sont des cibles », a-t-elle déploré, avant que plusieurs membres du Conseil de sécurité, dont le Royaume-Uni, la France et les États-Unis, ne réclament le lancement d’une enquête sur ces attaques.

M. Lowcock a de plus indiqué que son équipe et les organisations humanitaires se réuniraient prochainement pour déterminer s’il faut continuer à fournir aux parties les coordonnées liées à la déconfliction.  « Il est important de savoir si les informations fournies sont effectivement utilisées pour protéger les civils, ou au contraire pour les cibler », a-t-il notamment expliqué.

« Lorsque le régime d’Assad et la Russie ne cessent d’attaquer des hôpitaux et autres biens de caractère civil, qui ont été nombreux à communiquer à l’avance le fait qu’ils abritent des civils, il est difficile de nier que ces frappes ne sont pas un acte délibéré », a renchéri la représentante des États-Unis, tandis que le Royaume-Uni a voulu savoir pourquoi les infrastructures civiles et humanitaires qui font l’objet d’une déconfliction sont toujours visées par les frappes syriennes et russes.

La France a estimé de son côté que la restauration du cessez-le-feu à Edleb s’impose d’urgence et a de plus souligné que la lutte contre les groupes terroristes ne doit pas servir de prétexte à des bombardements indiscriminés.  Aussi a-t-elle appelé la Fédération de Russie à exercer les pressions nécessaires sur le régime syrien afin d’éviter la poursuite des violences.

Dans son intervention, le Secrétaire général adjoint a également défendu avec force la qualité des informations transmises par son bureau au Conseil de sécurité, indiquant notamment qu’il existe de nombreuses images satellitaires qui illustrent l’impact des combats des trois derniers mois, à commencer par celles qui témoignent d’un niveau de destruction digne d’une campagne de terre brûlée dans la ville de Kafr Nabutha ou la destruction presque entière de 17 villages.  « Il n’y a pas de pénurie d’informations au sujet d’Edleb.  Nous savons exactement ce qui s’y est produit au cours des trois derniers mois », a-t-il tranché.

Ces affirmations n’ont cependant pas satisfait la Fédération de Russie qui a déploré que l’ONU ait été « une fois de plus » victime de fausses informations diffusées par les groupes terroristes.  « On dit que la Russie fait exprès de bombarder des écoles et des hôpitaux, mais c’est un mensonge », s’est notamment indigné le représentant russe.  Selon lui, si la situation humanitaire à Edleb est préoccupante, c’est en raison des raids terroristes du groupe terroriste Hay’at Tahrir el-Cham, qui utiliserait des infrastructures civiles à des fins militaires, et non pas des frappes russes et syriennes. 

Le délégué russe a en outre dénoncé une démarche de propagande des pays occidentaux dont le but est de « conserver l’enclave terroriste d’Edleb », avant de demander à la communauté internationale de ne pas « gêner les efforts russes en donnant un couvert politique aux groupes terroristes ».

Par la voix du Koweït, les porte-plume sur le dossier humanitaire, parmi lesquels figurent également la Belgique et l’Allemagne, ont par ailleurs rappelé avoir tenté, « réunion après réunion », de faire adopter des projets de déclaration sur l’escalade militaire et son impact humanitaire, mais que le Conseil n’avait pas été capable de faire front commun et d’être uni autour de ces initiatives.  « Ce Conseil ne peut rester les bras croisés et voir Edleb devenir l’une des pires catastrophes humanitaires du XXIsiècle », se sont-ils notamment impatientés.

À noter également que les États-Unis ont annoncé leur intention de demander la tenue d’un briefing consacré à question des détenus et des personnes disparues en Syrie afin de mobiliser une « action urgente ».

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

M. MARK LOWCOCK, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a commencé par relater l’histoire du docteur Mohammed Abrash, un chirurgien exerçant à l’hôpital central d’Edleb.  En fonctions dans ce site depuis 2011, ce médecin lui a dit être habité par la peur au vu des destructions et bombardements autour de lui, y compris dans les sites médicaux.  Le Secrétaire général adjoint a également parlé du drame de trois jeunes filles qui avaient été transportées dans cet hôpital après que leur maison a été bombardée et dont une seule aura survécu. 

Selon le Secrétaire général adjoint, depuis 90 jours maintenant, les bombardements du Gouvernement syrien et de la Fédération de Russie ont produit un carnage dans la « soi-disant » zone de désescalade d’Edleb.  Il a rappelé que le 26 juillet dernier, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a indiqué qu’au moins 450 civils ont été tués depuis fin avril dernier, dont plus d’une centaine rien qu’au cours des deux dernières semaines.  Des centaines d’autres personnes ont été blessées et plus de 440 000 déplacées.  Dans le même temps, des dizaines de civils ont également été tués ou blessés à la suite des bombardements menés par le groupe terroriste Hay’at Tahrir el-Cham, et des groupes armés qui lui sont associés. 

