8319e séance – après-midi
CS/13436

Conseil de sécurité: Deux ans après la signature de l’Accord de paix avec les FARC-EP, le nouveau Gouvernement colombien appelé à consolider la paix

Au moment où se tourne une nouvelle page du processus de paix en Colombie, avec la prestation de serment du nouveau Président colombien, M. Iván Duque, le 7 août, le Représentant spécial du Secrétaire général pour la Colombie, M. Jean Arnault, a, cet après-midi au Conseil de sécurité, fait le point sur ces quatre derniers mois. 

Un nouveau Congrès colombien a été inauguré, avec des représentants du parti politique FARC dont les procédures sont alignées avec le « Statut de l’opposition »; la Juridiction spéciale pour la paix a tenu ses premières audiences; et le « Pacte dénonçant la violence à l’encontre des figures de la société civile » a été signé, entre autres, par les Présidents sortant et élu.  Le Représentant spécial a néanmoins reconnu les retards dans la réinsertion des anciens membres des FARC dans la vie civile.  Respecter les garanties offertes à ceux qui ont déposé les armes et entrepris une « transition difficile » vers la vie civile est « essentiel » pour la Colombie mais aussi pour que le pays devienne une source d’inspiration pour les parties à un conflit ailleurs dans le monde, a prévenu le Représentant spécial.

« Chérir la paix », c’est le refrain du discours que le Vice-Président sortant de la Colombie, M. Óscar Adolfo Naranjo Trujillo, a prononcé aujourd’hui.  « Chérir la paix », a-t-il expliqué, c’est tourner la page des 50 années de violence, c’est laisser à la Juridiction spéciale la liberté de prononcer des jugements contre ceux qui se seraient rendus coupables de crimes pendant le conflit, c’est trouver l’équilibre entre justice et réconciliation, c’est reconnaître le rôle que la communauté internationale a joué et c’est tirer les leçons du processus colombien qui peut être une source d’inspiration pour d’autres nations.

Le Vice-Président s’est enorgueilli du fait que son gouvernement lègue à ceux qui prendront le relais une feuille de route « claire » pour la poursuite du processus de paix.  Le nouveau gouvernement, s’est-il avancé, entend préserver l’Accord de paix, un Accord qui aura même permis de plonger dans l’histoire de la Colombie, s’est réjoui le Pérou, puisqu’un groupe de chercheurs aurait découvert les vestiges de ce qui pourrait figurer parmi les peintures rupestres les plus riches et les plus anciennes du monde. 

Cette bonne nouvelle n’a pas empêché la Bolivie d’attirer l’attention sur « les incertitudes et la peur » qui hantent les anciens membres des FARC quant à leurs garanties politiques et juridiques, et aux mécanismes de justice transitionnelle prévus par l’Accord.  La Côte d’Ivoire s’est aussi inquiétée des velléités de réviser certaines des dispositions « capitales » de l’Accord dont celles sur la procédure de justice, le foncier et les produits de substitution.  L’accès à la terre et aux sources de revenus, a renchéri la France, est l’élément central de la réintégration socioéconomique qui étroitement est lié au déploiement des services de l’État dans les zones les plus vulnérables aux groupes armés illégaux, est la clef du succès durable du processus de paix. 

Nous attendons avec impatience, ont ajouté les Pays-Bas, une approche globale de stabilisation qui affirme effectivement la présence de l’État dans les régions et les communautés les plus vulnérables, notamment par le biais de la sécurité, des infrastructures et l’installation d’écoles, de centres de santé et de tribunaux. 

Dans son rapport*, le Secrétaire général reconnaît que la tâche la plus importante dont devront s’acquitter les nouvelles autorités nationales consistera à consacrer de manière cohérente suffisamment de ressources au développement social et économique, aux infrastructures, à la sécurité, à la lutte contre le terrorisme et au rétablissement de l’état de droit partout dans le pays.

