8332e séance – matin
CS/13468

Syrie: malgré la baisse du nombre de personnes déplacées, la crise humanitaire reste aiguë, affirme le Représentant de l’OCHA au Conseil de sécurité

Même si le nombre de personnes déplacées en Syrie a reflué, la situation humanitaire dans le nord-ouest du pays continue de se détériorer, en particulier dans les provinces d’Edleb, Alep, Hama et Lattaquié, a déclaré, ce matin, le Directeur des opérations et du plaidoyer du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), M. John Ging, au Conseil de sécurité.

« Le 10 août, des frappes aériennes contre la localité d’Uram Al-Kubra auraient fait 41 morts parmi les civils et blessé plus de 70 autres.  Le même jour, des bombes ont été larguées sur Alteh et Khan Cheïkoun, dans le sud d’Edleb, causant la mort de 12 civils et faisant des dizaines de blessés.  Et le 12 août, 67 personnes auraient été tuées et 37 blessées, beaucoup étant des femmes et des enfants, lorsqu’une cache d’armes dans un bâtiment a explosé près de Sarmada, dans la campagne autour d’Edleb », a relaté le haut fonctionnaire, venu présenter aux membres du Conseil le dernier rapport en date du Secrétaire général de l’ONU.

Or, précise celui-ci dans ses observations, toute recrudescence de l’escalade militaire dans le nord-ouest de la Syrie, qui est une zone de désescalade, entraînerait non seulement des mouvements massifs de population mais aurait également des « conséquences catastrophiques » pour les civils sur le plan de la protection et de l’accès à l’assistance humanitaire et à des services de base.  Rien que dans les provinces d’Alep et d’Edleb, le nombre de personnes ayant besoin d’une aide humanitaire a augmenté de plus de 570 000 en 2018, portant leur nombre total à 4,2 millions, a précisé le Chef de l’Organisation.

Le 21 août dernier, à l’occasion du cinquième anniversaire de l’attaque à l’arme chimique de la Ghouta, les États-Unis, la France et le Royaume-Uni -tous trois membres permanents du Conseil de sécurité– ont fait une déclaration conjointe dans laquelle ces pays se disent très préoccupés par les informations faisant état d’une offensive militaire préparée par le Gouvernement syrien contre des populations et des infrastructures civiles à Edleb, et par l’éventualité de l’utilisation illégale d’armes chimiques.

D’après la représentante américaine, l’Envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, M. Staffan de Mistura, et le Coordonnateur humanitaire régional auraient prévenu des conséquences dévastatrices d’une opération militaire pour 2,2 millions de personnes vivant dans cette région.  Cette « stratégie d’écrasement », selon l’expression de son homologue française, continue de compromettre les espoirs de sortie de crise et fait courir le risque d’un nouveau « drame humanitaire » dans le nord de la Syrie, « doublé d’une crise migratoire en Turquie » voisine.  Le Royaume-Uni a exhorté, de son côté, la Fédération de Russie à empêcher la Syrie de recourir à des armes chimiques.

Des accusations balayées par le délégué syrien, qui a catégoriquement nié que son pays possèderait encore des stocks d’armes chimiques.  Après avoir condamné la déclaration franco-américano-britannique, il a affirmé que Damas considère comme « immorale » l’utilisation de telles armes.  Le délégué a en revanche soutenu que l’organisation Jabhat el-Nosra s’en servait et en avait tout récemment acheminées dans le nord-ouest de la Syrie. 

Des propos faisant écho à ceux du représentant russe, pour qui les Casques blancs auraient transporté deux containers de gaz toxique dans la région et seraient prêts à jouer le rôle de « figurants » en cas d’attaque chimique. Évoquant les « menaces d’action » de Paris, Londres et Washington, il a déclaré qu’il faudrait être « fou » pour utiliser de telles armes, sachant que cela entraînerait la réaction de trois puissances occidentales.