M. Lowcock a ensuite apporté des réponses à des questions qui lui avaient été posées à huis clos par des membres du Conseil le 18 juillet dernier.  Il a notamment affirmé que les informations qu’il apporte au Conseil de sécurité viennent de sources directes et variées qui sont confirmées après des vérifications d’usage.  De même, les équipes de l’ONU sur le terrain « nous disent ce qu’elles voient », et les partenaires, avec qui l’ONU travaille parfois depuis des années, fournissent également des informations.  L’ONU utilise aussi des images satellitaires et des images géolocalisées et datées des sites médicaux.  Le Secrétaire général adjoint a aussi expliqué qu’il existe de nombreuses images satellitaires qui illustrent l’impact de combats des trois derniers mois au sud d’Edleb: la comparaison des images satellitaires prises entre avril et fin juin de la ville de Kafr Nabutha témoigne d’un niveau de destruction provoquée par une campagne de bombardements visant à établir une politique de terre brulée.  D’autres images indiquent que 17 villages ont été pratiquement entièrement détruits et vidés de leurs habitants.

Des informations proviennent également des organisations humanitaires et de leurs partenaires, a-t-il ajouté, faisant observer que celles-ci sont appelées par les États Membres qui les financent à leur fournir des informations sur leurs dépenses.  Et certains d’entre vous, a-t-il poursuivi, employez même des organes indépendants chargés de vérifier la véracité de leurs dires.

Il y a également le témoignage des populations d’Edleb elles-mêmes, a-t-il ajouté, indiquant qu’il avait eu une conversation vidéo, hier, avec des personnes déplacées qui lui avaient dit qu’elles sont « bombardées tous les jours par les Russes et le régime ». 

M. Lowcock a ensuite reconnu que les membres du groupe terroriste Hay’at Tahrir el-Cham rendent la vie quotidienne difficile à Edleb, tout en indiquant que selon les estimations, pour chaque combattant du groupe, on compte 100 civils. 

« Il n’y a pas de pénurie d’informations au sujet d’Edleb.  Nous savons exactement ce qui s’y est produit au cours des trois derniers mois », a-t-il affirmé.

Au sujet des zones de déconfliction, M. Lowcock a dit avoir transmis à la Fédération de Russie, à la Turquie et à la coalition internationale des informations sur les sites abritant les civils et les mouvements humanitaires.  Il a jugé important de savoir si ces informations fournies sont effectivement utilisées pour protéger les civils, ou au contraire pour les cibler.  Il a dit avoir reçu des réponses des autorités turques au sujet de six attaques liées à des lieux ou mouvements de déconfliction, mais que son Bureau attend toujours la réaction de la partie russe.  Il a ensuite affirmé que dans le contexte actuel, la déconfliction ne s’avère pas efficace pour protéger ceux qui utilisent le système.  Son équipe et les organisations humanitaires se réuniront prochainement pour déterminer s’il faut fournir aux parties des information liées à la déconfliction.

Enchaînant, M. Lowcock a dit avoir pris connaissance de la lettre des autorités syriennes en date du 16 juillet, et dans laquelle ces dernières affirment que 119 hôpitaux de la province d’Edleb ont été réquisitionnés par les terroristes et ne peuvent donc plus être considérés comme des centres de soins ou des infrastructures civiles.  M. Lowcock a relevé que plusieurs desdits sites n’ont pas été nommés.  Pour ceux qui l’ont été, il a indiqué que l’hôpital de Maarret el-Nouman fonctionne bien depuis décembre 2014 avec l’aide de l’ONU, tandis que les sous-sols de l’hôpital d’Ibn Sina ont pu être réhabilités avec des fonds onusiens et sont opérationnels depuis le mois d’avril de cette année.  Quant aux affirmations des autorités syriennes qu’il n’y a plus de système d’ambulances à Edleb, M. Lowcock a rappelé que des images de ces derniers jours laissent voir des ambulances à l’œuvre. 

Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires a ensuite affirmé que les informations pertinentes dont dispose l’ONU seront transmises au Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011 et d’aider à juger les personnes qui en sont responsables, afin que les responsables de tels actes en répondent et à condition que les sources d’information soient d’accord.

Poursuivant son intervention, le Coordonnateur des secours d’urgence a fait savoir qu’entre janvier et mai de cette année, six millions de personnes en Syrie ont reçu une aide humanitaire.  Il a précisé que 2,9 millions sont atteintes en moyenne chaque mois et que 85% de l’aide atteint des zones où les besoins sont sévères.  Notant que certains rapports prétendent que l’aide humanitaire ne parvient qu’aux zones qui ne sont pas sous le contrôle du Gouvernement, il a répondu que cela n’est pas véridique étant donné que la plupart des gens recevant de l’aide sont dans des zones contrôlées par le Gouvernement.  Il s’est en revanche dit préoccupé par le sort de 24 000 personnes qui demeurent dans le camp de Roukban et a réclamé un accès pour que l’ONU puisse leur venir en aide.

Dans le nord-est de la Syrie, a-t-il enchaîné, 734 000 personnes obtiennent une aide sur une base mensuelle, y compris 70 000 civils se trouvant dans le camp de Hol où trois hôpitaux de campagne ont été ouverts le mois dernier.  M. Lowcock a cependant avoué demeurer extrêmement préoccupé par le sort des personnes qui y vivent et a appelé les États Membres à rapatrier leurs ressortissants et à prendre toutes les mesures pour éviter des situations d’apatridie. 