*A/2018/723

LETTRES IDENTIQUES DATÉES DU 19 JANVIER 2016, ADRESSÉES AU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ET AU PRÉSIDENT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LA REPRÉSENTANTE PERMANENTE DE LA COLOMBIE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2016/53)

Déclarations

Le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, M. JEAN ARNAULT, a brossé le tableau de ces quatre derniers mois du processus de paix en Colombie qui coïncident avec la fin du mandat du Président Juan Manuel Santos Calderón.  Il a salué la présence du Vice-Président colombien, M. Óscar Adolfo Naranjo Trujillo, avec lequel il a développé de bonnes méthodes de travail.  M. Arnault a cité l’établissement des priorités trimestrielles fixées sur les questions qui relèvent de la vérification des Nations Unies et l’exploitation des ressources et des leviers pour réaliser les objectifs.  Malgré les progrès partiels et les retards, nous avons, s’est réjoui M. Arnault, réussi mieux ensemble que si nous avions travaillé séparément.  M. Arnault a assuré qu’un accent particulier a été placé sur l’approche « genre » dans la réintégration des anciens combattants et les garanties de sécurité aux communautés. 

Depuis la publication du rapport du Secrétaire général, le 20 juillet, le nouveau Congrès colombien a été inauguré, avec des représentants du parti politique du FARC dont les procédures sont alignées avec le « Statut de l’opposition », un élément clef de la législation sur la paix adoptée plutôt cette année et qui offre un terrain de jeu équitable à la majorité et à l’opposition dans toutes les assemblées élues.  Ce Statut garantit, entre autres, la présence de l’opposition dans les organes des deux Chambres. 

Ce n’est pas le seul accomplissement de ce dernier mois, a poursuivi M. Arnault qui a salué le lancement de la Juridiction spéciale pour la paix.  Le temps le dira, a reconnu le Représentant spécial, mais la décision des officiers militaires d’accepter volontairement la compétence de la Juridiction montre que le processus de paix colombien pourrait trouver le bon équilibre entre les exigences de paix et celles de la justice, un équilibre qui, le plus souvent, reste une illusion dans les règlements négociés des conflits armés.  La communauté internationale doit donc maintenir son appui à la Juridiction, la Commission vérité et l’Unité spéciale de recherche des personnes disparues.

M. Arnault a également attiré l’attention sur le « Pacte dénonçant la violence à l’encontre des figures de la société civile » qu’ont signé, parmi d’autres, le Président Santos Calderón et le Président élu Duque.  C’est la première fois que la violence contre les leaders sociaux se heurte à une indignation aussi forte et c’est important.  Les principales mesures prévues par l’Accord de paix sur la sécurité des communautés ont commencé à être mises en œuvre, « même si leur impact à ce jour reste clairement insuffisant.  L’appui aux institutions contre la violence dans les territoires restera donc une priorité de la Mission, a affirmé M. Arnault.

Il faut espérer un consensus similaire autour de la question « centrale » de la consolidation de la paix, a-t-il poursuivi, ce qui passe par l’éradication de la pauvreté, de la violence et de l’économie illégale dont souffrent toujours les habitants des zones de conflit.  Les efforts concertés et bien financés des institutions publiques, menés en coopération avec les communautés concernées et leurs organisations, seront nécessaires pour restaurer l’état de droit, la sécurité et des opportunités productives légales dans ces zones qui ont longtemps été victimes de violence et de négligence de la part de l’État.

M. Arnault a reconnu les retards accusés dans la réinsertion dans anciens membres des FARC dans la vie civile.  Pour parachever la tache commencée par le Gouvernement sortant, il faudra du dévouement et des ressources, a prévenu le Représentant spécial.  Respecter les garanties offertes à ceux qui ont déposé les armes et entrepris une « transition difficile » vers la vie civile est « essentiel » pour la Colombie mais aussi pour que le pays devienne une source d’inspiration pour les parties à un conflit ailleurs dans le monde.