Le représentant syrien a par ailleurs contesté les propos tenus aujourd’hui par le Directeur des opérations de l’OCHA, qui a affirmé que seuls « deux convois humanitaires interagences » ont pu livrer des articles de première nécessité à 40 000 personnes à Deraa el-Balad et Bosra el-Cham en août.  Selon lui, 2 700 autorisations ont été délivrées rien qu’au Programme alimentaire mondial (PAM), cependant que le Croissant-Rouge arabe syrien fournirait quotidiennement une aide, par le biais de dizaines de convois qui se rendent dans les régions où se trouvent les nécessiteux.

« Notre problème avec l’OCHA est le suivant: l’OCHA ne parle que des convois de l’OCHA, mais ne tient pas compte des convois du PAM ou du HCR, et d’autres partenaires humanitaires qui sont autorisés à se déplacer », a tranché le délégué syrien.

À la suite de M. Ging, plusieurs membres du Conseil, dont l’Éthiopie, ont salué les retours massifs de populations déplacées dans leurs foyers du sud-ouest du pays, où elles ne seraient plus que 60 000 à être déracinées dans les provinces de Daraa, Qouneïtra et Soueïda.  Cependant, a-t-il souligné, des besoins considérables persistent, auxquels l’ONU s’efforce de répondre, en partenariat avec le Croissant-Rouge arabe syrien et d’autres organisations locales, en apportant une aide alimentaire à plus de 390 000 personnes, ainsi que d’autres services.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT (S/2018/777)

Déclarations

M. JOHN GING, Directeur des opérations et du plaidoyer du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a débuté son intervention en expliquant que la situation s’était détériorée dans le nord-ouest de la Syrie, à Edleb, à Alep, à Hama et Lattaquié, où des civils ont perdu la vie et des infrastructures civiles, dont des écoles et des hôpitaux, ont été détruites dans des bombardements aériens.  Le 10 août, des frappes aériennes contre la localité d’Uram Al-Kubra, dans l’ouest de la province d’Alep, auraient fait 41 morts parmi les civils et blessé plus de 70 autres personnes.  « Le même jour, des bombes ont été larguées sur Alteh et Khan Cheïkoun, dans le sud d’Edleb, causant la mort de de 12 civils et faisant des dizaines de blessés.  Le 12 août, 67 personnes auraient été tuées et 37 blessées, beaucoup étant des femmes et des enfants, lorsqu’une cache d’armes dans un bâtiment a explosé près de Sarmada, dans la campagne autour d’Edleb », a précisé le haut fonctionnaire.

Au cours de la même période, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a indiqué que trois établissements de santé auxquels il prêtait appui avaient été attaqués, deux d’entre eux étant désormais hors service, a poursuivi M. Ging.  Les organisations humanitaires s’efforcent de répondre aux besoins à travers tout le nord-ouest du pays, en s’appuyant sur les livraisons de l’aide transfrontière, qui continue d’être vitale pour des centaines de milliers de civils privés de toute autre assistance.  « Environ 680 000 personnes ont reçu une aide alimentaire en provenance de Turquie rien qu’au mois de juillet, et 254 000 des soins de santé », a fait valoir le Directeur.  Parallèlement à la réponse en cours, les partenaires humanitaires sont en train de finaliser un plan destiné à venir en aide à ces populations isolées vivant sous le contrôle de groupes armés non étatiques, populations qui sont au nombre de 2,1 millions de personnes, a-t-il expliqué.

S’agissant de la situation dans le sud-ouest, le Gouvernement syrien a désormais repris le contrôle de la plus grande partie des provinces de Daraa, Qouneïtra et Soueïda.  Des retours massifs de populations déplacées ont débuté, et il ne resterait plus que 60 000 personnes déracinées dans ces trois provinces.  Cependant, des besoins considérables persistent, auxquels l’ONU s’emploie à répondre, en partenariat avec le Croissant-Rouge arabe syrien et d’autres organisations locales, en apportant une aide alimentaire à plus de 390 000 personnes, ainsi que d’autres services.