De même, les agences humanitaires ont renforcé leurs opérations transfrontières, notamment en faveur de ceux ayant fui le nord d’Edleb, permettant d’atteindre 1,2 million de personnes.  En ce moment, a-t-il noté, cette aide transfrontière est le seul moyen d’apporter de l’assistance à trois millions de civils de la région. 

Enfin, M. Lowcock a déploré que le Conseil de sécurité ait ignoré les appels à l’aide lancés précédemment par les populations syriennes.  « Vous savez ce qui se passe et vous n’avez rien fait depuis 90 jours alors que le carnage se poursuit devant vos yeux », s’est-il indigné.  « Allez-vous encore hausser les épaules?  Ou allez-vous entendre les enfants d’Edleb et faire quelque chose? » 

Depuis le début du conflit en Syrie, les attaques contre des établissements de santé et leur personnel constituent une « stratégie de guerre délibérée, inhumaine et illégale », a condamné Mme SUSANNAH SIRKIN, Directrice des politiques au sein de Physicians for Human Rights (PHR), une organisation non gouvernementale (ONG) dont les experts scientifiques et médicaux vérifient, documentent et signalent les violations des droits de l’homme sur le territoire syrien depuis huit ans.  Lorsque des hôpitaux sont pris pour cible, les pertes enregistrées vont bien au-delà des simples bâtiments détruits, a souligné Mme Sirkin.  De même, lorsque des travailleurs médicaux sont assassinés, le bilan humain s’étend au nombre exponentiel des malades qui meurent par la suite en raison de l’absence d’accès à un traitement médical. 

Selon Mme Sirkin, les travaux « méticuleux » effectués par PHR depuis le début du conflit syrien font apparaître un « mépris flagrant pour la vie civile », comme en témoignent, a-t-elle estimé, les attaques répétées du Gouvernement syrien contre des établissements et du personnel de santé depuis 2011.  Ainsi, de mars 2011 à juillet 2019, son ONG a corroboré 578 attaques contre 350 établissements distincts et documenté le meurtre de 890 membres du personnel médical.  D’après Mme Sirkin, sur ces 578 attaques, 521 ont été perpétrées par Damas et ses alliés, soit 91%.  « Chacune de ces attaques contre un établissement de santé en activité constitue un crime de guerre », a souligné Mme Sirkin.  Si on les considère dans leur ensemble, ces agressions constituent des crimes contre l’humanité, a-t-elle ajouté, dénonçant la « destruction généralisée et systématique » d’établissements de santé et l’assassinat de centaines de médecins, infirmiers, pharmaciens et ambulanciers par le Gouvernement syrien et ses alliés russes, avec pour seul objectif de « briser le moral des gens ». 

Au fil des ans, le Secrétaire général a régulièrement partagé ces chiffres avec le Conseil de sécurité, a rappelé Mme Sirkin.  « Pourtant, ces crimes continuent d’être perpétrés en toute impunité », s’est-elle étonnée.  À Alep, PHR a ainsi recensé 161 attaques contre des établissements de santé, dont 54 en 2016, a-t-elle indiqué, précisant que ces attaques avaient également contraint des dizaines de milliers de civils à fuir.  « Trois ans plus tard, le monde observe en silence la même escalade de la violence à Edleb et dans le nord-ouest de la Syrie », a déploré Mme Sirkin, mettant le Conseil en garde contre ce qui risque de devenir la « pire crise humanitaire du XXIe siècle ».  Depuis que Damas et la Fédération de Russie ont intensifié leurs attaques à Edleb et dans le nord de Hama, le 26 avril dernier, PHR a ainsi reçu des informations faisant état de 46 attaques contre des établissements de santé, a-t-elle indiqué.  « À ce jour, en utilisant notre méthodologie rigoureuse, nous en avons confirmé 16 et nous comptons toujours », a précisé Mme Sirkin, ajoutant que 1,3 million de personnes déplacées étaient à l’heure actuelle prises au piège dans cette zone « soi-disant démilitarisée ». 

De plus, les accords conclus par les Nations Unies pour informer toutes les parties de l’emplacement des établissements de santé dans le but de les protéger ont été violés à maintes reprises, s’est insurgée Mme Sirkin.  « Les Gouvernements syrien et russe connaissent l’emplacement exact de la plupart des établissements de santé et continuent néanmoins de les prendre pour cible », a-t-elle accusé.  Dans ces conditions, Mme Sirkin a salué le courage du personnel médical, qui continue de fournir des soins salvateurs aux patients tout en essuyant des bombardements.  « Les hôpitaux, qui devraient être les lieux les plus sûrs à Edleb, sont précisément le contraire: ce sont des cibles », a-t-elle déploré.  Elle a ensuite précisé qu’« au moins » 14 centres de soins avaient essuyé des frappes en dépit du fait qu’ils avaient transmis leurs coordonnées aux parties belligérantes à travers le mécanisme de déconfliction d’OCHA. 