Le Représentant spécial a rendu hommage au Président Santos Calderón, aux dirigeants des FARC, aux institutions et à la société civile colombiennes qui ont généreusement coopéré avec la Mission, ces des deux dernières années.  Les nouvelles autorités, qui entrent en fonctions, peuvent compter sur l’appui de la Mission des Nations Unies alors qu’elles commencent le travail « difficile » de la consolidation de la paix et de la réconciliation. 

M. STEPHEN HICKEY (Royaume-Uni) a salué la tenue des élections législatives et présidentielle en Colombie, les plus inclusives organisées dans ce pays depuis des décennies.  La transition continue de surprendre tous les observateurs, mais les défis demeurent, a observé le représentant, qui a remercié le Président Santos Calderón d’avoir rejeté la polarisation et œuvré à l’unité du pays.  Le délégué s’est cependant dit préoccupé par la situation sécuritaire.  Aussi s’est-il félicité de l’engagement du Président Santos Calderón et du Président élu à assurer la sécurité des communautés locales et à recruter davantage de femmes dans les unités de protection.  Pour le représentant, le processus de paix en Colombie est une source d’espoir dans un monde infesté de crises.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) s’est aussi félicité des efforts redoublés dans la lutte contre les violences armées, saluant le « Pacte dénonçant la violence à l’encontre des figures de la société civile ».  Il a souligné l’importance de la participation des jeunes et des femmes dans la mise en œuvre de l’Accord, constatant que les dividendes de la paix sont déjà nombreux et concrets.  Il a pris note du fait qu’un groupe de chercheurs aurait découvert les vestiges de ce qui pourraient figurer parmi les peintures rupestres les plus riches et les plus anciennes du monde.  L’Accord de paix aura donc aussi permis de plonger dans l’histoire de la Colombie, s’est réjoui le représentant.

Pour M. MA ZHAOXU (Chine), le processus de paix en Colombie est un bon exemple du succès que peut engranger le Conseil de sécurité.  Il a salué les efforts du Président Santos Calderón, du Gouvernement colombien et de toutes les parties concernées qui ont participé au processus politique et de paix et s’est réjoui des progrès réalisés dans la réintégration des anciens combattants des FARC.  La mise en œuvre de l’Accord de paix est un projet de longue haleine qui nécessitera une approche systématique avec le soutien de toute la société colombienne, a souligné le représentant, avant d’insister sur l’importance du dialogue pour régler tout problème éventuel.  Il est également important, a-t-il ajouté, que le Conseil de sécurité reste saisi de ce dossier et qu’il continue d’accompagner la Colombie.  Il a espéré que la Mission de l’ONU pourra renforcer sa communication avec le nouveau Gouvernement et le parti FARC pour faire avancer le processus de paix.

M. DESIRE WULFRAN G. IPO (Côte d’Ivoire) a tout d’abord salué la volonté du Président élu, M. Ivan Duque, de mettre fin à la polarisation de la société colombienne.  Il s’est aussi félicité du lancement de la Juridiction spéciale pour la paix et a apprécié les efforts déployés par le Gouvernement colombien pour mettre en place les garanties légales nécessaires à la réintégration des ex-combattants des FARC.  Le représentant a jugé encourageante la comparution, le 29 juin 2018, devant la Commission vérité, du chef des FARC, M. Rodrigo Londono.

Il s’est toutefois inquiété des velléités de réviser certaines des dispositions capitales de l’Accord de paix.  Les dispositions visées, qui portent sur la procédure de justice, le foncier et le produit de substitution, constituent des domaines clefs de l’Accord dont la mise en œuvre est fortement recommandée afin de rétablir la confiance entre les différentes parties, a-t-il noté.  Il s’est aussi préoccupé de l’arrestation du leader des FARC, M. Hernandez-Solarte, des attaques contre les ex-combattants et des incertitudes sur les perspectives de l’Accord suite à l’alternance politique. 