La situation demeure complexe dans d’autres parties de la Syrie, comme à Roukban, à la frontière syro-jordanienne, où 45 000 personnes s’entassent dans un camp de réfugiés qui n’a pas la capacité d’accueillir dans des conditions acceptables un nombre si élevé de familles, a analysé M. Ging.  Et à Deïr el-Zor, les combats en cours dans l’est de la province continuent d’avoir un impact sur les civils: plus de 20 000 personnes se sont déplacées vers des camps de fortune fin juillet début août.  En ce qui concerne la Ghouta orientale, le nombre de personnes déplacées serait passé en dessous de la barre des 7 500.  L’ONU, a regretté le Directeur, n’a pas été autorisé à se rendre sur ces sites entre mi-juin et mi-août, bien que des déplacements aient été rendus possibles la semaine dernière. 

Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence se trouve aujourd’hui à Damas pour discuter avec les autorités syriennes des moyens d’optimiser l’aide humanitaire à travers toute la Syrie et de fournir une assistance aux nécessiteux, a annoncé M. Ging.  Celui-ci a rappelé en conclusion l’importance d’un engagement de la part du Conseil de sécurité pour veiller à la désescalade à Edleb et dans les régions voisines.  Il a cité en conclusion Kofi Annan: « Nous avons les moyens et la capacité de résoudre nos problèmes, si seulement nous pouvons trouver la volonté politique de le faire ».

Face à l’escalade des tensions et la possibilité d’une offensive militaire dans le nord-ouest de la Syrie, M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) a rappelé à toutes les parties, y compris aux alliés de la Syrie, qu’en vertu du droit international humanitaire, elles doivent garantir la protection des civils, y compris du personnel humanitaire et médical et des infrastructures civiles, y compris les écoles et les hôpitaux.  Dans cet esprit, il a regretté que la résolution 2401 (2018), présentée par la Suède et le Koweït et adoptée sans mise aux voix par le Conseil de sécurité il y a six mois, ne soit toujours pas mise en œuvre.  Sa délégation exhorte les parties à le faire sans plus tarder.

Rappelant aussi qu’Edleb est l’une des zones de désescalade créées par les garants d’Astana, il a dénoncé le fait que, les unes après les autres, ces zones se soient transformées en « zones d’escalade ».  Sur les 2,9 millions de personnes vivant dans la zone d’Edleb, 2,1 millions ont besoin d’une assistance humanitaire, et toute offensive militaire pourrait y avoir des conséquences humanitaires « catastrophiques », a averti le représentant avant de lancer un appel pour « qu’Edleb ne devienne le prochain Alep ou Ghouta orientale ». 

Dénonçant dans la foulée les difficultés d’accès humanitaire au territoire syrien, le représentant a demandé que l’on fasse pression sur les autorités syriennes pour « qu’elles fassent davantage », notamment en signant des lettres de facilitation des convois humanitaires et en accordant des visas au personnel de l’ONU.

S’agissant du retour des réfugiés et personnes déplacées syriens dans leur pays, la Suède exhorte les autorités syriennes à créer un environnement propice à leur retour sûr, volontaire et dans la dignité.  À ce titre le représentant a invoqué le mandat clair du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et a exigé que leur retour se fasse sous supervision du HCR en collaboration avec toutes les parties pertinentes et conformément au droit international.

La Suède appuie la recherche d’une solution politique, sous l’égide des Nations Unies et conforme à la résolution 2254 (2015).  Sans une telle solution, le retour volontaire des réfugiés syriens n’est pas envisageable, a poursuivi le représentant, ajoutant que ce n’est qu’une fois une telle solution trouvée et appliquée que la communauté internationale s’engagera en faveur de la reconstruction de la Syrie.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a rappelé que deux Syriens sur trois avaient besoin d’une aide humanitaire, ajoutant que la situation actuelle, en particulier à Edleb, devrait inciter le Conseil à s’interroger sur les moyens de protéger la population syrienne.  La lutte antiterroriste ne peut servir de prétexte à des violations des droits de l’homme, a-t-il dit, en appelant à prévenir une escalade de la violence. 

Il a plaidé pour un accès immédiat et sans entrave de l’aide humanitaire et souligné l’importance de l’aide transfrontalière.  Un règlement politique est urgent et toutes les parties doivent s’engager pleinement dans les efforts de paix, a-t-il dit, en espérant que la prochaine réunion à Genève soit concluante.  Enfin, le délégué a souhaité que les femmes syriennes jouent un rôle prééminent dans les efforts de règlement du conflit. 