« Votre inaction collective actuelle est une dérogation claire à votre responsabilité de protéger », a par ailleurs regretté Mme Sirkin, estimant que les civils syriens avaient été abandonnés par le Conseil et les gouvernements qui auraient pu mettre fin au carnage.  Mme Sirkin a appelé la Syrie et la Russie à mettre immédiatement fin aux attaques contre les hôpitaux et autres infrastructures civiles vitales en Syrie.  Elle a également exhorté le Secrétaire général à ouvrir immédiatement une enquête sur ces attaques à Edleb, dans le nord de Hama et à l’ouest d’Alep.  « Nous vous appelons à faire tout votre possible pour mettre fin au massacre et protéger les civils pris au piège en Syrie », a enfin déclaré Mme Sirkin, estimant que « l’incapacité persistante » du Conseil à mettre un terme à l’impunité pour ces crimes nuisait fortement à sa crédibilité.  Elle a ensuite rendu hommage aux professionnels de la santé syriens.

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït), qui s’exprimait au nom des porte-plume sur le dossier de l’humanitaire en Syrie qui sont la Belgique, l’Allemagne et le Koweït, a déploré les « horreurs » auxquelles les civils syriens ont à faire face dans le nord-ouest syrien, une région qui subit une campagne militaire depuis les trois derniers mois.  Plus d’enfants ont trouvé la mort ces quatre derniers mois que pendant toute l’année 2018 selon certains rapports, s’est-il indigné, et des centaines de civils sont morts.

Des hôpitaux, des écoles et des marchés ont été délibérément visés et détruits par des frappes aériennes, alors même que beaucoup de ces infrastructures civiles avaient fait l’objet d’une « déconfliction ».  C’est juste inacceptable, a-t-il tranché en condamnant ces frappes.  Il a appelé l’ensemble des parties à prendre des mesures pour protéger les civils et les infrastructures civiles et humanitaires, conformément au droit international humanitaire.  Les porte-plume s’attendent aussi à ce qu’elles respectent les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.  Ils ont souligné que la lutte contre les groupes terroristes ne les dégage pas de leurs obligations en vertu du droit international humanitaire. 

Le représentant a également de nouveau appelé à la pleine mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu conclu dans le cadre du mémorandum d’accord russo-turc de septembre 2018.  Il n’existe pas de solution militaire au conflit syrien, a affirmé M. Alotaibi, en ajoutant que les porte-plume sont d’avis que le Conseil de sécurité a une responsabilité envers les Syriens, en particulier ceux qui vivent à Edleb, et appellent à la protection des civils qui vivent dans cette région.  C’est pourquoi, réunion après réunion, ils ont essayé de faire adopter des projets de déclaration sur l’escalade militaire et son impact humanitaire, a rappelé le représentant.  Mais, a-t-il regretté, le Conseil n’a pas été capable de faire front commun et d’être uni autour de ces initiatives.  Le délégué s’est demandé si l’inaction du Conseil est partiellement responsable du triplement du nombre de personnes déplacées du nord-ouest syrien, qui dépasse 440 000 personnes aujourd’hui.  « Ce Conseil ne peut rester les bras croisés et voir Edleb devenir l’une des pires catastrophes humanitaires du XXIsiècle », s’est impatienté le représentant.

Le délégué a également relevé que la situation dans le camp de Roukban est catastrophique et a estimé que ses habitants doivent pouvoir quitter le camp de manière volontaire, sûre et digne.  Pour ce qui est du retour des réfugiés, il a indiqué que la position des porte-plume reste inchangée, à savoir qu’ils doivent pouvoir rentrer chez eux de manière sûre, digne et volontaire.  Ils exigent en outre un accès humanitaire sans entrave, inconditionnel, sûr et durable.

Mme CHERITH NORMAN-CHALET (États-Unis) a condamné dans les termes les plus forts l’escalade des opérations militaires menées par le régime d’Assad et la Russie dans le nord-ouest de la Syrie, notant également que la situation humanitaire s’aggrave de jour en jour.  « La sombre réalité qui prévaut sur le terrain devrait pousser chacun de nous a mettre immédiatement un terme à cette violence », a-t-elle affirmé.  Plus de 440 000 personnes ont déjà été déplacées depuis le début de l’offensive au mois d’avril et la sombre réalité est que les plus de 3,5 millions de personnes qui se trouvent dans la province d’Edleb n’ont nulle part où aller pour échapper à la prochaine frappe, un fait, a-t-elle affirmé, dont le régime d’Assad et l’armée de l’air russe ont pleinement conscience.  Elle a aussi dénoncé les informations transmises le 22 juillet indiquant qu’un marché de la ville de Maarret el-Nouman avait été pris pour cible par le régime d’Assad et l’armée de l’air russe, tuant au moins 35 personnes.

« Lorsque le régime d’Assad et la Russie ne cessent d’attaquer des hôpitaux et autres biens de caractère civil, qui ont été nombreux à communiquer à l’avance le fait qu’ils abritent des civils, il est difficile de nier que ces frappes ne sont pas un acte délibéré », a affirmé la représentante.  Mme Norman-Chalet a aussi déclaré que les États-Unis ne failliront pas dans leur appui au travail courageux des Casques blancs et des travailleurs médicaux et humanitaires.  Ces derniers ne sont pas des terroristes et méritent notre protection, a-t-elle souligné.