Le délégué a exhorté les nouveaux dirigeants colombiens à poursuivre la mise en œuvre de l’Accord avec les FARC et à engager des négociations avec l’Armée de libération nationale (ELN), mais aussi à apporter des réponses idoines aux préoccupations économiques, sociales et sécuritaires, entre autres, afin de donner des chances de succès au processus de paix.  Il a estimé que les défis à relever doivent porter sur les questions de réintégration des anciens combattants, les garanties de sécurité pour les communautés, la lutte contre la violence dans les anciennes zones de conflit, les réponses adéquates à l’économie de la coca ainsi que les craintes des anciens combattants et les communautés qui se sentent exclus du processus de paix.  M. Ipo a encouragé le nouveau Gouvernement à assurer la protection des leaders communautaires et des défenseurs des droits de l’homme afin de parvenir à une vraie inclusion politique, sociale et économique.

M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a estimé que, depuis la signature de l’Accord de paix en 2016, le processus a été couronné de succès « comme aucun autre au monde ».  Il a salué la volonté politique du Président Santos Calderón et des FARC.  Après avoir souhaité plein succès au Président élu, le représentant a reconnu que la situation actuelle est assez complexe, marquée par l’assassinat de plusieurs ex-membres des FARC, des figures de la société civile et de défenseurs des droits de l’homme.  Il a parlé des incertitudes et de la peur qui hantent les anciens membres des FARC quant à leurs garanties politiques et juridiques, et aux mécanismes de justice transitionnelle prévus par l’Accord.  S’il a salué les modestes avancées dans la réintégration économique, force est de reconnaître, a-t-il dit, que plus d’un an après, la mise en œuvre du décret autorisant l’accès à la propriété terrienne des ex-membres des FARC organisés en coopérative a pris du retard.

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a déclaré que le travail de la Mission des Nations Unies est essentiel pour le processus de paix.  Mon pays, a-t-il dit, espère que le nouveau Gouvernement poursuivra l’élan impulsé par l’Accord de paix et consolidera les acquis en matière de sécurité.  Le succès de la mise en œuvre dépendra aussi de la lutte contre le trafic de stupéfiants, a ajouté le représentant, soulignant les efforts visant à réduire la production de coca et le soutien prêté par les États-Unis à cet égard.  Alors que subsistent des défis, le Gouvernement de la Colombie a démontré son leadership au niveau régional, a salué le représentant, citant, entre autres, l’accueil des Vénézuéliens qui fuient leur pays.

M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a voulu parler de trois points: la situation sécuritaire, la nécessité d’une réintégration inclusive des anciens membres des FARC et l’importance de la justice transitionnelle.  Le représentant s’est déclaré profondément préoccupé par le niveau élevé d’insécurité dans les zones les plus touchées par le conflit armé.  Le peuple colombien, les institutions de l’État et les partis politiques viennent d’exprimer leur rejet de la violence contre les leaders sociaux.  C’est un message fort.  Nous sommes aussi préoccupés, a poursuivi le représentant, par la violence contre les anciens combattants des FARC.  Leur sécurité est un élément central de l’Accord de paix et la base d’une paix durable.  Le Gouvernement du Président Santos Calderón a pris des initiatives pour contrer la violence, renforcer les mécanismes de prévention et de protection et traduire en justice les auteurs des violences.  Nous attendons avec impatience une approche globale de stabilisation qui affirme effectivement la présence de l’État dans les régions et les communautés les plus vulnérables, notamment par le biais de la sécurité, des infrastructures et l’installation d’écoles, de centres de santé et de tribunaux. 