Mme KELLEY A. ECKELS-CURRIE (États-Unis) s’est déclarée gravement préoccupée par les menaces qui pèsent sur la vie des civils dans le nord-ouest de la Syrie, alors que des informations font état d’une possible offensive de la part du régime et de ses alliés dans la province d’Edleb.  « Les opérations militaires du régime syrien, en particulier avec le soutien de l’armée russe, aggraveraient le conflit et affaibliraient encore davantage les efforts de ce Conseil pour parvenir à une solution politique au conflit », a mis en garde la représentante.  Les États-Unis prennent au sérieux les avertissements de l’Envoyé spécial Staffan de Mistura et du Coordonnateur humanitaire régional selon lesquels une opération militaire à Edleb et dans les régions environnantes mettrait en danger non seulement la vie de plus de trois millions de civils, mais aussi la capacité des partenaires humanitaires à fournir une assistance vitale.

Les États-Unis, a poursuivi Mme Eckels-Currie, sont également profondément préoccupés par le fait que le régime puisse à nouveau utiliser des armes chimiques contre des populations civiles dans le cadre de cette attaque contre Edleb.  « Comme nous l’avons clairement indiqué dans notre déclaration commune pour commémorer l’anniversaire de l’attaque meurtrière au gaz sarin à la Ghouta orientale par le régime, les États-Unis et nos alliés, la France et le Royaume-Uni, réagiront de manière appropriée à toute nouvelle attaque par le régime Assad », a-t-elle annoncé.

En tant que principal donateur d’aide humanitaire pour la Syrie, les États-Unis, a ajouté la déléguée, participent chaque mois à une aide qui bénéficie à quatre millions de Syriens dans 14 provinces.  « Si nos partenaires russes sont sérieux quant à leurs préoccupations concernant les réfugiés et autres Syriens déplacés, nous leur recommandons de cesser de permettre la violence continue et aveugle du régime syrien, de maintenir les zones de désescalade et de permettre un accès humanitaire sans entrave à ceux qui en ont besoin, dans le respect de la résolution 2165 (2014) du Conseil de sécurité. »

Mme VERÓNICA CORDOVA SORIA (Bolivie) a appelé à la cessation totale des hostilités en Syrie et souligné la nécessité d’éviter un regain des tensions, sous peine de provoquer une grave déstabilisation régionale.  La déléguée s’est dite « effarée » par la situation à Edleb et appelé à la pleine mise en œuvre de la résolution 2401 (2018).  Elle a salué le récent envoi d’articles humanitaires par la France avec le concours de la Fédération de Russie. 

Le dialogue et la coopération sont plus efficaces que le recours à la violence, a-t-elle dit, ajoutant que le respect du droit international humanitaire est crucial pour la stabilisation durable de la Syrie.  Le Gouvernement syrien doit coopérer avec les divers acteurs humanitaires en leur délivrant les visas nécessaires, a-t-elle affirmé.  Enfin, la déléguée de la Bolivie a souligné l’urgence qui s’attache au déminage total de la ville de Raqqa. 

Mme  JOANNA WRONECKA (Pologne) a dit son soutien pour un processus politique inclusif mené par les Syriens et placé sous les auspices de l’ONU à Genève.  La Pologne appelle à la fin des opérations militaires dans le sud-ouest de la Syrie, expliquant qu’elles ne mèneraient qu’à des morts de civils et la destruction des infrastructures civiles telles que des écoles ou des hôpitaux.  Le délégué a plaidé pour un accès sûr et sans entrave pour les agents humanitaires, regrettant que cela ne soit pas le cas dans des zones reprises par le Gouvernement syrien. 

La Pologne s’inquiète aussi des opérations militaires menées par le Gouvernement et ses alliés dans le nord-ouest du pays.  Elle a relevé que la province d’Edleb est confrontée à un afflux de déplacés, faisant d’elle le lieu accueillant le plus de déplacés dans toute la Syrie.  De ce fait, l’impératif humanitaire doit être la priorité du Conseil de sécurité.  La Pologne invite donc toutes les parties ayant une influence sur le terrain à prendre des actions pour un cessez-le-feu complet dans tout le pays, et notamment à Edleb, afin d’éviter que le scénario de la Ghouta orientale et d’Alep ne n’y reproduise.  Dans ce contexte, la Pologne plaide pour la protection des réfugiés, soulignant l’importance de respecter « l’impératif de non-refoulement ».