La déléguée a ensuite exhorté le régime d’Assad et ses alliés à revenir immédiatement au cessez-le-feu et à assurer un accès sans entrave à l’aide pour répondre au « désastre » humanitaire provoqué par les frappes aériennes.  Elle a aussi appuyé le lancement d’une enquête sur les attaques contre les centres de soins dans le nord-ouest de la Syrie et a encouragé les agences humanitaires à fournir les informations dont elles disposent à ce sujet à la Commission d’enquête et au Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011 et d’aider à juger les personnes qui en sont responsables.  Elle a également engagé les membres du Conseil de sécurité à veiller à ce que l’ONU dispose de la marge de manœuvre nécessaire pour assurer les livraisons d’aide transfrontières par tous les points de passage agréés.

Tournant son attention sur le camp de Roukban, la représentante américaine a dénoncé le fait que les 24 000 personnes qui y demeurent se voient systématiquement nier l’accès à l’aide en raison des délais bureaucratiques imposés par le régime syrien et la Russie.  Elle a exhorté la Russie à expédier et obtenir toutes les autorisations du régime pour permettre à une équipe d’évaluation et à un convoi de l’ONU de s’y rendre immédiatement.  Elle a ensuite signalé que nombre des personnes qui demeurent à Roukban choisissent de rester dans « les conditions humanitaires les plus difficiles » car elles ne peuvent pas couvrir leurs propres frais de transport ou parce qu’elles ne veulent pas retourner dans des zones contrôlées par le régime par peur de représailles, entre autres.

Mme Norman-Chalet s’est aussi préoccupée du problème des détentions arbitraires et a insisté sur l’impératif politique et humanitaire d’améliorer la transparence et l’accès au régime carcéral et d’obtenir la libération des Syriens détenus arbitrairement.  Les États-Unis comptent d’ailleurs demander la tenue, au cours des prochaines semaines, d’un briefing consacré à question des détenus et des personnes disparues en Syrie, afin de mobiliser une action urgente pour répondre à cette question.

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a dit ressentir de la frustration à se retrouver à entendre, mois après mois, des comptes rendus affligeants de l’escalade des tensions à Edleb et ses environs sans pouvoir agir.  Elle a ensuite affirmé que la responsabilité de l’inaction du Conseil incombe à trois États Membres.

Elle a dénoncé les multiples atteintes au droit international, en exigeant que les auteurs de ces crimes aient à rendre des comptes.  « L’univers tendra vers la justice », a-t-elle affirmé, avertissant les responsables des crimes commis dans le nord-ouest syrien qu’ils ne resteront pas impunis.  Elle a demandé aux parties, la Syrie et la Russie, ce qu’elles font pour protéger les civils et comment leurs forces établissent un distinguo entre terroristes et civils sur le terrain.  Elle leur a également demandé quelle partie du droit international humanitaire autorise des attaques contre des civils au nom de la lutte antiterroriste, expliquant n’avoir trouvé aucune mention de cela dans les conventions internationales.

Mme Pierce a aussi voulu savoir ce que disent les doctrines syrienne et russe sur les règles d’engagement et la notion de la proportionnalité.  Pourquoi le mécanisme de déconfliction ne fonctionne-t-il pas et pourquoi les infrastructures civiles et humanitaires qui font l’objet d’une déconfliction sont toujours visées par leurs frappes? a-t-elle demandé.

Elle a ensuite appelé l’ONU à mener une enquête transparente et crédible sur les frappes qui ont visé des infrastructures civiles et humanitaires à Edleb. 

Poursuivant, la déléguée a rappelé que si un hôpital est utilisé comme cible militaire, les conventions de Genève stipulent qu’une alerte doit être donnée au préalable.  Or, cela n’a pas été le cas en Syrie, ce qui fait de ces attaques un crime de guerre, a–t-elle poursuivi.  Elle a ensuite insisté sur l’impératif d’un processus politique durable en Syrie, soulignant que l’aide à la reconstruction en dépend.

Rappelant, enfin, que la Charte des Nations Unies stipule qu’il faut agir pour préserver les générations futures du fléau de la guerre, elle s’est adressée à ses homologues russe et chinois pour leur demander quelle partie de cette phrase n’est pas claire.

M. WU HAITAO (Chine) a appelé la communauté internationale à travailler ensemble pour trouver une solution à la crise syrienne.  Il a estimé qu’au vu de la situation complexe à Edleb, les parties doivent dialoguer pour arriver à un consensus.  Il a aussi dit soutenir la Fédération de Russie et la Turquie dans la mise en œuvre des accords sur les zones de désescalade.  Il a ensuite invité l’ONU et ses partenaires à poursuivre leur appui humanitaire en Syrie, y compris dans des camps de déplacés.  Au sujet du camp de Roukban notamment, il a demandé une réponse appropriée à la situation qui y prévaut, relevant que la plupart des gens qui s’y trouvent veulent rentrer chez eux et appelant la communauté internationale à les aider dans ce sens.