Concernant la réintégration inclusive des anciens combattants, a ajouté le représentant, la promotion d’activités génératrices de revenus et la fourniture de services sociaux constituent un outil important pour s’attaquer aux causes profondes du conflit et, en fin de compte, promouvoir l’autosuffisance.  Nous encourageons le Gouvernement, les anciens combattants des FARC, le secteur privé et les autorités locales à élaborer ensemble une stratégie globale pour la pleine réintégration dans la société comme prévu dans l’Accord de paix.  Il est essentiel que les femmes et les jeunes soient entendus.  S’agissant enfin de la justice transitionnelle, a conclu le représentant, la responsabilité et la réconciliation sont les deux faces de la pièce « paix durable ».  C’est la raison pour laquelle les Pays-Bas soutiennent activement les institutions de justice transitionnelle ainsi que les organisations des victimes avec une contribution de 2,5 millions de dollars.  La justice transitionnelle offre l’occasion de répondre aux revendications du passé, de mettre les huit millions de victimes du conflit armé au centre des efforts de consolidation de la paix et de tourner la page.

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a rappelé le mandat de la Mission, avant de prendre note des développements positifs de cette année, à commencer par l’élection présidentielle, la mise en place de la Juridiction spéciale et l’entrée du parti FARC au nouveau Congrès national qui sont tout autant de signes d’une amélioration certaine, en dépit de certaines difficultés persistantes.  La Fédération de Russie, a dit le représentant, souhaite plein succès au Président élu Duque et à son gouvernement.  Elle souligne néanmoins l’importance de garder une présence onusienne dans le pays pour venir à bout des anciens différends, finir la tâche difficile de la réinsertion des anciens rebelles et assurer la justice transitionnelle.  Pour cela, a précisé le représentant, il faut une adhésion de tous à la paix, compte tenu des efforts qu’il a fallus faire pour la paix.  Le représentant a appelé la communauté internationale à ne pas cesser son appui à la Colombie dans cette phase de consolidation de la paix.  La Fédération de Russie, a-t-il conclu, se tient prête à aider le peuple et le Gouvernement colombiens à instaurer une paix durable.

Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie) a dit que l’élection présidentielle de mai et de juin et le scrutin législatif de mars 2018 ont envoyé un message positif à tous ceux qui suivent la mise en œuvre de l’Accord de paix.  Alors que les Colombiens ont continué à faire preuve de patience et de persévérance face aux défis du processus, ils doivent encore concrétiser tous les termes de l’Accord de paix.  Le Conseil de sécurité doit maintenir son appui.  Mme Guadey a appelé à une « grande prudence » pour éviter les conséquences imprévues.  Nous sommes également conscients des problèmes « sensibles » qui nécessitent encore une attention particulière, s’est-elle expliquée.  Elle a pris note du « Pacte dénonçant la violence à l’encontre des figures de la société civile » et exhorté le Gouvernement colombien et l’Armée nationale de libération à s’engager dans des discussions constructives et de bonne foi pour parvenir à un nouveau cessez-le-feu et à un accord de paix permanents. 

M. PAWEL RADOMSKI (Pologne) a déclaré que les élections présidentielle et législatives de mai dernier avaient été parmi les plus pacifiques et inclusives que la Colombie ait connues en 50 ans.  Une volonté politique soutenue sera nécessaire de la part des parties prenantes pour mettre en œuvre l’Accord de paix.  L’acceptation par le Congrès du règlement intérieur de la Juridiction spéciale pour la paix et les premières auditions publiques de cette Juridiction envoient des messages positifs, s’est réjoui le représentant qui a aussi salué l’investiture du nouveau Congrès, avec 10 représentants du parti politique des FARC.  Mais, préoccupé par les assassinats des militants de droits de l’homme et de 22 membres des FARC rien qu’au cours de la période à l’examen, il a dit placer beaucoup d’espoir dans le « Pacte dénonçant la violence à l’encontre des figures de la société civile ». 

M. ANTOINE IGNACE MICHON (France) a insisté sur trois points.  Avant toute chose, a dit le représentant, la France réitère ses félicitations aux autorités colombiennes pour l’organisation et le bon déroulement de l’élection présidentielle des 27 mai et 17 juin derniers.  Ce nouvel exercice démocratique confirme l’évolution de la vie politique colombienne vers un climat plus apaisé et vers une plus grande participation des citoyens colombiens au processus démocratique. 