Mme ANNE GUEGUEN (France) a souligné les conséquences humanitaires dramatiques d’une potentielle offensive d’envergure du régime syrien à Edleb.  « Cette logique militaire continue de compromettre les espoirs de sortie de crise et fait courir le risque d’un nouveau drame humanitaire dans le nord de la Syrie, doublé d’une crise migratoire en Turquie », a-t-elle averti en prévenant qu’une telle option militaire « ne constituera jamais une solution acceptable ».  Elle a exigé que la protection des civils et des infrastructures soit garantie, expliquant que la vie de 2,2 millions de personnes est en jeu.  Cette logique militaire menace également la sécurité régionale puisqu’elle entraînerait la dispersion de combattants djihadistes présents dans la région d’Edleb, a poursuivi la représentante.  Le message que la France a fait passer la semaine dernière avec ses partenaires britanniques et américains est qu’il faut « dissuader le régime syrien de mener à bien sa stratégie d’écrasement et notamment d’employer des armes chimiques ».  À ce titre, le maintien du dialogue est essentiel, et le Président Emmanuel Macron est en contact étroit avec le Président Recep Tayyip Erdogan et le Président Vladimir Poutine sur cette question, a précisé Mme Gueguen qui a appelé les garants de cette zone de désescalade à maintenir le cessez-le-feu et à respecter le droit humanitaire.

Plus largement, la France souhaite que l’accès humanitaire complet, sûr et sans entrave sur l’ensemble du territoire syrien soit immédiatement possible, y compris dans la Ghouta orientale et à Quneitra.  Elle regrette l’absence de progrès en ce sens, y compris dans les zones prioritaires qui ont changé de contrôle.  « Seuls 11% des besoins de convoiement identifiés par l’ONU ont été couverts aux mois de juillet et août », a rappelé la représentante en soulignant le caractère « absolument essentiel » de l’aide qui transite par la Turquie, seule alternative pour venir quotidiennement en aide à deux millions de personnes dans le nord-ouest.

S’agissant du retour des réfugiés, la France reste d’avis qu’à ce stade les conditions pour un retour sûr, digne et volontaire ne sont pas remplies.  La représentante a rappelé à cet égard que la loi numéro 10 rend irréversibles les déplacements de population et fait partie « d’une stratégie d’ingénierie démographique, ce qui est en fait une entrave majeure au retour des réfugiés.  La France, comme l’Union européenne, demandent son abrogation ainsi que des dédommagements et un travail de fond sur les restitutions de propriétés et la conscription.  En conclusion, la représentante a estimé que la situation humanitaire ne sera durablement rétablie qu’en cas d’avancée crédible et irréversible du processus politique mené par les Nations Unies, or « le régime syrien ne montre jusqu’à présent aucune volonté pour négocier la moindre transition politique ».  Elle a averti que faute de réelle transition politique, les États membres de l’Union européenne et ses institutions ne financeront pas la reconstruction. 

M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a insisté d’emblée sur la nécessité du respect du droit humanitaire international sur tout le territoire syrien, et en particulier à Edleb où l’escalade de la violence semble « imminente ».  Soulignant le caractère essentiel de l’aide transfrontalière dans le sud-ouest, il a exigé également que la protection des civils, y compris le personnel humanitaire et médical soit assurée.  Préoccupé par la possibilité d’une offensive militaire sur Edleb, le représentant a rappelé que 3 millions de civils y vivent, dont 1 million d’enfants, ajoutant que 60% de ces personnes sont des déplacés internes. 

Les garants d’Astana de la zone de désescalade devraient assurer cette protection qui fait partie de leurs obligations sous le droit international humanitaire, a précisé le représentant qui les a exhortés, ainsi que le régime syrien, à tout faire pour éviter l’escalade de la violence à Edleb.  Les Pays-Bas appellent à une solution non violente négociée et espèrent que la prochaine conférence d’Istanbul sera l’occasion de la trouver.