Poursuivant, le délégué chinois a relevé que le Gouvernement syrien élimine activement les engins non explosés et réhabilite les régions libérées et a estimé que ces efforts doivent être reconnus.  De ce fait, les sanctions économiques contre ce pays sont contreproductives, a-t-il jugé.  De même, l’aide apportée en Syrie doit se faire dans le respect de la souveraineté du pays et dans le respect des principes universels en la matière.  Enfin, sur le plan politique, la Chine a dit appuyer l’ONU comme médiateur pour chercher une solution tenant compte des préoccupations de toutes les parties. 

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a rappelé que 400 personnes avaient trouvé la mort à Edleb, Hama et Alep depuis le mois d’avril, dont 33 enfants au cours du seul mois écoulé.  « Ils ont tous été surpris par la mort alors qu’ils se trouvaient chez eux, à l’école, à l’hôpital, dans un camp pour personnes déplacées ou sur un marché », a déploré le représentant, précisant en outre qu’environ 40 attaques contre des établissements de santé avaient été enregistrées au cours des trois derniers mois, soit une attaque tous les deux jours et demi.

Le représentant a appelé les membres du Conseil à agir pour mettre fin à cette situation.  « Nous ne devons pas être les témoins silencieux de ce que certains semblent considérer comme un “chapitre supplémentaire” dans l’histoire de la Syrie », a-t-il insisté, appelant à une cessation immédiate des attaques contre les civils à Edleb et dans le reste du pays.

Le représentant a appelé à entamer un processus politique « ouvert, crédible et durable » pour tous les Syriens, sous l’égide de l’ONU et sur la base de la résolution 2254 (2015) du Conseil.  Des progrès sur la question de la libération des personnes détenues et de la localisation des personnes disparues s’imposent également, a-t-il estimé.

Pour M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France), le constat dressé par les deux intervenants est sans appel: c’est une catastrophe humanitaire qui se joue dans le nord-ouest syrien.  Les vies de plus de trois millions de civils, dont un million d’enfants, sont en jeu.  Au-delà de la réponse à l’urgence, nous devons plus que jamais concentrer nos efforts sur trois priorités, a demandé le représentant, à savoir la restauration du cessez-le-feu à Edleb, le respect du droit international humanitaire, et la recherche d’une solution politique durable.

La France condamne avec la plus grande fermeté les frappes qui continuent à viser de manière indiscriminée les civils et les infrastructures civiles et humanitaires et appelle les signataires de l’accord de cessez-le-feu, la Russie et la Turquie, à tenir leurs engagements et à assurer sa mise en œuvre effective dans le nord-ouest en vue d’un cessez-le-feu à l’échelle nationale.  La Russie doit exercer les pressions nécessaires sur le régime syrien afin d’éviter la poursuite des violences, a exigé le représentant, en soulignant que la lutte contre les groupes terroristes ne doit pas servir de prétexte à des bombardements indiscriminés.  La France se tient prête à réagir en cas de nouvel usage avéré d’armes chimiques, a-t-il mis en garde.

Les parties au conflit doivent prendre leurs responsabilités pour protéger les populations civiles, a poursuivi M. de Rivière, en notant que le ciblage délibéré d’infrastructures civiles et humanitaires, comme des hôpitaux et des écoles, est une violation inacceptable du droit international humanitaire.  La France appelle les Nations Unies à mener une enquête sur ces incidents.  Elle exige en outre un accès humanitaire immédiat, sûr, complet, durable et sans entrave à l’ensemble du territoire syrien.  C’est la responsabilité en première ligne du régime syrien, a-t-il souligné, avant d’insister sur l’urgence d’un nouveau convoi humanitaire pour le camp de Roukban.

Pour ce qui est de la relance d’un processus politique durable, la France soutient pleinement les efforts de l’Envoyé spécial pour la Syrie, M. Geir Pederson.  Le représentant a estimé qu’il appartient à l’Envoyé spécial, « et à lui seul », d’annoncer la formation du comité constitutionnel et de le réunir à Genève.  Il a également appelé à préparer dès maintenant la tenue d’élections libres et transparentes, sous la supervision des Nations Unies et auxquelles l’ensemble des Syriens, y compris les réfugiés, participeront.

M. TIEMOKO MORIKO (Côte d’Ivoire) a appelé les parties au conflit à la cessation immédiate des hostilités et au strict respect du droit international humanitaire.  Il les a aussi invitées à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les populations et les infrastructures civiles.  Au regard de l’acuité de la situation des réfugiés et des personnes déplacées internes, il a lancé un appel pressant aux partenaires internationaux à tenir leurs promesses de financement faites lors de la troisième Conférence de Bruxelles sur l’avenir de la Syrie et la région, relevant que seuls 23% des 3,3 milliards de dollars nécessaires pour porter assistance à plus de 11 millions de Syriens ont été réunis à ce jour.  Le représentant a également souligné que les réponses aux besoins des populations en détresse doivent s’accompagner d’une intensification des efforts visant à obtenir un cessez-le-feu immédiat, indispensable à l’acheminement sécurisé de l’aide humanitaire, entre autres.