M. Michon a encouragé les autorités élues à poursuivre la mise en œuvre de l’Accord de paix conclu avec les FARC, « dans toutes ses dimensions ».  Une attention particulière devra être apportée à la Juridiction spéciale pour la paix, qui représente la clef de voûte du système de vérité, justice, réparation et non répétition.  Il faudra aussi accorder une attention particulière à la certification des anciens membres de la guérilla et à l’amnistie des détenus, mais également à la recherche des dizaines de milliers de personnes portées disparues.  « Ces engagements de l’État colombien sont des engagements pour la paix pris devant la communauté internationale.  Il importe qu’ils soient pleinement honorés », a souligné M. Michon.

Il a ensuite parlé de la sécurité des femmes et des hommes mobilisés en faveur de la paix dans les zones affectées par le conflit.  Malgré l’engagement des autorités colombiennes à réduire le niveau de violence, la situation reste toujours préoccupante, a estimé le représentant qui a encouragé les efforts engagés et préconisé le déploiement des services de l’État qu’il s’agisse des forces de sécurité ou des institutions civiles dans les zones auparavant sous l’influence des FARC. 

Par ailleurs, la lutte contre l’impunité à l’égard des crimes commis dans le cadre du conflit, y compris les exécutions extrajudiciaires, est centrale.  Avant de terminer, le délégué a attiré l’attention sur un point central pour la réintégration et l’avenir du processus de paix: l’accès à la terre et aux sources de revenus.  Cette réintégration socioéconomique étroitement liée au déploiement des services de l’État dans les zones les plus vulnérables aux groupes armés illégaux, est la clef du succès durable du processus de paix, a-t-il insisté. 

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a espéré que la prochaine administration de la Colombie respectera et assurera la pleine mise en œuvre de l’Accord de paix et que le nouveau Congrès accélèrera les réformes politiques et rurales.  Il s’est félicité du lancement de la Juridiction spéciale pour la paix.  Mais le représentant s’est inquiété de la violence meurtrière contre les leaders sociaux, les militants communautaires et les défenseurs des droits de l’homme.  Il a espéré que les nouvelles mesures annoncées par le Président Santos Calderón permettent d’assurer la sécurité collective des groupes menacés.  La vulnérabilité des anciens combattants des FARC et de leurs familles est également une source d’inquiétude.  Le représentant a salué la poursuite des pourparlers entre le Gouvernement colombien et l’Armée de libération nationale et a espéré qu’un nouveau cessez-le-feu bilatéral pourra être conclu dans le cadre des consultations qui ont débuté le 2 juillet.  Il a appelé la prochaine administration colombienne à poursuivre les négociations à cette fin.

Mme AMPARO MELE COLIFA (Guinée équatoriale) a salué le bon déroulement du récent scrutin présidentiel en Colombie.  Elle a dit regretter que des affrontements se poursuivent dans le pays, en dépit des accords signés par les parties.  Elle a suggéré au nouveau Gouvernement de garantir les acquis et de poursuivre les efforts en faveur du processus de paix.  Elle a par exemple demandé que des mesures soient prises pour la réinsertion des anciens membres des FARC et exhorté le Gouvernement colombien à trouver un accord avec l’Armée de libération nationale (ELN).  Un gouvernement est le « principal garant de l’unité nationale », comme l’a rappelé le Président de la Guinée équatoriale, M. Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, au cours du dialogue national en Guinée équatoriale, a souligné la représentante. 

M. BADER ABDULLAH N. M. ALMUNAYEKH (Koweït) a réaffirmé son plein appui au processus de paix en Colombie, souhaitant que le prochain tour des négociations soit couronné de succès.  Il s’est félicité des efforts consentis par le Président Santos Calderón et les dirigeants des FARC qui ont placé l’intérêt collectif au-dessus des leurs.  Il a salué les progrès accomplis ces derniers mois pour sécuriser le pays, réintégrer les anciens membres des FARC et assurer le bon fonctionnement de la justice transitionnelle.  Le représentant a également jugé nécessaire d’accorder une attention accrue aux femmes et aux jeunes, qu’il a qualifiés de « garants de l’avenir ».