Rappelant qu’il y a toujours 5,6 millions de réfugiés syriens dans le monde, le représentant a plaidé pour la solidarité, l’hospitalité et le soutien international, et a salué le récent accord sur un plan de réponse humanitaire à cette situation.  Il est d’avis qu’une approche basée sur les besoins s’impose pour la Syrie, aujourd’hui et à l’avenir. 

Pour sa délégation il est trop tôt pour parler d’un retour sûr des réfugiés en Syrie.  Tout retour volontaire suppose, selon le représentant, un environnement politique, économique et social sûr.  Ainsi, les Pays-Bas demandent que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ait accès à la Syrie pour y assurer le suivi des plusieurs seuils de protection.  Le représentant a également émis des réserves par rapport à la loi numéro 10 « qui tente de créer une nouvelle réalité démographique sur le terrain » et met l’avenir des réfugiés et des déplacés en jeu. 

Il a dénoncé la poursuite d’une stratégie basée sur la violence militaire qui ne saurait à aucun moment apporter la stabilité et la paix à long terme.  « Les Syriens doivent pouvoir faire confiance à leur Gouvernement », et, in fine, seule une solution politique inclusive pourra leur apporter la paix.  Ainsi la position des Pays-Bas reste inchangée: un appui à une solution politique facilitée par les Nations Unies et conforme à la résolution 2254 (2015), et, tant que cette solution politique n’est pas trouvée, il n’y aura pas de soutien à la reconstruction de la Syrie.

M. LEON H. KACOU ADOM (Côte d’Ivoire) a relevé que la détérioration préoccupante de la situation humanitaire en Syrie est exacerbée par les difficultés rencontrées par les acteurs humanitaires dans l’assistance aux populations en détresse.  La Côte d’Ivoire, a-t-il déclaré, exhorte les belligérants à s’abstenir de toute entrave à l’acheminement de l’aide humanitaire.  Le pays souscrit à l’appel du Secrétaire général adressé à toutes les parties au conflit, à la société civile syrienne et à tous les autres acteurs, à coopérer pleinement avec le Mécanisme international impartial et indépendant, en vue de mener les enquêtes nécessaires et traduire devant les juridictions internationales les personnes ayant commis, depuis mars 2011, des crimes graves au regard du droit international.

M. Kacou Adom a souligné que l’absence de consensus au sein du Conseil de sécurité sur la question syrienne exacerbe davantage l’impasse du processus politique et compromet les chances d’une sortie de crise négociée du conflit syrien.  Dans ce contexte, a-t-il ajouté, l’opération humanitaire conjointe menée par la Fédération de Russie et la France apparaît comme un modèle de coopération qu’il convient de saluer et de perpétuer. 

M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée équatoriale) s’est dit préoccupé de la situation dans le nord-ouest de la Syrie, affirmant que la population civile ne devait pas être prise pour cible.  Aussi, en a-t-il appelé aux pays qui exercent une influence sur les parties au conflit à obtenir d’elles qu’elles s’abstiennent de violences inutiles.  Selon le représentant, la situation humanitaire ne peut être abordée en dissociant le volet politique.  C’est la raison pour laquelle il a apporté son soutien à un processus politique qui inclue tout le monde, en plaçant ses espoirs sur les entrevues prévues début septembre par l’Envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie.

Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie) s’est félicitée du fait que le Secrétaire général constate qu’aucune zone en Syrie n’est désormais considérée comme assiégée et que le nombre de personnes déplacées a considérablement diminué, en particulier dans le sud-ouest du pays.  Toutefois, les besoins humanitaires demeurent élevés, et un accès sûr, en temps opportun et sans entrave devrait être ménagé aux organisations humanitaires par toutes les parties au conflit, a fait observer la représentante. 