M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) a appelé les parties en conflit en Syrie à respecter le droit international humanitaire et à protéger les civils.  « Trop c’est trop », a-t-il martelé, demandant que prenne fin la souffrance des populations dans le nord-ouest de la Syrie.  Selon le représentant, des discours au Conseil de sécurité ne suffisent pas à décrire la souffrance des civils, notamment des femmes et des enfants qui représentent 76% de la population du nord-ouest du pays. 

Le représentant a aussi déploré le fait que malgré la transmission des coordonnées des hôpitaux dans le cadre du mécanisme de déconfliction, ces sites continuent d’être ciblés.  Il s’est également inquiété de la situation déplorable dans les camps de Hol et de Roukban.  L’Indonésie appelle à l’unité du Conseil de sécurité, notamment en vue de la protection des vies de la population et demande que la question ne soit pas politisée et que le dialogue et la coordination prévalent au sein du Conseil.  Le délégué a également rendu hommage aux humanitaires qui ont perdu la vie sur le terrain en Syrie. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a fait observer que les exposés de M. Mark Lowcock sur le Yémen et la Libye sont « très différents » de ceux qu’il fait sur la Syrie.  Face aux invectives prononcées contre la Syrie et la Russie, il est revenu sur les propos de sa collègue britannique qui, a-t-il affirmé, a accusé la Russie de se moquer du Conseil de sécurité, pour ensuite renvoyer cette accusation à ceux qui s’en prennent à la Russie dans le contexte syrien.  Il y a vu une démarche de propagande des pays occidentaux, affirmant que « l’objectif de mes collègues occidentaux est de conserver l’enclave terroriste d’Edleb ».

M. Nebenzia a ensuite indiqué que la situation humanitaire en Syrie avait fait l’objet, hier à Moscou, d’un briefing du Ministère de la défense russe auquel les États membres du Conseil avaient été conviés.  Résumant les conclusions de ce briefing, le délégué russe a reconnu que la situation humanitaire à Edleb est préoccupante mais en raison des raids terroristes et non pas des frappes russes et syriennes.  Il a affirmé qu’il existe un afflux d’armes vers les terroristes et a relevé que M. Mark Lowcock avait « oublié » de mentionner combien de civils ont été tués suite à des frappes terroristes. 

S’agissant des frappes contre les centres de soins, il a fait observer qu’avant l’escalade de la situation, il n’existait qu’une douzaine d’hôpitaux en Syrie, et a noté que dans son intervention, Mme Susannah Sirkin, de l’ONG Physicians for Human Rights, n’avait fait état que de 16 cas d’attaques confirmées contre ces centres.  Cela représente à peine le tiers du nombre d’incidents dont il est question, a-t-il relevé.  Il a également affirmé que le marché qui aurait été visé par des frappes russes et syriennes n’avait pas fait l’objet de frappes, comme le confirment les images de drones russes du 25 juillet.  Il a regretté que les Nations Unies aient, « une fois de plus », été victimes de fausses informations diffusées par les groupes terroristes.  Ces « infox » sont reprises par l’ONU et les médias occidentaux, a regretté le représentant, avant d’appeler l’ONU à ne pas divulguer des informations non vérifiées.

« On dit que la Russie fait exprès de bombarder des écoles et des hôpitaux, mais c’est un mensonge », s’est indigné le représentant.  S’agissant du principe de distinction, il a rappelé que lorsque la coalition a rayé de la carte des villes comme Raqqa, ce principe n’a jamais été évoqué.  Face à ce deux poids, deux mesures, il a martelé que le groupe terroriste Hay’at Tahrir el-Cham, qui opère à Edleb, utilise des infrastructures civiles à des fins militaires et des civils comme boucliers humains.  Cela va à l’encontre de la souveraineté territoriale syrienne, a tranché le représentant. 

Se penchant ensuite sur le camp de Roukban, M. Nebenzia a noté que la situation y reste difficile, précisant que la Russie continue de coopérer avec l’ONU et la Croix-Rouge dans ce contexte.  Il s’est ensuite alarmé de la situation « catastrophique » qui prévaut dans le camp de Hol.  Rappelant que les forces d’occupation sont responsables des populations vivant dans les zones occupées, il s’est demandé pourquoi les États-Unis n’apportent pas d’aide au camp de Roukban.

En conclusion, le délégué russe a réitéré que la Russie continuera à faire son possible pour parvenir à la paix et à une solution politique en Syrie.  Elle continuera à travailler avec la Turquie dans le cadre du mémorandum d’accord de septembre 2018 et demande à la communauté internationale de ne pas « gêner ses efforts en donnant un couvert politique aux groupes terroristes ».

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a exigé que les opérations militaires soient menées dans le respect du droit international et du droit international humanitaire.  Selon elle, la protection des civils n’est pas un choix, mais bien une obligation légale qui incombe à toutes les parties au conflit.  Et ceux qui ne respectent pas ce principe doivent en rendre compte.  Mme Wronecka a estimé que la lutte contre les groupes terroristes ne peut justifier des violations du droit international, soulignant qu’attaquer des sites médicaux est une violation flagrante de ce droit.  Elle a plaidé pour que la zone de désescalade d’Edleb soit respectée afin d’éviter une catastrophe humanitaire. 

