8312e séance – matin
CS/13425

Le Représentant spécial du Secrétaire général appelle à l’unité du Conseil de sécurité pour sauver la Libye du « déclin »

La Libye est un pays est en déclin et le statu quo n’est plus tenable, a prévenu, par visioconférence, le Représentant spécial du Secrétaire général.  M. Ghassan Salamé a déclaré au Conseil de sécurité que la crise du Croissant pétrolier n’a été que l’aperçu de ce qui pourrait advenir si des progrès tangibles ne sont enregistrés.  « Les Libyens s’impatientent », s’est-il alarmé, en conseillant aux membres du Conseil de se montrer unis.  « Si un seul État seulement décidait de faire cavalier seul, je peux affirmer que le processus politique ne mènera nulle part », a-t-il mis en garde.  Le Conseil, a-t-il insisté, doit exercer des pressions sur les dirigeants libyens pour qu’ils adoptent, sans plus tarder, la loi sur le référendum constitutionnel et la loi électorale.

Les premiers mois de l’année, a rappelé le Représentant spécial, la Libye a joui d’une certaine quiétude grâce à l’accalmie des actions militaires.  Les Nations Unies y ont contribué, en relançant le processus politique, avec la présentation du Plan d’action pour la Libye.  Capitalisant sur ce nouvel environnement, les Nations Unies ont offert une plateforme pour des accords de réconciliation et organisé, ce faisant, des réunions sur les questions les plus épineuses comme la propriété foncière ou encore le sort des populations déplacées. 

Les Nations Unies ont appuyé la tenue des élections locales dans la ville de Zawia le 12 mai dernier alors que l’inscription des électeurs va bon train dans les villes de Bani Walid et de Dirge.  Une dizaine d’autres villes devraient également tenir des élections municipales d’ici à la fin de l’année. 

Le Représentant spécial a donné une autre nouvelle importante, celle du retour de l’ONU dans le pays, à Tripoli et à Benghazi.  Nous avons aussi, a-t-il ajouté « avec fierté », achevé la phase consultative du processus de la Conférence nationale dont la date et le lieu restent à déterminer.  Ces progrès politiques sont liés à l’absence d’opérations militaires mais ces deux derniers mois, les confrontations et la violence ont repris, dont les évènements du Croissant pétrolier qui ont fait perdre à la Libye quelque 900 millions de dollars et exacerbé les divisions entre les institutions et les régions. 

Le 11 juillet, s’est réjoui le Représentant spécial, le contrôle des ressources pétrolières a été restitué à la « National Oil Corporation » et la production a repris.  Mais, a-t-il prévenu, ces évènements ont mis en lumière les questions sous-jacentes « dont je n’ai cessé de parler », dont les frustrations liées à la mauvaise redistribution des richesses et le pillage « endémique » des ressources du pays.  Si ces questions ne sont pas résolues, a prévenu le Représentant spécial, la production de pétrole cessera et le processus politique sera menacé.  La Mission de l’ONU va donc redoubler d’efforts pour pousser les réformes économiques dont dépendent la stabilité et l’unité du pays.  Cette crise a toutefois eu un effet positif, a indiqué M. Salamé: les différentes autorités reconnaissent désormais la nécessité de protéger les richesses du pays. 

Les Libyens, a-t-il poursuivi, attendent avec impatience de pouvoir enfin se débarrasser de leur « patchwork » d’institutions.  En 2014, 600 000 d’entre eux s’étaient rendus aux urnes alors que pour les prochaines élections, 1 million d’électeurs sont déjà inscrits.  Mais, a-t-il alerté, ceux qui soutiennent le statu quo ont les moyens de compromettre les élections.  Sans les bonnes conditions, a-t-il mis en garde, il serait inopportun d’organiser les élections.  Sans un message « fort et clair » à ces individus, les conditions ne seront pas réunies. 

S’il a salué la reprise des discussions à la Chambre des représentants, les 25 et 26 juin, sur la législation nécessaire à la tenue d’un référendum sur le projet de constitution, M. Salamé a estimé que cela ne suffit pas, étant donné que de nombreux députés ne sont pas vraiment pressés de participer aux débats ni de voter une loi électorale viable.  Or, les Libyens s’impatientent, a averti le Représentant spécial qui a confié que le Président de la Chambre lui a promis de faire voter la loi sur le référendum dans les deux prochaines semaines et immédiatement après, la loi électorale.  M. Salamé a demandé au Conseil de sécurité de presser le Président de la Chambre d’assumer ses responsabilités « historiques », dans les temps.  Un cadre constitutionnel est nécessaire pour tenir des élections et sortir de la phase de transition. 

C’est justement à cause de la « complexité » de la question, a-t-il insisté, que la communauté internationale doit faire preuve d’unité.  Si un seul État seulement décidait de faire cavalier seul, « je peux affirmer que ce processus ne mènera nulle part », a-t-il mis en garde.  Donnant les détails des préparatifs techniques, il s’est réjoui qu’hier le Gouvernement d’entente nationale ait approuvé une enveloppe de 66 millions de dinars libyens pour financer les élections.

En dépit des sanctions imposées par le Conseil de sécurité à six chefs de réseaux de la traite des personnes, l’impunité règne toujours en Libye, a aussi alerté le Représentant spécial qui a réitéré son appel à toutes les parties au conflit pour qu’elles respectent le droit international humanitaire et qu’elles assurent la protection des civils.  Il a également mis l’accent sur la situation des personnes déplacées en Libye, « insoutenable à la fois du point de vue politique et du point de vue financier », compte tenu du manque de ressources pour leur venir en aide.  La Libye doit de toute urgence améliorer ses services publics et les Nations Unies l’y aident.  La situation des migrants et des demandeurs d’asile est toujours déplorable, l’ONU n’ayant pas accès à de nombreux centres de détention non officiels.

En Libye, le statu quo n’est pas tenable, a tranché le Représentant spécial.  Le pays est, en fait, en déclin et la crise du Croissant pétrolier a donné un aperçu de ce qui pourrait advenir si des progrès tangibles ne sont pas enregistrés: l’effondrement de l’économie, l’interruption des services publics et les explosions plus fréquentes et plus intenses de la violence.  Face à un pays où les terroristes rôdent, où les criminels s’enrichissent du trafic des migrants, où les mercenaires étrangers augmentent en nombre où l’industrie pétrolière est en jeu, nous devrions tous nous inquiéter.  L’appui « uni » du Conseil de sécurité, des États impliqués en Libye et des organisations régionales est « crucial », a conclu le Représentant spécial.

Il faut des « mesures fermes » contre tous ceux qui œuvrent contre les intérêts des Libyens, a acquiescé le représentant de la Libye, M. Elmajerbi qui a dénoncé les « ingérences extérieures », prévenant les États responsables que la stabilité de la Libye est directement liée à la leur.  Les parties libyennes doivent adopter des mesures de rétablissement de la confiance, a conseillé le représentant du Kazakhstan, M. Umarov, impatient de voir la constitution et la loi électorale adoptées, et la commission électorale mise sur pied.  Son homologue de la Bolivie, M. Inchauste Jordán s’est montré tout aussi impatient, appelant les Libyens, en particulier les femmes, à participer massivement aux futures élections. 

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