Elle s’est ensuite dite préoccupée par l’escalade militaire à Edleb et aux alentours, où vivent près de trois millions de civils.  Comme l’a fait observer le Secrétaire général dans son rapport, « toute recrudescence de l’escalade militaire dans cette zone, comparable à ce que d’autres régions syriennes ont connue, entraînerait non seulement des mouvements massifs de population, mais aurait également des conséquences catastrophiques pour les civils sur le plan de la protection et de l’accès à l’assistance humanitaire et à des services de base », a mis en garde Mme Guadey.  Aussi, a-t-elle engagé les garants du processus d’Astana à faire respecter l’accord de désescalade et à trouver une solution durable fondée sur le dialogue.

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a déclaré que tous les regards étaient braqués sur Edleb, ajoutant que toute escalade humanitaire dans cette ville aurait de graves conséquences humanitaires.  « Il faut éviter une répétition de ce qui s’est passé à Alep et dans la Ghouta orientale. »  Le délégué a souligné le droit de tous les Syriens à regagner leurs foyers, avant de réclamer un accès humanitaire sûr et sans entrave dans tout le pays. 

Il a ensuite demandé l’application de la résolution 2401 (2018), jugeant « navrant » que celle-ci ne soit pas mise en œuvre.  L’Histoire n’oubliera pas l’incapacité du Conseil à mettre fin aux graves violations des droits de l’homme en Syrie, a-t-il affirmé.  Enfin, le délégué a espéré que le « nouveau souffle diplomatique » constaté récemment aboutira à un règlement de la crise en Syrie. 

M. YAO SHAOJUN (Chine) a rappelé que la situation humanitaire en Syrie était toujours aussi difficile et que les parties concernées devaient œuvrer à ménager un accès sûr aux organisations humanitaires.  Parallèlement, l’aide acheminée doit respecter pleinement la souveraineté de la Syrie et les principes de neutralité et d’impartialité, a fait observer le représentant. 

Le Conseil de sécurité doit faire preuve d’unité sur la question syrienne, a-t-il poursuivi, en se félicitant du rôle joué par l’Envoyé spécial.  Pour sa part, la Chine continuera d’aider au mieux la Syrie et les réfugiés se trouvant dans les pays voisins, a ajouté le délégué.

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a salué le travail mené par les Nations Unies et ses partenaires humanitaires dans le contexte syrien.  Même si le processus de négociation politique est difficile, a-t-il noté, il ne faut pas oublier que « la diplomatie est l’art du possible ».  Il ne faut donc pas perdre espoir de parvenir à un accord politique entre les parties au conflit, y compris entre les principaux protagonistes.  Le représentant a salué les conclusions de la réunion internationale de Sotchi, tenue dans le cadre des pourparlers d’Astana, lesquels avaient permis à toutes les parties de s’entendre sur des bases pour la paix, notamment la mise en place de conditions devant conduire à l’établissement d’un comité constitutionnel à Genève. 

Pour le Kazakhstan, l’un des points parmi les plus urgents est le retour des déplacés, et le retour des réfugiés se trouvant dans les pays voisins et en Europe.  Le délégué a souhaité que les institutions étatiques syriennes soient préservées et soutenues afin qu’elles soient renforcées démocratiquement et dans le respect de l’état de droit.  « La destruction de l’État ou des tentatives de le changer par la force ne vont qu’ajouter au chaos », a averti le représentant. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a déclaré que la situation en Syrie se stabilise, le Gouvernement syrien ayant donné des « gages de stabilité ».  Les efforts de déminage et de réparation des infrastructures, notamment les autoroutes et les centrales électriques, se poursuivent, a-t-il précisé.  Il a aussi relevé que le retour des Syriens dans leurs foyers s’intensifie, plus de 9 000 réfugiés étant rentrés depuis juillet, arrivant du Liban et de Jordanie.  Le représentant a fustigé les demandes artificielles formulées par certains acteurs qui entravent le retour des réfugiés.  Pour lui, le HCR devrait encourager ces retours, or il joue un rôle passif, a-t-il dit, en accusant l’ONU de se départir de sa neutralité en Syrie et d’entraver les efforts de relèvement.  Il s’est étonné que le HCR coopère avec les Casques blancs en Jordanie.  « Les Syriens qui rentrent dans leur pays ne sont pas aidés par le HCR alors que les extrémistes comme les Casques blancs, oui ».