La représentante a également tiré la sonnette d’alarme devant l’état piteux des installations hospitalières en Syrie, relevant que celles qui fonctionnent encore sont mal équipées et ne peuvent apporter des soins aux blessés, et encore moins aux personnes handicapées.  Elle a enfin appelé à fournir une assistance humanitaire aux populations déplacées des camps de Hol et de Roukban. 

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a dénoncé les « statistiques alarmantes » découlant du conflit syrien, ce « cauchemar » qui augmente au même rythme que les défis humanitaires auxquels il donne naissance.  Il s’est dit particulièrement troublé par la montée des violences ces dernières semaines dans les zones de désescalade qui avaient été créées dans le cadre du processus d’Astana, signe pour lui de la « profonde volatilité » à laquelle le pays est en proie.  À Edleb, a rappelé le représentant, 450 personnes ont trouvé la mort dans les combats au cours des trois derniers mois seulement et plus 440 000 ont été contraintes de fuir leur foyer.  « Pour ceux qui connaissent Venise, en Italie, cela reviendrait à vider deux fois la ville », a-t-il indiqué, à titre de comparaison. 

Partout des voix s’élèvent pour dénoncer « l’échec de la diplomatie et des nations les plus puissantes », a souligné le représentant, précisant que de nombreux citoyens à travers le monde en venaient même à remettre en cause le travail, voire l’existence des organisations internationales et de leurs organes décisionnels, à l’instar du Conseil de sécurité.  Le représentant a lancé un appel à l’action et à la fin de « l’indifférence internationale ».  Il a également appelé les parties à cesser leurs attaques contre des civils et infrastructures civiles, en particulier les établissements de santé.  Enfin, le représentant a espéré que les prochaines réunions des garants du processus d’Astana, prévues les 1er et 2 août prochains à Nour-Soultan, puissent se traduire par une diminution de l’escalade actuelle des combats et raviver le cessez-le-feu conclu en septembre 2018. 

Mme KGAUGELO THERMINA MOGASHOA (Afrique du Sud) s’est dite profondément préoccupée par la situation humanitaire dans le nord-ouest de la Syrie où des frappes aériennes ont visé des marchés et des zones résidentielles, faisant des victimes civiles, notamment parmi les femmes et les enfants qui représentent 76% de la population locale.  Elle a également dénoncé la destruction d’infrastructures civiles, depuis début avril, citant 37 incidents ayant visé des centres médicaux et 47 ayant pris pour cible des écoles et des centres d’assainissement d’eau.  Cette escalade des tensions a également entraîné des déplacements massifs de personnes, a remarqué la représentante.

L’Afrique du Sud condamne en outre les attaques visant le personnel humanitaire et juge impératif que les signataires du mémorandum de cessez-le-feu de septembre 2018 s’engagent à le respecter, a poursuivi la représentante.  Tout en reconnaissant la menace terroriste, elle a demandé à ce que les parties veillent à ne pas lutter contre ce fléau au détriment de la population civile et a souligné que cette lutte doit s’inscrire dans les paramètres fixés par le droit international.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a noté avec préoccupation l’intensification de la violence sur le territoire syrien et la détérioration grave de la situation humanitaire qui en découle.  Le nord-ouest du pays continue de faire l’objet de toutes les attentions, du fait de la densité de sa population, de son climat sécuritaire très volatile et des risques accrus liés au contrôle étendu qu’exercent les groupes terroristes sur la région, a-t-il précisé.  Le représentant a ainsi noté combien les principes fondamentaux du droit international humanitaire et des droits de l’homme étaient bafoués dans cette zone, où les raids aériens ne faisant pas la distinction entre civils et combattants continuent d’augmenter.  Les attaques contre des écoles, des établissements de santé et des installations d’alimentation en eau potable sont également en hausse, a déploré le représentant, et ce, malgré le fait que les coordonnées géographiques de plusieurs de ces infrastructures civiles aient été communiquées aux autorités syriennes. 

Ces actes constituent des violations flagrantes du droit international et des crimes de guerre, a-t-il estimé, appelant à ouvrir des enquêtes pour identifier et punir leurs auteurs.  Les pays bénéficiant d’une influence sur les parties peuvent et doivent faire davantage pour promouvoir une solution politique au conflit sur la base de la résolution 2254 (2015) et du Communiqué de Genève, a en outre estimé le représentant, appelant notamment à préserver l’accord conclu en septembre 2018 entre la Turquie et la Fédération de Russie.  Dans l’intervalle, le représentant a appelé à augmenter les efforts humanitaires dans l’ensemble de la Syrie, et non pas seulement dans le nord-ouest du pays.  Il a également appelé les autorités syriennes à autoriser l’ONU à mener une évaluation complète des conditions de vie dans le camp de Roukban. 

Mme SIRKIN, de Physicians for Human Rights, a repris la parole pour préciser que contrairement aux dires de la délégation russe, elle n’avait pas confirmé que le tiers des allégations d’attaques avait effectivement eu lieu.  Elle a expliqué que le chiffre de 16 attaques confirmées à ce jour tient du fait que le processus de confirmation est en cours et se fait de manière minutieuse.

 

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