M. OLOF SKOOG (Suède) a salué le début des travaux de la Juridiction spéciale pour la paix mais s’est dit gravement préoccupé par l’augmentation du nombre de meurtres des défenseurs des droits de l’homme, de dirigeants communautaires et de membres des FARC.  Il faut, a-t-il dit, combler le vide du pouvoir.  Il s’est- félicité de la signature du « Pacte dénonçant la violence à l’encontre des figures de la société civile » et a insisté sur une pleine réintégration politique, juridique et socioéconomique des anciens membres des FARC-EP.  Lutter contre le trafic de drogue est également primordial pour faire avancer la paix, le développement et l’état de droit dans les anciennes zones de conflit.  Le représentant a encouragé les programmes de substitution volontaires.

M. ÓSCAR ADOLFO NARANJO TRUJILLO, Vice-Président de la Colombie, a demandé à ses compatriotes de « chérir la paix », car il faut tourner la page des 50 années de violence.  Telle a été la conviction du Président Juan Manuel Santos Calderón, a-t-il affirmé, tout en rejetant tout soupçon de calcul politique derrière cet engagement en faveur de la paix.  Pour lui, « chérir la paix » c’est mettre en œuvre l’Accord de paix.  À cet égard, il a salué la mutation des FARC qui sont passés de groupe défiant l’autorité de l’État à un parti politique, et plus récemment, à un groupe parlementaire représenté à l’Assemblée nationale au terme des élections législatives de mars dernier.  Il s’est félicité de voir que 13 000 anciens combattants sont désormais inscrits dans des programmes de réinsertion et que 12 000 d’entre eux reçoivent chaque mois l’équivalent de 90% du salaire minimum.

Le Vice-Président s’est enorgueilli du fait que son gouvernement laisse à ceux qui prendront le relais un document clair détaillant la feuille de route de la poursuite du processus de paix.  En 2017, a-t-il rappelé, la Colombie a connu son plus faible taux d’homicide depuis 42 ans, grâce à l’Accord de paix.  Le Vice-Président a néanmoins déploré la recrudescence des attaques contre les défenseurs des droits de l’homme et les membres de la société civile. 

Poursuivant sur la même lancée, M. Naranjo Trujillo a précisé que « Chérir la paix » signifie aussi que la Juridiction spéciale pour la paix puisse examiner les dossiers et prononcer des jugements contre ceux qui se seraient rendus coupables de crimes pendant le conflit.  La société colombienne devra avancer en « trouvant l’équilibre entre justice et réconciliation ».

Maintenant, il va falloir, a souligné le Vice-Président, asseoir la présence de l’État sur tout le territoire et cette présence ne doit plus avoir le visage d’un policier ou d’un militaire.  « Chérir la paix » c’est aussi reconnaître le rôle que la communauté internationale a joué.  Le Vice-Président a tenu à remercier solennellement le Conseil de sécurité. 

Il faut aussi surmonter la tragédie du trafic des drogues, a reconnu M. Naranjo Trujillo, en vantant le succès de la stratégie gouvernementale visant à introduire des cultures de substitution.  « Cent vingt-quatre mille familles ont dit vouloir abandonner la culture des substances illicites », a-t-il salué, tout en déplorant que les organisations de la criminalité transnationale organisée entendent perpétuer leurs affaires.

Enfin, « chérir la paix » c’est tirer les leçons du processus colombien qui peut être une source d’inspiration pour d’autres nations qui veulent tourner la page au conflit, a estimé le Vice-Président de Colombie, avant d’assurer que le nouveau Gouvernement entend préserver l’Accord de paix.

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