À Edleb, un groupe terroriste essaye de prendre le dessus sur les autres, a expliqué le délégué russe, en appelant les « groupes illégaux » à renoncer aux provocations et à rejoindre les efforts de règlement du conflit.  Il a déploré la création par les États-Unis d’une base militaire illégale dans le sud de la Syrie, ainsi que la tendance qui se poursuit vers « un partage néocolonial » du pays. Contrairement à ce qui a pu être avancé, aucune attaque à l’arme chimique n’est en préparation, a-t-il dit, avant d’accuser les Casques blancs d’avoir acheminé deux containers de gaz toxique et d’être disposés à jouer le rôle de figurants en cas d’attaque chimique.  Les menaces d’action de Paris, Londres et Washington contre l’emploi d’armes chimiques sont des avertissements sans fondement, puisque le Gouvernement n’a pas d’armes chimiques, a-t-il martelé.  « Il faudrait être fou pour utiliser de telles armes, sachant que cela entraînerait la réaction de trois puissances occidentales », a-t-il déclaré.  Le délégué a enfin accusé ces trois pays occidentaux de protéger les groupes terroristes.

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a souligné la gravité de la situation à Edleb, « en dépit de ce que dit la Russie ».  Son pays réagira de manière appropriée si « le régime d’Assad » utilise de nouveau des armes chimiques contre sa population, a-t-elle dit.  Elle s’est par ailleurs demandée pourquoi l’ONU n’a pas accès aux personnes dans le besoin dans la Ghouta orientale depuis deux mois.  Les conditions ne sont pas remplies pour que les personnes déplacées rentrent chez elles en nombre, a-t-elle déclaré. « Il n’y aura pas d’aide à la reconstruction sans un processus politique crédible; il n’y aura pas de plan Marshall, mais un plan moscovite. »  La représentante a ensuite balayé toute allégation selon laquelle son pays coopérerait avec des éléments terroristes.  « C’est un écran de fumée pour dissimuler une attaque atroce en préparation de Damas contre sa population », a-t-elle déclaré, en exhortant la Russie à faire en sorte d’empêcher toute attaque chimique.

M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) s’est élevé contre le « grand risque » posé par l’utilisation d’armes chimiques dans son pays.  Contestant les propos tenus par le Directeur des opérations d’OCHA, le représentant a rappelé qu’au cours du mois écoulé, le Gouvernement avait délivré 2 700 autorisations au Programme alimentaire mondial (PAM).  Par ailleurs, le Croissant-Rouge arabe syrien fournit quotidiennement une aide, par le biais de dizaines de convois qui se rendent dans les régions où se trouvent les nécessiteux.  « Notre problème avec OCHA est le suivant: l’OCHA ne parle que des convois de l’OCHA, mais ne tient pas compte des convois du PAM ou du HCR, et d’autres partenaires humanitaires qui sont autorisés à se déplacer », a déclaré M. Jaafari.

À maintes reprises, a-t-il poursuivi, nous avons mis en garde « contre un éléphant géant dans cette salle » qui menace les dispositions de la Charte des Nations Unies et du droit international.  Au lieu d’assumer leurs responsabilités politiques et juridiques « dans cette guerre contre la Syrie et son peuple », certains membres de ce Conseil, a-t-il dit, persistent et signent dans leur agression, « par leurs drapeaux noirs et leurs casques blancs », en imputant à son pays les préparatifs d’une attaque à l’arme chimique.

M. Ja’afari a condamné la déclaration commune faite récemment par la France, les États-Unis et le Royaume-Uni, rappelant que la Syrie considère comme « immorale » l’utilisation de telles armes.  Damas ne possède pas d’armes chimiques, a martelé le représentant en ajoutant qu’il a honoré ses obligations à cet égard, en détruisant les stocks.  Il a évoqué les documents qui prouveraient que Jabhat el-Nosra utiliserait des armes chimiques, avant d’appeler les pays ayant de l’influence sur les groupes terroristes à empêcher ceux-ci de se servir de telles armes « qui ont été transportées dans la région ».  Enfin, il a dénoncé les enlèvements d’enfants dont son gouvernement est accusé. 

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